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19/05/2010 | FRANCE | N°08-45636

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 19 mai 2010, 08-45636


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 30 octobre 2008), que M. X..., engagé le 18 juin 2001 par la société Hygiène funéraire de l'ouest parisien, société employant au plus vingt salariés, a informé son employeur, par lettre du 23 juillet 2002, qu'il considérait son contrat de travail comme rompu du fait de ce dernier à la suite du défaut de paiement de son salaire du mois de mai 2002 et de ses frais de route des mois d'avril et mai de la même année ; que la société, après

avoir mis en demeure le salarié de reprendre son travail, l'a licencié le 2...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 30 octobre 2008), que M. X..., engagé le 18 juin 2001 par la société Hygiène funéraire de l'ouest parisien, société employant au plus vingt salariés, a informé son employeur, par lettre du 23 juillet 2002, qu'il considérait son contrat de travail comme rompu du fait de ce dernier à la suite du défaut de paiement de son salaire du mois de mai 2002 et de ses frais de route des mois d'avril et mai de la même année ; que la société, après avoir mis en demeure le salarié de reprendre son travail, l'a licencié le 2 août 2002 pour faute grave ; que, contestant ce licenciement, M. X... a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes ;
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt d'avoir dit que la rupture du contrat de travail s'analysait en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et de l'avoir condamné à payer au salarié diverses sommes à ce titre ainsi qu'un rappel de salaire pour les heures supplémentaires effectuées entre les mois de janvier et juillet 2002, alors, selon le moyen :
1°/ que, s'il résulte de l'article L. 212-1-1, devenu L. 3171-4 du code du travail, que la preuve des heures de travail effectuées n'incombe spécialement à aucune des parties et que l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient cependant à ce dernier de fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande ; qu'en affirmant péremptoirement en l'espèce que «Michel X... a produit aux débats un nombre important de relevés de temps de travail avec toutes les indications permettant de vérifier les travaux réalisés et justifiant certains dépassements des horaires de travail fixés par l'entreprise», sans préciser l'origine et la teneur de ces «relevés», ni en quoi consistaient «les indications» censées permettre de justifier certains dépassements horaires, la cour d'appel n'a pas mis la Cour de cassation en mesure de contrôler l'existence d'éléments apportés par le salarié de nature à étayer sa demande, et a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 3171-4 du code du travail ;
2°/ que, pour s'opposer à la demande de paiement d'heures supplémentaires du salarié, l'employeur faisait valoir que le salarié incluait dans son décompte le temps de trajet effectué avec le véhicule de l'entreprise entre son lieu de travail et son domicile matin et soir, et que contrairement à ses allégations, il bénéficiait d'une pause de deux heures le midi et de demi-journées de repos compensateurs ; qu'en se contentant d'affirmer péremptoirement que la société HFOP n'a pas apporté de critiques sérieuses aux décomptes du salarié, la cour d'appel a derechef privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 3171-4 du code du travail ;
3°/ que, tel que le faisait valoir l'employeur en cause d'appel, la majoration de salaire à raison des heures supplémentaires devait être de 10 % de la 35 à la 39e heure, 25 % de la 40 à la 43e heure et 50 % au-delà ; qu'en faisant droit à la demande du salarié pour l'année 2002 sur la base de son décompte appliquant une majoration de 25 % pour les heures de travail effectuées entre la 35e et la 39e heure, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article 5 de la loi nº 200-37 du 19 janvier 2000 ;
4°/ que la prise d'acte par un salarié de la rupture de son contrat de travail ne produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse qu'à la condition que les griefs qu'il formule contre son employeur soient de nature à la justifier ; que tel n'est pas le cas lorsque l'employeur a omis de payer un nombre peu significatif d'heures supplémentaires ; qu'en affirmant péremptoirement en l'espèce que par principe «le non-paiement de la totalité des heures de travail est un motif sérieux de rupture du contrat de travail», sans dire en quoi le fait que l'employeur serait, selon elle, débiteur d'un rappel d'heures supplémentaires pour le seul montant de 1 957,54, était de nature à justifier la prise d'acte du salarié, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 122-4, L. 122-14-3, alinéa 1, phrase 1 et alinéa 2 et L. 122-14-4, alinéa 1, phrase 1, devenus L. 1231-1, L. 1232-1, L. 1235-1 et L. 1235-2 du code du travail ;
5°/ que la prise d'acte par un salarié de la rupture de son contrat de travail ne produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse qu'à la condition que les griefs qu'il formule contre son employeur soient de nature à la justifier ; qu'en l'espèce, l'employeur faisait valoir que c'est à raison d'une erreur informatique qui ne lui était pas imputable que le salaire du mois de mai 2002, qu'il pensait avoir payé par virement en temps et en heure, a dû être réglé par chèque au mois de décembre suivant ; qu'en affirmant péremptoirement que le «non-paiement» du salaire du mois de mai caractérise «un manquement de la société HFOP à ses obligations» de nature à justifier la prise d'acte du salarié, sans dire en quoi le simple retard de paiement était imputable à l'employeur et pouvait être de nature à justifier la prise d'acte du salarié, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 122-4, L. 122-14-3, alinéa 1, phrase 1 et alinéa 2 et L. 122-14-4, alinéa 1, phrase 1, devenus L. 1231-1, L. 1232-1, L. 1235-1 et L. 1235-2 du code du travail ;
Mais, attendu qu'abstraction faite du motif surabondant justement critiqué par la troisième branche du moyen, la cour d'appel, qui a constaté, d'une part, la réalité des heures supplémentaires accomplies par le salarié, et, d'autre part, que celles-ci n'avaient pas été payées et que le salaire du mois de mai 2002 avait été versé avec retard, a estimé qu'un tel manquement présentait un degré de gravité suffisant pour que la rupture produise les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Hygiène funéraire de l'ouest parisien aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Hygiène funéraire de l'ouest parisien à payer à M. X... la somme de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf mai deux mille dix.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils pour la société Hygiène funéraire de l'ouest parisien
Il est fait grief à la décision attaquée d'AVOIR condamné la société HFOP à payer à Monsieur X..., 1.957,54 euros de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires de janvier à juillet 2002, 1.844,63 euros d'indemnité compensatrice de préavis, 5.000 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, 3.000 euros par application de l'article 700 du Code de procédure civile.;
AUX MOTIFS QUE « Considérant que lorsqu'un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets, soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient, soit, dans le cas contraire, d'une démission; Considérant qu'il appartient au seul salarié d'établir les faits allégués à rencontre de son employeur tant par l'écrit qui matérialise les reproches que par les manquements invoqués lors de la saisine de la juridiction prud'homale ; qu'enfin seuls des faits suffisamment graves justifient la rupture du contrat de travail; Considérant au cas présent que Michel X... a pris acte de la rupture de son contrat de travail le 23 juillet 2002 en adressant à son employeur deux griefs : les détériorations des relations de travail et le non paiement du salaire du mois de mai 2002 outre les frais professionnels exposés en avril et mai 2002 ; que plus de trois années après, Michel X... a saisi la juridiction prud'homale en indiquant que la prise d'acte de rupture dénoncée antérieurement était également justifiée par le non paiement par son employeur des heures complémentaires, des heures supplémentaires, des astreintes, du travail de nuit et des repos compensateurs; Considérant qu'il convient d'examiner successivement de tels griefs ;(…)b- sur les rappels de salaires Considérant que Michel X... ne peut réclamer le paiement de compléments de salaires pour la période de juin à novembre 2001 à la société H.F.O.P dès lors qu'il n'est pas contesté que pendant cette période il a concomitamment travaillé pour le compte de la société PRESTA SERVICE, société exerçant une activité similaire et installée dans les mêmes locaux ; qu'il est établi que Michel X... a donné sa démission de la seconde société le 30 novembre 2001 et a consacré postérieurement tout son temps de travail à la seule société H.F.O.P ; Considérant que Michel X..., qui a constamment contesté les sanctions disciplinaires prononcées à son encontre durant la période de janvier à juillet 2002, n'a jamais réclamé à la société H.F.O.P le paiement d'heures supplémentaires au cours de la même période, ne formulant pour la première fois une telle réclamation que plus de trois années après son départ de l'entreprise en saisissant la juridiction prud'homale en décembre 2005 (aucune réclamation n'avait d'ailleurs été présentée au titre des dépassements du temps de travail lors de la saisine en novembre 2002 de la juridiction prud'homale en référé qui était limitée à la demande en paiement du salaire du mois de mai 2002) ;Considérant toutefois que Michel X... a produit aux débats un nombre important de relevés de temps de travail avec toutes les indications permettant de vérifier les travaux réalisés et justifiant certains dépassements des horaires de travail fixés par l'entreprise ; que la société H.F.O.P n'a pas apporté de critiques sérieuses sur ces décomptes; Considérant qu'après examen des pièces produites la cour fait droit aux réclamations présentées dans la limite de la somme de 1 957,54 € outre les congés payés afférents pour la période de janvier à juillet 2002; que les autres réclamations ne sont pas justifiées; Considérant que le non paiement de la totalité des heures de travail est un motif sérieux de rupture du contrat de travail ;c- sur le non paiement du salaire du mois de mai 2002 Considérant qu'après avoir affirmé avoir payé le salaire du mois de mai 2002 selon virement en date du 31 mai 2002, la société H.F.O.P a remis à Michel X... le 6 décembre 2002 un chèque du montant de son salaire après avoir reçu une convocation à comparaître devant le conseil de prud'hommes de Nanterre selon la procédure des référés; Considérant que Michel X... a contesté avoir reçu un virement au titre du règlement de son salaire alors que la société H.F.O.P a toujours payé les salaires chaque mois par chèques;Considérant que si la société H.F.O.P produit un relevé bancaire pour le mois de mai 2002 faisant apparaître un ligne débitrice au titre d'un virement d'un montant égal au salaire de Michel X..., pour autant elle n'a jamais communiqué l'ordre de paiement pour permettre à la cour de vérifier l'identité du destinataire; Qu'ainsi la preuve du non paiement du salaire du mois de mai 2002 à la fin du mois est établie; Considérant que ce non paiement intervient à une période où Michel X... était en conflit avec la société H.F.O.P après avoir dénoncé diverses atteintes à la législation du travail auprès de l'inspection du travail et après avoir avec d'autres salariés de l'entreprise dénoncé d'autres infractions auprès du procureur de la République de Nanterre (aucune suite ne semble toutefois avoir été donnée à cette dernière plainte); Considérant que ce non paiement caractérise également un manquement de la société H.F.O.P à ses obligations;Considérant en conclusion que Michel X... démontre que les manquements de son employeur à ses obligations tant légales que contractuelles a justifié la prise d'acte de rupture aux torts de celui-ci qui s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse » ;
1) ALORS QUE s'il résulte de l'article L.212-1-1 devenu L.3171-4 du Code du travail que la preuve des heures de travail effectuées n'incombe spécialement à aucune des parties et que l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient cependant à ce dernier de fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande ; qu'en affirmant péremptoirement en l'espèce que « Michel X... a produit aux débats un nombre important de relevés de temps de travail avec toutes les indications permettant de vérifier les travaux réalisés et justifiant certains dépassements des horaires de travail fixés par l'entreprise », sans préciser l'origine et la teneur de ces « relevés », ni en quoi consistaient « les indications » censées permettre de justifier certains dépassements horaires, la Cour d'Appel n'a pas mis la Cour de cassation en mesure de contrôler l'existence d'éléments apportés par le salarié de nature à étayer sa demande, et a privé sa décision de base légale au regard de l'article L.3171-4 du Code du travail ;
2) ALORS en outre QUE pour s'opposer à la demande de paiement d'heures supplémentaires du salarié, l'employeur faisait valoir (conclusions page 11 in fine et s.) que le salarié incluait dans son décompte le temps de trajet effectué avec le véhicule de l'entreprise entre son lieu de travail et son domicile matin et soir, et que contrairement à ses allégations, il bénéficiait d'une pause de deux heures le midi et de demi-journées de repos compensateurs ; qu'en se contentant d'affirmer péremptoirement que la société H.F.O.P n'a pas apporté de critiques sérieuses aux décomptes du salarié, la Cour d'Appel a derechef privé sa décision de base légale au regard de l'article L.3171-4 du Code du travail ;
3) ALORS subsidiairement QUE tel que le faisait valoir l'employeur en cause d'appel (conclusions page 12), la majoration de salaire à raison des heures supplémentaires devait être de 10 % de la 35 à la 39ème heure, 25 % de la 40 à la 43ème heure et 50 % au-delà ; qu'en faisant droit à la demande du salarié pour l'année 2002 sur la base de son décompte appliquant une majoration de 25 % pour les heures de travail effectuées entre la 35ème et la 39ème heure, la Cour d'Appel a violé les dispositions de l'article 5 de la loi nº 200-37 du 19 janvier 2000 ;
4) ALORS par ailleurs QUE la prise d'acte par un salarié de la rupture de son contrat de travail ne produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse qu'à la condition que les griefs qu'il formule contre son employeur soient de nature à la justifier ; que tel n'est pas le cas lorsque l'employeur a omis de payer un nombre peu significatif d'heures supplémentaires ; qu'en affirmant péremptoirement en l'espèce que par principe « le non-paiement de la totalité des heures de travail est un motif sérieux de rupture du contrat de travail », sans dire en quoi le fait que l'employeur serait, selon elle, débiteur d'un rappel d'heures supplémentaires pour le seul montant de 1.957,54, était de nature à justifier la prise d'acte du salarié, la Cour d'Appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L.122-4, L.122-14-3, alinéa 1, phrase 1 et alinéa 2 et L.122-14-4, alinéa 1, phrase 1 devenus L.1231-1, L.1232-1, L.1235-1 et L.1235-2 du Code du travail ;
5) ALORS enfin QUE la prise d'acte par un salarié de la rupture de son contrat de travail ne produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse qu'à la condition que les griefs qu'il formule contre son employeur soient de nature à la justifier ; qu'en l'espèce, l'employeur faisait valoir (conclusions d'appel page 5 et 7) que c'est à raison d'une erreur informatique qui ne lui était pas imputable que le salaire du mois de mai 2002, qu'il pensait avoir payé par virement en temps et en heure, a dû être réglé par chèque au mois de décembre suivant ; qu'en affirmant péremptoirement que le « non-paiement » du salaire du mois de mai caractérise « un manquement de la société H.F.O.P à ses obligations » de nature à justifier la prise d'acte du salarié, sans dire en quoi le simple retard de paiement était imputable à l'employeur et pouvait être de nature à justifier la prise d'acte du salarié, la Cour d'Appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L.122-4, L.122-14-3, alinéa 1, phrase 1 et alinéa 2 et L.122-14-4, alinéa 1, phrase 1 devenus L.1231-1, L.1232-1, L.1235-1 et L.1235-2 du Code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 08-45636
Date de la décision : 19/05/2010
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 30 octobre 2008


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 19 mai. 2010, pourvoi n°08-45636


Composition du Tribunal
Président : M. Blatman (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Balat, SCP Gatineau et Fattaccini

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2010:08.45636
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