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03/06/2009 | FRANCE | N°07-40370

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 03 juin 2009, 07-40370


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen relevé d'office après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile :

Vu les articles 34 et 37 de la Constitution du 4 octobre 1958, l'article 13 de la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III, ensemble l'article 4 de la délibération n° 91-2 AT du 16 janvier 1991 modifiée par la délibération n° 2002-148 APF du 7 novembre 2002 ;

Attendu que l'appréciation de la légalité d'un acte administratif échappe à la compétence d

u juge judiciaire ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été engagé le 21 m...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen relevé d'office après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile :

Vu les articles 34 et 37 de la Constitution du 4 octobre 1958, l'article 13 de la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III, ensemble l'article 4 de la délibération n° 91-2 AT du 16 janvier 1991 modifiée par la délibération n° 2002-148 APF du 7 novembre 2002 ;

Attendu que l'appréciation de la légalité d'un acte administratif échappe à la compétence du juge judiciaire ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été engagé le 21 mai 2003 en qualité d'architecte par la société d'architecture Iihi ; qu'il a été licencié pour motif économique le 29 novembre 2004 ; qu'il a saisi le tribunal du travail de Papeete aux fins de voir annuler la clause de non-concurrence insérée dans son contrat de travail au motif qu'elle ne comportait pas de contrepartie financière ;

Attendu que l'examen du pourvoi contre cette décision nécessite que soit posée la question de l'appréciation de la légalité de l'article 4 de la délibération de l'assemblée de Polynésie française n° 91–2 AT du 16 janvier 1991 modifiée par la délibération n° 2002-148 APF du 7 novembre 2002, qui, en ce qu'elle ne conditionne pas la validité d'une clause de non-concurrence du contrat de travail au versement par l'employeur d'une contrepartie financière, est de nature à porter atteinte au principe fondamental de libre exercice d'une activité professionnelle et soulève une difficulté sérieuse qui échappe à la compétence judiciaire ;

PAR CES MOTIFS :

Renvoie l'une ou l'autre des parties à saisir la juridiction administrative aux fins d'appréciation de la légalité de l'article 4 de la délibération n° 91-2 AT du 16 janvier 1991 modifiée par la délibération n° 2002-148 APF du 7 novembre 2002 ;

Sursoit à statuer sur le pourvoi jusqu'à la décision qui sera rendue par la juridiction administrative sur la requête de l'une ou l'autre partie ;

Réserve les dépens ;

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trois juin deux mille neuf.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par Me Y..., avocat aux Conseils pour M. X....

Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit que la clause de non-concurrence contenue dans le contrat de travail du 21 mai 2003 ayant lié les parties était licite et d'avoir, par voie de conséquence, rejeté la demande tendant à voir annuler ladite clause, ensemble tendant à voir octroyer au salarié une indemnité pour l'atteinte portée à sa liberté du travail ;

AUX MOTIFS QUE contrairement à la situation métropolitaine qui a exigé, en l'absence de textes légaux, une définition jurisprudentielle des conditions de validité de la clause de non-concurrence, une telle clause est réglementée par l'article 4 de la délibération n° 91-2 AT du 16 janvier 1991 modifiée par la délibération n° 2002-148 APF du 7 novembre 2002 qui dispose : «la clause de non-concurrence doit être écrite et ne doit pas porter atteinte à la liberté du travail en raison de son étendue dans le temps ou dans l'espace et compte-tenu de la nature de l'activité du salarié ainsi que de son expérience professionnelle. L'interdiction de concurrence ne peut en aucun cas excéder un an» ; que cette délibération, prise pour l'application de la loi n° 86-845 du 17 juillet 1986, comme l'autorise le statut de la Polynésie Française, n'a fait l'objet d'aucun recours et elle constitue donc la disposition applicable en Polynésie Française en matière de clause de non-concurrence ; qu'elle ne mentionne le versement d'aucune contrepartie financière et ce, bien qu'elle soit intervenue après le revirement de jurisprudence de la chambre sociale de la Cour de cassation qui, par arrêts du 10 juillet 2002, a imposé une telle contrepartie financière, qu'il n'existe pas de conventions collectives ou autres accords envisageant une contrepartie financière ; que dans ces conditions et en raison de la législation de la Polynésie Française, le jugement attaqué doit être infirmé en ce qu'il a jugé nulle la clause de non-concurrence en l'absence de contrepartie financière ;

ET AUX MOTIFS ENCORE QUE les responsabilités de Monsieur X..., ses compétences professionnelles et les informations auxquelles il a eu accès durant l'exécution du contrat de travail justifient certaines restrictions à la possibilité pour l'intimé d'être un concurrent direct de son ancien employeur ou de se mettre au service d'un concurrent ; que toutefois, la limitation dans le temps (un an) n'est pas supérieure à celle prévue par l'article 4 de la délibération n° 91-2 AT du 18 janvier 1991 et Monsieur X... ne démontre pas en quoi cette limitation serait excessive ; qu'en outre, la limitation dans l'espace ne concerne que cinq communes de Tahiti alors que des architectes sont installés à Moorea, Mahina ou Uturoa ; que la construction hôtelière est une des activités importantes des Iles-sous-le-
Vent ; que Monsieur X... aurait pu s'installer dans des communes proches de Papeete (Mahina, Paea ou Papara) ; qu'il avait été recruté en métropole ; qu'il ne se trouvait donc pas depuis longtemps à Tahiti et qu'il ne justifie pas de contraintes lui imposant de rester à Papeete ou dans les communes limitrophes ; qu'en conséquence, il convient de déclarer licite la clause de non-concurrence insérée dans le contrat de travail, d'infirmer le jugement attaqué en toutes ses dispositions et de rejeter les demandes formées par Monsieur Nicolas X... ;

ALORS QUE, D'UNE PART, conformément au principe fondamental de libre exercice d'une activité professionnelle applicable en Polynésie Française, car de rang constitutionnel, une clause de non-concurrence n'est licite que si elle est indispensable à la protection des intérêts légitimes de l'entreprise, limitée dans le temps et dans l'espace, qu'elle tient compte des spécificités de l'emploi du salarié et comporte l'obligation pour l'employeur de verser au salarié une contrepartie financière, ces conditions étant cumulatives ; qu'en jugeant le contraire, au motif que l'article 4 de la délibération n° 91-2 AT du 16 juillet 1991, modifiée par la délibération n° 2002-148 APF du 7 novembre 2002, prise pour l'application de la loi n° 86-845 du 17 juillet 1986, ne mentionne le versement d'aucune contrepartie financière, la clause de non-concurrence insérée devait être considérée comme valable qu'en statuant de la sorte, la Cour méconnaît son office au regard de l'article 12 du nouveau Code de procédure civile, ensemble viole le principe fondamental de libre exercice d'une activité professionnelle ;

ET ALORS QUE, D'AUTRE PART ET EN TOUTE HYPOTHESE, la Cour qui infirme le jugement entrepris ne consacre aucun motif pertinent à l'aspect du jugement dont la confirmation était sollicitée qui souligne que la clause de non-concurrence interdisant à Monsieur X... d'exercer sa profession dans les communes qui rassemblent le plus grand nombre de cabinets d'architecture (environ 75 % de ceux-ci), lui laissant seulement la possibilité de trouver une collaboration auprès de six architectes situés dans des communes excentrées, avec une contrepartie financière fixée à 10 % du salaire, cependant que la plupart des conventions collectives retiennent 35 à 50 % du salaire, apparaît dérisoire et s'assimile à une absence de contrepartie financière et à une atteinte à la liberté d'exercer une activité professionnelle (cf. p. 3 du jugement) ; qu'en se contentant d'affirmer que la limitation dans l'espace ne concernerait que cinq communes de Tahiti alors que les architectes sont installés ailleurs, sans dire un mot sur la circonstance troublante que la clause de non-concurrence faisait que 75 % des agences d'architecte était comprise dans son champ et restreignait considérablement la liberté du travail de Monsieur X..., la Cour ne justifie pas légalement son arrêt au regard de l'article 1134 du Code civil, violé.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 07-40370
Date de la décision : 03/06/2009
Sens de l'arrêt : Sursis a statuer
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Papeete, 02 novembre 2006


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 03 jui. 2009, pourvoi n°07-40370


Composition du Tribunal
Président : Mme Collomp (président)
Avocat(s) : Me Balat, Me Blondel

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2009:07.40370
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