LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon le jugement attaqué rendu en dernier ressort sur renvoi après cassation (soc, 10 octobre 2007, pourvoi n° 06-42.264), qu'un jugement du 3 mars 2006 a débouté Mme X... et onze salariés de leur demande en paiement d'un complément de prime d'ancienneté, de prime d'assiduité et de treizième mois fondée sur l'intégration, dans la base de calcul, de l'indemnité de chômage partiel à la charge de l'Etat ; que, sur pourvoi des salariés, la Cour de cassation a cassé cette décision mais seulement en ce qu'elle les avait déboutés de leur demande en paiement d'un complément de prime d'ancienneté ; que le conseil de prud'hommes de renvoi a condamné l'employeur à payer aux salariés diverses sommes au titre d'un complément de prime d'ancienneté, de prime d'assiduité et de treizième mois ;
Sur le premier moyen :
Vu l'article 624 du code de procédure civile ;
Attendu que la censure qui s'attache à un arrêt de cassation est limitée à la portée du moyen qui constitue la base de la cassation, sauf le cas d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire ;
Attendu qu'en condamnant l'employeur à payer aux salariés diverses sommes au titre d'un complément de prime d'ancienneté, de prime d'assiduité et de treizième mois, alors que le chef du dispositif du jugement du 3 mars 2006 les déboutant de leur demande au titre de la prime d'assiduité et du treizième mois n'avait pas été attaqué et que la cassation prononcée ne concernait que la demande au titre de la prime d'ancienneté, le conseil de prud'hommes a violé le texte susvisé ;
Et sur le second moyen :
Vu l'article 1315 du code civil ;
Attendu que ce n'est que lorsque le calcul de la rémunération dépend d'éléments détenus par l'employeur, que celui-ci est tenu de les produire en vue d'une discussion contradictoire ;
Attendu que, pour condamner l'employeur à payer aux salariés diverses sommes au titre notamment d'un complément de prime d'ancienneté, le conseil de prud'hommes, après avoir relevé que celui-ci n'avait pas fourni les éléments nécessaires au calcul, retient qu'il y a lieu, en conséquence, de mettre en oeuvre la règle des deux tiers/un tiers qui pouvait, selon les salariés, s'appliquer ;
Qu'en statuant ainsi, alors, d'une part, que l'employeur est tenu, en application des dispositions de l'article R. 5122-15 du code du travail, de remettre aux salariés concernés, lors du paiement des allocations spécifiques de chômage partiel, un document indiquant le nombre d'heures indemnisées, les taux appliqués et les sommes versées au titre de la période de chômage partiel et qu'il n'est pas allégué qu'il ait failli à cette obligation, et, d'autre part, qu'en application de l'article 4 de l'annexe ouvriers de la convention collective des industries du camping du 13 janvier 1970, la prime d'ancienneté est calculée en majorant la rémunération réelle d'un taux variant selon le temps de présence dans l'entreprise, ce dont il se déduisait que les salariés disposaient des éléments de calcul à l'appui de leur demande, le conseil de prud'hommes, qui a renversé la charge de la preuve, a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, le jugement rendu le 2 octobre 2008, entre les parties, par le conseil de prud'hommes de Laval ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit jugement et, pour être fait droit, les renvoie devant le conseil de prud'hommes d'Angers ;
Laisse à chacune des parties la charge de ses propres dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit septembre deux mille dix.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Vier, Barthélemy et Matuchansky, avocat aux Conseils pour la société Trigano Mdc
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Le moyen reproche au jugement attaqué D'AVOIR condamné un employeur (la société Trigano MDC) à payer à douze de ses salariés diverses sommes à titre de rappels de salaires sur primes d'assiduité et de treizième mois du fait de périodes de chômage partiel et au titre des congés payés y afférents ;
AUX MOTIFS QUE les salariés concernés avaient travaillé au sein de la société Trigano MDC, anciennement Raclet ; qu'à la suite d'une période de chômage partiel au sein de la société Trigano MDC, ils avaient sais le conseil de prud'hommes du Mans, en avril 2005, en vue de contester l'impact des périodes de chômage partiel sur les primes d'ancienneté, d'assiduité et de treizième mois versées au titre de 2004 ; que par jugement en date du 3 mars 206, le conseil de prud'hommes du Mans les avait déboutés de leurs demandes ; que suite au pourvoi formé par les demandeurs, la Cour de cassation, par arrêt du 10 octobre 2007, avait cassé partiellement le jugement du conseil de prud'hommes du Mans en ce qu'il avait débouté les salariés de leur demande en paiement de compléments de prime d'ancienneté ; que les parties avait été renvoyées devant le conseil de prud'hommes de Laval (jugement, p. 3) ;
ALORS QUE la cassation d'un arrêt est limitée à la portée du moyen qui lui a servi de base et laisse subsister, comme passées en force de chose jugée, toutes les parties de la décision qui n'ont pas été attaquées par le pourvoi ; que l'arrêt de cassation rendu en l'espèce n'a cassé que partiellement le jugement du premier conseil de prud'hommes, en ses seules dispositions relatives au calcul du rappel de salaire dû au titre de la prime d'ancienneté ; qu'en condamnant néanmoins l'employeur à payer diverses sommes à titre de rappel de salaire sur prime d'ancienneté, mais également sur les primes d'assiduité et de treizième mois, le conseil de prud'hommes, statuant sur renvoi de cassation, a violé les articles 624 du code de procédure civile et 1351 du code civil.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Le moyen reproche au jugement attaqué D'AVOIR condamné un employeur (la société Trigano MDC) à payer à douze de ses salariés diverses sommes à titre de rappels de salaires sur prime d'ancienneté, d'assiduité et de treizième mois du fait de périodes de chômage partiel et au titre des congés payés y afférents ;
AUX MOTIFS QUE l'entreprise n'avait pas fourni les éléments nécessaires au calcul des primes d'ancienneté, d'assiduité et de treizième mois ; que la Cour de cassation, dans son arrêt du 10 octobre 2007, avait précisé que les indemnités de chômage partiel devaient être incluses dans les indemnités servant au calcul de la prime d'ancienneté, du treizième mois et de la prime d'assiduité ; qu'en l'absence de base de calcul fournie par l'entreprise, le salarié, au cours des plaidoiries, avait estimé que la règle des deux tiers / un tiers pouvait être appliquée pour calculer le montant du rappel de salaire ; qu'il y avait lieu de retenir ce mode de calcul (jugement, p. 6) ;
ALORS, D'UNE PART, QU'en l'état de demandes des salariés en paiement de rappels de compléments de primes, fondées sur l'intégration, dans la base de calcul de ces primes, de l'indemnité de chômage partiel à la charge de l'Etat, indemnité dont chaque salarié intéressé avait été directement bénéficiaire et avait donc connaissance pour ce qui le concernait, sans nécessité de consulter des éléments détenus par le seul employeur, la preuve des sommes prétendument dues incombait aux salariés, de sorte qu'en se fondant, pour faire droit aux demandes, sur l'absence de base de calcul fournie par l'employeur, le conseil de prud'hommes a interverti la charge de la preuve et violé l'article 1315 du code civil ;
ALORS, D'AUTRE PART, QU'en se bornant à une référence purement abstraite à une prétendue règle de calcul « des deux tiers / un tiers », invoquée par les salariés lors des débats mais non autrement exposée en son mode de fonctionnement ni en ses applications chiffrées pour chacune des primes concernées et pour chaque salarié intéressé, le conseil de prud'hommes a privé sa décision de toute motivation effective et violé l'article 455 du code de procédure civile.