LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt déféré et les productions, que la société
X...
frères entreprises (EFE), appartenant au groupe
X...
, animé par M. X..., a été mise en règlement judiciaire, le 23 mars 1983, MM. Y... et Z... étant nommés syndics ; que cette procédure a été étendue à la société Compagnie financière
X...
(CFE) ainsi qu'à la société Etablissements
X...
frères-Sovalim (EFE-Sovalim) ; que des négociations entreprises par M. X... avec le groupe Idex, en vue de la cession d'une société filiale de CFE, la Compagnie géothermique de chauffage urbain (CGCU) et poursuivies par les syndics, ont abouti à la signature d'un protocole d'accord prévoyant la cession au groupe Idex des participations détenues par CGE dans le capital des sociétés CGCU et Cofratherm et celle du fonds de commerce de EFE ; que le 12 avril 1985, le tribunal a désigné un administrateur provisoire des sociétés ; que sur la requête de celui-ci et des syndics, le juge-commissaire a, par ordonnance du 23 janvier 1986, autorisé ces derniers à assister les sociétés dans la régularisation des décomptes mettant un terme aux relations de compte courant entre la société Idex et la masse des créanciers et a désigné un expert ; qu'à l'issue d'une procédure clôturée par un arrêt du 3 avril 1995 condamnant la société Cofratherm à rembourser une certaine somme à la masse des créanciers, M. Z..., devenu syndic à la liquidation des biens prononcée le 24 janvier 1986, a demandé au juge-commissaire l'autorisation de régulariser un autre protocole d'accord ayant arrêté à un certain montant le solde créditeur au profit de la masse des créanciers, après compensation des créances et dettes réciproques nées des opérations entre le groupe Idex et les sociétés en liquidation des biens ; qu'une ordonnance du 26 mars 1999 ayant donné cette autorisation a été annulée par un jugement du 8 septembre 2000 rendu sur le recours de M. X... ; qu'une ordonnance subséquente du 5 juin 2002 a désigné un expert avec mission de vérifier si le montant arrêté par le protocole correspondait au résultat de la compensation des créances et des dettes réciproques ; que M. X... a, le 14 juin 2002, formé un recours contre les ordonnances des 23 janvier 1986 et 5 juin 2002 ; que, le 12 mars 2004, le tribunal, par un premier jugement, a déclaré irrecevable " l'opposition " formée contre l'ordonnance du 23 janvier 1986 et, par un second jugement, déclaré recevable " l'opposition " formée contre l'ordonnance du 5 juin 2002, mais, la rejetant, a déclaré non prescrites les créances revendiquées par le groupe Idex au titre de la garantie de bilan, dit qu'il y avait lieu de procéder à la compensation entre les créances et dettes réciproques ; que M. X... ayant fait appel de ce jugement, un arrêt du 9 mai 2006, a, notamment, déclaré recevable cet appel, annulé le jugement et ordonné la réouverture des débats ;
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu les articles 480 du code de procédure civile et 1351 du code civil ;
Attendu que pour déclarer M. X... irrecevable en ses demandes pour perte de son droit à agir, l'arrêt retient qu'il a été définitivement jugé par le tribunal dans son jugement du 8 septembre 2000, que M. X... n'avait pas qualité en tant que dirigeant des sociétés EFE, CFE et EFE-Sovalim à former opposition à l'ordonnance du juge-commissaire autorisant les syndics à clore les opérations de compte courant litigieuses, par l'effet du jugement du 12 avril 1985 l'ayant écarté de ces fonctions en nommant un administrateur provisoire, l'exercice de ce droit étant de ce fait dévolu au dit administrateur, en l'occurrence M. A..., nommé en remplacement de M. B..., lui-même nommé en remplacement de M. C... ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a été tranché dans le dispositif du jugement et que, dans son dispositif, le jugement du 8 septembre 2000 déclarait recevable l'opposition de M. Daniel X..., en sa qualité de créancier potentiel de la masse des sociétés EFE, CFE et EFE-Sovalim, mais ne déclarait pas irrecevable l'opposition de M. X..., en qualité de dirigeant des sociétés, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Et sur le moyen, pris en sa troisième branche :
Vu les articles 31 et 546 du code de procédure civile ;
Attendu que l'intérêt au succès ou au rejet d'une prétention s'apprécie au jour de l'introduction de la demande en justice et que l'intérêt à former un recours doit être apprécié au jour de ce recours dont la recevabilité ne peut dépendre de circonstances postérieures qui l'auraient rendues sans objet ;
Attendu que pour statuer comme il fait, l'arrêt retient que les sociétés du groupe Idex rapportent la preuve, par la production d'un jugement du 22 juillet 2005, que M. X..., agissant en qualité de créancier subrogé dans les droits de plusieurs établissements bancaires qu'il avait désintéressés, a accepté de transiger avec les syndics aux termes d'un protocole d'accord que le tribunal a homologué en constatant qu'il mettait un terme définitif au litige l'opposant à ces derniers, qu'il s'ensuit que les sociétés du groupe Idex sont bien fondées à se prévaloir de l'effet extinctif des droits de créance de M. X... vis à vis de la masse des créanciers résultant de ce protocole transactionnel auquel le tribunal a donné force exécutoire, comme d'une circonstance nouvelle rendant irrecevables les prétentions de ce dernier, pour perte de toute qualité et de tout intérêt à intervenir dans les modalités de liquidation des droits de créances respectifs du groupe Idex et de la masse commune des créanciers des sociétés du groupe X... en liquidation ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que M. X... avait formé son recours le 14 juin 2002, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare M. X... irrecevable en ses demandes pour perte du droit d'agir, l'arrêt rendu le 29 mai 2007, entre les parties, par la cour d'appel de Chambéry ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ;
Condamne la société
X...
frères entreprise, la société Compagnie financière
X...
et la société Etablissements
X...
et compagnie Sovalim aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux septembre deux mille neuf.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Ancel et Couturier-Heller, avocat aux Conseils pour M. X...
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré M. X... irrecevable en ses demandes pour perte de son droit à agir ;
AUX MOTIFS QUE « sur la fin de non recevoir tirée de la perte de qualité et intérêt à agir de Daniel X... »
« qu'en vertu des articles 122 et suivants du nouveau code de procédure civile le moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande pour défaut de droit à agir, tel le défaut de qualité ou d'intérêt, constitue une fin de non recevoir qui peut être proposée en tout état de cause et sans que celui qui l'invoque ait à justifier d'un grief et alors même que l'irrecevabilité ne résulterait d'aucune disposition expresse ;
qu'il s'ensuit que les dispositions de l'arrêt du 09-05-2006 ayant déclaré l'appel recevable dès lors que le tribunal ne s'était pas borné à statuer dans les limites de la saisine du juge commissaire mais avait tranché des questions qui ne lui avaient pas été soumises, n'interdisent pas aux parties de soulever toute autre fin de non recevoir tant qu'il n'a pas été statué au fond sur la contestation prétendument irrecevable ;
qu'il a été définitivement jugé par le tribunal dans son jugement du 08-09-2000, ayant mis à néant l'ordonnance du juge commissaire en date du 26-03-1999, que Daniel X... n'avait pas qualité en tant que dirigeant des sociétés X... FRÈRES ENTREPRISE, COMPAGNIE FINANCIÈRE
X...
et ETABLISSEMENTS X... ET COMPAGNIES SOVALIM à former opposition à l'ordonnance du juge commissaire autorisant les syndics à clore les opérations de compte-courant litigieuses, par l'effet du jugement du 12-04-1985 l'ayant écarté de ces fonctions en nommant un administrateur provisoire, l'exercice de ce droit étant de ce fait dévolu au dit administrateur, en l'occurrence M° A..., nommé en remplacement de M° B..., lui-même nommé en remplacement de M° C... ;
Que ce même jugement a en revanche considéré qu'en tant que créancier potentiel de la masse, pour avoir régler divers créances qu'il avait cautionnées, Daniel X... pouvait espérer à ce titre percevoir un dividende plus ou moins substantiel selon le montant à recouvrer du groupe IDEX, et qu'en cette qualité son opposition était recevable ;
Qu'il s'ensuit que par l'effet de ce dessaisissement au profit d'un administrateur provisoire dont le défaut d'audition par le juge commissaire est d'ailleurs la cause de la mise à néant de l'ordonnance du 26-03-1999 par le jugement précité, c'est en sa seule qualité de créancier subrogé dans les droits d'un ou plusieurs établissements bancaires que Daniel X... a pu contester la convention de clôture du compte-courant élaboré entre les syndics et le groupe IDEX et qu'il a été désigné dans l'ordonnance ultérieure du 05-01-2002, objet de son opposition, au rang des personnes auxquelles elle devait être notifiée ;
or, que les sociétés du groupe IDEX rapportent la preuve, par la production du jugement en date du 22-07-2005 dont elles justifient n'avoir obtenu la communication que le 07-03-2007, que Daniel X..., agissant en qualité de créancier subrogé dans les droits de plusieurs établissements bancaires qu'il avait désintéressés, a accepté de transiger avec les syndics aux termes d'un protocole d'accord que le tribunal a homologué en constatant qu'il mettait un terme définitif au litige l'opposant à ces derniers ;
Qu'il s'ensuit que les sociétés du groupe IDEX sont bien fondées à se prévaloir de l'effet extinctif des droits de créance de Daniel X... vis à vis de la masse des créanciers résultant de ce protocole transactionnel auquel le tribunal a donné force exécutoire, comme d'une circonstance nouvelle rendant irrecevables les prétentions de ce dernier, pour perte de toute qualité et de tout intérêt à intervenir dans les modalités de liquidation des droits de créances respectifs du groupe IDEX et de la masse commune des créanciers des sociétés du groupe X... en liquidation » (arrêt, p 7 / 8) ;
Alors, d'une part, que l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet d'un jugement et a été tranché dans son dispositif, les motifs d'un jugement, fussent-ils le soutien nécessaire de la décision, étant dépourvus de toute autorité de la chose jugée ; que le dispositif du jugement du 8 septembre 2000 du Tribunal de commerce de Chambéry s'est borné à déclarer recevable l'opposition de M. X..., en sa qualité de créancier potentiel de la masse ; qu'en énonçant que ce jugement avait définitivement jugé que M. X..., en qualité d'ancien dirigeant des sociétés du groupe X..., n'avait pas qualité à agir, la Cour d'appel a violé les articles 1351 du Code civil et 480 du nouveau Code de procédure civile ;
Alors en tout état que l'autorité de la chose jugée ne peut être opposée lorsque des événements postérieurs sont venus modifier la situation juridique antérieurement reconnue ; d'où il résulte qu'en l'état des conclusions non contestées par lesquelles M. X... faisait valoir que sur la requête de Me Z... le Tribunal de commerce de Chambéry avait, par jugement du 8 janvier 2001, mis fin à la mission de Me A... en qualité d'administrateur provisoire des sociétés du groupe X..., la Cour d'appel ne pouvait opposer la motivation du jugement du 8 septembre 2000 qui s'était exclusivement fondé sur le fait que Me A... avait été désigné en qualité d'administrateur provisoire de ces sociétés pour en déduire que M. X... n'avait pas qualité, en tant que dirigeant de ces même sociétés, pour former opposition ; que la Cour d'appel a violé de plus fort l'article 1351 du Code civil ;
Alors, d'autre part, qu'en application des articles 31 et 546 du nouveau Code de procédure civile, l'intérêt au succès ou au rejet d'une prétention s'apprécie au jour de l'introduction d'une demande en justice, l'intérêt d'une partie à interjeter appel devant être apprécié au jour de l'appel dont la recevabilité ne peut dépendre de circonstances postérieures qui l'auraient rendu sans objet ; qu'en retenant que M. X... avait perdu son droit à agir, en qualité de créancier subrogé, par l'effet du jugement du 22 juillet 2005 qui avait homologué la transaction conclue avec les syndics, soit par une circonstance postérieure à la date de la déclaration d'appel de M. X..., la Cour d'appel a violé les articles susvisés ;
Alors en tout état que dans ses conclusions d'appel, M. X... faisait valoir que la transaction intervenue était loin de l'avoir désintéressé complètement ; qu'en effet le règlement intervenu s'inscrivait dans un réseau de cautionnements et de crédits bancaires au sein duquel la créance de la Banque Morin Pons ne représentait qu'une partie dans une opération à l'occasion d'un marché exécuté en Arabie Saoudite pour lequel il avait donné des garanties personnelles qui avaient permis, postérieurement à l'ouverture de la procédure collective, la poursuite et la bonne fin du chantier, raison pour laquelle il avait été subrogé dans les droits des banques concernées, ce que le jugement du 22 juillet 2005 évoquait en mentionnant qu'il était subrogé dans les droits de différents établissements bancaires dont la Banque Morin Pons ; qu'en retenant que les sociétés du groupe IDEX étaient bien fondées à se prévaloir de l'effet extinctif des droits de créance de M. X... vis-à-vis de la masse des créanciers résultant du protocole transactionnel auquel le Tribunal avait donné force exécutoire pour en déduire toute perte de qualité et d'intérêt à intervenir dans les modalités de liquidation des droits de créances respectifs du groupe IDEX et de la masse des créanciers des sociétés du groupe, sans aucune explication sur ces conclusions d'où résultait que l'effet extinctif de la transaction n'était pas total, la Cour d'appel a violé l'article 455 du NCPC.