LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que les sociétés New Wave, First Day et les Eaux de Goyave (les sociétés) ont conclu le 30 décembre 1996 avec la Banque populaire de la Côte d'Azur (la banque) des contrats de location avec option d'achat, d'une durée de cinq ans portant sur des vedettes conçues et construites par la société Multicap Caraïbes (la société Multicap) ; qu'elles ont bénéficié du dispositif d'incitations fiscales à l'investissement réalisé dans les départements d'outre mer au profit des activités de tourisme et de nautisme, en application de l'article 238 Bis HA du code général des impôts alors en vigueur ; qu'elles ont confié la gestion et l'exploitation de ces navires par mandat de gestion des 30 décembre 1996 et 17 janvier 1997 à des "opérateurs outre mer", qui se sont engagés à leur racheter les navires à 40 % de leur prix de vente à l'issue des mandats ; que ces mandats de gestion comportaient une clause compromissoire prévoyant la constitution d'un tribunal arbitral pour statuer sur toute contestation qui s'élèverait sur leur exécution ; que, par des protocoles d'accord conclus les 29 janvier et 13 mars 1997 entre les opérateurs outre-mer et la société Multicap, celle-ci s'est engagée à racheter aux sociétés les navires cinq ans après leur livraison ; que, soutenant que la société Multicap n'avait pas respecté cet engagement, et que la banque ne leur avait pas restitué la "TVA non perçue récupérable" dont elle avait profité, et avait indument perçu de la TVA sur les loyers facturés à la société First Day, les sociétés ont assigné la banque et la société Multicap devant le tribunal de commerce en paiement de diverses sommes ;
Sur le premier moyen :
Attendu que les sociétés font grief à l'arrêt de les avoir renvoyées à mieux se pourvoir relativement à leur demande visant à l'exécution par la société Multicap d'une obligation contractuelle de rachat des navires, alors, selon le moyen, que les mandats de gestion comportant les clauses compromissoires ne concernaient pas la société Multicap Caraïbes mais les entreprises gestionnaires des navires en cause et que l'engagement de cette dernière était donc exclusif de toute compétence d'un tribunal arbitral ; que dès lors en statuant comme elle l'a fait la cour d'appel a procédé d'une dénaturation des pièces du dossier et violé les articles 96, alinéa 1, et 1458 alinéa 2 du code de procédure civile et l'article 1134 du code civil ;
Mais attendu que l'arrêt relève que les sociétés soutiennent que la société Multicap a manqué vis à vis d'elles à son obligation de rachat des navires contenue dans les mandats de gestion et les protocoles d'accord ; qu'il retient que, par les mandats, les opérateurs outre-mer se sont engagés à racheter aux sociétés les navires à 40 % de leur prix de vente, "cet achat étant garanti par le chantier naval, la société Multicap Caraïbes, en vertu d'un acte séparé dont copie est jointe aux présentes", les sociétés s'engageant à informer la société Multicap de leur intention, et que, par les protocoles d'accords, la société Multicap s'est engagée irrévocablement vis-à-vis des opérateurs outre mer à racheter aux sociétés les navires cinq ans après la livraison ; qu'il ajoute que les sociétés ne soutiennent pas que la convention d'arbitrage contenue dans les mandats est manifestement nulle ; qu'en l'état de ces constatations, dont il résulte que la clause d'arbitrage n'était pas manifestement nulle ou inapplicable, la cour d'appel a renvoyé à bon droit les parties à mieux se pourvoir ; que le moyen n'est pas fondé ;
Et sur le troisième moyen :
Attendu que les sociétés First Day, New Wave et les Eaux de Goyave font grief à l'arrêt de les avoir déboutées de leur demande en restitution de la TVA non perçue récupérable, alors, selon le moyen, qu'à partir du moment où il est établi et reconnu par les juges du fond que la SA BPCA a bien obtenu le remboursement de ces TVA non perçues récupérables, qui constituent une subvention devant revenir à l'investisseur, il appartenait au crédit-bailleur de la reverser à son destinataire final, de sorte qu'en statuant encore comme elle l'a fait, la cour d'appel a procédé d'une violation de l'article 1142 du code civil et des articles 295-1-2° et 295-1-5° du code général des impôts ;
Mais attendu qu'ayant constaté que les sociétés avaient acquis les navires à l'expiration des contrats de location avec option d'achat d'une durée de cinq années, moyennant le paiement de la somme prévue au contrat, et qu'elles avaient bénéficié de la base de déduction d'impôts définie par la législation fiscale alors en vigueur, constituée par le montant total de leurs investissements productifs, la cour d'appel a pu décider que la demande en restitution formée à l'égard de leur cocontractant n'était pas fondée ;
Et attendu que le deuxième moyen ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne les sociétés New Wave, First Day et les Eaux de Goyave aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf juin deux mille dix.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Peignot et Garreau, avocat aux Conseils pour les sociétés First Day, New Wave et les Eaux de Goyave.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir renvoyé les SNC NEW WAVE, FIRST DAY et LES EAUX DE GOYAVE à mieux se pourvoir relativement à leur demande visant à l'exécution par la SARL MULTICAP CARAÏBES d'une obligation contractuelle de rachat des navires
AUX MOTIFS QUE par les mandats de gestion des 30 décembre 1996 et 17 janvier 1997, les « opérateurs outre-mer» (Monsieur
X...
et la Compagnie des Bateaux Verts) s'étaient engagés à racheter aux S.N.C. les navires à 40 % de leur prix de vente à l'issue des mandats de gestion d'une durée identique à celle des contrats de location avec option d'achat, (soit cinq années), «cet achat étant garanti par le chantier naval, la SARL. Multicap caraïbes en vertu d'un acte séparé dont copie est jointe aux présentes»; que les S.N.C. s'étaient engagées à informer, outre l'« opérateur outre-mer », et dans les mêmes conditions (six mois par avance et par lettre recommandée avec avis de réception), la S.A.R.L. Multicap Caraïbes de son « intention de rachat des bateaux»; que les mandats de gestion comportaient une clause compromissoire prévoyant la constitution d'un tribunal arbitral rendant une sentence non susceptible d'appel pour statuer sur «toute contestation qui s'élèverait pour l'exécution des présentes » entre la S.N.C. mandante et l'exploitant mandataire ; les trois SNC qui fondent leur action sur l'inexécution par la SARL MULTICAP CARAÏBES de son engagement contractuel de racheter les navires et qui se prévalent de documents contractuels (les seuls qui visent un rachat à hauteur de 40% du prix de vente étant les mandats de gestion), ne peuvent échapper à l'effet de la clause compromissoire insérée dans lesdits mandats ; que les mandats de gestion non signés par la SARL MULTICAP CARAÏBES comportent néanmoins l'engagement de chacune des SNC d'informer, dans un certain délai et selon certaines modalités (qui semble-t-il n'ont pas respectées), la SARL MULTICAP CARAÏBES de « son intention de rachat du bateau » ; que toute contestation susceptible de s'élever pour l'exécution des mandats de gestion avait été soumise à un tribunal arbitral ; qu'il convient donc de renvoyer les SNC à mieux se pourvoir en ce qui concerne leur demande formée contre la SARL MULTICAP CARAÏBES et fondée sur l'inexécution par cette dernière de ses engagements de rachat des navires;
ALORS QUE les mandats de gestion comportant les clauses compromissoires ne concernaient pas la SARL MULTICAP CARAÏBES mais les entreprises gestionnaires des navires en cause et que l'engagement de cette dernière était donc exclusif de toute compétence d'un tribunal arbitral ; que dès lors en statuant comme elle l'a fait la Cour d'Appel a procédé d'une dénaturation des pièces du dossier et violer les articles 96 alinéa 1 et 1458 al. 2 du code de procédure civile et l'article 1134 du code civil.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir refusé de faire droit à la demande de la SNC FIRST DAY visant à obtenir de la SA BPCA le reversement et la répétition des TVA sur les loyers du crédit-bail portant sur le navire « Le Jonaël » versés de 1996 à 2001, et facturées mensuellement, alors que l'opération était exonérée de TVA selon l'article 262-II-2 du code général des impôts (CGI),
AUX MOTIFS QU' il ne peut être reproché à la SA BPCA un défaut de conseil pour avoir omis d'informer le locataire du navire de cette exonération fiscale, qu'il appartenait au gérant des trois SNC, la société SDEE, de demander aux services fiscaux le bénéfice de l'exonération de la TVA, d'informer la banque de l'obtention d'un régime fiscal particulier et dérogatoire, et de signaler à la banque qu'elle entendait bénéficier de l'exonération de TVA sur les loyers du crédit-bailleur ;
ALORS QUE seul le redevable légal de la TVA, à savoir en l'espèce le crédit-bailleur, est en droit d'appliquer, ou non, cette taxe aux opérations qu'il effectue et que le client du prestataire assujetti n'a strictement aucune possibilité de demander aux services fiscaux le bénéfice d'une exonération, de sorte qu'en statuant comme elle l'a fait, la Cour d'Appel a violé l'article 1142 du code civil et l‘article 283 du Code Général des Impôts.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir débouté les trois SNC requérantes de leur demande en restitution dirigée à la fois contre la SA BPCA et la SARL MULTICAP CARAÏBES, de la TVA « non perçue récupérable » dont bénéficiaient les achats des trois navires en cause
AUX MOTIFS QUE le bénéficiaire désigné de la récupération de la TVA non perçue à l'occasion de la vente en 1996 des trois navires de plaisance apparaît être le crédit-bailleur, en l'espèce la SA BPCA qui a acquis de la SARL MULTICAP CARAÏBES trois navires de plaisance et ne les a cédés aux SNC qu'à l'expiration des contrats de location avec option d'achat d‘une durée de cinq années, que la SA BPCA avait vocation à obtenir le remboursement de la TVA « fictive » qu'elle n'a pas acquittée sur le prix d'achat des navires, que la SA BPCA a pu obtenir le remboursement de cette TVA et qu'il s'ensuit que les trois SNC qui ne pouvaient prétendre à la récupération de la TVA non perçue sur la vente à la SA BPCA des navires exonérés de cette taxe et qui ont bénéficié de la base de déduction d'impôts telle que définie par la législation fiscale alors en vigueur, ne peuvent solliciter de la SA BPCA la « restitution » de la TVA non perçue récupérable,
ALORS QUE, à partir du moment où il est établi et reconnu par les juges du fond que la SA BPCA a bien obtenu le remboursement de ces TVA non perçues récupérables, qui constituent une subvention devant revenir à l'investisseur, il appartenait au crédit-bailleur de la reverser à son destinataire final, de sorte qu'en statuant encore comme elle l'a fait, la Cour d'Appel a procédé d'une violation de l'article 1142 du code civil et des articles 295-1-2° et 295-1-5° du CGI.