LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Neudis, exploitant à Genay un magasin de grande distribution sous l'enseigne "Leclerc", a, au cours de l'année 2007, apposé à l'entrée de son magasin une affiche comportant le slogan "Eco + pour faire plus d'économies" et représentant un podium au sommet duquel figurait une photographie d'un assortiment de produits de consommation courante provenant de ses rayons, comportant la mention suivante "photo non-contractuelle- liste détaillée en caisse", et à la base duquel se trouvaient un assortiment de produits du même type commercialisés dans deux magasins de la région sous d'autres enseignes, dont l'enseigne "Aldi marché", placée en deuxième position sur le podium ; qu'au dessus des produits de cette dernière enseigne figurait la mention suivante "6.59 % plus chers que E. Leclerc Genay, soit 3.33 euros plus chers, 27.75 % de produits en moins, constat d'huissier de justice effectué le 22 janvier 2007" ; qu'estimant que cette publicité comparative était illicite, la société Aldi marché a assigné la société Neudis en indemnisation de son préjudice, ainsi qu'en publication et en affichage de la décision à intervenir ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la société Neudis fait grief à l'arrêt de l'avoir condamnée à verser à la société Aldi marché un euro de dommages-intérêts pour avoir violé les dispositions du code de la consommation en matière de publicité comparative et pour avoir ainsi commis des actes de concurrence déloyale, alors, selon le moyen :
1°/ que la publicité comparative n'exige pas de procéder à une comparaison de tous les produits ou services ; qu'en retenant le caractère trompeur de la publicité en se fondant sur l'absence de produits frais dans l'assortiment ou sur le fait que les produits de consommation courante étaient assurément plus nombreux que trente-quatre, la cour d'appel a violé l'article L.121-8 du code de la consommation ;
2°/ que la publicité comparative doit porter sur des biens ou services répondant aux mêmes besoins, ce qui n'implique pas que les produits comparés soient vendus dans des quantités strictement identiques ; qu'après avoir constaté que certains produits de l'échantillon de la société concurrente étaient vendus en quantités plus importantes mais dans de très faibles proportions (52 et 54 couches ; 470 et 475 grammes de mayonnaise ; 185 et 200 grammes de thon), et qu'il existait aussi certains produits vendus en quantités plus importantes par la société auteur de la publicité litigieuse, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations dont il résultait que les différences de quantités, peu significatives et constatées dans un sens comme dans l'autre, n'avaient pas faussé la comparaison au détriment de la société concurrente (violation du même texte) ;
3°/ que la comparaison fondée sur le prix doit porter sur des produits présentant des caractéristiques essentielles comparables; que le conditionnement d'un produit alimentaire n'est pas en soi une caractéristique essentielle du produit dont la différence avec un autre s'opposerait par principe à une comparaison ; qu'en affirmant que les différences de conditionnement de mêmes produits (concentré de tomate en tube ou en boîte, vin de table en plastique ou verre) n'autorisaient pas la comparaison sans expliquer en quoi ces produits auraient présenté des qualités essentielles intrinsèquement différentes, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard, encore une fois, de l'article L. 121-8 du code de la consommation ;
4°/ que le juge ne peut statuer en se fondant sur l'absence d'une pièce figurant dans le bordereau de communication des pièces et dont la communication n'est pas contestée, sans inviter les parties à s'expliquer ; que la cour d'appel a retenu que la liste détaillée n'avait pas été versée au débat, ce qui lui a permis d'affirmer de manière erronée que les produits Eco + vendus en plus grande quantité étaient nécessairement moins chers à l'unité, ou que l'assortiment avait très bien pu être fait en sélectionnant les produits Eco + les moins chers ou encore que la publicité tendait à dire que les produits Eco + de l'assortiment, donc tous les produits Eco + étaient moins chers ; que ces listes figuraient cependant en annexe du procès-verbal d'huissier du 22 janvier 2007 mentionné dans la bordereau des pièces communiquées et dont la communication n'a pas été contestée ; qu'en retenant que cette liste n'avait pas été versée au débat sans provoquer l'explication des parties, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;
Mais attendu que l'arrêt relève que la liste détaillée, mentionnée sur l'affiche comme disponible en caisse, n'a pas été versée aux débats ; qu'ayant ainsi fait ressortir, dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation des éléments de preuve qui lui étaient soumis, l'absence de preuve de l'accessibilité des éléments de la comparaison permettant aux consommateurs d'en vérifier l'exactitude, la cour d'appel, qui n'a pas violé le principe de la contradiction, a en a justement déduit, abstraction faite des motifs surabondants critiqués par les trois premières branches, que la publicité comparative litigieuse, qui ne répondait pas à l'exigence d'objectivité posée à l'article L. 121-8, alinéa 1, 3°, du code de la consommation, était illicite ; que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le second moyen :
Vu l'article L. 121-14 du code de la consommation ;
Attendu qu'ayant ordonné l'affichage du dispositif de son arrêt à l'entrée principale du magasin Leclerc à Genay, alors qu'une telle mesure n'entre pas dans les prévisions du texte susvisé, la cour d'appel a violé celui-ci ;
Et vu l'article 627 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a ordonné l'affichage du dispositif de la présente décision à l'entrée principale du magasin Leclerc de Genay, l'arrêt rendu le 19 février 2009, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
Rejette la demande d'affichage ;
Fait masse des dépens et les met par moitié à la charge, d'une part, de la société Aldi marché et, d'autre part, de la société Neudis ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du deux février deux mille dix.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par Me Blanc, avocat aux conseils pour la société Neudis
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir condamné la société Neudis à verser à la société Aldi marché un euro de dommages et intérêts pour avoir violé les dispositions du code de la consommation en matière de publicité comparative et pour avoir ainsi commis des actes de concurrence déloyale ;
Aux motifs que la comparaison portait sur le prix d'un assortiment de trente-quatre produits constituant un panier-type selon la société Neudis, qui n'expliquait pas de manière satisfaisante le fait que, sur l'affiche litigieuse, l'assortiment Aldi marché ne comportait que trente-deux produits ; qu'en premier lieu, la société Neudis ne précisait pas ses critères de choix, s'étant limitée à affirmer que la liste constituait un panier type de la ménagère, ce qui ne correspondait à rien de précis ; que la sélection opérée présentait donc un caractère arbitraire ; qu'ainsi, n'y figurait aucun produit frais ; que de plus, il était loisible à la société Neudis d'écarter délibérément des produits de consommation courante, assurément en nombre plus important que trentequatre, dont le prix serait désavantageux pour elle ; qu'en deuxième lieu, la présentation sur l'affiche d'un prix global inférieur du panier des produits Eco +était déterminée sur la base d'un conditionnement par lots (goûters fourrés) ou de plus grande contenance (spaghettis, confiture, biscottes), nécessairement moins cher à l'unité que les produits vendus chez les concurrents en conditionnement moins important ; que certains produits Eco + comportaient des quantités moindres que les produits concurrents, ne serait-ce que de quelques unités (52 et 54 couches bébé) ou quelques grammes (470 et 475 grammes pour un pot de mayonnaise ; 185 et 200 grammes pour une boîte de thon au naturel) ; qu'il était indifférent que pour d'autres produits, la comparaison des quantités fût en faveur de la société Neudis ; qu'en troisième lieu, la comparaison était faussée car le conditionnement, qui rentrait dans les caractéristiques du produit, différait d'une marque à l'autre, ainsi pour un produit en tube d'un côté et en boîte de l'autre (concentré de tomate) ou en bouteille en plastique d'un côté et en verre de l'autre (vin) ; qu'en quatrième lieu, la comparaison faite ainsi de manière globale était source de confusion, et même trompeuse, en ce qu'elle ne permettait pas au consommateur de s'assurer au vu de l'affiche que dans l'assortiment le produit de marque Eco + qui l'intéressait était moins cher que le produit concurrent ; qu'en cinquième lieu, l'affiche litigieuse tendait à dire que les produits Eco + de l'assortiment, donc les produits Eco + de manière générale, étaient moins onéreux, ce qui n'était pas démontré ni même soutenu dans la même instance ; qu'à cet égard, le dépôt en caisse de la liste détaillée mentionnée sur l'affiche ne pouvait suppléer l'affichage lui-même ; quant à la mention « photo non contractuelle », elle était impropre à réparer les inexactitudes ou imprécisions et constituait même un aveu du doute que pouvait avoir la société Neudis sur la validité du procédé ; que de surcroît, la liste détaillée n'avait pas été versée aux débats ;
Alors que 1°) la publicité comparative n'exige pas de procéder à une comparaison de tous les produits ou services ; qu'en retenant le caractère trompeur de la publicité en se fondant sur l'absence de produits frais dans l'assortiment ou sur le fait que les produits de consommation courante étaient assurément plus nombreux que trente-quatre, la cour d'appel a violé l'article L.121-8 du code de la consommation) ;
Alors que, 2°) la publicité comparative doit porter sur des biens ou services répondant aux mêmes besoins, ce qui n'implique pas que les produits comparés soient vendus dans des quantités strictement identiques ; qu'après avoir constaté que certains produits de l'échantillon de la société concurrente étaient vendus en quantités plus importantes mais dans de très faibles proportions (52 et 54 couches ; 470 et 475 grammes de mayonnaise ; 185 et 200 grammes de thon), et qu'il existait aussi certains produits vendus en quantités plus importantes par la société auteur de la publicité litigieuse, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations dont il résultait que les différences de quantités, peu significatives et constatées dans un sens comme dans l'autre, n'avaient pas faussé la comparaison au détriment de la société concurrente (violation de l'article L. 121-8 du code de la consommation ;
Alors que, 3°) la comparaison fondée sur le prix doit porter sur des produits présentant des caractéristiques essentielles comparables ; que le conditionnement d'un produit alimentaire n'est pas en soi une caractéristique essentielle du produit dont la différence avec un autre s'opposerait par principe à une comparaison ; qu'en affirmant que les différences de conditionnement de mêmes produits (concentré de tomate en tube ou en boite, vin de table en plastique ou verre) n'autorisaient pas la comparaison sans expliquer en quoi ces produits auraient présenté des qualités essentielles intrinsèquement différentes, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de l'article L. 121-8 du code de la consommation ;
Alors que, 4°) le juge ne peut statuer en se fondant sur l'absence d'une pièce figurant dans le bordereau de communication des pièces et dont la communication n'est pas contestée, sans inviter les parties à s'expliquer ; que la cour d'appel a retenu que la liste détaillée n'avait pas été versée au débat, ce qui lui a permis d'affirmer de manière erronée que les produits Eco + vendus en plus grande quantité étaient nécessairement moins chers à l'unité, ou que l'assortiment avait très bien pu être fait en sélectionnant les produits Eco + les moins chers ou encore que la publicité tendait à dire que les produits Eco + de l'assortiment, donc tous les produits Eco + étaient moins chers ; que ces listes figuraient cependant en annexe du procès-verbal d'huissier du 22 janvier 2007 mentionné dans la bordereau des pièces communiquées et dont la communication n'a pas été contestée ; qu'en retenant que cette liste n'avait pas été versée au débat sans provoquer l'explication des parties, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir ordonné l'affichage du dispositif de l'arrêt ;
Aux motifs que le dispositif du présent arrêt devait être affiché pendant huit jours à l'entrée principale du magasin Leclerc, au même emplacement et sur une affiche de dimension 120 x 90 centimètres ;
Alors qu'aucune disposition n'autorise l'affichage d'une décision juridictionnelle civile rendue sur le fondement de l'article L. 121-8 du code de la consommation (violation par fausse application des articles L. 121-4 et L. 121-14 du code de la consommation).