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21/09/2010 | FRANCE | N°09-68604

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 21 septembre 2010, 09-68604


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que le 7 août 2003, la société BNP Paribas (la BNP) a consenti à la société RIB (la société) un prêt de 200 000 euros garanti par une hypothèque conventionnelle de premier rang sur les locaux d'exploitation appartenant à la société ; que les 2 décembre 2003 et 20 juillet 2004, la société a été mise en redressement puis liquidation judiciaires, la SCP X... étant désignée liquidateur ; que le juge-commissaire a ordonné la cession de l'ensemble immobilier moyennant

le prix de 110 000 euros et a admis la créance de la BNP à concurrence de 196...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que le 7 août 2003, la société BNP Paribas (la BNP) a consenti à la société RIB (la société) un prêt de 200 000 euros garanti par une hypothèque conventionnelle de premier rang sur les locaux d'exploitation appartenant à la société ; que les 2 décembre 2003 et 20 juillet 2004, la société a été mise en redressement puis liquidation judiciaires, la SCP X... étant désignée liquidateur ; que le juge-commissaire a ordonné la cession de l'ensemble immobilier moyennant le prix de 110 000 euros et a admis la créance de la BNP à concurrence de 196 862, 17 euros à titre privilégié ; que par ordonnance du 9 juillet 2007, le juge-commissaire a dit que la BNP était classée en troisième position devant les sommes avancées par les AGS classées en quatrième position et ordonné le versement par le liquidateur à la BNP de la somme de 29 675, 55 euros à titre provisionnel ; que l'ordonnance a été frappée d'un recours qui a été rejeté par le tribunal ; que le liquidateur a déposé l'état de collocation du prix de vente de l'ensemble immobilier aux termes duquel la BNP ne venait pas en rang utile et ne pouvait percevoir de fonds ; que la BNP a contesté cet état ;

Sur le premier moyen :

Attendu que la BNP fait grief à l'arrêt d'avoir dit que l'ordonnance du juge-commissaire autorisant le paiement provisionnel des créances n'était pas revêtue de l'autorité de la chose jugée ni le jugement " d'appel " de cette ordonnance, alors, selon le moyen, que l'ordonnance du 9 juillet 2007, confirmée en appel par jugement du 3 décembre 2007 rendu sur appel de l'ordonnance du 9 juillet 2007, ne s'était pas limitée à accorder une provision à la BNP, le tribunal ayant dans son dispositif statué sur la question du rang des créanciers et particulièrement celui de la BNP, jugeant que la BNP est classée en troisième position devant les sommes avancées par les AGS classées en quatrième position ; que ce chef du dispositif, définitif, qui avait tranché une partie du principal, avait en conséquence l'autorité de la chose jugée ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a viol " les articles 480 du code de procédure civile et 1351 du code civil ;

Mais attendu que la cour d'appel a exactement retenu que la décision rendue en application de l'article L. 622-24 du code de commerce dans sa rédaction antérieure à la loi du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises par laquelle le juge-commissaire ordonne le paiement à titre provisionnel d'une quote-part d'une créance définitivement admise dont le montant est fixé en fonction de l'existence, du montant et du rang des autres créances, dues ou susceptibles d'être dues, est une mesure provisoire qui n'a pas, au principal, l'autorité de la chose jugée ; que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le second moyen, pris en sa première branche :

Vu l'article L. 621-32, II et III, du code de commerce dans sa rédaction antérieure à la loi du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises ;

Attendu qu'il résulte de ce texte qu'en cas de liquidation judiciaire, les créances nées régulièrement après le jugement d'ouverture sont payées par priorité à toutes les autres créances à l'exception de celles qui sont garanties par le super-privilège des salaires, des frais de justice antérieurs au jugement d'ouverture et de celles qui sont garanties par des sûretés immobilières ou mobilières spéciales et que les frais de justice postérieurs au jugement d'ouverture, notamment la rémunération des mandataires de justice, sont réglés dans l'ordre prévu pour les créances nées régulièrement après le jugement d'ouverture ;

Attendu que pour fixer l'ordre des créanciers conformément à l'état de collocation dressé par le liquidateur déposé le 23 octobre 2007 soit : premier rang : créance super-privilégiée des salariés : 80 824, 45 euros, deuxième rang : frais de justice, troisième rang : privilège des salaires : 99 557, 90 euros, quatrième rang : créance de la BNP : 196 862, 17 euros, l'arrêt retient qu'il résulte des articles 2375 et 2376 du code civil que le privilège général sur les immeubles prime les privilèges spéciaux tels que les garanties hypothécaires, que l'article L. 621-32 du code de commerce dans sa rédaction antérieure à la loi du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises ne règle pas l'ordre entre les créanciers garantis par un privilège général sur les immeubles et les créanciers hypothécaires pour lesquels le droit commun doit s'appliquer et que les privilèges portant sur la totalité de l'actif dont celui des frais de justice passent avant les sûretés inscrites sur l'immeuble chaque fois qu'il n'y a pas de mobilier suffisant ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors que la créance hypothécaire de la BNP primait les frais de justice postérieurs au jugement d'ouverture, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Et sur la seconde branche du moyen :

Vu l'article L. 621-32, II et III, du code de commerce dans sa rédaction antérieure à la loi du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises ;

Attendu qu'il résulte de ce texte qu'en cas de liquidation judiciaire, les créances nées régulièrement après le jugement d'ouverture sont payées par priorité à toutes les autres créances à l'exception de celles qui sont garanties par le super-privilège des salaires, des frais de justice antérieurs au jugement d'ouverture et de celles qui sont garanties par des sûretés immobilières ou mobilières spéciales et que les créances de salaires postérieures au jugement d'ouverture sont réglées dans l'ordre prévu pour les créances nées régulièrement après le jugement d'ouverture ;

Attendu que pour statuer comme il fait, l'arrêt retient qu'il résulte des articles 2375 et 2376 du code civil que le privilège général sur les immeubles prime les privilèges spéciaux tels que les garanties hypothécaires, que l'article L. 621-32 du code de commerce dans sa rédaction antérieure à la loi du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises ne règle pas l'ordre entre les créanciers garantis par un privilège général sur les immeubles et les créanciers hypothécaires pour lesquels le droit commun doit s'appliquer et que les privilèges portant sur la totalité de l'actif dont celui des salariés passent avant les sûretés inscrites sur l'immeuble chaque fois qu'il n'y a pas de mobilier suffisant ;

Attendu qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher comme elle y était invitée, si les créances de salaires qui ne bénéficiaient pas du super-privilège étaient postérieures au jugement d'ouverture et si, dans ce cas, elles n'étaient pas primées par la créance hypothécaire de la BNP, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il a dit que l'ordonnance du juge-commissaire autorisant le paiement provisionnel des créances n'était pas revêtue de l'autorité de la chose jugée et que le jugement d'appel de telles ordonnances n'était pas revêtu de l'autorité de la chose jugée, l'arrêt rendu le 8 juin 2009, entre les parties, par la cour d'appel de Reims ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens ;

Condamne la SCP X..., ès qualités, aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un septembre deux mille dix.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Defrenois et Levis, avocat aux Conseils, pour la société BNP Paribas

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué, confirmatif de ce chef, d'AVOIR dit que l'ordonnance du juge-commissaire autorisant le paiement provisionnel des créances n'était pas revêtue de l'autorité de la chose jugée et dit que le jugement d'appel de telles ordonnances n'était pas revêtu de l'autorité de la chose jugée ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE l'objet de la saisine initiale du juge-commissaire, saisi sur le fondement de l'article L. 622-24 ancien du code de commerce, est une demande provisionnelle relevant de sa compétence ; que par des motifs pertinents que la cour adopte, les premiers juges ont retenu à bon droit que la décision du juge-commissaire du 9 juillet 2007, accordant un paiement à titre provisionnel d'une quote-part d'une créance définitivement admise sur le fondement de l'article L. 622-24 ancien du code de commerce, présentait un caractère provisoire excluant en elle-même toute autorité de la chose jugée qui s'attache à la décision arrêtant l'état de collocation en cas de contestation ; que le jugement du tribunal de commerce rendu le 3 décembre 2007 en appel, n'a pas modifié la nature de la décision, objet du recours, qui n'a accordé qu'une provision ;

ALORS QUE l'ordonnance du 9 juillet 2007, confirmé en appel par jugement du 3 décembre 2007, rendu sur appel de l'ordonnance du 9 juillet 2007, ne s'était pas limité à accorder une provision à BNP Paribas, le tribunal ayant, dans son dispositif, statué sur la question du rang des créanciers et particulièrement sur celui de BNP Paribas, jugeant que « la BNP est classée en troisième position devant les sommes avancées par les AGS classées en quatrième position » ; que ce chef du dispositif, définitif, qui avait tranché une partie du principal, avait en conséquence l'autorité de la chose jugée ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les articles 480 du code de procédure civile et 1351 du code civil.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué, infirmatif de ce chef, d'AVOIR fixé l'ordre des créanciers conformément à l'état de collocation dressé par la SCP X... ès qualités soit premier rang : créances super privilégiées des salariés : 80. 824, 45 €, deuxième rang : frais de justice, troisième rang : privilège des salaires : 99. 557, 90 €, quatrième rang : créance de la société BNP Paribas : 196. 862, 17 € ;

AUX MOTIFS QUE l'article 2324 du code civil dispose que le privilège est un droit que la qualité de la créance donne à un créancier d'être préféré aux autres créanciers, même hypothécaires ; que l'article 2104 du code civil devenu l'article 2375 relatif aux sûretés énumère l'ordre des créances disposant d'un privilège général sur les immeubles soit : 1 / les frais de justice 2 / sans préjudice de l'application éventuelle des dispositions des articles L. 143-10, L. 143-11, L. 742-6 et L. 715-15 du code du travail, … les rémunérations pour les six derniers mois de salaire … l'indemnité de fin de contrat … l'indemnité de précarité d'emploi … etc., que l'article 2015 (lire 2105) devenu l'article 2376 du code civil dispose que « lorsqu'à défaut de mobilier, les créanciers privilégiés énoncés à l'article précédent se présentent pour être payés sur le prix d'un immeuble en concurrence avec les autres créanciers privilégiés sur l'immeuble ils priment ces derniers et exercent leurs droits dans l'ordre indiqué audit article » ; qu'il résulte de ces deux articles que le privilège général sur les immeubles prime les privilèges spéciaux tels que les garanties hypothèses ; que l'article L. 621-32 du code de commerce instauré par la loi du 10 juin 1994 traite de l'ordre de paiement entre les créanciers dont les créances sont nées après le jugement d'ouverture et les créanciers antérieurs ; que le paragraphe 3 de cet article, appliqué par les premiers juges, énumère un ordre spécifique de règlement de créances, applicable aux seules créances nées postérieurement au jugement d'ouverture et entre elles ; que le paragraphe 2 de l'article précité, pour sa part, dispose qu'en cas de liquidation judiciaire, les créances postérieures sont payées par priorité à toutes les autres créances à l'exception de celles qui sont garanties par le privilège établi aux articles L. 143-10, L. 143-11, L. 742-6 et L. 751-15 du code du travail (super privilégiées), des frais de justice et de celles qui sont garanties par des sûretés immobilières ou mobilières spéciales assorties d'un droit de rétention ou constituées en application des articles 5 du titre II du Livre V code de commerce, c'est-à-dire les nantissements de l'outillage et du matériel d'équipement ; que l'expression « spéciales assorties d'un droit de rétention » doit s'entendre comme s'appliquant qu'aux seules sûretés mobilières ; qu'au surplus les derniers termes de l'article « ou constituées en application du chapitre 5 du titre II du livre V » (les nantissements de l'outillage et du matériel d'équipement) qui viennent immédiatement à la suite de « spéciales assorties d'un droit de rétention » ne peuvent là encore concerner que des sûretés mobilières ; que toutes les sûretés immobilières sans distinction priment donc les créances postérieures ; que le paragraphe 2 de l'article L. 621-32 du code de commerce ne saurait être considéré comme une liste exhaustive et ne règle pas l'ordre entre les créanciers garantis par un privilège général sur les immeubles et les créanciers hypothécaires ou les créanciers désignés à l'article 2374 du code civil garantis par un privilège immobilier spécial pour lesquels le droit commun des articles 2175 et 2176 doit s'appliquer ; qu'ainsi, les privilèges portant sur la totalité de l'actif (celui des frais de justice des salariés) passent avant les sûretés inscrites sur l'immeuble qu'il s'agisse des privilèges spéciaux, de l'hypothèque, chaque fois qu'il n'y a pas de mobilier suffisant ; que le prix de vente de l'immeuble à répartir se chiffrant à 110. 000 € est insuffisant pour régler l'ensemble des créanciers ; qu'au vu des éléments produits et des dispositions légales, l'ordre des créanciers doit être fixé tel que figurant dans l'état de collocation dressé par Me Isabelle Y... et déposé au greffe du tribunal de commerce de Troyes le 23 octobre 2007 soit premier rang : créances super privilégiées des salariés : 80. 824, 45 €, deuxième rang : frais de justice, troisième rang : privilège des salaires : 99. 557, 90 €, quatrième rang : créance de la société BNP Paribas : 196. 862, 17 € ;

1 / ALORS QUE la créance des frais de justice des mandataires judiciaires était en l'espèce une créance postérieure au jugement d'ouverture laquelle, dans le cadre de la liquidation judiciaire, était primée par la créance hypothécaire de BNP Paribas née antérieurement au jugement d'ouverture ;
qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé l'article L. 621-32, dans sa rédaction antérieure à la loi du 26 juillet 2005, applicable à la cause ;

2 / ALORS QU'il était acquis aux débats que la créance « privilège des salaires » d'un montant de 99. 557, 90 € était une créance pour l'essentiel postérieure, provenant de licenciements prononcés après le jugement d'ouverture ; que ces créances postérieures étaient, dans le cadre de la liquidation judiciaire, primées par la créance hypothécaire de BNP Paribas, née antérieurement au jugement d'ouverture ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé, l'article L. 621-32, dans sa rédaction antérieure à la loi du 26 juillet 2005, applicable à la cause.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 09-68604
Date de la décision : 21/09/2010
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

ENTREPRISE EN DIFFICULTE (loi du 25 janvier 1985) - Redressement judiciaire - Période d'observation - Gestion - Créance née après le jugement d'ouverture - Priorité - Salaires - Ordre de paiement en cas de liquidation judiciaire

Il résulte de l'article L. 621-32, II et III, du code de commerce dans sa rédaction antérieure à la loi du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises qu'en cas de liquidation judiciaire, les créances de salaires postérieures au jugement d'ouverture sont réglées dans l'ordre prévu pour les créances nées régulièrement après le jugement d'ouverture. Il s'ensuit que doit être cassé l'arrêt d'une cour d'appel qui, fixant l'ordre des créanciers dans la répartition du prix de vente d'un immeuble, fait primer les créances de salaires privilégiées sur la créance hypothécaire sans rechercher comme elle y était invitée, si les créances de salaires qui ne bénéficiaient pas du super-privilège étaient postérieures au jugement d'ouverture et si, dans ce cas, elles n'étaient pas primées par la créance hypothécaire


Références :

Sur le numéro 1 : article L. 622-24 du code de commerce dans sa rédaction antérieure à la loi du 26 juillet 2005
Sur le numéro 2 : article L. 621-32, II et III, du code de commerce dans sa rédaction antérieure à la loi du 26 juillet 2005

Décision attaquée : Cour d'appel de Reims, 08 juin 2009


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 21 sep. 2010, pourvoi n°09-68604, Bull. civ. 2010, IV, n° 139
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2010, IV, n° 139

Composition du Tribunal
Président : Mme Favre
Rapporteur ?: Mme Bélaval
Avocat(s) : SCP Defrenois et Levis, SCP Ortscheidt, SCP Piwnica et Molinié

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2010:09.68604
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