La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

02/02/2010 | FRANCE | N°09-11295

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 02 février 2010, 09-11295


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Orléans, 4 décembre 2008), que M. X... et son épouse ont établi chacun une déclaration au titre de l'impôt de solidarité sur la fortune pour l'année 2005, que l'administration fiscale leur a notifié une proposition de rectification le 21 janvier 2006 et a mis en recouvrement, le 27 avril 2006, le complément de droits estimés éludés, que M. et Mme X... ont saisi le tribunal de grande instance puis la cour d'appel afin d'obtenir décharge de ce com

plément d'impôt ;
Attendu que M. et Mme X... font grief à l'arrêt d'avoir...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Orléans, 4 décembre 2008), que M. X... et son épouse ont établi chacun une déclaration au titre de l'impôt de solidarité sur la fortune pour l'année 2005, que l'administration fiscale leur a notifié une proposition de rectification le 21 janvier 2006 et a mis en recouvrement, le 27 avril 2006, le complément de droits estimés éludés, que M. et Mme X... ont saisi le tribunal de grande instance puis la cour d'appel afin d'obtenir décharge de ce complément d'impôt ;
Attendu que M. et Mme X... font grief à l'arrêt d'avoir rejeté leur demande alors, selon le moyen :
1°/ que le juge ne doit pas dénaturer les conclusions des parties ; qu'en considérant que la critique relative à l'incompatibilité de l'article 885 A du code général des impôts avec les engagements internationaux de la France ne portait que sur une discrimination liée à l'interprétation que l'administration donnait de la loi, cependant qu'elle portait aussi de manière expresse, à titre subsidiaire et dans l'hypothèse dans laquelle il aurait été reconnu que cette interprétation administrative était conforme à la loi, sur l'inconventionnalité de la loi elle-même ; que la cour d'appel a dénaturé les conclusions de M. et Mme X... et violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile ;
2°/ que le fait qu'un moyen soit formulé "au détour d'une phrase" est inopérant pour disqualifier ce moyen ; qu'au cas présent, en écartant le moyen tiré de l'incompatibilité de l'article 885 A du code général des impôts avec les engagements internationaux de la France au motif qu'il aurait été formulé "au détour d'une phrase", la cour d'appel s'est prononcée par un motif inopérant, en violation des articles 4 et 5 du code de procédure civile ;
3°/ que des dispositions législatives nationales ne sauraient, en tout état de cause, conduire à des discriminations entre les contribuables en raison de leur situation familiale ; que l'application de l'article 885 A du code général des impôts conduit à imposer plus lourdement les contribuables mariés que les contribuables non mariés ; qu'en considérant que cette discrimination avérée n'était incompatible avec aucun des engagements internationaux de la France, la cour d'appel a violé l'article 7 de la Déclaration universelle des droits de l'homme et les articles 23 et 26 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques du 16 décembre 1966, ainsi que les articles 12 et 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Mais attendu, en premier lieu, que l'arrêt constate qu'il résulte des articles 6 § 4 a et b et 885 A du code général des impôts que les couples mariés soumis à l'impôt de solidarité sur la fortune font l'objet d'une imposition commune, sauf ceux séparés de biens et ne vivant pas sous le même toit ainsi que ceux en instance de séparation de corps ou de divorce autorisés à avoir des résidences séparées qui font l'objet d'impositions distinctes, que M. et Mme X... n'estiment pas discriminatoires par elles-mêmes ces dispositions mais contestent l'interprétation de l'administration qui déduit du caractère commun de l'imposition la nécessité d'une déclaration unique de fortune ; qu'il retient que le caractère commun de l'imposition justifie l'exigence d'une déclaration de fortune unique alors que le dépôt de déclarations distinctes interdit cette imposition commune ; que la cour d'appel en a exactement déduit que l'interprétation de l'administration fiscale est conforme aux textes ;
Attendu, en second lieu, que, répondant aux conclusions sans les dénaturer et sans être tenu de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, l'arrêt retient à bon droit que le législateur peut, en se référant à la notion de foyer fiscal, appliquer des règles d'imposition distinctes à des situations familiales qui sont elles-mêmes objectivement distinctes ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne les époux X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, les condamne à payer au directeur général des finances publiques la somme globale de 2 500 euros et rejette leur demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du deux février deux mille dix.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, avocat aux Conseils, pour les époux M. X...

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Monsieur et Madame X... de l'ensemble de leurs demandes tendant à voir annuler la décision du Directeur des services fiscaux du Loiret et, par suite, à voir prononcer la décharge du supplément d'imposition sur la fortune mis à leur charge ;
Aux motifs adoptés des premiers juges que « pour échapper au principe de l'imposition commune posé en matière d'ISF par l'art. 885 A du code général des impôts les demandeurs doivent justifier soit qu'ils sont séparés de biens et ne vivent pas sous le même toit, soit qu'étant en instance de séparation de corps ou de divorce, ils ont été autorisés à avoir des résidences séparées, conformément à la règle d'imposition distincte résultant de l'article 6-4 a et b du dit code ; que le courrier du Directeur des Services Fiscaux du Loiret du 20/06/03 dont les époux X... entendent se prévaloir pour contester que l'épouse soit à la charge de l'homme dans le cadre du foyer fiscal rappelait expressément à Mr X... que le contribuable est «dans le cas de personnes mariées l'entité formée par les époux ; qu'il n'y a donc – et il ne saurait y avoir – de contradiction entre les textes du code général des impôts et l'interprétation qui en est faite par les services en charge de leur application ; que le principe de l'imposition commune ait pour effet de pénaliser les couples mariés, en concubinage notoire ou pacsées, par rapport à des personnes physiques imposables à titre individuel, ressort à la compétence exclusive du législateur ; qu'en l'espèce, force est de constater qu'il a été fait exacte application de la loi, et qu'il n'en résulte aucune forme de discrimination à l'encontre de la femme mariée qui serait en contravention avec les textes internationaux, ou qui aurait été stigmatisée par une instance internationale ; qu'il y a donc lieu de débouter de condamner les époux X... de l'intégralité de leurs demandes » (jugement du 25 janvier 2008, pp. 3 et 4) ;
Et aux motifs propres qu' « attendu que, bien que les époux X... demandent à être déchargés du complément d'impôt, non seulement pour l'année 2005, mais aussi pour des années postérieures, la saisine de la cour d'appel ne peut porter que sur l'année 2005 ; qu'attendu, dans cette limite, qu'il résulte de l'article 885 A du Code général des impôts que sont, notamment, soumises à l'ISF, en fonction de la valeur de leurs biens, les personnes physiques fiscalement domiciliées en France et que, parmi elles, les couples mariés font l'objet d'une imposition commune, sauf dans les cas prévus aux a et b du 4 de l'article 6 du Code, qui prévoient que font l'objet d'impositions distinctes les époux séparés de biens et ne vivant pas sous le même toit ainsi que ceux en instance de séparation de corps ou de divorce, s'ils ont été autorisés à avoir des résidences séparées ; que tel n'étant pas le cas des époux X..., ceux-ci, qui admettent, en ce qui les concerne, l'imposition commune à l'ISF, sans contester les dispositions de l'article 885 A du Code général des impôts, qu'ils n'estiment pas discriminatoires par elles-mêmes, contestent en revanche l'interprétation faite de ce texte par l'administration qui déduit du caractère commun de l'imposition la nécessité d'une déclaration unique de fortune ; que cependant, c'est bien le caractère légalement commun – et non pas la solidarité du paiement de l'impôt, les époux X... confondant les deux notions – de l'imposition des deux époux sur la fortune du foyer fiscal qu'ils représentent qui justifie logiquement l'existence d'une déclaration de fortune unique, conjointement signée par eux en application de l'article 885 W II du Code général des impôts, alors que le dépôt dérogatoire de déclarations distinctes interdit, au contraire, cette imposition commune, voulue par le législateur ; que la discrimination fiscale, selon le statut du couple, dénoncée par les époux X... ne résulte donc nullement d'une interprétation de l'administration fiscale, qui est en tous points conforme aux textes ; que les demandes des époux X..., tant en décharge du complément d'impôts qu'en dommagesintérêts, seront donc rejetées, la cour d'appel estimant, que les conclusions des époux X..., ne peuvent donner à juger, au détour d'une phrase, après avoir longuement soutenu, dans le style qui leur est propre, que l'article 885 A du Code général des impôts ne crée par lui-même aucune discrimination, que, peut-être, si l'interprétation de l'administration devait être suivie, il ne serait pas conforme à la constitution – ce que cette cour n'aurait pas, en tout état de cause le pouvoir de vérifier elle-même directement – ou à divers engagements internationaux de la France destinés à lutter contre les discriminations, étant observé que le législateur pouvait parfaitement, en se référant à la notion de foyer fiscal, appliquer des règles d'imposition distinctes à des situations familiales qui sont elles-mêmes objectivement distinctes » (arrêt du 4 décembre 2008, pages 3 et 4) ;
1° Alors d'une part que le juge ne doit pas dénaturer les conclusions des parties ; qu'en considérant que la critique relative à l'incompatibilité de l'article 885 A du Code général des impôts avec les engagements internationaux de la France ne portait que sur une discrimination liée à l'interprétation que l'administration donnait de la loi, cependant qu'elle portait aussi de manière expresse, à titre subsidiaire et dans l'hypothèse dans laquelle il aurait été reconnu que cette interprétation administrative était conforme à la loi, sur l'inconventionnalité de la loi ellemême ; que la cour d'appel a dénaturé les conclusions des exposants et violé les articles 4 et 5 du Code de procédure civile ;
2° Alors d'autre part que le fait qu'un moyen soit formulé « au détour d'une phrase » est inopérant pour disqualifier ce moyen ; qu'au cas présent, en écartant le moyen tiré de l'incompatibilité de l'article 885 A du Code général des impôts avec les engagements internationaux de la France au motif qu'il aurait été formulé « au détour d'une phrase », la cour d'appel s'est prononcée par un motif inopérant, en violation des articles 4 et 5 du Code de procédure civile;
3° Alors par ailleurs que des dispositions législatives nationales ne sauraient, en tout état de cause, conduire à des discriminations entre les contribuables en raison de leur situation familiale ; que l'application de l'article 885 A du Code général des impôts conduit à imposer plus lourdement les contribuables mariés que les contribuables non mariés ; qu'en considérant que cette discrimination avérée n'était incompatible avec aucun des engagements internationaux de la France, la cour d'appel a violé l'article 7 de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme et les articles 23 et 26 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques du 16 décembre 1966, ainsi que les articles 12 et 14 de la Convention Européenne de sauvegarde des Droits de l'Homme et des libertés fondamentales.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 09-11295
Date de la décision : 02/02/2010
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Orléans, 04 décembre 2008


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 02 fév. 2010, pourvoi n°09-11295


Composition du Tribunal
Président : Mme Favre (président)
Avocat(s) : SCP Nicolaý, de Lanouvelle et Hannotin, SCP Thouin-Palat et Boucard

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2010:09.11295
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award