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09/02/2010 | FRANCE | N°08-20504

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 09 février 2010, 08-20504


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Chambéry, 1er juillet 2008), rendu en référé, que le 13 janvier 1995, la société Jacobs et Turner (le mandant) a conclu avec la société Celsius (l'agent) un contrat d'agent commercial non exclusif soumis au droit écossais et à la directive européenne de 1986 sur le droit à indemnité du mandant en cas de rupture du mandat ; que des difficultés étant survenues dans les relations entre les parties, l'agent a, en octobre 2006, assigné le mandant e

n résiliation judiciaire du contrat et en paiement de dommages-intérêts en ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Chambéry, 1er juillet 2008), rendu en référé, que le 13 janvier 1995, la société Jacobs et Turner (le mandant) a conclu avec la société Celsius (l'agent) un contrat d'agent commercial non exclusif soumis au droit écossais et à la directive européenne de 1986 sur le droit à indemnité du mandant en cas de rupture du mandat ; que des difficultés étant survenues dans les relations entre les parties, l'agent a, en octobre 2006, assigné le mandant en résiliation judiciaire du contrat et en paiement de dommages-intérêts en réparation de son préjudice ; qu'en réponse au courrier de l'agent l'informant qu'il se considérait, en raison des manquements commis à son égard, libéré de toute obligation, le mandant lui a notifié la rupture immédiate de leurs relations en application de l'article 12.1 du contrat ; que par acte du 13 novembre 2007, l'agent a assigné le mandant en paiement d'une provision de 183 572,80 euros à valoir sur le montant des commissions dues, en rémunération des opérations commerciales conclues par son intermédiaire jusqu'au 8 juin 2007 et la communication sous astreinte d'éléments comptables ;
Attendu que le mandant fait grief à l'arrêt de l'avoir condamné à payer à l'agent la somme provisionnelle de 415 066,64 euros, outre intérêts, à valoir sur les commissions sur les ventes conclues par son intermédiaire jusqu'au 8 juin 2007 et à remettre, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et dans le délai d'un mois à compter de la signification de la décision, le relevé de l'ensemble de ses factures auprès de ses clients sur le territoire contractuel, pour les opérations conclues jusqu'au 8 juin 2007 ainsi que le double de toutes les factures et l'équivalent en matière de comptabilité des entreprises écossaises du grand livre des comptes clients certifié conforme par son expert-comptable, alors, selon le moyen :
1°/ que le juge des référés ne peut accorder une provision au créancier ou ordonner l'exécution d'une obligation de faire que si l'obligation n'est pas sérieusement contestable ; qu'il existe une contestation sérieuse dès lors que la demande suppose l'appréciation du sens des différentes clauses contractuelles sur lequel les parties sont en désaccord ; qu'en l'espèce, pour dire que l'agent avait droit à commission lorsque l'opération avait été conclue entre le mandant et son client antérieurement à la rupture du contrat d'agence, peu important que les marchandises commandées aient été livrées et payées postérieurement, partant accorder une provision à l'agent et enjoindre au mandant de lui remettre sous astreinte, différents documents comptables, la cour d'appel, qui a interprété les différentes clauses du contrat, a tranché une contestation sérieuse et excédé ses pouvoirs, en violation de l'article 873 du code de procédure civile ;
2°/ que dans ses conclusions devant la cour d'appel, le mandant faisait valoir que, le contrat étant soumis au droit écossais, les parties avaient défini, par dérogation expressément prévue à la Directive européenne 86/653 et au règlement 8 de la législation britannique, le fait générateur du droit à commission, dans l'article 8.1 du contrat, comme l'existence d'une vente conclue entre le mandant et le client, grâce aux efforts de l'agent, et qui avait été payée par le client, de sorte que seules les ventes, pour lesquelles paiement avait été reçu pendant la période d'exécution du contrat, étaient de nature à ouvrir droit à commission ; qu'en retenant, pour accorder à l'agent une provision et enjoindre au mandant de lui remettre sous astreinte, différents documents comptables, qu'il importait peu, que les marchandises aient été payées postérieurement à la date de rupture du contrat, sans s'expliquer sur ce moyen des conclusions du mandant, ensemble l'article 8.1 du contrat, la cour d'appel a encore privé sa décision de toute base légale au regard des articles 1134 du code civil, ensemble l'article 873 du code de procédure civile ;
3°/ que lorsque l'exception de compensation est invoquée par une partie, pour s'opposer à une demande en paiement d'une provision, le juge des référés doit, pour statuer sur la demande de provision, apprécier si l'éventualité d'une compensation entre les créances réciproques est de nature à rendre sérieuse ou non la contestation de l'obligation invoquée par l'autre partie ; qu'en l'espèce, le mandant faisait valoir qu'en application des articles 12.1 et 12.5, l'agent était tenu de lui verser immédiatement une somme égale à la différence entre le prix tarif de tous les échantillons fournis à l'agent par le mandant selon les articles 5.2 et 5.5 et le montant payé pour lesdits échantillons par l'agent au mandant selon les dispositions des articles 5.1 et 5.5, soit la somme de 655 539,03 euros ; que l'éventualité d'une compensation, fondée sur les clauses mêmes du contrat, entre les deux créances réciproques alléguées, était ainsi de nature à rendre sérieuse la contestation de l'obligation invoquée par l'agent à l'appui de sa demande de provision ; qu'en faisant néanmoins droit à cette demande de provision, aux motifs tirés de l'interprétation des clauses du contrat, de l'application de la directive européenne et du caractère hypothétique, en l'état, de la créance sur laquelle se fondait la demande de compensation, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard des articles 1134 du code civil, ensemble l'article 873 du code de procédure civile ;
Mais attendu, d'une part, que l'arrêt relève que la clause 8-8 du contrat d'agence est dépourvue d' ambiguïté et que l'article 7.4 constitue une disposition relative à la perte du droit au paiement de la commission en cas d'inexécution du contrat par le client et non pas au fait générateur du droit à commission puis retient qu'il en résulte que lorsque l'opération a été conclue entre le mandant et son client antérieurement à la rupture du contrat d'agence, l'agent a droit à commission ; qu'en accordant à l'agent la provision demandée, la cour d'appel, qui n'a pas interprété les clauses contractuelles, n'a fait qu'user des pouvoirs qu'elle tient de l'article 873 du code de procédure civile ;
Attendu, d'autre part, que l'arrêt ne dit pas qu'il importe peu que les marchandises aient été payées postérieurement à la date de rupture du contrat, mais retient que le relevé des opérations conclues produit par l'agent ne fait l'objet d'aucune critique par le mandant, celui-ci ne justifiant pas avoir notifié à l'agent un refus d'acceptation des commandes transmises par ses soins conformément à l'article 7.2 du contrat, ni ne justifiant de ventes qui n'auraient pas été exécutées et au titre desquelles la commission serait perdue, pendant qu'il a été mis en demeure de produire le relevé des factures et des commissions par lettre du 6 juillet 2007 ;
Attendu, enfin, qu'après avoir relevé que la clause 12.5 du contrat était sujette à interprétation, que la question de sa validité se poserait au regard des dispositions d'ordre public de la Directive européenne sur le droit à indemnité du mandant en cas de rupture du mandat et que seul le juge du fond était à même de se prononcer sur l'imputabilité de la rupture, l'arrêt retient que le droit à indemnité du mandant est hypothétique et insusceptible de faire apparaître comme sérieusement contestable la créance de l'agent au titre de la rémunération de prestations effectivement fournies par ses soins depuis de nombreux mois et dont le paiement revêt un caractère alimentaire ; qu'en l'état de ses constatations et appréciations, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen, qui manque en fait en sa deuxième branche, n'est pas fondé pour le surplus ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Jacobs et Turner Ltd aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à la société Celsius la somme de 2 500 euros et rejette sa demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du neuf février deux mille dix.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils pour la société Jacobs et Turner Ltd
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir condamné la société JACOBS et TURNER à payer à la société CELSIUS la somme provisionnelle de 415 066,64 euros, outre intérêts, à valoir sur les commissions sur les ventes conclues par son intermédiaire jusqu'au 8 juin 2007 et à remettre, sous astreinte de 100 € par jour de retard et dans le délai d'un mois à compter de la signification de la décision, le relevé de l'ensemble de ses factures auprès de ses clients sur le territoire contractuel, pour les opérations conclues jusqu'au 8 juin 2007 ainsi que le double de toutes les factures et l'équivalent en matière de comptabilité des entreprises écossaises du grand livre des comptes « clients » certifié conforme par son expert comptable,
AUX MOTIFS QUE selon la clause 8.8 du contrat d'agence liant les parties, l'agent reconnaît que son droit à commission concerne seulement les ventes effectuées pendant la période du contrat et renonce à tout droit qu'il pourrait détenir au titre de la réglementation 8 de la législation britannique mettant en oeuvre la directive du Conseil 86/653 ; que pour les besoins de cette clause 8.10, (en fait 8.8), une vente signifiera un contrat conclu entre le mandant et un client dans le territoire ; qu'il résulte de cette disposition, dépourvue de toute ambiguïté, que le droit à commission de l'agent naît lorsque le contrat est formé entre le mandant et le client apporté par le mandataire, c'est-à-dire lorsqu'il y a commande ferme du client acceptée par le mandant ; que l'article 7.4 du contrat, prévoyant qu'il n'y aura pas paiement de la commission dans le cas où la commande acceptée n'a pas été honorée, ne saurait s'analyser comme dérogeant à l'article 8.8, s'agissant d'une disposition relative à la perte du droit au paiement de la commission en cas d'inexécution du contrat par le client et non pas au fait générateur du droit à commission ; qu'il en résulte à l'évidence que lorsque l'opération a été conclue entre le mandant et son client antérieurement à la rupture du contrat d'agence, l'agent a droit à commission peu important que les marchandises commandées aient été livrées et/ou payées par le client postérieurement à cette date ; que l'article 8.5 du contrat impose au mandant de fournir dès que possible après réception de la demande écrite de l'agent, toute information que celui-ci pourra raisonnablement demander aux fins de vérification des montants des commissions payées au titre de cette convention, l'article 8.4 lui imposant de verser à l'agent toute commission due au plus tard le dernier jour du mois suivant la fin du trimestre au cours duquel elle sera due et de lui fournir en même temps un relevé indiquant le calcul de ladite commission ; que le relevé des opérations conclues, produit par la société CELSIUS ne fait l'objet d'aucune critique par la société JACOBS et TURNER LTD ; que celle-ci ne justifie pas avoir notifié à la société CELSIUS un refus d'acceptation des commandes transmises par ses soins conformément à l'article 7.2 du contrat ; que, pas plus, elle ne justifie des ventes qui n'auraient pas été exécutées et au titre desquelles le droit à commission serait perdu, alors qu'elle a été mise en demeure de produire le relevé des factures et des commissions par lettre du 6 juillet 2007 ; qu'à supposer que la clause de l'article 12-5 du contrat, prévoyant qu'en cas de résiliation de la convention par le mandant, l'agent versera immédiatement à celui-ci une somme égale à la différence entre le prix tarif de tous les échantillons fournis à l'agent par le mandant et le montant payé pour lesdits échantillons par l'agent au mandant, soit interprétée comme visant l'ensemble des échantillons fournis depuis le début du contrat, l'indemnité due apparaîtrait dépourvue de cause économique comme étant la contrepartie de vêtements d'anciennes collections, par hypothèse obsolètes et démodés, et la question de sa validité se poserait au regard des dispositions d'ordre public de la directive européenne sur le droit à indemnité du mandataire en cas de rupture du mandat ; qu'en tout état de cause, seul le juge du fond est à même de se prononcer sur l'imputabilité de la rupture et le prétendu droit à indemnité de la société JACOBS et TURNER LTD est, en l'état, hypothétique et insusceptible de faire apparaître comme sérieusement contestable la créance de la société CELSIUS au titre de la rémunération de prestations effectivement fournies par ses soins depuis de nombreux mois et dont le paiement revêt un caractère alimentaire ; qu'il sera, en conséquence, fait droit à la demande de provision à hauteur de la somme de 415 066,64 € et la demande reconventionnelle de la société JACOBS et TURNER LTD sera déclarée irrecevable ;
1) ALORS QUE le juge des référés ne peut accorder une provision au créancier ou ordonner l'exécution d'une obligation de faire que si l'obligation n'est pas sérieusement contestable ; qu'il existe une contestation sérieuse dès lors que la demande suppose l'appréciation du sens des différentes clauses contractuelles sur lequel les parties sont en désaccord ; qu'en l'espèce, pour dire que l'agent avait droit à commission lorsque l'opération avait été conclue entre le mandant et son client antérieurement à la rupture du contrat d'agence, peu important que les marchandises commandées aient été livrées et payées postérieurement, partant accorder une provision à la société CELSIUS et enjoindre à la société JACOBS et TURNER de lui remettre sous astreinte, différents documents comptables, la cour d'appel, qui a interprété les différentes clauses du contrat, a tranché une contestation sérieuse et excédé ses pouvoirs, en violation de l'article 873 du code de procédure civile ;
2) ALORS QUE, subsidiairement, dans ses conclusions devant la cour d'appel, la société JACOBS et TURNER LTD faisait valoir que, le contrat étant soumis au droit écossais, les parties avaient défini, par dérogation expressément prévue à la directive européenne 86/653 et au règlement 8 de la législation britannique, le fait générateur du droit à commission, dans l'article 8.1 du contrat, comme l'existence d'une vente conclue entre le mandant et le client, grâce aux efforts de l'agent, et qui avait été payée par le client, de sorte que seules les ventes, pour lesquelles paiement avait été reçu pendant la période d'exécution du contrat, étaient de nature à ouvrir droit à commission ; qu'en retenant, pour accorder à la société CELSIUS une provision et enjoindre à la société JACOBS et TURNER de lui remettre sous astreinte, différents documents comptables, qu'il importait peu, que les marchandises aient été payées postérieurement à la date de rupture du contrat, sans s'expliquer sur ce moyen des conclusions de la société JACOBS et TURNER LTD, ensemble l'article 8.1 du contrat, la cour d'appel a encore privé sa décision de toute base légale au regard des articles 1134 du code civil, ensemble l'article 873 du code de procédure civile ;
3) ALORS QUE lorsque l'exception de compensation est invoquée par une partie, pour s'opposer à une demande en paiement d'une provision, le juge des référés doit, pour statuer sur la demande de provision, apprécier si l'éventualité d'une compensation entre les créances réciproques est de nature à rendre sérieuse ou non la contestation de l'obligation invoquée par l'autre partie ; qu'en l'espèce, la société JACOBS et TURNER LTD faisait valoir qu'en application des articles 12.1 et 12.5, la société CELSIUS était tenue de lui verser immédiatement « une somme égale à la différence entre le prix tarif de tous les échantillons fournis à l'agent par le mandant selon les articles 5.2 et 5.5 et le montant payé pour lesdits échantillons par l'agent au mandant selon les dispositions des articles 5.1 et 5.5 », soit la somme de 655 539,03 € ; que l'éventualité d'une compensation, fondée sur les clauses mêmes du contrat, entre les deux créances réciproques alléguées, était ainsi de nature à rendre sérieuse la contestation de l'obligation invoquée par la société CELSIUS à l'appui de sa demande de provision ; qu'en faisant néanmoins droit à cette demande de provision, aux motifs aussi infondés qu'inopérants, tirés de l'interprétation des clauses du contrat, de l'application de la directive européenne et du caractère hypothétique, en l'état, de la créance sur laquelle se fondait la demande de compensation, la cour d'appel a derechef privé sa décision de toute base légale au regard des articles 1134 du code civil, ensemble l'article 873 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 08-20504
Date de la décision : 09/02/2010
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Chambéry, 01 juillet 2008


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 09 fév. 2010, pourvoi n°08-20504


Composition du Tribunal
Président : Mme Favre (président)
Avocat(s) : SCP Piwnica et Molinié, SCP Thomas-Raquin et Bénabent

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2010:08.20504
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