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20/05/2009 | FRANCE | N°07-43369;07-43370

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 20 mai 2009, 07-43369 et suivant


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Vu leur connexité, joint les pourvois n° K 07-43.369 et n° M 07-43.370 ;
Sur le moyen unique commun aux deux pourvois :
Attendu, selon les arrêts attaqués (Paris, 15 mai 2007), que MM. X... et Y... salariés intérimaires de la société ADIA, ont été mis à la disposition de la société Peugeot Citroën automobiles (la société PCA) pour effectuer plusieurs missions successives accomplies entre le 17 décembre 2001 et le 28 décembre 2003 sur le site d'Aulnay-sous-Bois ; qu'estimant qu'ils occupaient durablem

ent des emplois liés à l'activité normale et permanente de l'entreprise, les...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Vu leur connexité, joint les pourvois n° K 07-43.369 et n° M 07-43.370 ;
Sur le moyen unique commun aux deux pourvois :
Attendu, selon les arrêts attaqués (Paris, 15 mai 2007), que MM. X... et Y... salariés intérimaires de la société ADIA, ont été mis à la disposition de la société Peugeot Citroën automobiles (la société PCA) pour effectuer plusieurs missions successives accomplies entre le 17 décembre 2001 et le 28 décembre 2003 sur le site d'Aulnay-sous-Bois ; qu'estimant qu'ils occupaient durablement des emplois liés à l'activité normale et permanente de l'entreprise, les deux salariés ont saisi la juridiction prud'homale pour obtenir la requalification de leurs contrats de travail en contrat à durée déterminée et les indemnités subséquentes ;
Attendu que la société PCA fait grief aux arrêts d'avoir requalifié les contrats de travail temporaire de MM. X... et Y... en un contrat à durée indéterminée et d'avoir en conséquence condamné la société PCA à leur verser une indemnité de requalification, une indemnité de préavis et des congés payés afférents, une indemnité conventionnelle de licenciement, des dommages-intérêts pour rupture abusive du contrat de travail, alors, selon le moyen :
1°/ que si la conception et le lancement d'un nouveau véhicule relèvent certes de l'activité normale et permanente d'une entreprise de fabrication de véhicules automobiles, ils peuvent néanmoins occasionner une charge de travail inhabituelle ne pouvant être absorbée par le personnel en place, justifiant le recours à l'intérim pendant une courte période ; qu'en l'espèce, la société PCA faisait valoir que le salarié avait été engagé sur le site d'Aulnay suite à la mise en place au sein de la société, de la politique dite des plates-formes ayant conduit à attribuer transitoirement au site d'Aulnay la production simultanée de quatre modèles de véhicules différents (Peugeot 106, Citroën Saxo, C2 et C3), ainsi que le lancement consécutif de ces nouveaux modèles de véhicules sur une courte période, ce qui avait généré un pic d'activité temporaire avant que l'arrêt de la fabrication en 2003 de deux d'entre eux ne vienne réguler le rythme de la production du site ; qu'en se bornant à affirmer que la mise au point et le lancement d'un nouveau véhicule constituent l'activité normale et permanente d'une entreprise de fabrication de véhicules automobiles, telles que la société PSA, pour en déduire que les contrats de mission du salarié s'inscrivaient dans un accroissement durable et constant de l'activité de l'entreprise, sans rechercher plus précisément si, dans le contexte de la nouvelle politique des plates formes ayant conduit à affecter Aulnay à la production de véhicules relevant de la plate forme n° 1, ce site ne s'était pas vu provisoirement confier le lancement et la production simultanée de quatre nouveaux modèles de véhicules différents, ayant entraîné un pic d'activité temporaire sur ce site ne pouvant être absorbé par le personnel en place, avant que la production ne soit régulée en 2003 par l'arrêt de la fabrication de deux d'entre eux, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 124-2 et L. 124-2-1 du code du travail ;
2°/ que le recours à des salariés intérimaires est autorisé en cas d'accroissement temporaire de l'activité habituelle de l'entreprise, notamment en cas de variations cycliques de production, sans qu'il soit nécessaire que cet accroissement présente un caractère exceptionnel ; que la seule recherche par une entreprise de l'accroissement de sa production ne caractérise pas une augmentation durable effective de celle-ci interdisant le recours à l'intérim ; qu'en l'espèce, pour interdire le recours à l'intérim à raison du surcroît temporaire d'activité provoqué par le succès commercial de la C3, la cour d'appel a affirmé que "nonobstant les contraintes de cadence qu'il génère dans la production, le succès commercial d'un nouveau véhicule n'est pas non plus un événement exceptionnel dans la vie d'une entreprise automobile, mais une circonstance attendue par le constructeur" ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les articles L. 124-2 et L. 124-2-1 du code du travail ;
Mais attendu qu'aux termes de l'article L. 1251-5 du code du travail, le contrat de travail temporaire ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise utilisatrice ; que, selon le second alinéa de ce texte, un utilisateur ne peut faire appel à des salariés intérimaires que pour l'exécution d'une tâche précise et temporaire dénommée "mission", et seulement dans les cas énumérés à l'article L. 1251-6 du code du travail, et notamment en cas d'accroissement temporaire d'activité ; qu'il en résulte que, dans ce dernier cas, le recours à des salariés intérimaires ne peut être autorisé que pour les besoins d'une ou plusieurs tâches résultant du seul accroissement temporaire de l'activité de l'entreprise, notamment en cas de variations cycliques de production, sans qu'il soit nécessaire ni que cet accroissement présente un caractère exceptionnel ni que le salarié recruté soit affecté à la réalisation même de ces tâches ;
Et attendu que la cour d'appel a constaté, d'abord que le regroupement décidé par la société PCA, de la fabrication de véhicules ayant des éléments communs, était destiné à se pérenniser sur le site d'Aulnay-sous-Bois, ensuite, que la mise au point et le lancement d'un nouveau véhicule constituent l'activité normale et permanente d'une entreprise de fabrication de véhicules, enfin que les contrats de mission de MM. X... et Y... s'inscrivaient dans un accroissement durable et constant de l'activité de l'entreprise ; qu'elle a exactement décidé, abstraction faite du motif surabondant critiqué par la seconde branche, que ces contrats de travail qui avaient pour effet de pourvoir durablement des emplois liés à l'activité normale et permanente de l'entreprise, devaient être requalifiés en contrats à durée indéterminée ;
D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE les pourvois ;
Condamne la société Peugeot Citroën automobiles aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à M. X... la somme de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt mai deux mille neuf.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen commun produit aux pourvois n° K 07-43.369 et n° M 07-43.370 par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils pour la société Peugeot Citroën automobiles.
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR requalifié les contrats de travail temporaire de Monsieur X... en un contrat à durée indéterminée et d'avoir en conséquence condamné la société PCA à lui verser une indemnité de requalification, une indemnité de préavis et des congés payés y afférents, une indemnité conventionnelle de licenciement, des dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat de travail ainsi qu'une indemnité au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile
AUX MOTIFS QUE « en vertu de l'article L124-2 du code du travail, le contrat ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise utilisatrice, laquelle ne peut faire appel à des salariés intérimaires que pour l'exécution d'une tache précise et temporaire, dénommée « mission », et seulement dans les cas énumérés à l'article L124-2-1, notamment en cas d'accroissement temporaire d'activité ; qu'il en résulte que dans ce dernier cas, le recours à des salariés intérimaires ne peut être autorisé que pour les besoins d'une ou plusieurs tâches résultant du seul accroissement temporaire de l'activité de l'entreprise, notamment en cas de variations cycliques de production, sans qu'il soit nécessaire que cet accroissement présente un caractère exceptionnel, ni que le salarié recruté soit affecté à la réalisation même de ces taches ; qu'il ressort en l'espèce des débats ainsi que des récritures et des pièces des parties qu'à compter de 1998, la société PSA a mis en oeuvre une politique dite de « plates-formes » (trois, dont une par niveau de gamme : entrée, milieu, haut de gamme), dont l'objectif était de produire, sur un même site de production, plusieurs véhicules en les faisant bénéficier de plusieurs éléments communs ; dans le cadre de cette restructuration des unités de production, l'usine d'AULNAY s'est ainsi vu confier la fabrication de la plate-forme 1 (entrée de gamme), ce qui avait eu pour conséquences, en :- 1998, le transfert de Mulhouse à Aulnay de la fabrication du modèle 106 ;- 1999, l'affectation à Aulnay de la fabrication de la SAXO 2, re-stylisée, - 2002, l'affectation de la fabrication de la C3, laquelle a été commercialisée à compter d'avril 2002, - 2003, l'affectation de la fabrication de la C2.La société PSA soutient que l'établissement d'Aulnay devait donc connaître, pendant une période limitée, un surcroît d'activité lié à la fabrication concomitante de quatre types de véhicules et que cette situation a pris fin en 2003, avec l'arrêt de la production de la SAXO et de la 106, produits en fin de vie ; cependant, outre que le regroupement, sur un même site, de la fabrication de véhicules ayant des éléments communs, est destiné à se pérenniser, il convient de relever qu'il a été fait appel à Monsieur X... à compter du 17 décembre 2001, en raison d'un surcroît d'activité successivement lié à « la réalisation des préséries du futur véhicule », « à son démarrage », « à sa montée en cadence » et « au succès commercial de la C3 nécessitant le renfort des équipes pour le respect du planning de production demandé par le commerce » ; or la mise au point et le lancement d'un nouveau véhicule constituent l'activité normale et permanente d'une entreprise de fabrication de véhicules automobiles, telles que la société PSA ; la base de la politique commerciale de toute entreprise de ce type consiste en effet à proposer régulièrement à sa clientèle de nouveaux modèles ; nonobstant les contraintes de cadence qu'elle génère dans la production, le succès commercial d'un nouveau véhicule n'est pas non plus un événement exceptionnel dans la vie d'une entreprise automobile, mais une circonstance attendue par le constructeur ; il s'ensuit que les différents contrats de mission de Monsieur X... s'inscrivaient dans un accroissement durable et constant de l'activité de l'entreprise ; il y a dès lors lieu d'infirmer le jugement et de faire droit à la demande de requalification ; Monsieur X... a en conséquence droit au paiement de l'indemnité prévue par l'article L124-7-1 du code du travail qui ne peut être inférieure à un mois de salaire ; sa demande en paiement de la somme de 1972 euros sera accueillie ; le contrat de travail ainsi requalifié relevant des règles du droit commun, la rupture intervenue le 28 décembre 2003 s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse ; ayant plus de deux ans d'ancienneté dans l'entreprise (17 décembre 2001 - 28 décembre 2003), Monsieur X... est fondé à solliciter le paiement d'une indemnité compensatrice de préavis et des congés payés afférents, soit les sommes de 3944 euros et de 394,40 euros, ainsi que celui d'une indemnité conventionnelle de licenciement (394, 40 euros); le préjudice subi par le salarié du chef de la rupture abusive de son contrat de travail sera justement réparé en application de l'article L 122-14-5 du code du travail par l'octroi d'une somme de 11832 euros à titre de dommages et intérêts »
1. ALORS QUE si la conception et le lancement d'un nouveau véhicule relèvent certes de l'activité normale et permanente d'une entreprise de fabrication de véhicules automobiles, ils peuvent néanmoins occasionner une charge de travail inhabituelle ne pouvant être absorbée par le personnel en place, justifiant le recours à l'intérim pendant une courte période ; qu'en l'espèce, la société PCA faisait valoir que le salarié avait été engagé sur le site d'Aulnay suite à la mise en place au sein de la société, de la politique dite des plates-formes ayant conduit à attribuer transitoirement au site d'Aulnay la production simultanée de quatre modèles de véhicules différents (Peugeot 106, Citroën Saxo, C2 et C3), ainsi que le lancement consécutif de ces nouveaux modèles de véhicules sur une courte période, ce qui avait généré un pic d'activité temporaire avant que l'arrêt de la fabrication en 2003 de deux d'entre eux ne vienne réguler le rythme de la production du site (conclusions d'appel de l'exposante p 12 à 16); qu'en se bornant à affirmer que la mise au point et le lancement d'un nouveau véhicule constituent l'activité normale et permanente d'une entreprise de fabrication de véhicules automobiles, telles que la société PSA, pour en déduire que les contrats de mission du salarié s'inscrivaient dans un accroissement durable et constant de l'activité de l'entreprise, sans rechercher plus précisément si, dans le contexte de la nouvelle politique des plates formes ayant conduit à affecter Aulnay à la production de véhicules relevant de la plate forme n°1, ce site ne s'était pas vu provisoirement confier le lancement et la production simultanée de quatre nouveaux modèles de véhicules différents, ayant entraîné un pic d'activité temporaire sur ce site ne pouvant être absorbé par le personnel en place, avant que la production ne soit régulée en 2003 par l'arrêt de la fabrication de deux d'entre eux, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L124-2 et L124-2-1 du code du travail ;
2. ALORS QUE le recours à des salariés intérimaires est autorisé en cas d'accroissement temporaire de l'activité habituelle de l'entreprise, notamment en cas de variations cycliques de production, sans qu'il soit nécessaire que cet accroissement présente un caractère exceptionnel ; que la seule recherche par une entreprise de l'accroissement de sa production ne caractérise pas une augmentation durable effective de celle-ci interdisant le recours à l'intérim; qu'en l'espèce, pour interdire le recours à l'intérim à raison du surcroît temporaire d'activité provoqué par le succès commercial de la C3, la Cour d'appel a affirmé que « nonobstant les contraintes de cadence qu'il génère dans la production, le succès commercial d'un nouveau véhicule n'est pas non plus un événement exceptionnel dans la vie d'une entreprise automobile, mais une circonstance attendue par le constructeur » ; qu'en statuant ainsi, la Cour d'appel a violé les articles L 124-2 et L 124-2-1 du Code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 07-43369;07-43370
Date de la décision : 20/05/2009
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 15 mai 2007


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 20 mai. 2009, pourvoi n°07-43369;07-43370


Composition du Tribunal
Président : M. Texier (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Bouzidi et Bouhanna, SCP Gatineau et Fattaccini

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2009:07.43369
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