LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Met hors de cause, sur sa demande, la société MMA IARD, en sa qualité d'assureur de la société Acom agencement ;
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu l'article 1149 du code civil ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, le 24 février 2005, un incendie a causé d'important dommages aux locaux dans lesquels la société Okara exploite un fonds de commerce de restaurant ; que la cour d'appel a déclaré responsables in solidum du sinistre la société Acom agencement, à laquelle la société Okara avait confié l'aménagement des lieux, la société Lacheray, qui avait fourni et posé le conduit d'extraction des fumées, et la société Technitherm, chargée de l'entretien de ce conduit, et les a condamnées, in solidum avec la SMABTP , en sa qualité d'assureur des sociétés Acom agencement et Lacheray, et la société MMA IARD, en sa qualité d'assureur de la société Technitherm, à payer à la MACIF, en sa qualité de subrogée dans les droits de la société Okara, une certaine somme ;
Attendu que pour rejeter la demande d'indemnité complémentaire pour perte d'exploitation subie au delà de la période de douze mois indemnisée par son assureur, formée par la société Okara contre la société Acom agencement, la société Lacheray et la société Techniterm et leurs assureurs, l'arrêt relève qu'à compter de la deuxième réunion d'expertise sur les lieux, le 16 décembre 2005, la société Okara était autorisée à effectuer des travaux de réfection, que pourtant ceux-ci n'ont été réalisés qu'à compter du mois d'octobre 2006 pour faire l'objet d'une réception le 28 mai 2007 ; qu'il retient que la société prétend justifier ce retard par ses difficultés de trésorerie non sérieusement contestables, et par la nécessité de recourir à un emprunt de 150 000 euros le 7 août 2006 pour financer les travaux, que la réalisation des travaux a duré environ six mois, que le défaut de trésorerie suffisante n'est pas imputable aux responsables du sinistre et ne pourrait être reproché qu'à la MACIF à laquelle la société Okara fait grief de son indemnisation tardive sans toutefois en tirer la moindre conséquence juridique puisqu'elle ne forme aucune demande à l'encontre de son assureur au titre de son préjudice complémentaire ; qu'il en déduit que la société Okara, qui ne caractérise pas la faute des sociétés Acom agencement, Lacheray et Technitherm en relation de causalité directe avec l'aggravation de son préjudice pour pertes d'exploitation au-delà du délai d'un an dont elle se prévaut doit être déboutée de ses demandes d'expertise et de provision ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que la faute des sociétés Acom agencement, Lacheray et Technitherm était à l'origine du sinistre, et que ces dernières devaient donc réparer tout le préjudice en résultant pour la société Okara, sans pouvoir lui opposer les clauses du contrat la liant à son assureur, ni le retard de ce dernier dans le versement des indemnités, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a rejeté la demande de la société Okara tendant à se voir indemniser de ses pertes d'exploitation au-délà du délai d'un an, l'arrêt rendu le 15 juin 2009, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée ;
Condamne les sociétés Acom agencement, Lacheray, Technitherm, la SMABTP et la société MMA IARD aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne premièrement les sociétés SMABTP, Lacheray et Acom agencement à payer à la société Okara la somme globale de 2 000 euros, deuxièmement, la société Mutuelles du Mans IARD à payer à la société Okara la somme de 1 000 euros, troisièmement la société Technitherm à payer à la société Okara la somme de 1 000 euros et rejette les autres demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze septembre deux mille dix.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils pour la société Okara.
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté la Sté OKARA de sa demande d'indemnité complémentaire pour perte d'exploitation subie au-delà de la période de douze mois indemnisée par son assureur, la MACIF, demande formée contre la Sté ACOM AGENCEMENT, la Sté LACHERAY et la Sté TECHNITHERM et leurs assureurs respectifs,
AUX MOTIFS QUE sur la demande d'expertise et la demande de provision de la Sté OKARA, celle-ci ayant été indemnisée par la MACIF à hauteur de 310 618 € dont 140 570 € en réparation de ses dommages matériels et 170 048 € au titre de ses pertes d'exploitation durant douze mois, elle soutient avoir subi des pertes d'exploitation postérieurement à la période jusqu'à laquelle elle a été indemnisée, soit celle ayant pris fin au mois de février 2006 inclus, dont elle demande réparation, faisant valoir que la durée des travaux a dépassé douze mois et qu'elle n'a été en mesure de procéder à la réouverture de son établissement qu'au mois de septembre 2007, soit plus de 30 mois après la survenance du sinistre ; qu'elle sollicite une expertise afin d'évaluer le préjudice complémentaire dont elle se prévaut et dans l'attente de son issue, l'allocation d'une provision de 200 000 €, demande qu'elle forme exclusivement à l'encontre des responsables et de leurs assureurs ; que la Sté OKARA critique le jugement en ce qu'il a rejeté ses demandes au motif que le retard dans sa reprise d'exploitation ne serait dû qu'à propre carence à faire exécuter les travaux alors qu'elle avait perçu les indemnisations destinées à les financer ; que la Sté OKARA fait valoir que le retard de réalisation des travaux ne lui serait pas imputable mais résulterait de la mise en oeuvre des procédures d'expertise sollicitées par son assureur, du retard avec lequel elle aurait été indemnisée, en plusieurs versements, sur une période courant jusqu'au 6 avril 2007, de sorte que les premières indemnités versées soit les sommes de 90 000 € le 17 avril 2005 et de 95 000 € le 1er novembre 2005, ne lui auraient pas permis de financer les travaux alors qu'elle devait en même temps assumer le paiement des charges courantes ; que la demande de la Sté OKARA porte sur les pertes d'exploitation non couvertes par la garantie contractuelle de son assureur ; que les sommes versées par la MACIF ne correspondent en effet, selon ce que mentionne la quittance subrogative qu'à l'indemnisation des pertes d'exploitation sur douze mois de sorte que la Sté OKARA est recevable en ses demandes de réparation pour la période postérieure au mois de février 2006 ; qu'au fond, quand bien même l'expertise judiciaire ordonnée à la demande de la MACIF a figé le litige, il résulte du rapport de l'expert qu'à compter de la 2ème réunion d'expertise sur les lieux soit du 16 décembre 2005, la Sté OKARA était autorisée à effectuer des travaux de réfection ; que pourtant ceux-ci n'ont été réalisés qu'à compter du mois d'octobre 2006 pour faire l'objet d'une réception le 28 mai 2007 ; que la Sté OKARA prétend justifier ce retard par ses difficultés de trésorerie non sérieusement contestables, et par la nécessité de recourir à un emprunt de 150 000 € le 7 août 2006 pour financer les travaux ; que la réalisation des travaux a duré environ six mois ; que le défaut de trésorerie suffisante pour y faire face n'est pas imputable aux responsables du sinistre ; qu'il ne pourrait être reproché qu'à la MACIF à laquelle la Sté OKARA fait grief de son indemnisation tardive sans toutefois en tirer la moindre conséquence juridique puisqu'elle ne forme aucune demande à l'encontre de son assureur au titre de son préjudice complémentaire ; que dans ces conditions, la Sté OKARA qui ne caractérise pas la faute des sociétés ACOM AGENCEMENT, LACHERAY et TECHNITHERM en relation de causalité directe avec l'aggravation de son préjudice pour pertes d'exploitation au-delà du délai d'un an dont elle se prévaut doit être déboutée de ses demandes d'expertise et de provision ;
1 ) ALORS QUE les dommages intérêts dus par l'auteur d'une faute contractuelle sont de la perte éprouvée et du gain manqué, le contractant devant recevoir une indemnisation appropriée, sans réaliser profit ou perte ; que dans le cas où les fautes commises par les entreprises chargées de l'aménagement d'un établissement et de la maintenance de son installation de cuisine ont entraîné un incendie qui a détruit l'établissement et imposé sa fermeture, ces fautes sont en relation directe avec la perte d'exploitation subie par le commerçant pendant toute la durée de la fermeture, y compris lorsque la réalisation de travaux nécessaires à la réouverture a été différée du fait du maintien des charges fixes dues par l'établissement et du défaut de recettes, le paiement des charges ayant absorbé les indemnités versées par l'assureur de la victime ; qu'en énonçant que la Sté OKARA, victime d'un incendie affectant son établissement de restaurant, ne caractérisait pas la faute des entreprises, faute qu'elle avait pourtant retenue comme ayant généré le sinistre, la cour d'appel qui a rejeté la demande d'indemnisation de l'entière perte d'exploitation subie par la Sté OKARA formée contre les entreprises responsables de l'incendie a, en statuant ainsi, violé l'article 1149 du code civil ;
2 ) ALORS QUE dans ses conclusions, la Sté OKARA a exposé les conditions de l'indemnisation de la victime d'un sinistre, le temps d'usage adopté par les assureurs pour évaluer le dommage puis pour le réparer puis elle a demandé que les entreprises dont la responsabilité avait été judiciairement constatée soient condamnées, en conséquence, à réparer la perte d'exploitation non indemnisée par son assureur ; qu'en retenant que le retard d'indemnisation de l'assureur de la Sté OKARA n'était pas imputable aux entreprises responsables du sinistre pour rejeter la demande d'indemnisation formée par la Sté OKARA, la cour d'appel qui n'a pas déduit de la responsabilité des entreprises qu'elle retenait que celles-ci devaient réparer l'entier préjudice subi par la victime, sans qu'elles puissent se prévaloir de l'indemnisation opérée par l'assureur de la victime ni se défausser sur son assureur de la totale réparation du préjudice subi par elle a, en statuant ainsi, violé l'article 1149 du code civil.