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14/10/2009 | FRANCE | N°08-42256

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 14 octobre 2009, 08-42256


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., engagé le 1er février 1991 par la fédération régionale des maisons des jeunes et de la culture (MJC) en qualité de directeur de la MJC de Rodez, a été licencié pour faute grave, le 26 janvier 2004 ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale à l'effet de faire juger qu'il avait été l'objet d'un licenciement verbal préalable qui s'analysait en un licenciement irrégulier et dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
Sur le premier moyen :
Attendu que M. X...

fait grief à l'arrêt de l'avoir débouté de sa demande alors, selon le moyen : ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., engagé le 1er février 1991 par la fédération régionale des maisons des jeunes et de la culture (MJC) en qualité de directeur de la MJC de Rodez, a été licencié pour faute grave, le 26 janvier 2004 ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale à l'effet de faire juger qu'il avait été l'objet d'un licenciement verbal préalable qui s'analysait en un licenciement irrégulier et dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
Sur le premier moyen :
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de l'avoir débouté de sa demande alors, selon le moyen :
1°/ que la cour d'appel ne pouvait écarter l'existence d'un licenciement verbal survenu le 24 octobre 2003 sans rechercher, ainsi qu'elle y avait été invitée par ses conclusions si, pour les mois de novembre et décembre 2003, aucune déclaration n'avait été faite par l'employeur sur ses fiches de paye au titre de l'avantage en nature que représentait le logement de fonction, ce qui traduisait bien la décision de licenciement prise par l'employeur à cette date avec demande de restitution des outils de travail dont les clés du logement de fonction ; que l'arrêt n'est pas légalement justifié au regard des articles L. 122 4, L. 122 5 et L. 122 14 1 et suivants anciens du code du travail ;
2°/ alors que, pour rapporter la preuve de la réalité du licenciement verbal dont il avait fait l'objet le 24 octobre 2003, il faisait expressément valoir dans ses conclusions que, ce jour là, l'employeur lui avait demandé de restituer ses outils de travail, et notamment les clés de son logement de fonction, et qu'il en voulait pour preuve que, pour les mois de novembre et décembre 2003, aucune déclaration n'avait été faite au titre de l'avantage en nature que représentait ce logement ; qu'en s'abstenant totalement de répondre à ce moyen opérant, la cour d'appel a violé les articles 455 et 458 du code de procédure civile ;

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur le moyen qui ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Mais sur le second moyen :
Vu les articles L. 1234 1 et L. 1234 9 du code du travail ;
Attendu que pour confirmer le jugement qui avait retenu que le licenciement reposait sur une faute grave du salarié, la cour d'appel énonce que le conseil à juste titre a rappelé qu'en l'état de la décision définitive de l'inspecteur du travail qui avait autorisé le licenciement de M. X... et l'avait ainsi estimé fondé sur une cause réelle et sérieuse, sa compétence était limitée à l'examen de la gravité de la faute, le principe de la séparation des pouvoirs ne pouvant en aucun cas lui permettre de remettre en cause une décision de l'autorité administrative ; que la lettre de licenciement qui délimite le litige précise clairement que le licenciement repose non sur l'existence éventuelle d'infractions pénales, mais sur les faits révélés par les trois salariées et détaillés dans la lettre, que la décision de relaxe du chef des délits de harcèlement sexuel au préjudice de Mmes Y..., Z... et A... n'emporte donc pas en soi disparition de la faute grave, que les tentatives multiples de séduction envers les trois salariées, la dernière intervenue auprès de Mme Z... le 20 octobre 2003, consistant à essayer malgré elle de l'embrasser, caractérisaient une violation grave par M. X... de ses obligations qui rendaient à l'évidence impossible son maintien dans l'entreprise, même pendant l'exécution du préavis ;
Attendu, cependant, que la faute grave étant celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise, la mise en oeuvre de la procédure de licenciement doit intervenir dans un délai restreint après que l'employeur a eu connaissance des faits allégués dès lors qu'aucune vérification n'est nécessaire ;
Qu'en statuant comme elle a fait, sans vérifier si la procédure de licenciement avait été mise en oeuvre dans un délai restreint alors qu'il était expressément soutenu dans les conclusions du salarié que l'employeur avait mis près d'un mois et demi pour mettre en oeuvre la procédure et que ce n'était pas compatible avec la gravité que l'employeur entendait attribuer aux faits reprochés, ce dont il résultait que le moyen était dans le débat, la cour d'appel n'a pas donné de la base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement sur la faute grave du salarié et les indemnités de rupture, l'arrêt rendu le 21 mars 2008, entre les parties, par la cour d'appel de Toulouse ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Pau ;
Condamne la fédération régionale des MJC aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la fédération régionale des MJC à payer à M. X... la somme de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze octobre deux mille neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par la SCP Gadiou et Chevallier, avocat aux Conseils pour M. X...

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF A L'ARRET CONFIRMATIF ATTAQUE d'avoir débouté Monsieur X... de sa demande tendant à voir dire qu'il a fait l'objet d'un licenciement verbal abusif le 24 octobre 2003 et que cette rupture du contrat de travail s'analyse en un licenciement irrégulier et dépourvu de cause réelle et sérieuse,
AUX MOTIFS PROPRES QUE « (...) il appartient à Monsieur Daniel X... d'établir que son contrat de travail a été rompu dès le 24 octobre 2003 par un licenciement verbal et non par le licenciement notifié le 26 janvier 2004 ; Il est constant qu'à la suite de déclarations faites par trois salariées, une réunion s'est déroulée le 24 octobre 2003 après midi entre Monsieur Daniel X..., Monsieur B..., directeur des ressources humaines, et Monsieur C..., membre du conseil d'administration. Pour autant, la preuve n'est pas faite de ce que, durant cet échange, l'employeur a pris l'initiative de considérer le contrat de travail comme rompu et d'en aviser le salarié. Le fait qu'il ait pu faire part le 27 octobre 2003 d'une démission de Monsieur Daniel X... aux membres du conseil d'administration ne suffit pas à démontrer la décision irrévocable de l'employeur d'enregistrer la rupture du contrat de travail alors que, après réception de l'interprétation faite par Monsieur Daniel X... de la réunion du 24 octobre, il a au contraire manifesté que, selon lui, le contrat de travail se poursuivait (cf. lettre du 12 novembre 2003). On relève d'ailleurs que, dès le 29 octobre 2003, le salarié qui assurait l'intérim au poste de directeur de la MJC à la suite de Monsieur Daniel X... répondait à un huissier de justice que celui-ci était en arrêt de travail pour maladie. Enfin, les informations divulguées dans la presse au sujet d'une démission peut-être contrainte de Monsieur Daniel X... sont dépourvues de valeur probante et ne peuvent être opposées à l'employeur faute d'indications sur leurs sources. Pour ces motifs, qui complètent ceux des premiers juges, leur jugement est confirmé en ce qu'il a considéré que la preuve d'un licenciement verbal n'était pas rapportée. » ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES DES PREMIERS JUGES QUE « d'une part, si Monsieur X... prétend que, lors de l'entretien du 24 octobre 2003, il a été licencié verbalement et contraint de remettre le matériel mis à sa disposition par l'employeur, cette affirmation, relayée dans le courrier adressé par son conseil le 27 octobre 2003, n'est étayée par aucune pièce probante. D'autre part, même si l'on peut considérer qu'il aurait offert sa démission, ce que confirme Monsieur C... dans son attestation, la preuve des pressions l'ayant conduit à faire cette offre n'est pas rapportée. En outre, si cette démission a été « enregistrée » dans le courrier adressé le 27 octobre 2003 aux membres du conseil d'administration, l'employeur a par la suite clairement manifesté par son courrier du 12 novembre 2003 qu'il ne considérait pas que la relation de travail était rompue. Au demeurant, les réponses faites à l'huissier mandaté par Monsieur X... le 29 octobre 2003 ne témoignent pas de cette prétendue rupture. Enfin, la preuve ne peut résulter du contenu des articles de presse parus au moment des faits. Il sera donc considéré que la rupture du contrat résulte de la procédure de licenciement mise en oeuvre en décembre 2003 par la FEDERATION REGIONALE DES MJC. » ;
ALORS D'UNE PART QUE la Cour d'appel ne pouvait écarter l'existence d'un licenciement verbal survenu le 24 octobre 2003 sans rechercher, ainsi qu'elle y avait été invitée par les conclusions de l'exposant (p. 6), si, pour les mois de novembre et décembre 2003, aucune déclaration n'avait été faite par l'employeur sur ses fiches de paye au titre de l'avantage en nature que représentait le logement de fonction ce qui traduisait bien la décision de licenciement prise par l'employeur à cette date avec demande de restitution des outils de travail dont les clés du logement de fonction; que l'arrêt n'est pas légalement justifié au regard des articles L.122-4, L.122-5 et L.122-14-1 et suivants anciens du Code du travail ;
ALORS D'AUTRE PART QUE pour rapporter la preuve de la réalité du licenciement verbal dont il avait fait l'objet le 24 octobre 2003, l'exposant faisait expressément valoir dans ses conclusions (p. 6) que, ce jour là, l'employeur lui avait demandé de restituer ses outils de travail, et notamment les clés de son logement de fonction, et qu'il en voulait pour preuve que, pour les mois de novembre et décembre 2003, aucune déclaration n'avait été faite au titre de l'avantage en nature que représentait ce logement ; qu'en s'abstenant totalement de répondre à ce moyen opérant, la Cour d'appel a violé les articles 455 et 458 du Code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
(Subsidiaire)
IL EST FAIT GRIEF A L'ARRET CONFIRMATIF ATTAQUE d'avoir débouté l'exposant de sa demande subsidiaire tendant à voir dire et juger que le licenciement prononcé plus de trois mois après les faits est dépourvu de cause réelle et sérieuse,
AUX MOTIFS PROPRES QUE « le Conseil a à juste titre rappelé qu'en l'état de la décision définitive de l'inspecteur du travail qui avait autorisé le licenciement de Monsieur Daniel X... et l'avait ainsi estimé fondé sur une cause réelle et sérieuse, sa compétence était limitée à l'examen de la gravité de la faute, le principe de la séparation des pouvoirs ne pouvant en aucun cas lui permettre de remettre en cause une décision de l'autorité administrative. La lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, précise clairement que le licenciement repose non sur l'existence éventuelle d'infractions pénales mais sur les faits révélés par trois salariées et détaillés dans la lettre. La décision de relaxe du chef des délits de harcèlement sexuel au préjudice de Mesdames Y..., Z... et A... n'emporte donc pas en soit disparition de la faute grave. Les tentatives multiples de séduction envers les trois salariées, la dernière intervenue auprès de Madame Z... le 20 octobre 2003, consistant à essayer malgré elle de l'embrasser, caractérisaient une violation grave par Monsieur Daniel X... de ses obligations qui rendaient à l'évidence impossible son maintien dans l'entreprise, même pendant l'exécution du préavis. » ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES DU PREMIER JUGE QUE « en l'espèce, le licenciement de Monsieur X... a, du fait de son statut de conseiller prud'homme, été autorisé par décision rendue le 14 janvier 2004 par l'inspecteur du travail. Cette décision, qui n'a pas été frappée de recours, s'impose au juge judiciaire en ce qu'elle a estimé que le licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse. Or l'inspecteur du travail a estimé que les faits de harcèlement sexuel dénoncés par les trois salariées étaient fondés et de nature à justifier la rupture du contrat. La présente juridiction n'a dès lors à se prononcer que sur la gravité de la faute alléguée par l'employeur. Cette qualification suppose que les faits invoqués caractérisent une violation des obligations résultant du contrat ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise pendant la durée du préavis, sans risque pour celle-ci. Les faits reprochés mettant en danger des collègues de travail directs de Monsieur X..., ayant été réitérés et perpétrés sur trois d'entre elles, justifiaient à l'évidence une éviction immédiate du salarié. Par conséquent, il doit être considéré que le licenciement repose sur une faute grave. » ;
ALORS QUE le licenciement pour faute grave suppose que soit rapportée la preuve de faits caractérisant une violation par le salarié de ses obligations résultant du contrat de travail d'une gravité telle qu'elle rend impossible le maintien dans l'entreprise même pendant la durée limitée du préavis ; Qu'en la présente espèce, l'exposant contestait la qualification de faute grave en soulignant dans ses conclusions (p.10) que l'employeur avait attendu près d'un mois et demi après les faits pour mettre en oeuvre la procédure de licenciement avec mise à pied conservatoire ; qu'en déclarant le licenciement fondé sur une faute grave sans s'expliquer sur le délai ayant couru entre la révélation des faits à l'employeur et la mise en oeuvre de la procédure de licenciement pour faute grave avec mise à pied conservatoire, la Cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article L.122-14-3 ancien du Code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 08-42256
Date de la décision : 14/10/2009
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Toulouse, 21 mars 2008


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 14 oct. 2009, pourvoi n°08-42256


Composition du Tribunal
Président : M. Gosselin (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Gadiou et Chevallier, SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2009:08.42256
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