LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu l'article L. 3171-4 du code du travail ;
Attendu que M. X... a été engagé le 18 février 1995 en qualité de cuisinier par la société Sunny Pub Cinecitta qui exploitait à Strasbourg un restaurant à l'enseigne Cinecitta, lequel a été donné en location-gérance à Mme Y... le 9 septembre 1996 ; que, le 3 février 1997, le salarié a été convoqué à un entretien préalable en vue de son licenciement ; qu'aucune sanction n'a été prise à son encontre ; que, le 10 mars 1997, l'employeur a pris acte de la rupture du contrat de travail aux torts du salarié alors que celui-ci se trouvait en arrêt-maladie ; qu'estimant ne pas avoir été rempli de ses droits et contestant la mesure de licenciement, le salarié a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes ;
Attendu que pour débouter le salarié de sa demande au titre des heures supplémentaires, des congés payés afférents et des repos compensateurs, la cour d'appel a retenu que la pratique des heures supplémentaires était fréquente et même habituelle et que les témoignages ne permettaient pas d'évaluer le nombre exact d'heures supplémentaires effectuées par le salarié ; que cette preuve ne pouvait pas résulter des agendas produits par M. X..., qui avaient été manifestement établis pour les besoins de la procédure, ni par le tableau récapitulatif, qui ne tenait pas compte des avertissements reçus pour être arrivé en retard le 4 avril et le 25 novembre 1996, et pour avoir quitté son travail avant l'heure normale la veille ; qu'il ne pouvait être tiré aucun argument de la quantité de pâte que devait confectionner M. X... et de la multiplicité des tâches qui lui étaient confiées ; que la preuve des heures supplémentaires n'était pas rapportée ;
Attendu cependant, que s'il résulte de l'article L. 3171-4 du code du travail que la preuve des heures de travail effectuées n'incombe spécialement à aucune des parties et que l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient cependant à ce dernier de fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande ; que toutefois celui-ci ne peut rejeter une demande en paiement d' heures supplémentaires aux motifs que les éléments produits par le salarié ne prouvent pas le bien-fondé de sa demande ;
Qu'en statuant comme elle a fait, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a débouté M. X... de sa demande au titre des heures supplémentaires, des congés payés afférents et des repos compensateurs, l'arrêt rendu le 26 octobre 2006, entre les parties, par la cour d'appel de Colmar ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nancy ;
Condamne Mme Y... aux dépens ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du six mai deux mille neuf.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Laugier et Caston, avocat aux Conseils pour M. X...
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Monsieur X... de ses demandes au titre des heures supplémentaires, des congés payés afférents et du repos compensateur ;
AUX MOTIFS QUE si la preuve des heures supplémentaires n'incombe pas spécialement à l'une ou l'autre partie, il appartient au salarié de fournir au préalable les éléments étayant sa demande ; que la chambre sociale n'étant pas juridiction de recours des juridictions pénales ayant statué sur les attestations de témoins et leur utilisation, les très longs développements de Monsieur X... sur ce point sont sans emport dans la présente instance ; que les attestations de Messieurs Z... et A... ayant été définitivement déclarées fausses par le tribunal correctionnel, la cour ne peut, sans violer le principe d'autorité de chose jugée, les examiner ; que s'il résulte de l'audition de salariés au cours de l'enquête pénale et des attestations de témoins autres que celles de Messieurs Z... et A... que la pratique des heures supplémentaires était fréquente et même habituelle, ces témoignages ne permettent pas d'évaluer le nombre exact d'heures supplémentaires effectuées par Monsieur X... ; que cette preuve ne peut résulter des agendas produits par l'intéressé et qui ont manifestement été établis pour les besoins de la présente procédure et non au jour le jour ; qu'il y est fait mention d'heures de travail par journée et non de l'horaire de travail (heures d'arrivée et de départ) auquel le salarié était astreint ; qu'au surplus ces documents, pas plus que le tableau récapitulatif, ne tiennent compte des jours pour lesquels l'intéressé a été sanctionné par des avertissements, non contestés, pour être arrivé en retard le 4 avril et le 25 novembre 1996, ni que la veille il avait pu quitter son travail avant l'heure normale ; qu'il ne peut être tiré aucun argument de la quantité de pâte que devait confectionner Monsieur X... et de la multiplicité des tâches qui lui étaient confiées ; que la preuve des heures supplémentaires n'étant pas rapportée, les premiers juges ne pouvaient retenir une évaluation forfaitaire ; que le rejet de la demande à ce titre entraîne le rejet de celles concernant les congés payés afférents et le repos compensateur (arrêt, p.4) ;
1°) ALORS QUE le juge ne saurait, sans méconnaître son office, admettre le principe de l'existence d'heures supplémentaires, pour finalement débouter le salarié qui ne serait pas en mesure d'établir précisément le nombre d'heures travaillées ; qu'en admettant que « la pratique des heures supplémentaires était fréquente et même habituelle », pour finalement débouter Monsieur X... faute pour lui d'établir « le nombre exact d'heures supplémentaires effectuées », la Cour d'appel, à qui il appartenait de déterminer ce nombre d'heures, le cas échéant en recourant à une expertise, a violé les articles L. 212-1-1 du Code du travail, devenu L. 3171-4, et 12 du Code de procédure civile ;
2°) ALORS QUE la preuve des heures de travail effectuées n'incombe spécialement à aucune des parties et que lorsque le salarié fournit au juge des éléments de nature à étayer sa demande, il appartient à l'employeur d'apporter des éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés ; qu'en toute hypothèse, en écartant tous les éléments de preuve apportés par Monsieur X..., sans exiger aucune contribution de Mademoiselle Y..., employeur, à la charge de la preuve de la durée du travail, la Cour d'appel a violé l'article L. 212-1-1 du Code du travail, devenu L. 3171-4.