LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Control European Partners Asia Manufacturing (la société CEPAM) a été mise en redressement judiciaire, le 10 octobre 2005, avant de faire l'objet d'un plan de redressement, le 18 septembre 2006, M.
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étant désigné commissaire à l'exécution du plan ; que, le 27 juillet 2006, M.
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, ès qualités, notifiait à l'Eurl Luna (la société Luna), agent commercial de la société CEPAM en vertu d'un contrat du 24 mai 2005, qu'il n'entendait pas poursuivre son contrat, en lui indiquant que cette décision était fondée à la fois sur l'option offerte par l'article L. 621-28 ancien du code de commerce et sur les fautes graves commises par Mme
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, son gérant, dans l'exécution du contrat ; que sur assignation de la société Luna, par jugement du 30 mars 2007 (RG n° 06 / 01642), le tribunal a déclaré recevable sa demande tendant à la fixation de créances, avant de suspendre l'instance tendant à voir fixer ses indemnités jusqu'à leur déclaration au passif du redressement judiciaire de la société CEPAM, et a prononcé la résiliation du contrat d'agent commercial liant les parties ; que postérieurement, la société Luna a déclaré sa créance le 4 avril 2007 et appelé en la cause Mme
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en qualité de représentant des créanciers ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la société CEPAM, M.
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et Mme
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, ès qualités, font grief à l'arrêt d'avoir déclaré recevable la demande de la société Luna tendant à obtenir le prononcé de la résiliation du contrat d'agent commercial liant les parties et la fixation de différentes créances d'indemnités, alors, selon le moyen :
1° / que, tenu de respecter le principe de la contradiction en toute circonstance, le juge a le devoir d'inviter les parties à présenter leurs observations préalablement au relevé d'office de tout moyen de droit ; qu'en relevant d'office, pour déclarer recevable l'action de l'Eurl Luna, que " la fixation de la créance par la juridiction statuant au fond " paraissait " possible conformément à l'article 70 du décret du 27 décembre 1985, alors que plus de deux années après l'homologation du plan de redressement, le juge-commissaire n'est plus en fonction ", sans inviter les parties à s'expliquer sur un tel moyen, la cour d'appel a méconnu le principe du contradictoire et violé l'article 16 du code de procédure civile ;
2° / qu'aux termes de l'article 70 du décret du 27 décembre 1985, " lorsque le juge commissaire n'est plus en fonctions, le tribunal statue selon le cas sur l'inopposabilité ou sur le relevé de forclusion et fixe le montant de la créance admise " ; qu'en énonçant, pour affirmer sa compétence et déclarer la société Luna recevable en son action, que la fixation de la créance par la juridiction statuant au fond était " possible conformément à l'article 70 du décret du 27 décembre 1985, alors que plus de deux années après l'homologation du plan de redressement, le juge-commissaire n'est plus en fonction ", bien qu'elle n'ait été saisie d'aucune action en relevé ou en inopposabilité de forclusion, la cour d'appel a violé, par fausse application, les dispositions de l'article 70 du décret susvisé ;
Mais attendu que la société CEPAM ayant fait valoir dans ses conclusions que le tribunal ne pouvait statuer à la place du juge-commissaire dans le cadre de la fixation d'une créance, lorsque ce dernier n'était plus en fonction, la cour d'appel, qui n'avait pas à inviter préalablement les parties à présenter leurs observations dès lors que le moyen tiré de l'application de l'article 70 du décret du 27 décembre 1985 était dans le débat, a exactement décidé, faisant application de ce texte, que la juridiction statuant au fond pouvait fixer le montant de la créance de la société Luna ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen, pris en sa première branche :
Vu l'article 4 du code de procédure civile ;
Attendu que pour confirmer le prononcé de la résiliation du contrat d'agent commercial liant les parties et statuer par voie d'évocation sur la liquidation des indemnités reconnues à l'agent commercial en fixant, respectivement à 45 135, 25 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et à 399 330 euros au titre de l'indemnité de cessation de contrat, le montant de la créance de la société Luna au passif chirographaire de la société CEPAM, l'arrêt retient que la possibilité d'évoquer sur la demande présentée par l'agent commercial en vue de la liquidation des indemnités en ce cas n'est pas contestée par la société CEPAM et par ses mandataires judiciaires ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que, dans ses conclusions, la société CEPAM demandait à la cour d'appel le rejet de la demande d'évocation présentée par la société Luna au titre de l'indemnité de compensatrice de préavis et de l'indemnité de cessation du contrat soutenant que le tribunal n'avait aucunement statué sur la fixation des créances au-delà du principe et qu'il n'y avait pas de motif légitime de lui faire perdre le bénéfice du double degré de juridiction à ce titre, la cour d'appel a dénaturé les conclusions dont elle était saisie et violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il reçoit l'appel de la société CEPAM et de M.
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, ès qualités, contre le jugement du 30 mars 2007 (RG n° 06 / 01642) du tribunal de grande instance de Strasbourg et l'intervention de Mme
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, ès qualités, l'arrêt (RG n° 07 / 02066) rendu le 14 mai 2009, entre les parties, par la cour d'appel de Colmar ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Metz ;
Condamne la société Luna aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du six juillet deux mille dix.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
.Moyens produits par la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, avocat aux Conseils, pour la société CEPAM, M.
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, ès qualités et Mme
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PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré recevable la demande de l'EURL Luna tendant à obtenir le prononcé de la résiliation du contrat d'agent commercial liant les parties et la fixation de différentes créances d'indemnités ;
Aux motifs propres que « les pièces versées aux débats montrent que Mme Véronique
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, qui a exercé ensuite sous la raison de l'EURL LUNA, a reçu un mandat d'agent commercial de la société CEPAM pour commercialiser ses produits dans la région parisienne par contrat du 29 avril 1996 ; que la société CEPAM a été placée en redressement judiciaire le 10 octobre 2005 et qu'elle a bénéficié d'un plan de redressement par voie de continuation homologué le 18 septembre 2006 ; que le 27 juillet 2006, Maître
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et M.
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, responsable de la société CEPAM, ont rompu le mandat d'agent commercial de l'EURL LUNA, en invoquant l'article L. 621-28 du Code de commerce, ainsi que les fautes graves de l'agent, accusé de ne pas avoir remis de rapport d'activité, d'avoir obtenu des résultats très dégradés et d'avoir prospecté pour le compte d'un concurrent, la société Exotic Home ; qu'en suite de cette révocation, dont elle contestait les motifs, l'EURL LUNA a pris l'initiative d'une curieuse procédure en paiement, par acte du 26 octobre 2006 ; qu'après l'intervention du jugement de première instance, l'EURL LUNA a déclaré le 4 avril 2007 entre les mains de Maître
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une créance d'un montant de 585. 586, 25 euros ; que la Cour estime que cette procédure quelque peu insolite doit cependant pouvoir être admise sur la base de l'article L. 621-28 ancien du Code de commerce et des articles 61-1 et 66 alinéa 2 du décret du 27 décembre 1985 ; qu'il est possible d'admettre que la décision de résiliation fasse partir le délai supplémentaire d'un mois prévu par l'article 66 alinéa 3 ; qu'il semble que cette décision de résiliation ait dû plutôt être prise par le juge commissaire, mais que les mandataires de la société CEPAM n'émettent pas réellement d'objection à ce titre ; que le représentant des créanciers n'était pas partie nécessaire à l'instance en constatation de la résiliation et qu'en tout état de cause, celui-ci intervient volontairement en appel, en sorte que la situation se trouve régularisée en tant que de besoin ; qu'il est un peu curieux que sa présence en cause d'appel soit contestée alors qu'il intervient volontairement ; qu'enfin, la fixation de la créance par la juridiction statuant au fond paraît possible conformément à l'article 70 du décret du 27 décembre 1985, alors que plus de deux années après l'homologation du plan de redressement, le juge commissaire n'est plus en fonction » ;
Et aux motifs éventuellement adoptés des premiers juges que « en application de l'ancien article L. 621-28 alinéa 5 du Code de commerce tel que rédigé au jour de l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire de la SAS CEPAM, il apparaît qu'en l'absence de mise en demeure par le contractant, la renonciation de l'administrateur à la poursuite du contrat n'entraîne pas la résiliation de plein droit dudit contrat à l'initiative de l'administrateur, mais confère au seul cocontractant le droit de faire prononcer ladite résiliation en justice, une telle demande ne relevant pas des attributions du juge-commissaire ; qu'en cas de prononcé de la résiliation par la juridiction qui statue sur le sort du contrat, le contractant bénéficie d'un délai supplémentaire d'un mois pour déclarer la créance résultant de la résiliation, délai courant à compter de la date de notification prononçant la résiliation, et ce, en application de l'article 66 alinéa 2 du 1er décret du 27. 12. 1985 ; que s'il y a déclaration de créance, cela signifie nécessairement que celle-ci sera comprise dans le plan élaboré en matière de redressement judiciaire et qu'elle ne fait pas partie des créances prioritaires de l'article L. 631-32 pour lesquelles le Tribunal pourrait prononcer une condamnation à paiement, l'article 66 du décret précité assimilant d'ailleurs la créance résultant du prononcé d'un jugement de résiliation aux indemnités et pénalités dues en cas de résiliation d'un contrat régulièrement poursuivi après le redressement judiciaire, qui ne bénéficient pas de la priorité de paiement instaurée par l'article L. 621-32 du Code de commerce ; qu'en l'espèce, et en l'absence de mise en demeure préalable de l'administrateur judiciaire, Maître
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, par l'EURL LUNA, le Tribunal de Ceans doit se prononcer sur la résiliation judiciaire du contrat d'agent commercial, et si celle-ci devait intervenir aux torts de la société CEPAM, il ne pourra statuer, pour fixer la créance de son cocontractant, qu'après déclaration de la créance dans le délai d'un mois sus-décrit et après mise en cause du représentant des créanciers ; que tant que ces deux formalités n'auront pas été accomplies l'instance sera suspendue ; que la demande est donc recevable en tant qu'elle tend à voir le Tribunal se prononcer sur la résiliation du contrat, et irrecevable en tant qu'elle tend à obtenir la condamnation en paiement des indemnités sus-décrites ; que la fixation de ces créances sera effectuée après déclaration de créances et mise en cause du représentant des créanciers » ;
Alors, d'une part, que tenu de respecter le principe de la contradiction en toute circonstance, le juge a le devoir d'inviter les parties à présenter leurs observations préalablement au relevé d'office de tout moyen de droit ; qu'en relevant d'office, pour déclarer recevable l'action de l'EURL LUNA, que « la fixation de la créance par la juridiction statuant au fond » paraissait « possible conformément à l'article 70 du décret du 27 décembre 1985, alors que plus de deux années après l'homologation du plan de redressement, le juge commissaire n'est plus en fonction », sans inviter les parties à s'expliquer sur un tel moyen, la Cour d'appel a méconnu le principe du contradictoire et violé l'article 16 du Code de procédure civile ;
Alors, d'autre part, et en toute hypothèse, qu'aux termes de l'article 70 du décret du 27 décembre 1985, « lorsque le juge commissaire n'est plus en fonctions, le Tribunal statue selon le cas sur l'inopposabilité ou sur le relevé de forclusion et fixe le montant de la créance admise » ; qu'en énonçant, pour affirmer sa compétence et déclarer la société Marie Pierre recevable en son action, que la fixation de la créance par la juridiction statuant au fond était « possible conformément à l'article 70 du décret du 27 décembre 1985, alors que plus de deux années après l'homologation du plan de redressement, le juge commissaire n'est plus en fonction », bien qu'elle n'ait été saisie d'aucune action en relevé ou en inopposabilité de forclusion, la Cour d'appel a violé, par fausse application, les dispositions de l'article 70 du décret susvisé.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir, en suite du prononcé de la résiliation du contrat d'agent commercial liant les parties, et en statuant par voie d'évocation de la liquidation des indemnités reconnues à l'agent commercial, fixé au profit de l'EURL LUNA au passif chirographaire de la société CEPAM une créance de 77. 135, 36 euros au titre de l'indemnité de préavis et de 469. 351 euros au titre de l'indemnité de rupture ;
Aux motifs que « en statuant sur la demande présentée par l'agent commercial en vue de la liquidation des indemnités, la Cour souligne que la possibilité d'évoquer en ce cas n'est pas contestée par la société CEPAM et par ses mandataires judiciaires, et qu'il paraît effectivement de l'intérêt bien compris des parties de mettre un terme à cette procédure coûteuse, dont l'objet essentiel était de déterminer si l'agent avait commis une faute susceptible de le priver de ses indemnités de résiliation ; que la société CEPAM avait sollicité une mesure d'instruction et qu'une jurisprudence admet effectivement la possibilité d'évocation en cas de rejet d'une demande de mesure d'instruction ; que l'indemnité de préavis est due en suite de l'option de l'administrateur pour la non-continuation du contrat en cours ; qu'il s'agit donc d'une indemnité due en cas résiliation d'un contrat régulièrement poursuivi exclu de la priorité de paiement instituée par l'article L. 621-32 ancien du Code de commerce conformément au 3) de cette disposition ; que par suite l'indemnité de préavis ne peut donner lieu qu'à la fixation d'une créance, tout comme l'indemnité de cessation de contrat ; que les trois mois de préavis doivent être calculés sur la base de la moyenne mensuelle de l'année 2005, dans la mesure où les chiffres du début de l'année 2006 sont contestés et ne paraissent pas établis avec certitude à l'heure actuelle ; que sur la base de la moyenne de l'année 2005, l'indemnité de préavis doit être effectivement liquidée à la somme de 45. 135, 25 euros toutes taxes comprises ; que sur la base du chiffre de l'année 2004 et de ceux de l'année 2005, l'indemnité de rupture doit être calculée sur la base habituelle de deux années de commissions, soit en l'espèce 399. 330 euros » ;
Alors, d'une part, qu'aux termes leurs conclusions d'appel (cf. : Conclusions complémentaires et récapitulatives du 22 janvier 2009, p. 17, § III à V), la société CEPAM, M. Clause
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, ès qualité, et Mme Fabienne
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, ès qualité, avaient expressément sollicité le rejet de la demande d'évocation de la liquidation des indemnités présentée par l'EURL LUNA, en soulignant que le Tribunal n'avait aucunement statué sur la fixation des créances litigieuses et qu'aucun motif légitime n'existait de leur faire perdre le bénéfice du double degré de juridiction ; qu'en affirmant, nonobstant le moyen clair et précis qui lui était soumis, que « la possibilité d'évoquer sur la demande présentée par l'agent commercial en vue de la liquidation des indemnités en ce cas n'est pas contestée par la société CEPAM et par ses mandataires judiciaires », la Cour d'appel a dénaturé les conclusions dont elle était saisie et méconnu les termes du litige, violant ainsi l'article 4 du Code de procédure civile ;
Alors, d'autre part, qu'il résulte de l'article 568 du Code de procédure civile qu'une cour d'appel ne peut statuer, par voie d'évocation, sur des points non soumis aux premiers juges que « lorsqu'elle est saisie d'un jugement qui a ordonné une mesure d'instruction ou d'un jugement qui, statuant sur une exception de procédure, a mis fin à l'instance » ; qu'en décidant de liquider, par voie d'évocation, la créance d'indemnités de l'EURL LUNA, bien qu'elle n'ait été saisie de l'appel ni d'un jugement ayant ordonné une mesure d'instruction, ni d'un jugement qui, statuant sur une exception de procédure, avait mis fin à l'instance, ni d'une quelconque décision de sursis entrant dans le champ d'application de l'article 380 du Code de procédure civile, la Cour d'appel a violé les dispositions du texte susvisé, ensemble l'article 568 du Code de procédure civile ;
Alors, subsidiairement, et en toute hypothèse, qu'en se bornant à énoncer, pour accueillir la demande d'évocation de la liquidation des créances présentée par l'EURL LUNA, que « la société CEPAM avait sollicité une mesure d'instruction et qu'une jurisprudence admet effectivement la possibilité d'évocation en cas de rejet d'une demande de mesure d'instruction », sans s'expliquer sur les motifs de cette jurisprudence et sur les circonstances qui, en l'espèce, en justifiaient la mise en oeuvre, la Cour d'appel n'a pas donné de base légale à son arrêt au regard de l'article 568 du Code de procédure civile.
Le greffier de chambre