LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 14 mai 2008), que M. X... a été engagé à compter du 17 novembre 1999 par la société Alapage.com dénommée ensuite Wanadoo E Mechant et actuellement France Telecom E Commerce en qualité de directeur du développement informatique ; qu'à compter du 1er avril 2000, il a exercé les fonctions de directeur des services d'information puis a été nommé le 19 février 2001 directeur de la division Marcopoly, filiale de la société Wanadoo E Mechant ; qu'à la suite de la mise en place en début d'année 2003 d'une nouvelle organisation au sein de la société Marcopoly, il a été proposé le 21 avril puis le 27 mai 2003 à M. X... des postes de chef de projet qu'il a refusés ; qu'il a été licencié par lettre recommandée avec accusé de réception du 24 juin 2004 pour refus réitérés et injustifiés ; que le salarié a saisi la juridiction prud'homale pour contester la régularité de son licenciement ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la société France Telecom E Commerce fait grief à l'arrêt de l'avoir condamnée à payer à M. X... la somme de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts pour inexécution fautive du contrat de travail alors, selon le moyen, que la recherche par l'employeur d'un nouveau poste pour le salarié dont le poste a été supprimé ne peut être regardée comme une inexécution fautive du contrat de travail ; qu'en lui reprochant, dans la période ayant suivi la restructuration qui a entraîné la suppression du poste de directeur de M. X..., d'avoir proposé à celui-ci des missions ponctuelles dans l'attente de son acceptation d'un nouveau poste, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil ;
Mais attendu que la cour d'appel qui a constaté que du fait d'une réorganisation des services, l'employeur avait supprimé les fonctions directoriales de M. X... et ne lui avait confié au cours de l'année 2003 que des missions ponctuelles lui retirant la totalité de ses prérogatives et de ses responsabilités, a pu en déduire que l'employeur lui avait fait subir une rétrogradation fautive à l'origine d'un préjudice moral dont elle a souverainement apprécié le montant ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le deuxième moyen :
Attendu que la société France Telecom E Commerce fait grief à l'arrêt de l'avoir condamnée à payer à M. X... la somme de 50 000 euros de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors selon le moyen, que lorsqu'il a procédé dans l'intérêt de l'entreprise à une restructuration impliquant la suppression du poste d'un salarié, l'employeur peut, sans modifier le salaire et la qualification, reclasser le salarié dans un poste comportant des responsabilités moindres que l'ancien ; qu'ainsi, la cour d'appel, en se bornant à relever que le licenciement de M. X... ne pouvait être motivé par son refus d'accepter un poste de chef de projet aux prérogatives moins importantes que celles du poste de directeur qu'il occupait auparavant, sans rechercher si la nécessité pour elle de procéder à la modification du contrat de travail n'était pas justifiée par l'intérêt de l'entreprise, a privé son arrêt de base légale au regard de l'article L. 122-14-3 devenu L. 1235-1 du code du travail ;
Mais attendu que constitue une modification du contrat de travail dont le refus par le salarié rend la rupture imputable à l'employeur, le reclassement du salarié dans un poste comportant des responsabilités moindres ;
Et attendu que la cour d'appel, qui a constaté que les postes de chef de projet proposés au salarié se situaient dans l'organigramme de la société à un niveau inférieur à celui des postes de direction qu'il avait toujours occupés en son sein et constituaient bien une rétrogradation en raison des prérogatives très importantes qui lui étaient retirées a exactement décidé que, même si le salaire et les avantages de M. X... lui étaient maintenus, la décision de le transférer sur des postes de chef de projet constituait une modification de son contrat de travail qu'il était en droit de refuser et que son licenciement exclusivement fondé sur ces refus non fautifs était dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le troisième moyen :
Attendu que la société France Telecom E Commerce fait grief à l'arrêt de l'avoir condamnée à payer à M. X... la somme de 62 280 euros de dommages-intérêts pour perte du droit de souscription d'actions alors, selon le moyen, que la réparation d'une perte de chance doit être mesurée à la chance perdue et ne peut être égale à l'avantage qu'aurait procuré cette chance si elle s'était réalisée ; qu'en allouant à M. X... une somme représentant la totalité des bénéfices qui lui aurait procurés la cession de ses stocks-options en réparation du préjudice résultant de la perte d'une chance de souscrire à celles-ci du fait de son licenciement, la cour d'appel a violé l'article 1149 du code civil ;
Mais attendu que la cour d'appel, qui a constaté que l'exercice des options sur titre qui avaient été attribuées au salarié le 24 juin 2002 ne pouvait avoir lieu qu'à compter du 4 juin 2005, ce dont il résultait qu'il avait nécessairement subi un préjudice du fait de son licenciement sans cause réelle et sérieuse intervenu avant cette date à l'origine de la perte de son droit, a légalement justifié sa décision en déterminant souverainement le montant des dommages-intérêts qui lui étaient dus ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société France télécom e commerce aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société France télécom e commerce à payer à M. X... la somme de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du seize décembre deux mille neuf.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Bachellier et Potier de La Varde, avocat aux Conseils pour la société France télécom e commerce.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Le moyen reproche à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir condamné la société FRANCE TELECOM E COMMERCE à payer à Monsieur X... 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour inexécution fautive du contrat de travail ;
AUX MOTIFS QUE s'il appartient effectivement à l'employeur de décider des nominations à chacun des postes de l'entreprise, il n'en demeure pas moins qu'il était lié par les dispositions du contrat de travail de Monsieur X... dont la modification ne pouvait pas intervenir de façon unilatérale ; que le salarié verse aux débats les courriels qu'il a adressés à son employeur les 4 et 11 juin 2003 aux termes desquels il exprime son inquiétude sur l'avenir de son poste ; qu'il indique que depuis le mois de mars 2003, il n'est plus convié aux différentes réunions et qu'il ne peut plus suivre l'évolution des services ; qu'il produit également le compte rendu de son entretien d'évaluation pour l'année 2003 , réalisé le 24 février 2004, qui révèle qu'en raison de l'abandon des fonctions essentielles de son poste de directeur de MARCOPOLY, il lui a été confié trois missions ponctuelles, menées d'ailleurs de façon satisfaisante ; que cependant l'organigramme de la société, en date du ler novembre 2003, révèle que Monsieur X... y figure de façon marginale au titre de « mission logistique » et que la position qu'il occupe est inférieure à celle qui était la sienne antérieurement ; qu'il est ainsi établi que l'employeur a, du fait d'une réorganisation des services, supprimé les fonctions directoriales de Monsieur X... et ne lui a confié, au cours de l'année 2003, que des missions ponctuelles qui lui ont retiré la totalité de ses prérogatives et de ses responsabilités ; qu'il s'ensuit que cette décision de l'employeur, constituant une rétrogradation est fautive et a nécessairement causé un préjudice moral au salarié, même si sa rémunération antérieure a été maintenue ;
ALORS QUE la recherche par l'employeur d'un nouveau poste pour le salarié dont le poste a été supprimé ne peut être regardée comme une inexécution fautive du contrat de travail ; qu'en reprochant à l'employeur, dans la période ayant suivi la restructuration qui a entraîné la suppression du poste de directeur de M. X..., d'avoir proposé à celui-ci des missions ponctuelles dans l'attente de son acceptation d'un nouveau poste, la Cour d'appel a violé l'article 1147 du Code civil.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
:Le moyen reproche à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir condamné la société FRANCE TELECOM E COMMERCE à payer à Monsieur X... 50.000 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse et d'avoir ordonné le remboursement, par la société FRANCE TELECOM E COMMERCE des indemnités versées par l'ASSEDIC au salarié depuis son licenciement, dans la limite de six mois ;
AUX MOTIFS QUE les différents organigrammes produits par l'appelant, postérieurs à la réorganisation, démontrent que les postes de chef de projet qui lui ont été proposés se situent à un niveau inférieur à celui des postes de direction qu'il avait toujours occupés au sein de la société ; qu'il ressort également de ces organigrammes que les personnes ayant travaillé sous la direction de Monsieur X... se retrouvaient, dans la nouvelle organisation, au même niveau que les postes proposés ; que de surcroît, le compte rendu de l'entretien individuel de Monsieur X... visé ci-dessus confirme que la réorganisation de l'entreprise entraîne la disparition du poste de directeur de MARCOPOLY, l'employeur ajoutant « qu'aucun poste équivalent n 'est disponible dans la société et compte tenu de l'expérience et de l'expertise de Toni X..., un reclassement sur un poste de chef de projet informatique représenterait une solution de reclassement » ; qu'au vu de ces éléments, il apparaît que contrairement à ce que l'employeur soutient dans le cadre de la présente procédure, les postes de chef de projet proposés à deux reprises au salarié constituaient bien une rétrogradation par rapport aux fonctions directoriales qui étaient les siennes jusqu'alors au sein de l'entreprise, des prérogatives très importantes lui étant retirées ; qu'en conséquence, et même si le salaire et les avantages de M. X... lui étaient maintenus, la décision de le transférer sur un poste de projet constituait une modification de son contrat de travail ne pouvant intervenir qu'avec son accord ; qu'il s'ensuit que les refus du salarié d'accepter les deux postes de chefs de projet proposés par son employeur ne sont pas fautifs ; qu'en conséquence, son licenciement -exclusivement fondé sur ces refus- est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
ALORS QUE lorsqu'il a procédé dans l'intérêt de l'entreprise à une restructuration impliquant la suppression du poste d'un salarié, l'employeur peut, sans modifier le salaire et la qualification, reclasser le salarié dans un poste comportant des responsabilités moindres que l'ancien, ; qu'ainsi, la Cour d'appel, en se bornant à relever que le licenciement de Monsieur X... ne pouvait être motivé par son refus d'accepter un poste de chef de projet aux prérogatives moins importantes que celles du poste de directeur qu'il occupait auparavant, sans rechercher si la nécessité pour l'employeur de procéder à la modification du contrat de travail n'était pas justifiée par l'intérêt de l'entreprise, a privé son arrêt de base légale au regard de l'article L. 122-14-3 du Code du travail (L. 1235-1 nouveau).
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
Le moyen reproche à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir condamné la société FRANCE TELECOM E COMMERCE à payer à Monsieur X... 62.280 € à titre de dommages et intérêts pour perte du droit de souscription d'actions ;
AUX MOTIFS QUE, à l'appui de sa demande, Monsieur X... produit la lettre l'informant de la décision de la société WANADOO en date du 24 juin 2002 de lui attribuer un droit de souscription de 18 000 actions Wanadoo au prix de 5,40 euros, ainsi que le règlement du plan d'options d'actions ; qu'il résulte de ce plan que l'exercice de ces options n'était possible qu'à compter du 4 juin 2005 et que le salarié licencié avant cette date a nécessairement subi un préjudice consistant en la perte de ce droit, directement lié à la rupture de son contrat de travail par la société FRANCE TELECOM E COMMERCE à laquelle incombe donc la réparation ; qu'au vu des pièces produites sur la valeur desdites actions, Monsieur X... justifie d'un manque à gagner de 62.280 euros qu'il convient de lui allouer à titre d'indemnisation ;
ALORS QUE la réparation d'une perte de chance doit être mesurée à la chance perdue et ne peut être égale à l'avantage qu'aurait procuré cette chance si elle s'était réalisée ; qu'en allouant à Monsieur X... une somme représentant la totalité des bénéfices que lui aurait procurés la cession de ses stocks-options en réparation du préjudice résultant de la perte d'une chance de souscrire à celles-ci du fait de son licenciement, la Cour d'appel a violé l'article 1149 du Code civil.