LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X..., engagée à compter du 1er septembre 1990 par la Compagnie des filles de la charité, aux droits de laquelle est venue l'association Vincent de Paul foyer Merly, et exerçant en dernier lieu les fonctions de directrice d'une maison d'enfants à caractère social, a été licenciée le 4 août 2003 pour faute grave ;
Sur le moyen unique du pourvoi incident de la salariée :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ce moyen, qui ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Mais sur le moyen unique du pourvoi principal de l'employeur :
Vu les articles L. 122-6, L. 122-8, alinéa 1, et L. 122-9, devenus L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail ;
Attendu que pour écarter la faute grave , l'arrêt retient que les fautes commises par la salariée n'apparaissent pas d'une importance telle qu'elles rendaient impossible son maintien dans l'entreprise pendant la durée du préavis ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté, d'une part, qu'avait été mise en évidence une carence récurrente de la salariée à assumer ses fonctions de chef d'établissement d'une institution accueillant du public de nature à mettre plus en danger encore les mineures confiées à l'établissement, d'autre part, que diverses anomalies, dont certaines non secondaires, avaient été relevées en matière de sécurité, Mme X... n'ayant pas fait preuve de suffisamment de vigilance, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations dont il résultait que le comportement de la salariée rendait impossible son maintien dans l'entreprise et constituait une faute grave, a violé les textes susvisés ;
Vu l'article 627 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne l'association Vincent de Paul Merly à payer à Mme X... une indemnité conventionnelle de licenciement, une indemnité de préavis et les congés payés afférents, l'arrêt rendu le 14 novembre 2007, entre les parties, par la cour d'appel de Toulouse ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
Déboute Mme X... de ses demandes d'indemnité conventionnelle de licenciement, d'indemnité de préavis et de congés payés afférents ;
La condamne aux dépens ;
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du premier avril deux mille neuf.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyen produit au pourvoi principal par Me Luc-Thaler, avocat aux Conseils pour l'association Vincent de Paul foyer Merly.
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR dit que le licenciement de Madame X... n'était pas justifié par une faute grave et d'AVOIR, en conséquence, condamné l'employeur à verser à la salariée la somme de 43.648,83 à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement, outre celle de 29.099,20 à titre d'indemnité compensatrice de préavis, ainsi que celle de 2.909,00 au titre des congés payés y afférents ;
AUX MOTIFS QU'un licenciement pour faute grave a nécessairement un caractère disciplinaire et est exclusif de toute référence à la notion d'insuffisance professionnelle ; si l'article L 122-44 du Code du travail dispose qu'aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, rien ne s'oppose à la prise en considération d'un fait antérieur à deux mois dans la mesure où le comportement du salarié s'est poursuivi ; en l'espèce, l'association VINCENT DE PAUL FOYER MERLY produit comme élément déclenchant de l'exercice de son pouvoir disciplinaire un courrier conjoint de la direction départementale de la PJJ et de la direction de la solidarité en date du 2 juillet 2003, un rapport de contrôle effectué conjointement par ces deux autorités de tutelle ; ces courriers portés à cette date à la connaissance de l'association VINCENT DE PAUL FOYER MERLY mettent en évidence un dysfonctionnement à l'occasion du déroulement d'un placement décidé par le juge des enfants, dysfonctionnement au terme duquel une adolescente a été remise à sa mère en méconnaissance d'une décision du juge des enfants ; en réponse aux arguments des parties, il apparaît que Madame Béatrice X... qui était responsable, en qualité de directrice, de la mise en oeuvre des actions éducatives et de l'exécution des décisions de justice, ne peut se contenter de soutenir que la décision de sortie concernant Mademoiselle B... a été prise par le chef de service éducatif sans qu'elle en ait été informée ; Madame Béatrice X..., en présence d'un dysfonctionnement grave, se devait de prendre un certain nombre de décisions : recherche des causes du dysfonctionnement, rappel à l'ordre, redéfinition des rôles et des responsabilités à l'occasion d'une mesure de placement, contrôle de la fiabilité de l'organisation mise en place ; ce qu'elle ne soutient pas avoir fait ; Madame Béatrice X... se devait, en outre, de s'assurer que son établissement était représenté lors de l'audience du 13 janvier 2003 devant le juge des enfants ; elle ne pouvait se contenter d'une gestion par délégation qui avait déjà démontré l'existence de failles et d'erreurs de fonctionnement ; elle ne peut, surtout, invoquer l'existence d'un «imprévu» comme explication de l'absence à cette audience de l'établissement qu'elle dirige, alors que la raison de son absence serait la participation à une réunion ; qu'il lui appartenait de faire un choix cohérent dans l'organisation de son établissement ; en présence de ces deux manquements graves, Madame Béatrice X... se devait, en sa qualité de directrice investie de la responsabilité de préserver la crédibilité de l'établissement, de tout mettre en oeuvre pour rechercher les causes du dysfonctionnement, apaiser les autorités de tutelle en démontrant que le nécessaire était fait à cet effet ; le courrier en date du 22 janvier 2003 qui fait état d'une «absence imprévue» est indigent et inadapté ; Madame Béatrice X... ne peut invoquer utilement le fait que le cas de la mineure était pris en charge par le chef de service éducatif ; en effet, à partir du moment où un dysfonctionnement dépasse le strict domaine éducatif et est susceptible de déboucher sur une crise de financement, le directeur se doit de reprendre la direction complète du dossier et de démontrer qu'il a tout fait pour préserver la crédibilité et la pérennité de l'établissement dont il a la charge ; par ailleurs, le rapport et le courrier des organes de tutelle précités ont mis en évidence « une carence récurrente de la directrice à assumer ses fonctions » de nature «à mettre plus en danger encore les mineures confiées au titre de l'article 375 du Code civil », « un défaut d'organisation, d'animation, de gestion des imprévus de l'établissement », débouchant sur une perte de confiance des instances utilisatrices ; une telle situation ne peut donner lieu à des comportements de délégation mais, tout au contraire, doit provoquer une réaction adaptée de la directrice dont l'absence de réactivité et d'efficacité a un caractère fautif ; les attestions de Madame C... sont donc inopérantes car elles ne se situent pas au niveau où les fautes personnelles de Madame Béatrice X... ont été commises ; la Cour observe, d'ailleurs, que les organismes de tutelle révèlent en 2003 des fait qui avaient été mis en évidence lors d'un audit de fonctionnement en date du 3 décembre 2001 (page 4) auquel il n'a visiblement pas été porté remède, avec cette précision que Madame Béatrice X... n'expose nullement quels ont été ses efforts et ses action pour porter remède aux dysfonctionnements en question ; en ce qui concerne le non respect des règles de sécurité, la Cour observe que Madame Béatrice X... soutient, également, qu'elle a délégué ses responsabilités ; toutefois, il ne peut qu'être constaté que le jour du contrôle aucun personnel du foyer n'était présent, et notamment pas la personne déléguée, et que le registre de sécurité n'a pas été présenté ; il apparaît également que diverses anomalies, dont certaines non secondaires, ont été relevées en matière de sécurité ; l'association VINCENT DE PAUL FOYER MERLY apporte bien la preuve de ce que Madame Béatrice X... n'a pas fait preuve, en sa qualité de chef d'établissement d'une institution accueillant du public, de suffisamment de vigilance ; Madame Béatrice X... ne démontre pas, quant à elle, avoir conservé le contrôle de l'activité déléguée en s'assurant, notamment, que son délégataire assistait bien aux visites de sécurité, sa présence constituant un gage de sérieux et une garantie supplémentaire à l'occasion du contrôle ; dans le cadre de son contrat de travail, Madame Béatrice X... s'est vue confier par délégation la responsabilité d'embaucher le personnel ; il est reproché à Madame Béatrice X... d'avoir méconnu le régime des contrats à durée déterminée à l'occasion de l'embauche de Madame D... ; toutefois, l'association VINCENT DE PAUL FOYER MERLY ne produit pas le contrat en question ; dès lors, la preuve d'un comportement fautif n'est pas suffisamment rapportée ; notre Cour ne trouve pas dans les éléments produits au débat la preuve que Madame Béatrice X..., à l'occasion de l'agrément de l'accord d'établissement de la réduction et l'aménagement du temps de travail, a commis une faute ; l'association VINCENT DE PAUL FOYER MERLY invoque au soutien des fautes commises par Madame Béatrice X... dans sa gestion, la diminution de la capacité d'accueil de l'établissement ; elle produit au soutien de sa position un courrier en date du 25 juillet 2003 de la DSP de la Haute-Garonne mettant en évidence que ce n'est que le 4 juillet 2003 que l'organisme de tutelle avait appris la capacité de l'établissement avait été diminuée de 32 à 27, contrairement à l'arrêté du 16 décembre 1986 ; Madame Béatrice X... ne démontre nullement que l'association VINCENT DE PAUL FOYER MERLY a pris la décision de réduire cette capacité et que la tutelle a été informée par ses soins d'une telle décision ; les éléments qu'elle produit démontrent, tout au plus, un taux d'occupation réel inférieur au taux théorique ; dès lors, il apparaît que cette modification intervenue de fait lors de la direction de Madame Béatrice X... sans que les organes de tutelle en aient été informés est de nature à avoir des incidences financières : déficit chronique et incertitude pour voir les organes de tutelle combler par rattrapage un déficit imposé par le foyer et non négocié ; il est donc établi que Madame Béatrice X... a commis des fautes dans l'exercice de ses fonctions de directrice ; toutefois, les fautes en question n'apparaissent pas d'une d'importance telle qu'elles rendaient impossible le maintien du salarié dans l'entreprise pendant la durée du préavis ; le licenciement est donc fondé sur une cause réelle et sérieuse à l'exclusion d'une faute grave (arrêt, pages 6 à 8) ;
1°/ ALORS QUE le juge ne peut méconnaître les termes du litige, définis par les prétentions respectives des parties ;Qu'en l'espèce, aux termes de ses conclusions d'appel, dont l'arrêt attaqué indique qu'elles ont été intégralement reprises oralement à l'audience, la salariée a indiqué, s'agissant de l'embauche d'un veilleur de nuit, qu'elle avait attiré l'attention de l'employeur sur le fait que ce contrat à durée déterminée devait se transformer obligatoirement en contrat à durée indéterminée ;Que dès lors, si la salariée a contesté le bien fondé du grief qui lui était adressé à cet égard, elle n'a remis en cause ni l'existence du contrat de travail litigieux, ni la portée de ses stipulations et, partant, n'a pas remis en cause le grief selon lequel le motif initial de l'embauche ne pouvait justifier la conclusion d'un contrat à durée déterminée, ce qui avait exposé l'employeur à un contentieux prud'homal ;Qu'ainsi, en se déterminant par la circonstance que le contrat de travail litigieux n'est pas produit au débat, pour en déduire que la preuve du comportement fautif de la salariée n'est pas suffisamment rapportée, quand l'existence même de ce contrat ainsi que sa cause étaient acquis au débat, la Cour d'appel a violé l'article 4 du Nouveau Code de procédure civile ;
2°/ ALORS QUE caractérisent une faute grave les manquements récurrents du directeur d'une institution accueillant du public ayant pour effet de mettre en danger ses pensionnaires et de porter atteinte à la sécurité de l'établissement ;Que, dès lors, en estimant que les fautes commises par Madame X... dans l'exercice de ses fonctions de directrice n'apparaissent pas d'une importance telle qu'elles rendaient impossible le maintien du salarié dans l'entreprise pendant la durée du préavis, tout en relevant d'une part que la directrice a fait preuve d'une carence récurrente à assumer ses fonctions, de nature à mettre en danger les mineures confiées à l'établissement, d'autre part que diverses anomalies ont été relevées en matière de sécurité, à l'égard desquelles Madame X... n'a pas fait preuve d'une vigilance suffisante, ce dont il résulte que les manquements persistants de la salariée mettaient en danger les pensionnaires et portaient atteinte à la sécurité de l'établissement, et qu'ainsi le licenciement était justifié par une faute grave, la Cour d'appel a omis de tirer les conséquences légales de ses propres constatations et violé l'article L 122-6 du Code du travail, ensemble l'article L 122-8 du même code ;
3°/ ALORS QUE caractérise une faute grave le manquement du directeur d'une institution accueillant du public ayant pour effet de provoquer un déficit chronique de l'établissement qu'il dirige ;Qu'en estimant dès lors que les fautes commises par Madame X... dans l'exercice de ses fonctions de directrice n'apparaissent pas d'une importance telle qu'elles rendaient impossible le maintien du salarié dans l'entreprise pendant la durée du préavis, tout en relevant la décision prise par la salariée de réduire, à l'insu de l'employeur et des autorités de tutelle, la capacité d'accueil de l'établissement était de nature à avoir des incidences financières et notamment un déficit chronique, ce dont il résulte qu'un tel manquement caractérisait, à lui seul, une faute grave, la Cour d'appel a omis de tirer les conséquences légales de ses propres constatations et violé l'article L 122-6 du Code du travail, ensemble l'article L 122-8 du même code.
Moyen produit au pourvoi incident par la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat aux Conseils pour Mme X....
Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR débouté Mme X... de sa demande tendant à voir condamner l'Association Vincent de Paul à lui verser la somme de 65.296,62 au titre d'heures supplémentaires, outre 6.529,66 au titre des congés payés sur heures supplémentaires, ainsi que la somme de 66.906 au titre du repos compensateur ;
AUX MOTIFS ADOPTES DES PREMIERS JUGES QUE :« Mme X... bénéficiait, comme cadre de direction, d'une entière autonomie, d'une rémunération la plus élevée de l'établissement, et d'une délégation totale et permanente ; qu'en conséquence, elle ne peut prétendre à toutes heures supplémentaires » ;
ET AUX MOTIFS PROPRES QUE : « le contrat de travail de Mme X... met en évidence : que la directrice est responsable de la mise en oeuvre des actions éducatives et pédagogiques, qu'elle se prononce sur l'admission et la sortie, - qu'elle organise les relations avec les familles, qu'elle est responsable de la discipline, qu'elle assure directement l'embauche et le licenciement du personnel, qu'elle affecte le personnel et organise l'action du personnel, qu'elle veille à l'exécution des décisions prises, qu'elle veille à la formation et au perfectionnement de l'ensemble du personnel, qu'elle assure la bonne marche de l'établissement, qu'elle est responsable de la sécurité des personnes, qu'elle assure la gestion administrative et financière, qu'elle a délégation de signature, qu'elle établit un programme d'achat, qu'elle prépare un budget prévisionnel, qu'elle rédige un rapport annuel de fonctionnement, qu'elle représente l'établissement et agit par délégation de l'employeur, que par ailleurs, il est établi que Mme X... avait le salaire le plus élevé de l'établissement (4.849 mensuels bruts) ; qu'en outre, elle expose qu'elle s'organisait comme elle l'entendait et très librement dans le cadre de sa double formation (CAFDES et DESS) ; que l'examen des tableaux qu'elle produit au soutien de sa demande tendant au paiement d'heures supplémentaires établit effectivement une grande liberté et une absence de régularité, avec des horaires incompatibles avec des horaires habituels et réguliers de bureau ; que les conditions de l'article L. 212-15-1 sont réunies : exercice de responsabilités dont l'importance implique une grande indépendance dans l'organisation de leur emploi du temps, habilitation à prendre des décisions de façon largement autonome, perception d'une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués dans l'entreprise ou leur établissement ; qu'il n'y a donc pas lieu à paiement des heures supplémentaires et des repos compensateurs ; que pour la période antérieure à l'application de la loi du 19 janvier 2000, il apparaît que la qualité de cadre dirigeant est attestée par l'importance de la rémunération de Mme X... et les conditions d'exercice de ses fonctions militent en faveur de la même décision ;
ALORS QUE : en statuant comme elle l'a fait, sans caractériser l'existence d'une convention de forfait conclue entre Mme X... et son employeur, de nature à exclure le paiement des heures supplémentaires, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 3121-22, L. 3121-25 et L. 3121-38 du Code du travail.