LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Met hors de cause sur sa demande la société Norisko ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la Société languedocienne de montage (la SLM) a acheté une grue à la société Bascans équipements international (la société Bascans), qui l'avait elle-même acquise de la Société robionnaise de bâtiment industriel (la SRBI) ; que la flèche de cet engin a plié sous le poids d'éléments de charpente métallique ; que la SLM et son assureur, la société Azur assurances, aux droits de laquelle se trouve la société MMA IARD, ont fait procéder à une expertise amiable puis ont obtenu en référé la désignation d'un expert judiciaire, avant d'assigner en résolution de la vente et en indemnisation la société Bascans, qui a elle même appelé en garantie la société de contrôle Norisko et la SRBI ;
Sur le premier moyen, le deuxième moyen, pris en ses trois branches, le troisième moyen et le quatrième moyen, pris en ses troisième et quatrième branches :
Attendu que ces moyens ne seraient pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Mais sur le quatrième moyen, pris en sa première branche :
Vu l'article 1641 du code civil ;
Attendu que pour rejeter l'action en garantie de la société Bascans contre la SRBI, l'arrêt retient que, professionnel de l'achat et de la revente de matériel de travaux publics, la société Bascans ne démontre pas que la SRBI connaissait le vice caché affectant l'engin qu'elle lui a vendu et le lui aurait dissimulé, qu'elle n'a donc pas de recours à son encontre ;
Attendu qu'en statuant ainsi alors que l'action récursoire en garantie des vices cachés dont disposait la société Bascans à l'encontre de son propre fournisseur n'était pas subordonnée à la connaissance de ce vice par celui-ci, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la deuxième branche du quatrième moyen :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a rejeté l'action en garantie de la société Bascans équipements international contre la Société robionnaise de bâtiment industriel, l'arrêt rendu le 16 mai 2008, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ;
Fait masse des dépens et les met pour moitié à la charge de la société Bascans équipements international et pour l'autre moitié à la charge de la Société robionnaise de bâtiment industriel ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du neuf février deux mille dix.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Monod et Colin, avocat aux Conseils pour la société Bascans équipements international.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir déclaré recevable l'action rédhibitoire exercée par la société LANGUEDOCIENNE DE MONTAGE (SLM) ;
AUX MOTIFS QU'il a été satisfait au bref délai d'action imposé par l'article 1648 du code civil dans sa rédaction alors applicable dès lors que la connaissance certaine du vice caché ne résulte pour la demanderesse que de l'expertise judiciaire et que les tractations précontentieuses qui ont eu lieu entre les parties à l'issue de l'expertise amiable du 13 décembre 2000 qui en avait découvert les indices ont précédé d'une durée raisonnable la demande de mesure d'instruction avant tout procès ; que la modification de l'article 1648 par voie d'ordonnance le 17 février 2005 transpose en droit interne la directive européenne 1999/44/CE qui emporte désormais ouverture du délai d'action pour vice caché durant un délai préfix de deux ans et prévoit l'harmonisation des législations des Etats membres au plus tard le 1er janvier 2002 ; que le juge national étant tenu d'interpréter le droit interne à la lumière de la directive européenne tant qu'elle n'est pas transposée, il en résulte de plus fort que la SLM a agi dans le délai utile ;
ALORS QUE le bref délai court dès que l'acheteur a connaissance du vice de la chose vendue ; qu'ayant constaté que l'expertise judiciaire en date du 17 mai 2002 avait permis à la SLM d'avoir une connaissance certaine du vice, la cour d'appel ne pouvait se borner à relever que les tractations précontentieuses qui ont au lieu après l'expertise amiable du 13 décembre 2000 ont précédé d'une durée raisonnable la demande de mesure d'instruction avant tout procès sans rechercher, comme elle y était pourtant invitée (concl. p. 8), si le temps mis par la SLM pour assigner au fond après le dépôt du rapport de l'expert judiciaire, soit 22 mois, n'avait pas excédé le délai prévu par l'article 1648 du code civil ; qu'elle a ainsi privé sa décision de base légale au regard de ce texte.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir déclaré fondée l'action rédhibitoire exercée par la société LANGUEDOCIENNE DE MONTAGE (SLM), dit que celle-ci, ayant opté pour l'action rédhibitoire, devra restituer la grue litigieuse à la société BASEQUIP, laquelle supportera les frais de transport et rendra le prix, soit 10.028,10 €, et d'avoir condamné la société BASEQUIP à lui verser 11.555,55 € et à payer à la société MMA IARD les sommes de 5.774,31 € au titre des indemnités servies à la victime du dommage et de 6.860,21 € en remboursement des frais d'expertise judiciaire ;
AUX MOTIFS QUE la grue a été facturée par la société BASEQUIP sans mention de réserve ni restriction d'emploi et précise « passée au contrôle AIF » ce qui signifie que l'engin est prêt à l'utilisation ; que la venderesse ne peut pas soutenir que la vente, dans le dernier état de la commune intention des parties qui l'a concrétisée, portait sur du matériel destiné à la récupération de pièces détachées, quant bien même leur contact initial aurait été pris pour ça ; que c'est à elle qu'il incombait, en application de l'article R. 233-77 du code du travail, de remettre un certificat de conformité à l'acquéreur ; qu'en l'absence de document indépendant de la facture, celle-ci qui mentionne l'existence d'une opération de contrôle et n'indique ni restriction ni réserve, doit donc être considérée comme faisant office de certificat de conformité ; que la société BASEQUIP, vendeur professionnel, est mal fondée à imputer à faute à l'acquéreur, fût-il professionnel de l'emploi de l'engin vendu, la transgression d'une limite de charge de 1.360 kg de masse, résultant, selon elle, du rapport de certification d'AIF ; que l'expert ayant, quoi qu'il en soit, écarté (p. 9) qu'une surcharge ait été cause du sinistre et démontré que celui-ci procédait d'une fissuration progressive du métal (p. 11), l'argument d'un dépassement de la capacité de charge vérifiée par AIF, à le supporter fondé, demeure inopérant ; qu'en l'état des constatations de l'expert, la société BASEQUIP ne démontre en rien que le conducteur de la grue n'ait pas été qualifié pour cette tâche ni qu'il ait commis des erreurs dans la conduite de l'engin ; que la fatigue progressive du métal à l'origine de la destruction du caisson de flèche de l'engin évoluant par microfissures non décelables autrement que par des investigations en laboratoire, le vice affectant l'engin vendu a donc bien le caractère d'un vice caché dont le vendeur professionnel est garant selon l'article 1641 du code civil ;
ALORS, D'UNE PART, QUE devant la cour d'appel, la SLM s'est bornée (concl. p. 3) à invoquer, comme vice caché, celui retenu par les premiers juges consistant, selon eux, pour la société BASEQUIP à ne pas avoir informé l'acquéreur de la charge maximale d'emploi de la grue, sans se prévaloir de la fatigue progressive du métal de l'engin ; qu'en se fondant exclusivement sur la fatigue du métal sans avoir préalablement invité les parties à s'expliquer sur la question de sa qualification de vice caché, la cour d'appel a violé les articles 4, 7 et 16 du code de procédure civile ;
ALORS, D'AUTRE PART, QUE l'usure normale d'un bien ne constitue pas un vice caché ; qu'en déduisant l'existence d'un vice caché de la seule fatigue progressive du métal qui a été à l'origine de la destruction du caisson de la flèche de la grue sans constater que cette fatigue résultait d'un défaut et non de l'usure normale de l'engin qui avait plus de 25 ans lors de sa vente, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1641 du code civil ;
ALORS, ENFIN, QUE la société BASEQUIP faisait valoir (concl. p. 9 et 10) que la grue n'avait pas été rendue impropre à sa destination contractuelle qui était de servir de pièces détachées pour la réparation d'une grue que possédait déjà la SLM ; qu'en s'en tenant, pour écarter ce moyen, aux mentions de la facture sans procéder à l'examen de la commune intention des parties, la cour d'appel a violé les articles 1134 et 1162 du code civil.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir condamné la société BASEQUIP à verser à la société LANGUEDOCIENNE DE MONTAGE (SLM) la somme de 11.555,55 € à titre de dommages-intérêts et à payer à la société MMA IARD les sommes de 5.774,31 € au titre des indemnités servies à la victime du dommage et de 6.860,21 € en remboursement des frais d'expertise judiciaire ;
AUX MOTIFS QUE, les MMA justifient par quittance avoir indemnisé la SLM pour les dégâts causés à la charpente et avoir directement pris en charge les frais d'expertise judiciaire ; qu'au titre des préjudices directs, l'expert a retenu avec pertinence la remise en état du chantier ainsi que les frais de gardiennage de l'engin accidenté ; qu'au titre des préjudices indirects, l'expert a évalué sans insuffisance ni excès la perte de marge brute d'autofinancement à la somme de 37.000 F et celle de 34.400 F au titre du crédit bancaire finançant la grue soit en tout 71.400 F ou 10.884,86 € ;
ALORS QUE si le vendeur professionnel est tenu, outre la restitution du prix, de tous les dommages-intérêts envers l'acheteur, c'est à condition que ces dommages-intérêts réparent un préjudice direct ; qu'en imposant à la société BASEQUIP l'indemnisation de préjudices dont elle constate elle-même qu'ils sont indirects, la cour d'appel a violé les articles 1382 et 1645 du code civil.
QUATRIEME MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir débouté la société BASEQUIP de son recours en garantie dirigé contre les sociétés ROBIONNAISE DE BATIMENT INDUSTRIEL (SRBI) et MMA IARD et de l'avoir condamnée à verser à la SRBI la somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
AUX MOTIFS QUE professionnel de l'achat et de la revente de matériel de travaux publics, la société BASEQUIP ne démontre pas que la SRBI connaissait le vice caché affectant l'engin qu'elle lui a vendu et le lui aurait dissimulé ; que le bureau de contrôle n'était réglementairement tenu d'effectuer l'essai qu'avec la charge disponible de celui-ci ; que la seule configuration qui permettrait à la société BASEQUIP de rechercher la garantie de l'organisme de contrôle n'est donc pas le fait d'avoir pratiqué un essai avec une charge limitée mais au contraire un excès de contrainte en charge susceptible d'avoir initié ou aggravé la fissuration de fatigue du métal ; qu'une telle conséquence n'est cependant pas démontrée car seules les investigations en laboratoire, approfondies et onéreuses, auraient pu en apporter la démonstration éventuelle ;
ALORS, D'UNE PART, QUE l'action récursoire en garantie des vices cachés dont dispose le vendeur à l'encontre de son propre fournisseur n'est subordonnée ni à l'imputabilité du vice à l'intervention de celui-ci sur la chose vendue, ni à la connaissance de ce vice par celui-ci ; qu'en exigeant de la société BASEQUIP la preuve de ce que la SRBI, qui lui avait vendu la grue litigieuse, connaissait le vice affectant celle-ci et le lui avait dissimulé, la cour d'appel a violé l'article 1641 du code civil ;
ALORS, D'AUTRE PART, QUE la qualité de professionnel du sous-acquéreur ne le prive tout au plus de la garantie par le vendeur initial professionnel des conséquences dommageables du vice caché que si, ayant lui-même effectivement décelé le vice après la livraison, il a commis la faute de revendre la chose en toute connaissance de cause ; qu'en se fondant, pour exonérer la SRBI de sa garantie, sur la circonstance que la société BASEQUIP n'aurait pas établi que la SRBI connaissait le vice et le lui avait dissimulé tout en relevant que ce vice n'avait pu être révélé qu'après expertise, la cour d'appel a violé les articles 1147, 1641 et 1645 du code civil ;
ALORS, DE TROISIEME PART, QU'en faisant droit à la demande en remboursement de frais irrépétibles formulée par la SRBI dans des conclusions qu'elle avait écartées comme tardives, la cour d'appel a méconnu les limites du litige et violé l'article 4 du code de procédure civile ;
ALORS, ENFIN, QUE la société BASEQUIP se prévalait (concl. p. 19) de la constatation de l'expert (rapport, p. 12) selon laquelle la fissuration aurait pu être mise à jour si l'organisme de contrôle avait effectué en totalité les essais réglementaires ; qu'en se bornant, pour écarter la responsabilité de la société NORISKO, à retenir que celle-ci n'avait pas méconnu ses obligations en matière d'essais de charges et qu'il n'était pas démontré que son intervention ait initié ou aggravé la fissuration par fatigue du métal, sans rechercher si l'organisme de contrôle n'avait pas commis une faute en ne décelant pas la fatigue du métal, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil.