LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Donne acte à la SCI Carnot Défense I de ce qu'elle se désiste de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la société Trema toitures et revêtements métalliques d'Aquitaine, la Caisse d'assurance mutuelle du bâtiment et des travaux publics, la société Axa France IARD, la société 3 R France Alu et la SCP Silvestri Baujet, ès qualités ;
Sur le moyen unique du pourvoi principal, pris en sa première branche, qui est recevable :
Vu l'article 31 du code de procédure civile ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, se plaignant de dégradations causées à son immeuble en raison de travaux exécutés sur le bâtiment voisin, la SCI Carnot Défense I a saisi un tribunal d'une action en réparation dirigée contre la SCI Neuilly Carnot, propriétaire de cet immeuble, la société Trema , entreprise chargée des travaux et M. X..., architecte ; que la société Trema a appelé en garantie la société Kosmos, devenue société Kertel France Outre Mer, locataire de la SCI Carnot Défense I, et la société 3 R France Alu ;
Attendu que, pour déclarer irrecevable l'action de la SCI Carnot Défense I, l'arrêt retient notamment que l'intérêt à agir de cette SCI doit s'apprécier, soit en fonction d'un préjudice déjà né, soit en fonction de la virtualité du préjudice qu'elle allègue, qu'elle ne justifie à ce jour d'aucun frais déjà exposé et qu'elle ne peut sérieusement prétendre à la nécessité d'engager des travaux sur un immeuble devant être démoli, de sorte qu'elle ne justifie pas d'un intérêt à agir au sens de l'article 31 du code de procédure civile ;
Qu'en statuant ainsi, alors que l'intérêt à agir n'est pas subordonné à la démonstration préalable du bien fondé de l'action, et que l'existence du préjudice invoqué par le demandeur n'est pas une condition de recevabilité de l'action mais de son succès, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Et, sur le moyen unique du pourvoi provoqué :
Vu l'article 625 du code de procédure civile ;
Attendu que la cassation prononcée entraîne, par voie de conséquence, l'annulation de la disposition de l'arrêt cassé rejetant, comme sans objet, les appels en garantie ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du moyen unique du pourvoi principal :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 9 juin 2008, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris ;
Condamne la SCI Neuilly Carnot aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes respectives des parties ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze octobre deux mille neuf.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
.Moyen produit AU POURVOI PRINCIPAL par Me Hémery, avocat aux Conseils, pour la SCI Carnot Défense I.
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement entrepris en ce qu'il a statué sur les dépens et les frais hors dépens, déclaré irrecevable l'action de la SCI CARNOT DEFENSE 1 et de l'avoir condamnée à payer à chaque défendeur au pourvoi la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
AUX MOTIFS QUE « Considérant que la SCI NEUILLY CARNOT invoque le défaut d'intérêt à agir de l'appelante et par suite l'irrecevabilité de son action en indemnisation au titre des désordres allégués ;Considérant que l'intérêt à agir de la SCI CARNOT DEFENSE 1 doit s'apprécier soit en fonction d'un préjudice déjà né, soit en fonction de la virtualité du préjudice qu'elle allègue ; qu'elle n'a fourni qu'un devis de remise en état des désordres qu'elle dit avoir subis du fait des travaux effectués pour le compte de la SCI NEUILLY CARNOT, en sorte qu'elle ne justifie à ce jour d'aucun frais déjà exposé ; que la nécessité dans laquelle elle prétend se trouver d'avoir à en exposer n'apparaît plus justifiée au regard des pièces produites par la SCI NEUILLY CARNOT .Considérant en effet qu'il est établi que les locaux de l'appelante, élevés sur les parcelles AR 286 et AR 306, ont fait l'objet, à la requête de la société SEERI, d'une demande de permis de démolir en date du 27 octobre 2006, ayant pour objet la « démolition totale d'un bâtiment d'activité » ; qu'il a été fait droit par deux arrêtés du maire de la ville de NANTERRE du 21 février 2007, tant à cette demande de permis de démolir qu'à la demande présentée par la même société SEERI, de construire un ensemble immobilier constitué de 190 logements aux lieu et place des locaux appartenant à la SCI CARNOT DEFENSE 1 .Considérant que la SCI CARNOT DEFENSE 1 s'abstient de répondre au moyen d'irrecevabilité ainsi soulevé, ne concluant que sur le fond dans ses dernières écritures du 26 mars 2008, alors que les conclusions de l'appelante et les pièces venant au soutien de celles-ci lui ont été communiquées bien antérieurement, le 25 juin 2007 ;Considérant que la SCI CARNOT DEFENSE 1 ne peut sérieusement prétendre au vu de ces circonstances à la nécessité d'engager des travaux sur un immeuble devant être démoli ; que ne justifiant pas d'un intérêt à agir au sens de l'article 31 du Code de procédure civile, ses demandes doivent être déclarées irrecevables par application de l'article 122 du Code de procédure civile » (arrêt p. 7 et 8).
1° ALORS QUE l'intérêt à agir n'est pas subordonné à la démonstration préalable du bien fondé de l'action et que l'existence du préjudice invoqué par le demandeur n'est pas une condition de recevabilité de son action mais de son succès ; qu'en ayant dans ces conditions considéré pour déclarer irrecevables les demandes de la SCI CARNOT DEFENSE 1 que celle-ci ne justifiait d'aucun préjudice déjà né, en l'occurrence d'aucun frais déjà exposé, la Cour d'Appel a violé l'article 31 du Code de Procédure Civile.
2° ALORS QUE l'intérêt au succès d'une prétention s'apprécie au jour de l'introduction de la demande en justice ; qu'en ayant relevé que la demande en justice de la SCI CARNOT DEFENSE 1 avait été introduite par une assignation du 5 août 2004 mais que cette demande était irrecevable dès lors qu'un permis de démolir des locaux litigieux avait été demandé par la société SEFRI le 27 octobre 2006, ledit permis accordé le 27 février 2007 avec un permis de construire en date du même jour, soit au regard de circonstances postérieures à la demande qui ne pouvaient la rendre sans objet, la Cour d'Appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations en violation de l'article 31 du Code de Procédure Civile.
Moyen produit AU POURVOI PROVOQUE EVENTUEL par la SCP Boulloche, avocat aux Conseils, pour M. X....
Le moyen de cassation du pourvoi provoqué éventuel reproche à l'arrêt attaqué d'avoir mis hors de cause la société TREMA, son assureur la compagnie CAMBTP, et son liquidateur judiciaire, la SCP SILVESTRI BAUJET, aux motifs qu'en raison de l'irrecevabilité des demandes de la SCI CARNOT DEFENSE 1, les appels en garantie des intimés sont sans objet (arrêt p. 8 § 5),
Alors qu'une cassation d'un chef de dispositif déclarant irrecevable l'action principale s'étend par voie de conséquence au chef de dispositif déclarant sans objet des recours en garantie formés par un défendeur à l'action principale ; qu'en l'espèce, dans ses conclusions d'appel, M. X... a fait valoir qu'au cas où sa responsabilité serait retenue, il était bien fondé à former des recours en garantie contre la SCP SILVESTRI, liquidateur de la société TREMA, et la compagnie CAMBTP ; que si une cassation du chef de dispositif de l'arrêt déclarant irrecevable l'action contre M. X... était prononcée, cette censure s'étendrait par voie de conséquence au rejet des recours en garantie dirigés contre la SCP SILVESTRI, liquidateur de la société TREMA, et la compagnie CAMBTP, par application de l'article 625 du code de procédure civile.