LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
- X... Laurent, partie civile,
contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de PARIS, 3e section, en date du 17 décembre 2008, qui, dans l'information suivie contre Carlos Y..., Gilles Z... et Denis A..., des chefs de corruption, détournement de fichiers informatiques nominatifs et recel, a confirmé l'ordonnance du juge d'instruction déclarant irrecevable sa constitution de partie civile ;
Vu l'article 575, alinéa 2, 2°, du code de procédure pénale ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 432-11, 432-17, 433-1, 433-22, 433-23, 433-25, 226-13, 226-31 et 226-21 du code pénal, 2, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a dit que la constitution de partie civile de Laurent X..., représenté par son conseil Me Michel B..., était irrecevable ;
"aux motifs qu'en vertu des dispositions de l'article 2 du code de procédure pénale, l'action civile en réparation du dommage causé par un crime, un délit ou une contravention appartient à tous ceux qui ont personnellement souffert du dommage directement causé par l'infraction ; que Me B..., par courrier reçu par le magistrat instructeur de Meaux, le 30 septembre 2008, a déclaré que son client, Laurent X..., se constituait partie civile dans l'affaire de corruption, violation du secret professionnel, détournement de données informatiques et recel, référencée sous le numéro de parquet 04/19243, au seul motif qu'il était directement victime des infractions visées ; qu'à ce courrier étaient joints une lettre de licenciement du 13 mars 2003 adressée par l'entreprise Disneyland Resort Paris à Laurent X... à la suite de sa garde à vue de 24 heures dans une affaire de disparition d'une jeune fille sans aucun lien avec l'affaire en cours d'information, ainsi que le bulletin n° 3 du casier judiciaire de l'intéressé ; qu'en l'état de la motivation du courrier du 30 septembre 2008 et des pièces jointes, Me B... n'a pas mis le magistrat instructeur en mesure d'apprécier si les circonstances sur lesquelles s'appuie la constitution de partie civile permettent d'admettre comme possibles l'existence d'un préjudice personnel et direct ainsi que le lien de causalité de celui-ci avec les infractions poursuivies ; qu'au surplus, les pièces produites au soutien de son mémoire ne présentent pas de caractère probant ; qu'en effet, le compte rendu établi le 10 juillet 2003 par le délégué syndical CFDT fait essentiellement état de sa désapprobation concernant le fait qu'à l'occasion de l'enquête sur la disparition d'une jeune fille, l'employeur de Laurent X... ait pu avoir connaissance de son casier judiciaire ; qu'enfin, le courrier établi par Laurent X... lui-même, le 2 mars 2003, avait pour objet d'informer son employeur de sa décision de lui faire parvenir un extrait de casier judiciaire ; que ces pièces n'établissent aucun lien direct entre le préjudice allégué par Laurent X... et les infractions poursuivies ; qu'en conséquence, l'ordonnance entreprise, qui a déclaré irrecevable la constitution de partie civile de Laurent X..., représenté par son conseil, ne peut qu'être confirmée" ;
"alors que, dans son mémoire déposé le 9 décembre 2008 (p. 4 à 6), Laurent X... faisait valoir que son ancien employeur l'avait licencié en ayant illégalement obtenu des renseignements sur son passé pénal couverts par le secret ; que ces renseignements n'avaient pu être fournis que par Gilles Z..., Carlos Andres et Denis A..., dans le cadre de la commission des infractions pour lesquelles ils avaient été mis en examen ; que ces infractions avaient ainsi pu directement causer un préjudice moral à Laurent X..., de sorte que sa constitution de partie civile était recevable ; qu'en s'abstenant de répondre à ce chef d'articulation essentiel, la chambre de l'instruction a violé les textes susvisés" ;
Vu l'article 593 du code de procédure pénale ;
Attendu que tout arrêt de la chambre de l'instruction doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux articulations essentielles des mémoires des parties ; que l'insuffisance des motifs équivaut à leur absence ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que Laurent X..., salarié de la société Euro Disney associés, a été interpellé sur son lieu de travail pour être entendu par des officiers de police judiciaire sur la disparition d'une fillette ; qu'après avoir été gardé à vue, il a été mis hors de cause ; que son employeur lui a notifié son licenciement, retenant avoir eu connaissance d'une condamnation prononcée contre ce salarié pour des faits de corruption de mineure ou d'atteinte sexuelle ;
Attendu que, le 17 mai 2006, le juge d'instruction au tribunal de grande instance de Meaux a été saisi, sous les qualifications de corruption, détournement de fichiers informatiques nominatifs et recel, de faits imputés à des dirigeants de la société Euro Disney associés ayant conclu avec Gilles Z..., ancien gendarme devenu agent privé de recherches, un contrat aux termes duquel ce dernier leur fournissait des renseignements obtenus par la consultation illicite des fichiers informatiques personnalisés gérés par la gendarmerie nationale ; que, par lettre recommandée adressée le 30 septembre 2008 au juge d'instruction, Laurent X... a déclaré se constituer partie civile dans cette procédure, en annexant à sa constitution la lettre de notification de son licenciement ;
Attendu que, pour confirmer l'ordonnance du juge d'instruction déclarant irrecevable cette constitution, l'arrêt retient, notamment, que les pièces produites au soutien de celle-ci n'établissent aucun lien direct entre le préjudice allégué et les infractions poursuivies ;
Mais attendu qu'en prononçant ainsi, sans répondre au mémoire de l'appelant qui faisait valoir que les renseignements recueillis par la société Euro Disney associés n'avaient pu être obtenus que par la commission des infractions pour lesquelles des mises en examen avaient été notifiées, la chambre de l'instruction n'a pas justifié sa décision ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, en date du 17 décembre 2008, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi,
RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Lamanda, premier président, président, M. Pelletier, président de chambre, M. Rognon conseiller rapporteur, M. Dulin, Mmes Desgrange, Nocquet, Ract-Madoux, M. Bayet, Mme Canivet-Beuzit, M. Bloch conseillers de la chambre, Mme Slove conseiller référendaire ;
Avocat général : M. Lucazeau ;
Greffier de chambre : Mme Daudé ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;