LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Joint les pourvois n° E 09-12.000 et n° V 09-12.221 qui attaquent le même arrêt ;
Sur le premier moyen du pourvoi n° E 09-12.000, pris en sa première branche, et le moyen unique du pourvoi n° V 09-12.221, rédigés en termes similaires, réunis :
Vu l'article 164, alinéa 2, du décret du 27 décembre 1985, ensemble l'article 122 du code de procédure civile ;
Attendu que la convocation du dirigeant de la personne morale, poursuivi en paiement des dettes sociales, en vue de son audition personnelle par le tribunal est un préalable obligatoire ; que l'omission de cet acte, qui fait obstacle à toute condamnation, constitue une fin de non-recevoir ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Seferba a été mise en redressement puis liquidation judiciaires les 10 juin 2004 et 14 avril 2005 ; que le liquidateur, M. X..., a assigné MM. Y... et Z..., respectivement président du conseil d'administration et directeur général de cette société, en paiement de l'insuffisance d'actif ;
Attendu que pour déclarer irrecevable le moyen tiré de la nullité du jugement pour défaut de convocation des dirigeants en vue de leur audition en chambre du conseil et les condamner solidairement à supporter les dettes sociales à concurrence de certaines sommes, l'arrêt , après avoir constaté que MM. Y... et Z... n'ont pas fait l'objet d'une convocation précise et spéciale pour leur audition prévue par l'article 164 du décret précité et qu'ils n'ont pas comparu en personne, retient qu'il en résulte la violation d'une formalité substantielle qui affecte la régularité de la saisine du tribunal, mais que M. Z..., qui soulève cette irrégularité, a néanmoins conclu au fond à titre subsidiaire, de sorte que la cour d'appel étant saisie de l'entier litige par l'effet dévolutif de l'appel, M. Z... a perdu tout intérêt à invoquer la nullité du jugement ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'en l'absence avérée de convocation des dirigeants en vue de leur audition personnelle par le tribunal, la demande formée à leur encontre en paiement des dettes sociales était irrecevable, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Et vu l'article 627 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 2 décembre 2008, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ;
Dit n'y avoir lieu à renvoi ;
Déclare irrecevables les demandes formées par M. X..., ès qualités, à l'encontre de MM. Z... et Y... ;
Condamne M. X..., ès qualités, aux dépens des instances au fond et de cassation ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du deux mars deux mille dix.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits au pourvoi n° E 09-12.000 par la SCP Thomas-Raquin et Bénabent, avocat aux Conseils pour M. Z....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré irrecevable le moyen tiré de la nullité de la procédure et du jugement pour défaut de convocation des dirigeants en vue de leur audition préalable en chambre du conseil, et d'avoir en conséquence statué au fond et condamné solidairement Monsieur Michel Z... et Monsieur José Y... à supporter les dettes de la SA SEFERBA à hauteur de la somme de 300.000 euros pour Monsieur Michel Z..., et de celle de 50.000 euros pour Monsieur José Y...,
AUX MOTIFS QUE « cependant, il doit être relevé que Monsieur Michel Z..., qui soulève ce moyen en demandant l'annulation du jugement, a néanmoins conclu au fond, certes à titre subsidiaire, en contestant la matérialité et l'imputation des fautes de gestion qui lui sont reprochées. Dès lors, la présente Cour, saisie de l'entier litige par l'effet dévolutif de l'appel, si elle devait déclarer nul le jugement, devrait néanmoins statuer au fond sans avoir à procéder elle-même à l'audition du dirigeant. Dans ces conditions, Monsieur Michel Z... a, en concluant au fond même à titre subsidiaire, perdu tout intérêt à invoquer la nullité du jugement, de sorte que le moyen ainsi soulevé est irrecevable »,
ALORS QUE D'UNE PART la convocation du dirigeant de la personne morale, poursuivi en paiement des dettes sociales, pour être entendu personnellement par le tribunal, est un préalable obligatoire aux débats ; que l'omission de cet acte qui fait obstacle à toute condamnation constitue une fin de non-recevoir ; qu'en l'espèce, en retenant que Monsieur Michel Z..., était irrecevable faute d'intérêt, en raison de l'effet dévolutif de l'appel, à invoquer la nullité du jugement, tout en constatant que les dirigeants de la société SEFERBA, et en particulier Monsieur Z..., n'avaient pas fait l'objet d'une convocation à comparaître en vue de leur audition personnelle en chambre du conseil, la Cour d'appel a violé les articles 164 du décret du 27 décembre 1985 et 122 du code de procédure civile,
ALORS QUE D'AUTRE PART l'irrégularité de l'acte introductif d'instance qui a empêché le défendeur de comparaître fait obstacle à l'effet dévolutif de l'appel lorsque le défendeur s'est en outre abstenu de conclure au fond à titre principal ; qu'en décidant néanmoins qu'elle restait saisie de l'entier litige par l'effet dévolutif de l'appel dès lors que Monsieur Z... avait conclu au fond à titre subsidiaire, la Cour d'appel a violé les articles 562 du Code de procédure civile et 164 du décret du 27 décembre 1985.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir solidairement condamné Monsieur Michel Z... et Monsieur José Y... à supporter les dettes de la SA SEFERBA à hauteur de la somme de 300.000 euros pour Monsieur Michel Z..., et de celle de 50.000 euros pour Monsieur José Y...,
AUX MOTIFS QUE « Monsieur Michel Z... n'a pas contesté expressément la réalité des différentes fautes de gestion ainsi dégagées ;en effet, sa défense consiste, dans ses conclusions, à : invoquer les fautes de Monsieur José Y... (incitations aux irrégularités en matière de TVA, carences et délégations de pouvoir excessives) mais l'existence possible de ces fautes, qui sera examinée plus loin dans le présent arrêt, n'est pas susceptible d'exonérer Monsieur Michel Z... de ses propres manquements compte tenu de ce qu'il n'avait pas, dans l'entreprise, un rôle subalterne dans les domaines qui lui étaient confiés tels que la comptabilité et la gestion ; invoquer les carences des organes de surveillance tel notamment que le commissaire aux comptes ; mais, là encore, la responsabilité possible de cet autre professionnel n'exonère pas Monsieur Michel Z... des conséquences de ses manquements, dès lors qu'il était, de par sa formation de comptable, plus à même que quiconque de savoir, notamment, que sa façon d'établir les déclarations fiscales et sociales, les bulletins de salaire ou les prix des chantiers n'était pas conforme aux règles de sa profession, sans qu'il soit nécessaire qu'une autre personne ne lui signale ; énumérer les causes du redressement judiciaire ; or, à cet égard, il ne s'agit pas d'analyser les causes de la cessation des paiements qui est le critère d'ouverture du redressement judiciaire mais de vérifier l'existence de fautes de gestion ayant contribué à l'insuffisance d'actif, peu important que ces fautes ne soient pas les seules facteurs à l'origine des dettes de l'entreprise et de l'impossibilité de les régler avec l'actif puisqu'il est simplement nécessaire qu'elles y aient contribué ; répondre sur des points (frais kilométriques notamment) qui ne sont pas retenus comme significatifs dans le cadre du présent litige ; enfin invoquer la surcharge de sa fonction et les carences du dirigeant de droit qu'était Monsieur José Y... pour soutenir n'avoir « pas eu d'autre solution pour faire face au quotidien à la totalité des problèmes et notamment aux difficultés de trésorerie ; or, il n'invoque, en cela, aucune contrainte réelle telle qu'elle l'aurait en effet conduit à agir de la sorte sans autre issue ; en effet, s'il se sentait dépassé, comme il l'indique par l'étendue de sa tâche et des difficultés, il lui appartenait de refuser de poursuivre son travail dans de telles conditions ; en ne le faisant pas et en agissant au contraire au mépris des règles de comptabilité et de gestion, il a commis des fautes dont il ne peut ainsi s'exonérer ; qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments que les fautes de gestion, graves et répétées, ainsi établies à la charge de Monsieur Michel Z..., qui ont contribué à l'insuffisance d'actif de la SA SEFERBA, justifient que soient mises à sa charge les dettes de cette société à hauteur de la somme de 300.000 €, étant rappelé que l'insuffisance d'actif est de 2.456.834,45 € »,
ALORS QUE le défaut de réponse à conclusions constitue un défaut de motif ; qu'en l'espèce, en condamnant Monsieur Z... à supporter les dettes de la société SEFERBA à hauteur de 300.000 euros, sans répondre au moyen soulevé par ce dernier selon lequel l'existence d'une baisse d'activité significative dans le secteur du bâtiment, constatée par l'administrateur judiciaire Monsieur A..., était de nature à expliquer l'insuffisance d'actif et à exonérer Monsieur Z... de sa responsabilité, la Cour d'appel privé sa décision de motif et violé l'article 455 du Code de procédure civile.Moyen produit au pourvoi n° V 09-12.221 par la SCP Ancel et Couturier-Heller, avocat aux Conseils pour M. José Y....
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré irrecevable le moyen tiré de la nullité du jugement pour défaut de convocation des dirigeants en vue de leur audition préalable en chambre du conseil, écarté les moyens tendant à la nullité de la procédure et du jugement et statuant au fond condamné solidairement M. José Y... et M. Michel Z... à supporter les dettes de la société Seferba à hauteur de 50.000 euros pour M. Y... et de 300.000 euros pour M. Z... ;
AUX MOTIFS QUE « sur l'audition des dirigeants »
« aux termes de l'article 164 du décret du 27 décembre 1985 déjà cité, « le ou les dirigeants (…) sont convoqués huit jours au moins avant leur audition en chambre du conseil, par acte d'huissier de justice ». En l'espèce, il résulte des pièces du dossier que M. José et Marc Y... et M. Michel Z... ont été assignés à comparaître devant le Tribunal de commerce de Calais, en personne ou en étant représentés par un avocat ou toute personne de leur choix, selon les règles de comparution devant le Tribunal de commerce ; ils n'ont pas fait l'objet d'une convocation précise et spéciale pour leur audition en chambre du conseil, et, par conséquent, M. Michel Z..., qui soulève cette irrégularité, n'a été présent en personne à aucune des audiences tenues par le Tribunal pour l'examen de l'affaire alors que, pour l'audition prévue par l'article 164 du décret, le dirigeant doit se présenter en personne et doit donc être invité spécialement à comparaître par ce mode pour être entendu. Il en résulte la violation d'une formalité substantielle qui affecte la régularité de la saisine du Tribunal »
ALORS QUE la convocation du dirigeant de la personne morale poursuivi en paiement des dettes sociales, en vue de son audition personnelle par le tribunal est un préalable obligatoire et que l'omission de cet acte qui fait obstacle à toute condamnation constitue une fin de non recevoir ;
D'où il résulte que la Cour d'appel qui constatait que les dirigeants de la Seferba, dont M. José Y... n'avaient pas fait l'objet d'une convocation en vue de leur audition personnelle par le tribunal et qu'il en résultait la violation d'une formalité substantielle affectant la régularité de la saisine du Tribunal, ne pouvait statuer au fond et entrer en voie de condamnation ; qu'elle n'a pas ainsi tiré les conséquences légales de ses propres constatations en violation de l'article 164 al. 2 du décret du 27 décembre 1985, ensemble de l'article 122 du code de procédure civile.