LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon les arrêts attaqués (Toulouse, 11 janvier 2007 et 16 janvier 2008), que se plaignant de la mauvaise qualité du pénicillium fourni par la société CSL France qui, fin 1995, avait altéré sa production de fromage, la société Les Fromageries occitanes (LFO) a assigné en dommages-intérêts devant un tribunal de commerce la société CSL France qui a appelé en garantie l'assureur de son fournisseur, la société Centro Sperimentale del Latte (CSL), la société Assurances générales de France (l'assureur) ;
Attendu que l'assureur fait grief à l'arrêt de le déclarer tenu à garantir les conséquences dommageables de la responsabilité contractuelle pouvant être encourue par la société CSL Italie, alors, selon le moyen :
1°/ que l'article 1er de la police d'assurance souscrite par la société CSL Italie auprès de l'assureur prévoyait qu'étaient garantis les dommages causés aux tiers par le défaut des produits livrés par l'assuré ; que l'article 4 b) excluait de la garantie les "dommages liés à des responsabilités contractuelles et/ou assumées volontairement, c'est-à-dire des responsabilités qui ne sont pas directement imposées par la loi" ; qu'ainsi l'article 4 b) excluait expressément de la garantie les dommages découlant de la responsabilité contractuelle encourue par l'assuré, limitant en conséquence la couverture de l'assureur aux dommages résultant de la responsabilité quasi délictuelle de l'assuré ; qu'en refusant de faire application de l'exclusion de garantie de l'article 4 b) au motif erroné que les tiers victimes des produits défectueux "n'ont pu les détenir que dans le cadre d'une relation contractuelle" en sorte que l'exclusion entrait prétendument en contradiction avec l'article 1er garantissant les dommages causés aux tiers par le défaut des produits livrés par l'assuré et aurait eu pour effet de vider de sa substance une grande part de la garantie offerte pour la responsabilité des produits défectueux, la cour d'appel a méconnu la loi des parties et violé en conséquence l'article 1173 du code civil italien ;
2°/ que l'article 1er de la police d'assurance souscrite par la société CSL Italie auprès de l'assureur prévoyait qu'étaient garantis les dommages causés aux tiers par le défaut des produits livrés par l'assuré ; que l'article 4 b) excluait de la garantie les "dommages liés à des responsabilités contractuelles et/ou assumées volontairement c'est-à-dire des responsabilités qui ne sont pas directement imposées par la loi" ; que les parties avaient ainsi conventionnellement convenu que la garantie de l'assureur ne couvrait que les dommages résultant de la responsabilité extracontractuelle de l'assuré ; que la clause d'exclusion était donc claire et précise, en sorte que la cour d'appel, en énonçant que l'article 4 b) était ambigu pour faire application du principe italien d'interprétation des contrats selon lequel les clauses ambigües dans des conditions générales doivent être interprétées en faveur de la partie qui ne les a pas rédigées, a méconnu la loi des parties et violé en conséquence les articles 1173 et 1370 du code civil italien ;
3°/ que l'article 4 b) de la police d'assurance souscrite par la société CSL Italie auprès de l'assureur excluait de la couverture les "dommages de nature à engager les responsabilités contractuelles et/ou assumées volontairement c'est-à-dire des responsabilités qui ne sont pas imposées directement par une loi" ; que cette clause avait ainsi pour objet d'exclure d'une part, les dommages découlant de la responsabilité contractuelle de l'assuré, ainsi que de la responsabilité contractuelle découlant d'engagements que l'assuré aurait volontairement endossés à l'égard de son cocontractant, sans en être tenu par la loi ; qu'en jugeant que l'article 4 b) devait être interprété comme ayant pour unique objectif d'exclure les engagements contractuels pris par l'assuré et qui auraient pour conséquence de l'engager au-delà de ce que la loi prévoit, en ignorant la première partie de la clause, la cour d'appel a dénaturé le sens pourtant clair et précis de la police et violé en conséquence l'article 1173 du code civil italien ;
Mais attendu que l'arrêt constate qu'il existe une contradiction entre les dispositions de l'article 1er de la police garantissant la responsabilité civile résultant de défauts des produits après leur livraison aux tiers, qui n'ont pu les détenir que dans le cadre d'une relation contractuelle, et celles de l'article 4 excluant la garantie "des dommages liés à des responsabilités contractuelles et/ou assumées volontairement c'est-à-dire non imposées par la loi" ; qu'il retient que conformément à l'article 1370 du code civil italien, selon lequel les clauses ambiguës dans des conditions générales doivent être interprétées en faveur de la partie qui ne les a pas rédigées, que cette dernière référence à la loi, sans autre précision, alors que le droit italien connaît notamment la garantie des vices cachés, permet d'approuver la thèse de la société LFO selon laquelle cette clause a pour unique objectif d'exclure les engagements contractuels pris par l'assuré et qui auraient pour conséquence de l'engager au-delà de ce que la loi prévoit et que ne peut donc être retenue l'exclusion de garantie ;
Que c'est sans dénaturer le contrat et dans l'exercice de son pouvoir souverain que la cour d'appel a interprété le contrat comme elle l'a fait ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Assurances générales de France IART aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Assurances générales de France IART ; la condamne à payer aux sociétés Les Fromageries occitanes et CSL France la somme de 2 500 euros chacune ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit mai deux mille neuf.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat aux Conseils pour la société Assurances générales de France IART.
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré la compagnie AGF tenue à garantir les conséquences dommageables de la responsabilité contractuelle pouvant être encourue par la société CSL Italie ;
AUX MOTIFS QUE pour soutenir qu'elle ne doit pas sa garantie, la compagnie AGF invoque l'article 4 de la police souscrite qui stipule : « son exclus de la garantie objet de la présente police :….. b) les dommages liés à des responsabilités contractuelles et/ou assumées volontairement, c'est-à-dire non imposées directement par la loi » -selon la traduction figurant dans les conclusions de la compagnie AGF- ;
Que la police d'assurance, souscrite en Italie par un producteur italien auprès de la représentation générale de la compagnie AGF pour l'Italie afin de garantir les responsabilités susceptibles d'être encourues du fait de l'exercice en Italie de son activité professionnelle, est soumise au droit italien ;
Que la police d'assurance, signé le 19 décembre 1994 à Milan, décrit liminairement le risque comme « industrie de fabrication et de commercialisation de ferments lactiques pour fromages etc.… » et prévoit en son article premier : ….. « la société s'engage à dégager l'assuré, ses employés et en général toute autre personne dont l'assuré pourrait être tenu de répondre de l'obligation de payer les sommes qu'ils pourraient être tenus de verser dès lors que leur responsabilité civile est engagée conformément à la loi à titre de remboursement de dommages occasionnés involontairement aux tiers par suite de décès, lésions corporelles et dommages aux biens et aux animaux, même consécutifs à des privations de jouissance ou à l'interruption d'activités économiques à la suite d'un événement fortuit survenu dans le cadre de l'exercice de l'activité décrite dans la police. Ainsi à titre d'exemple non limitatif, la garantie acquise aux termes de la présente police couvre la responsabilité de l'entreprise tant vis-à-vis des tiers que de ses salariés, notamment en cas d'accidents du travail et des maladies professionnelles, y compris les dommages biologiques. Elle couvre également la responsabilité civile résultant des défauts des produits mentionnés dans la police, notamment les erreurs d'étiquetage, mode d'emploi erroné ou caractéristiques différentes de celles préalablement convenues, après leur livraison aux tiers, du fait de la survenance d'un accident ayant un rapport avec les risques pour lesquels la police a été stipulée…. » ;
Que même si la société L.F.O. n'a pas précisé le fondement juridique de son action, celle-ci, dérivant de la défectuosité des produits livrés, se situe nécessairement dans le domaine contractuel ;
Que pour autant l'exclusion de garantie relative à des dommages liés à des responsabilités contractuelles ne saurait être appliquée ;
Attendu qu'il existe en effet une contradiction entre les dispositions de l'article 1 de la police garantissant la responsabilité civile résultant de défauts des produits après leur livraison aux tiers –qui n'ont pu les détenir que dans le cadre d'une relation contractuelle- et celle de l'article 4 excluant la garantie « des dommages liés à des responsabilités contractuelles et/ou assumées volontairement c'est-à-dire non imposées par la loi » ;
Que cette dernière référence à la loi, sans autre précision, alors que le droit italien connaît notamment la garantie des vices cachés, permet d'approuver la thèse de la société L.F.O. pour qui la clause de l'article 4 b a pour unique objectif d'exclure les engagements contractuels pris par l'assuré et qui auraient pour conséquence de l'engager au-delà de ce que la loi prévoit ;
Que l'article 1 de la police d'assurance ne limite pas la garantie de l'assureur aux dommages causés à des biens autres que ceux livrés et ne fait pas dépendre la garantie de l'application d'une loi déterminée prévoyant une responsabilité particulière ;
Qu'enfin en présence de la contradiction résultant des dispositions de l'article 1 et de l'article 4 b de la police –la portée de ce dernier étant tempérée par la précision « responsabilités … non imposées directement par la loi », il convient d'appliquer l'article 1370 du code civil italien produit par les parties selon lequel les clauses ambigües dans des conditions générales doivent être interprétées en faveur de la partie qui ne les a pas rédigées ;
Que ne peut donc être retenue l'exclusion de garantie, rédigée en termes ambigus et qui aurait pour effet de vider de sa substance une grande part de la garantie offerte pour la responsabilité encourue du fait des défauts des produits après livraisons aux tiers compte tenu de l'activité de l'entreprise assurée qui fabrique et commercialise des ferments lactiques destinés à l'élaboration de fromages ;
Que la compagne AGF IART doit être tenue à garantir son assurée la société CSL Italie »
1°/ ALORS, D'UNE PART, QUE l'article 1er de la police d'assurance souscrite par la société CSL Italie auprès de la société AGF prévoyait qu'étaient garantis les dommages causés aux tiers par le défaut des produits livrés par l'assuré ; que l'article 4 b) excluait de la garantie les « dommages liés à des responsabilités contractuelles et/ou assumées volontairement, c'est-à-dire des responsabilités qui ne sont pas directement imposées par la loi » ; qu'ainsi l'article 4 b) excluait expressément de la garantie les dommages découlant de la responsabilité contractuelle encourue par l'assuré, limitant en conséquence la couverture de la société AGF aux dommages résultant de la responsabilité quasi-délictuelle de l'assuré ; qu'en refusant de faire application de l'exclusion de garantie de l'article 4 b) au motif erroné que les tiers victimes des produits défectueux « n'ont pu les détenir que dans le cadre d'une relation contractuelle » en sorte que l'exclusion entrait prétendument en contradiction avec l'article 1er garantissant les dommages causés aux tiers par le défaut des produits livrés par l'assuré et aurait eu pour effet de vider de sa substance une grande part de la garantie offerte pour la responsabilité des produits défectueux, la Cour d'appel a méconnu la loi des parties et violé en conséquence l'article 1173 du Code civil italien ;
2°/ ALORS, D'AUTRE PART, QUE l'article 1er de la police d'assurance souscrite par la société CSL Italie auprès de la société AGF prévoyait qu'étaient garantis les dommages causés aux tiers par le défaut des produits livrés par l'assuré ; que l'article 4 b) excluait de la garantie les « dommages liés à des responsabilités contractuelles et/ou assumées volontairement c'est-à-dire des responsabilités qui ne sont pas directement imposées par la loi » ; que les parties avaient ainsi conventionnellement convenu que la garantie de la société AGF ne couvrait que les dommages résultant de la responsabilité extracontractuelle de l'assuré ; que la clause d'exclusion était donc claire et précise, en sorte que la Cour d'appel, en énonçant que l'article 4 b) était ambigu pour faire application du principe italien d'interprétation des contrats selon lequel les clauses ambigües dans des conditions générales doivent être interprétées en faveur de la partie qui ne les a pas rédigées, a méconnu la loi des parties et violé en conséquence les articles 1173 et 1370 du Code civil italien ;
3°/ ET ALORS, EN TOUT ETAT DE CAUSE, QUE l'article 4 b) de la police d'assurance souscrite par la société CSL Italie auprès de la société AGF excluait de la couverture les « dommages de nature à engager les responsabilités contractuelles et/ou assumées volontairement c'est-à-dire des responsabilités qui ne sont pas imposées directement par une loi » ; que cette clause avait ainsi pour objet d'exclure d'une part, les dommages découlant de la responsabilité contractuelle de l'assuré, ainsi que de la responsabilité contractuelle découlant d'engagements que l'assuré aurait volontairement endossés à l'égard de son cocontractant, sans en être tenu par la loi ; qu'en jugeant que l'article 4 b) devait être interprété comme ayant pour unique objectif d'exclure les engagements contractuels pris par l'assuré et qui auraient pour conséquence de l'engager au-delà de ce que la loi prévoit, en ignorant la première partie de la clause, la Cour d'appel a dénaturé le sens pourtant clair et précis de la police et violé en conséquence l'article 1173 du Code civil italien.