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23/06/2010 | FRANCE | N°08-70446

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 23 juin 2010, 08-70446


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur les deux moyens réunis :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Colmar, 30 octobre 2008), qu'engagé en qualité de chargé d'affaires le 1er janvier 1994 par la société Cial, aux droits de laquelle se trouve la société Cic Est, M. X... a, le 26 mai 2005, pris acte de la rupture de son contrat de travail en invoquant la modification de celui-ci ; que le salarié a saisi la juridiction prud'homale ;
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer au salarié des sommes à titre de dommag

es et intérêts et d'indemnité de licenciement, alors, selon le moyen :
1°/ ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur les deux moyens réunis :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Colmar, 30 octobre 2008), qu'engagé en qualité de chargé d'affaires le 1er janvier 1994 par la société Cial, aux droits de laquelle se trouve la société Cic Est, M. X... a, le 26 mai 2005, pris acte de la rupture de son contrat de travail en invoquant la modification de celui-ci ; que le salarié a saisi la juridiction prud'homale ;
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer au salarié des sommes à titre de dommages et intérêts et d'indemnité de licenciement, alors, selon le moyen :
1°/ que le retrait des fonctions accessoires ne peut être regardé comme une modification du contrat de travail ; qu'ainsi, la cour d'appel, en considérant que le contrat de travail de M. X..., qui en sa qualité de chargé d'affaires exerçait à titre principal des fonctions commerciales d'apports à la banque de contrats de crédit-bail et de montage financier de l'opération, avait été modifié dès lors qu'il ne s'occupait plus de l'élaboration et de la signature des actes juridiques et de la gestion des événements postérieurs, tâches qui revêtent un caractère accessoire, a violé les articles L.. 1231-1 et L. 1233-3 du code du travail ;
2°/ que, subsidiairement, en cas de refus par un salarié d'accepter une modification de son contrat de travail, motivée par des considérations économiques, le juge doit rechercher si la nécessité pour l'employeur de procéder à la modification est justifiée ; qu'ainsi, la cour d'appel, qui tout en considérant que la rupture du contrat de travail doit produire les effets d'un licenciement économique dès lors qu'un motif économique sous-tend la modification imposée par l'employeur, laquelle est précisément à l'origine de la rupture du contrat de travail, s'est abstenue de rechercher si cette modification était justifiée, a violé l'article L. 1233-3 du code du travail ;
3°/ qu'en affirmant que selon la lettre d'embauche l'ancienneté chez Bail équipement sera retenue, la cour d'appel a dénaturé, par omission, cette lettre du 9 décembre 1993 qui indique que cette ancienneté ne sera prise en compte que pour l'application éventuelle des articles 48,49 et 58 de la convention collective de la Banque qui ne concernent pas le calcul de l'indemnité de licenciement et a violé l'article 1134 du code civil ;
Mais attendu d'abord qu'après avoir relevé que M. X... collectait les documents concernant le risque immobilier, établissait les tableaux de financement et effectuait lui-même une analyse du risque financier qu'il formalisait dans un avis, puis, après validation par la banque, traitait le dossier en relation directe avec les clients et le notaire jusqu'à la rédaction des actes authentiques et participait à la passation de ces actes comme bénéficiant d'une délégation de pouvoir de la banque, puis gérait tant les éventuels loyers impayés et tout le suivi du dossier que tous les projets d'actes afférents à ses dossiers, et qu'il était auparavant au coeur de l'élaboration, du montage et du suivi du dossier de Crédit-bail immobilier, la cour d'appel a constaté que, désormais, ce salarié, se bornant à vendre le produit crédit-bail, puis à proposer le montage financier soumis au pouvoir de décision d'un comité d'engagement, ne gérait plus la phase ultérieure du dossier concernant, d'une part la collecte des documents, la signature des actes auprès du notaire, la correspondance avec toutes les parties, la mise en place des assurances et l'émission des chèques d'acquisition et des bordereaux de décaissement, d'autre part les événements postérieurs à la passation des actes tels que modification des assurances et demandes d'autorisation de travaux et d'extension immobilière ;
Attendu, ensuite, qu'ayant constaté un réel appauvrissement des missions et responsabilités du salarié, la cour d'appel, sans constater le caractère accessoire des fonctions supprimées, ni être tenue de procéder à une recherche, non demandée, que ses énonciations rendaient inopérante, en a exactement déduit l'existence d'une modification du contrat de travail ;
Attendu, enfin, que la cour d'appel a procédé à l'interprétation nécessaire, exclusive de dénaturation, de la lettre du 9 décembre 1993 ; D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Cic Est aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Cic Est et la condamne à payer à M. X... la somme de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois juin deux mille dix.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par la SCP Potier de La Varde et Buk-Lament, avocat de la société Cic Est
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la Banque CIC EST à payer à M. X... les sommes de 80 051,11 € à titre d'indemnité de licenciement et de 40 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse ;
AUX MOTIFS QUE jusqu'à l'entrée en vigueur de la réorganisation, les fonctions de cadre chargé d'affaires au sein du département de l'immobilier et des flux qu'occupait M. X... consistaient à (cf. pièce n° 3 description du poste) :
- vendre le produit crédit-bail et notamment ses avantages fiscaux tant en interne qu'après des clients et prospects,- proposer le montage immobilier approprié à chaque projet,- donner un avis motivé sur le risque immobilier de chaque projet,- assurer le suivi du risque immobilier ainsi que le recouvrement,- participer à l'élaboration des actes juridiques : acquisition, financement, location,- valider le montage juridique,- participer à la formation et à l'animation du réseau ;
que les pièces produites démontrent que M. X... exerçait effectivement l'ensemble de ces attributions, puisqu'il en résulte qu'il collectait les documents concernant l'étude du risque immobilier, établissait les tableaux de financement et effectuait lui-même une analyse du risque financier qu'il formalisait dans un avis, puis après validation par la Banque, il traitait le dossier en relation directe avec les clients et le notaire jusqu'à la rédaction des actes authentiques et participait à la passation de ces actes comme bénéficiant d'une délégation de pouvoir de la Banque, puis gérait les éventuels loyers impayés, et gérait tout le suivi du dossier (état des lieux, devis de travaux etc…) en relation directe avec le client, les pouvoirs publics, le notaire, les assurances et organismes financiers intéressés, et enfin gérait tous les projets d'actes se rapportant à ses dossiers ; qu'il était ainsi au coeur même de l'élaboration, du montage et du suivi du dossier de CREDIT BAIL IMMOBILIER, même s'il est constant que son avis sur le risque financier était soumis à la validation d'un membre de la direction des engagements au sein de la banque ; qu'après la création de la nouvelle structure CM-CIC LEASE, les fonctions de M. X... consistaient à vendre le produit crédit-bail, puis à proposer le montage financier désormais soumis au pouvoir décisionnaire du Comité des Engagements qui réexaminait l'entier dossier pour fixer les conditions strictes et réserves auxquelles son agrément allait être subordonné (cf. annexe 43 : comité des engagements du 18 mai 2005) ; qu'une fois obtenu l'agrément du Comité des engagements, le rôle de M. X... se limitait à notifier l'accord au client ; que toute la phase ultérieure du dossier n'était plus gérée par le chargé d'affaires mais par le Centre de gestion et son Pôle juridique en particulier M. Y..., membre du directoire de CM-CIC LEASE, qui collectait les documents nécessaires à l'élaboration des actes, signait les actes auprès du notaire et correspondait avec toutes les parties intéressées, veillait à la mise en place des assurances, émettait les chèques d'acquisition et les bordereaux de décaissement (cf. pièce n° 13 : procédure de montage des dossiers) et gérait tous les événements postérieurs à la passation des actes (modification des assurances, demandes d'autorisation de travaux, demandes d'extension immobilière etc…) ; qu'ainsi le descriptif de ses attributions anciennes puis nouvelles témoigne d'un réel appauvrissement de ses missions et responsabilités puisque son rôle ne se résumait plus qu'à celui d'un apporteur d'affaires, chargé en outre des notifications ; qu'avant même la mise en place de cette réorganisation , les dirigeants de la Banque avaient prédit qu'elle impliquerait un appauvrissement des tâches et responsabilités des cadres commerciaux ; que la SA BANQUE CIC EST a ainsi imposé à M. X... une modification de son contrat de travail et que celle-ci constitue un manquement grave aux obligations contractuelles, justifiant que la rupture du contrat de travail produise les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ; que la rupture du contrat de travail doit produire les effets d'un licenciement économique dès lors qu'un motif économique sous-tend la modification imposée par l'employeur, laquelle est précisément à l'origine de la rupture du contrat de travail ;
ALORS QUE, d'une part, le retrait des fonctions accessoires ne peut être regardé comme une modification du contrat de travail ; qu'ainsi, la Cour d'appel, en considérant que le contrat de travail de M. X..., qui en sa qualité de chargé d'affaires exerçait à titre principal des fonctions commerciales d'apports à la banque de contrats de crédit-bail et de montage financier de l'opération, avait été modifié dès lors qu'il ne s'occupait plus de l'élaboration et de la signature des actes juridiques et de la gestion des événements postérieurs, tâches qui revêtent un caractère accessoire , a violé les article L. 1231-1 et L. 1233-3 du Code du travail ;
ALORS QUE, d'autre part, et subsidiairement, en cas de refus par un salarié d'accepter une modification de son contrat de travail, motivée par des considérations économiques, le juge doit rechercher si la nécessité pour l'employeur de procéder à la modification est justifiée ; qu'ainsi, la Cour d'appel, qui tout en considérant que la rupture du contrat de travail doit produire les effets d'un licenciement économique dès lors qu'un motif économique sous-tend la modification imposée par l'employeur, laquelle est précisément à l'origine de la rupture du contrat de travail, s'est abstenue de rechercher si cette modification était justifiée, a violé l'article L. 1233-3 du Code du travail.
SECOND MOYEN DE CASSATION :

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la BANQUE CIC EST à payer à M. X... une indemnité de licenciement de 80 051,11 € ;
AUX MOTIFS QUE les termes de la confirmation d'embauche confirment que « son ancienneté chez BAIL EQUIPEMENT » sera retenue, cette prise en compte induisant nécessairement que l'ancienneté retenue pour le calcul de l'indemnité du licenciement doit être le cumul des deux périodes d'activité successives soit 17 ans et 8 mois ; que selon l'article 29 de la convention collective « la mensualité qui sert de base à l'assiette de calcul de l'indemnité de licenciement est égale à 1/12 du salaire de base annuel que le salarié a perçu au cours des douze derniers mois ; cette indemnité est également à
- ½ mensualité par semestre complet d'ancienneté acquis dans l'entreprise au 1er janvier 2002 ;
- et ¼ de mensualité par semestre complet d'ancienneté acquis à partir du 1er janvier 2002 » ;
que le salaire de base annuel s'entend du salaire hors prime d'objectif (13 832,72 €) et gratification variable (2 500 €) soit la somme de 60 991,32 €permettant de retenir une moyenne mensuelle de 5 082,61 € ; qu'ainsi le montant de l'indemnité conventionnelle de licenciement s'établit à la somme de 80 051,11 € se détaillant comme suit :
* ancienneté acquise au 1er janvier 2002 : 14 ans 5 082, 61 € x 14 x 2 = 71.156,54 €
* ancienneté acquise après le 1er janvier 2002 : 3 ans et 1 semestre 5.082,61 € x 7 = 8 894,57 €
que le jugement déféré doit ainsi être confirmé en ce qu'il a alloué à M. X... la somme de 80 051,11 € à titre d'indemnité de licenciement ;
ALORS QU'en affirmant que selon la lettre d'embauche que l'ancienneté chez BAIL EQUIPEMENT sera retenue la Cour d'appel a dénaturé, par omission, cette lettre du 9 décembre 1993 qui indique que cette ancienneté ne sera prise en compte que pour l'application éventuelle des articles 48, 49 et 58 de la convention collective de la Banque qui ne concernent pas le calcul de l'indemnité de licenciement et a violé l'article 1134 du Code civil.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 08-70446
Date de la décision : 23/06/2010
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Colmar, 30 octobre 2008


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 23 jui. 2010, pourvoi n°08-70446


Composition du Tribunal
Président : Mme Collomp (président)
Avocat(s) : SCP Masse-Dessen et Thouvenin, SCP Potier de La Varde, Buk-Lament

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2010:08.70446
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