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18/05/2010 | FRANCE | N°08-44618

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 18 mai 2010, 08-44618


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., engagé par la société Agence pour l'Agro-alimentaire (la société) le 19 octobre 1992, a été licencié pour faute grave le 20 octobre 1994 ; que contestant son licenciement, le salarié a fait convoquer le 22 décembre 1994 la société devant le conseil de prud'hommes de Montmorency afin d'obtenir sa condamnation au paiement de diverses sommes ; que la société a déposé plainte contre M. X... avec constitution de partie civile le 26 décembre 1995 pour faux, usage

de faux, abus de confiance et tentative d'escroquerie et qu'une informati...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., engagé par la société Agence pour l'Agro-alimentaire (la société) le 19 octobre 1992, a été licencié pour faute grave le 20 octobre 1994 ; que contestant son licenciement, le salarié a fait convoquer le 22 décembre 1994 la société devant le conseil de prud'hommes de Montmorency afin d'obtenir sa condamnation au paiement de diverses sommes ; que la société a déposé plainte contre M. X... avec constitution de partie civile le 26 décembre 1995 pour faux, usage de faux, abus de confiance et tentative d'escroquerie et qu'une information a été ouverte contre X le 20 janvier 1996 ; que par jugement du 5 février 1996, le conseil de prud'hommes de Montmorency a ordonné le sursis à statuer et le retrait du dossier du rang des affaires en cours et dit que l'affaire pourra être réintroduite sur simple demande à l'issue de l'instance pénale par la partie la plus diligente ; que le 30 janvier 2002, la chambre criminelle de la Cour de cassation a déclaré irrecevable le pourvoi formé contre la décision de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Paris qui, par arrêt en date du 28 novembre 2000, avait confirmé l'ordonnance de non-lieu rendue le 15 juin 1998 par le juge d'instruction saisi ; que le 8 novembre 2004, le salarié a fait réinscrire l'affaire au rôle du conseil de prud'hommes ; que celui-ci a dit l'instance périmée, par jugement du 21 novembre 2005 ;

Sur le premier moyen :

Attendu que la société fait grief à l'arrêt de rejeter l'exception de péremption d'instance alors selon le moyen que constitue une diligence au sens de l'article R. 1452-8 du code du travail, la charge de réinscrire l'affaire au rôle à l'issue de l'instance pénale, ordonnée par la juridiction pour mettre l'affaire en état d'être jugée ; qu'ayant relevé que, par jugement avant dire droit du 5 février 1996, le conseil de prud'hommes a sursis à statuer dans l'attente de l'issue pénale et a mis à la charge de la partie la plus diligente, la réinscription de l'affaire au terme de cette instance, et en décidant cependant que l'exception de péremption d'instance n'était pas opposable à M. X... qui a sollicité la reprise de la procédure prud'homale, le 8 novembre 2004, soit plus de deux ans après l'extinction de la procédure pénale le 30 janvier 2002, au motif qu'aucune diligence particulière n'aurait été imposée aux parties, la cour d'appel a violé l'article R. 1452-8 du code du travail ;

Mais attendu que la cour d'appel, qui a constaté que la décision ordonnant le sursis à statuer et le retrait du rôle n'imposait aucune diligence particulière aux parties autre que celle nécessaire à la réinscription de l'affaire, a exactement décidé que la péremption de l'instance n'était pas acquise ; que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le second moyen :

Vu les articles L. 1235-1, L. 1234-1 et L. 1234-5 du code du travail ;

Attendu que pour décider que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse, la cour d'appel énonce que " les griefs tirés de l'existence de faux rapports d'activité, de fausses notes de frais ne sont pas établis puisque tant le juge d'instruction que la chambre d'accusation de la cour d'appel de Paris (après confrontation entre Michel X... (père) et le dirigeant de la société Agence pour l'Agro-alimentaire) ont dit que la matérialité des faux n'était pas constituée " ;

Qu'en statuant ainsi alors que l'autorité de la chose jugée au pénal ne s'attache qu'aux décisions définitives des juridictions de jugement qui statuent au fond et qu'il appartient au juge de vérifier le comportement fautif reproché au salarié ainsi que d'apprécier le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, la cour d'appel a violé le principe ci-dessus rappelé et n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a dit le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse, l'arrêt rendu le 5 juin 2008, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée ;

Condamne M. X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit mai deux mille dix.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils pour la société Agence pour l'agro alimentaire.

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué D'AVOIR rejeté l'exception de péremption l'instance et, statuant sur le fond, d'avoir condamné la société APA à verser au salarié diverses sommes au titre de l'exécution et de la rupture de son contrat de travail ;

AUX MOTIFS QUE, par jugement en date du 5 février 1996, le Conseil de prud'hommes, après avoir été informé de la plainte avec constitution de partie civile déposée par la société Agence pour l'Agro-alimentaire, a :

- ordonné le sursis à statuer et le retrait de l'affaire du rôle de la juridiction,
- dit que l'affaire pourra être rétablie sur simple demande par la partie la plus diligente à l'issue de l'instance pénale ;

que l'issue de l'instance pénale est constituée au cas présent par le rejet le 30 janvier 2002 par la Cour de cassation du pourvoi formé par la société Agence pour l'Agro-alimentaire contre l'arrêt rendu le 28 novembre 2000 par la cour d'appel de Paris, chambre de l'accusation, qui, confirmant l'ordonnance de non lieu du juge d'instruction, a dit que les délits de faux, usage de faux, escroquerie, tentative d'escroquerie et tentative d'escroquerie et subornation de témoins, objet de la plainte, n'étaient pas constitués et que par ailleurs les faits ne paraissaient susceptibles de revêtir aucune autre qualification pénale ; que cependant, la décision de retrait du rôle prise le 5 février 1996 n'imposait aux parties aucune diligence particulière, autre que celle nécessaire à la réinscription de l'affaire, qu'en conséquence, Monsieur
X...
(père) ayant satisfait à la seule obligation mise à sa charge postérieurement à l'issue de l'instance pénale, le Conseil de prud'hommes ne pouvait, par sa décision du 21 novembre 2005, constater la péremption de l'instance et déclarer irrecevables les demandes renouvelées par le demandeur ;

ALORS QUE constitue une diligence au sens de l'article R. 1452-8 du Code du travail, la charge de réinscrire l'affaire au rôle à l'issue de l'instance pénale, ordonnée par la juridiction pour mettre l'affaire en état d'être jugée ; qu'ayant relevé que, par jugement avant dire droit du 5 février 1996, le Conseil de prud'hommes a sursis à statuer dans l'attente de l'issue pénale et a mis à la charge de la partie la plus diligente, la réinscription de l'affaire au terme de cette instance, et en décidant cependant que l'exception de péremption d'instance n'était pas opposable à Monsieur
X...
qui a sollicité la reprise de la procédure prud'homale, le 8 novembre 2004, soit plus de deux ans après l'extinction de la procédure pénale le 30 janvier 2002, au motif qu'aucune diligence particulière n'aurait été imposée aux parties, la Cour d'appel a violé l'article R. 1452-8 du Code du travail.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR écarté la faute grave, jugé que le licenciement de Monsieur
X...
(père) reposait sur une cause réelle et sérieuse et condamné la société APA à lui payer diverses sommes à titre de rappels de salaire, d'indemnité conventionnelle de licenciement et d'indemnité compensatrice de préavis ;

AUX MOTIFS QUE la société APA a notifié à Monsieur
X...
(père) son licenciement pour faute grave en visant les griefs suivants :

- refus d'effectuer le doublage des allées centrales et les démontages le 19 septembre 1994 au magasin Carrefour de Sevran,
- réitération des refus les 20, 21, 22, 23 septembre 1994,
- volonté délibérée, depuis le 13 septembre 1994, de nuire à l'image du mandant KER CADELAC en se présentant sciemment en qualité de société APA,
- refus le 30 septembre 1994 d'assurer le démontage du linéaire à Aulnaysous-Bois pour le samedi 8 octobre 1994,
- établissement de faux rapports d'activité et de fausses notes de frais ;

qu'il résulte des fax transmis par la société KER-CADELAC à la société APA que Monsieur
X...
(père) a refusé à plusieurs reprises les 20, 21, 22 et 23 septembre 1994 d'effectuer les doublages de l'allée saisonnière du magasin Carrefour à Sevran et de démonter le 8 octobre 1994, le linéaire situé dans le magasin sis à Aulnay-sous-Bois ; que ces griefs sont établis ; que toutefois ils ne constituent pas une faute suffisamment grave pour justifier la rupture immédiate du contrat de travail alors que Monsieur
X...
(père) a toujours indiqué auprès du responsable du client KER-CADELAC qu'il souhaitait un accord avec son employeur pour faciliter l'exécution des travaux exceptionnels pour lesquels d'ailleurs il percevait des primes ; qu'il n'est pas contesté que Monsieur
X...
(père), postérieurement au 13 septembre 1994, s'est présenté auprès des magasins de grande distribution en qualité de représentant de la société APA alors qu'il agissait en qualité de mandataire du client de son employeur, la société KER CADELAC Biscuits ; que ce fait établi n'est pas suffisamment grave pour justifier la rupture immédiate du contrat de travail dès lors que Monsieur
X...
(père) n'a pas agi dans l'intention de nuire ni au client, ni au fournisseur ; que les griefs tirés de l'existence de faux rapports d'activité et de fausses notes de frais ne sont pas établis puisque tant le juge d'instruction que la chambre d'accusation de la Cour d'appel de Paris (après confrontation entre Monsieur
X...
(père) et le dirigeant de la société APA) ont dit que la matérialité des faux n'était pas constituée ; qu'en conclusion, il convient d'écarter la faute grave et de dire que le licenciement de Monsieur
X...
(père) repose sur une cause réelle et sérieuse ;

1°- ALORS QUE caractérisent une faute grave, les refus réitérés du salarié, déjà sanctionné pour de tels faits, de se soumettre aux instructions de son l'employeur pour effectuer des travaux chez des clients ; qu'ayant constaté qu'il était établi que Monsieur
X...
(père) avait refusé à plusieurs reprises d'effectuer les travaux que lui avait enjoint de faire la société APA au sein de deux entreprises clientes, pour lesquels, de surcroît, il percevait des primes, et en décidant cependant que de tels faits n'étaient pas constitutifs d'une faute grave, la Cour d'appel a violé les articles L. 1231-1 et L. 1234-5 du Code du travail ;

2°- ALORS QUE caractérise une faute grave, le fait de se présenter sous une fausse qualité chez un client au détriment de son employeur ; que l'intention de nuire n'est pas une condition de la faute grave qui n'est définie que par la seule impossibilité de maintenir le salarié dans l'entreprise ; qu'en jugeant que l'usurpation d'identité de Monsieur
X...
qui s'est présenté en qualité de représentant de la société APA alors qu'il agissait en qualité de mandataire du client de son employeur auprès des magasins de grande distribution, n'était pas constitutive d'une faute grave, au motif inopérant, qu'il n'aurait pas eu l'intention de nuire ni au client, ni au fournisseur, la Cour d'appel a encore violé les articles 1231-1 et L. 1234-5 du Code du travail ;

3°- ALORS QU'en écartant les griefs tirés de faux rapports d'activité et de fausses notes de frais, du seul fait que la chambre d'accusation de la Cour d'appel de Paris a dit que la matérialité de faux n'était pas constituée, la Cour d'appel de Versailles qui a méconnu son office en ne procédant pas elle-même à l'examen de ces griefs constitutifs d'une faute grave, dès lors que les arrêts de la juridiction d'instruction n'ont pas d'autorité de chose jugée, a violé les articles L. 1235-1, L. 1231-1 et L. 1234-5 du Code du travail et 1351 du Code civil.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 08-44618
Date de la décision : 18/05/2010
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 05 juin 2008


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 18 mai. 2010, pourvoi n°08-44618


Composition du Tribunal
Président : Mme Perony (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Balat, SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2010:08.44618
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