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11/03/2009 | FRANCE | N°07-42609

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 11 mars 2009, 07-42609


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué que, du 25 novembre 1996 au 24 août 2001, M. X... a été mis à la disposition de la société Belfor France, spécialisée dans les interventions de sauvetage après incendie et dégâts des eaux, par l'entreprise de travail temporaire Manpower pour effectuer différentes missions ayant pour motif un accroissement temporaire d'activité ; qu'estimant avoir été mis à disposition de la société Belfor France afin de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et perman

ente de l'entreprise, il a saisi, le 5 février 2003, la juridiction prud'homa...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué que, du 25 novembre 1996 au 24 août 2001, M. X... a été mis à la disposition de la société Belfor France, spécialisée dans les interventions de sauvetage après incendie et dégâts des eaux, par l'entreprise de travail temporaire Manpower pour effectuer différentes missions ayant pour motif un accroissement temporaire d'activité ; qu'estimant avoir été mis à disposition de la société Belfor France afin de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise, il a saisi, le 5 février 2003, la juridiction prud'homale pour obtenir la requalification de ces contrats de travail temporaire en contrat de travail à durée indéterminée depuis 1996, ainsi que la condamnation in solidum des sociétés Belfor France et Manpower au paiement de diverses sommes et la condamnation de M. Z..., conducteur de travaux sur un chantier Eurotunnel, au paiement de dommages-intérêts en invoquant les blessures qu'il avait subies lors d'une mission exécutée auprès de la société Eurotunnel ;
Sur le premier moyen du pourvoi principal de l'employeur et de M. Z..., pris en ses deux premières branches :
Attendu que la société Belfor France fait grief à l'arrêt d'avoir requalifié les relations contractuelles en contrat à durée indéterminée à compter du jour de la première mission, et de l'avoir, en conséquence, condamnée à payer au salarié une indemnité de requalification, une indemnité compensatrice de salaire, et de l'avoir condamnée à payer des dommages-intérêts à l'union locale CGT de Bonneuil-sur-Marne, alors, selon le moyen :
1°/ qu'un utilisateur peut faire appel à des salariés intérimaires pour l'exécution d'une tâche précise et temporaire dénommée « mission », dans les cas énumérés à l'article L. 124-2-1, et notamment en cas d'accroissement temporaire d'activité ; qu'il en résulte que, dans ce dernier cas, le recours à des salariés intérimaires est autorisé pour les besoins d'une ou plusieurs tâches résultant de l'accroissement temporaire de l'activité de l'entreprise, notamment en cas de variations cycliques de production, sans qu'il soit nécessaire que cet accroissement présente un caractère exceptionnel ; qu'en l'espèce, il est constant qu'elle est spécialisée dans le sauvetage après sinistre et dégâts des eaux, intervient et toujours dans un cadre d'urgence caractérisé par la survenance de sinistres, lesquels sont par définition imprévisibles, de même que le savoir-faire qui sera requis des intervenants, de sorte qu'elle est en droit de recourir à l'intérim pour faire face à l'accroissement temporaire d'activité généré par ces sinistres ; qu'en se fondant, pour prononcer la requalification des missions d'intérim, sur un motif inopérant pris du nombre moyen de chantiers par mois et le niveau moyen d'emploi d'intérimaires, quand seul importait, pour déterminer si la société connaissait des surcroîts temporaires d'activité, le nombre minimum de chantiers que la société devait réaliser chaque mois, la cour d'appel a violé les articles L. 124-2 et L. 124-2-1 du code du travail ;
2°/ qu'il résulte de l'arrêt que le salarié n'avait effectué de missions d'intérim que quelques semaines en 1996 et en 1999 et, qu'au maximum, dans une même année, il avait travaillé vingt-quatre semaines (en 1998), de sorte que ces missions avaient été entrecoupées de plusieurs longues périodes d'interruption ; qu'en considérant cependant que les contrats de travail temporaire avaient eu pour objet et pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à son activité normale, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et violé les articles L. 124-2 et L. 124-2-1 du code du travail ;
Mais attendu qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 124-2 devenu L. 1251-5 du code du travail, le contrat de travail temporaire ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise utilisatrice ; que selon le second alinéa de ce texte, devenu l'article L. 1251-6 du code du travail, un utilisateur ne peut faire appel à des salariés intérimaires que pour l'exécution d'une tâche précise et temporaire dénommée « mission », et seulement dans les cas énumérés à l'article L. 124-2-1 devenu L. 1251-6 du code du travail et notamment en cas de remplacement ou d'accroissement temporaire d'activité ; qu'il en résulte d'une part, que l'entreprise utilisatrice ne peut employer des salariés intérimaires pour faire face à un besoin structurel de main-d'oeuvre, d'autre part, que le recours à des salariés intérimaires ne peut être autorisé que pour les besoins d'une ou plusieurs tâches résultant du seul accroissement temporaire de l'activité de l'entreprise, notamment en cas de variations cycliques de production, sans qu'il soit nécessaire ni que cet accroissement présente un caractère exceptionnel, ni que le salarié recruté soit affecté à la réalisation même de ces tâches ;
Et attendu que la cour d'appel a constaté que le salarié avait été recruté pour des missions qui se sont succédé sur plusieurs années ayant pour objet de faire face, non pas à un accroissement temporaire d'activité mais à l'exécution régulière de chantiers liés à l'activité habituelle de la société Belfor France spécialisée dans l'assistance technique en matière de décontamination, assainissement, assèchement et réhabilitation de sites après incendie ou dégâts des eaux et que ladite société avait recours massivement aux contrats d'intérim comme mode d'organisation générale en employant en moyenne cent treize salariés intérimaires pour seulement cinq contrats à durée indéterminée ; qu'elle en a exactement déduit que ces missions d'intérim, qui avaient pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise, devaient être requalifiées en contrat de travail à durée indéterminée ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur les deuxième et troisième moyens du pourvoi principal :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ces moyens, qui ne seraient pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Sur le quatrième moyen du pourvoi principal :

Attendu que la société Belfor France fait grief à l'arrêt d'avoir mis hors de cause la société Manpower et de l'avoir déboutée de ses demandes à l'encontre de la société Manpower, alors, selon le moyen :
1°/ que l'entreprise de travail temporaire est tenue d'une obligation d'information et de conseil à l'égard de l'entreprise utilisatrice concernant la réglementation relative au travail temporaire ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé les articles 1135 et 1147 du code civil ;
2°/ qu'elle faisait valoir qu'elle ne pouvait supporter seule la charge des condamnations dès lors que l'entreprise de travail temporaire avait manqué à l'obligation mise à sa charge par l'article L. 124-4 du code du travail d'établir des contrats de mission écrits signés par le salarié ; qu'en s'abstenant de se prononcer sur ce point, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil ;
Mais attendu, d'abord, que l'entreprise utilisatrice ne peut invoquer, pour faire valoir auprès de l'entreprise de travail temporaire des droits afférents à la responsabilité contractuelle, la méconnaissance par cette dernière des obligations mises à sa charge à l'égard du salarié par l'article L. 124-4, devenu les articles L. 1251-8, L. 1251-16 et L. 1251-17 du code du travail ; que la cour d'appel n'avait donc pas à rechercher si l'entreprise de travail temporaire avait manqué à son obligation d'établir des contrats de mission écrits signés par le salarié, l'entreprise utilisatrice n'ayant pas qualité pour exciper à la place du salarié qui ne l'avait pas fait, d'un tel manquement ;
Et attendu, ensuite, qu'usant de son pouvoir d'appréciation des éléments de preuve qui lui étaient soumis, la cour d'appel a estimé qu'aucun manquement ne pouvait être imputé à l'entreprise de travail temporaire dans l'établissement des contrats de mise à disposition conclus avec la société Belfor France ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le sixième moyen du pourvoi principal :
Attendu que M. Z... fait grief à l'arrêt de l'avoir condamné à payer à M. X... la somme de cent euros à titre de dommages-intérêts, alors, selon le moyen, que le salarié qui agit sans excéder les limites de sa mission n'engage pas sa responsabilité personnelle à l'égard des tiers ; qu'en le condamnant, alors qu'il était salarié d'une entreprise de travail temporaire, à indemniser M. X... pour des faits commis à l'occasion de sa mission d'intérim, sans caractériser en quoi il aurait excédé les limites de sa mission, la cour d'appel a violé les articles 1382 et 1384, alinéa 5, du code civil ;
Mais attendu qu'usant de son pouvoir d'appréciation des éléments de preuve qui lui étaient soumis, la cour d'appel a relevé que M. Z..., conducteur de travaux intérimaire et à ce titre chargé de la sécurité pour le compte de la société Belfor, sur le chantier Eurotunnel, avait tenté de dissimuler les accidents du travail survenus sur ce chantier au détriment des salariés blessés, dont M. X..., en leur enjoignant de se soigner eux-mêmes sans se rendre à l'infirmerie et qu'il était coutumier du fait de faire prendre des risques aux ouvriers qui ne disposaient pas de toutes les protections appropriées ; qu'elle a ainsi caractérisé une faute personnelle imputable à M. Z... ;
Que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le moyen unique du pourvoi incident :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur le moyen, qui ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Mais sur la troisième branche du premier moyen du pourvoi principal :
Vu l'article L. 143-14, devenu L. 3245-1, du code du travail ;
Attendu que la prescription quinquennale instituée par cet article s'applique à toute action afférente au salaire ; que tel est le cas d'une action tendant au versement, à la suite de la requalification de missions d'intérim en contrat à durée indéterminée, de sommes au titre de la rémunération des journées de travail non effectuées ;
Qu'encourt dès lors la cassation l'arrêt qui a condamné la société Belfor France à payer une somme au titre des salaires qui auraient dû être payés depuis 1996, alors que la demande avait été formée le 5 février 2003 ;
Et sur le cinquième moyen du pourvoi principal, pris en sa première branche :
Vu l'article 4 du code de procédure civile ;
Attendu que l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties ;
Attendu que M. X... ayant fait citer M. Z... pour obtenir sa condamnation au paiement de dommages-intérêts, la cour d'appel a condamné la société Belfor France à lui payer des dommages-intérêts sur le fondement de l'article 1147 du code civil, en retenant qu'il était évident que c'était la responsabilité contractuelle de la société Belfor France qui était recherchée à travers son salarié M. Z... ;
Qu'en statuant ainsi, alors que, selon les propres constatations de l'arrêt, M. X... n'avait formulé aucune demande contre la société Belfor France, la cour d'appel a modifié l'objet du litige et violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du cinquième moyen :
REJETTE le pourvoi incident ;
Met hors de cause la société Manpower ;
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a condamné la société Belfor France à payer à M. X... une somme au titre des salaires qui auraient dû être payés depuis 1996 et une somme à titre de dommages-intérêts en application de l'article 1147 du code civil, l'arrêt rendu le 15 mars 2007, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles ;
Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du onze mars deux mille neuf.

Moyens annexés au présent arrêt.
Moyens produits au pourvoi principal par la SCP Gatineau, avocat aux Conseils pour la société Belfor France et M. Z....

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR requalifié les relations contractuelles en contrat à durée indéterminée à compter du jour de la première mission, et en conséquence, condamné la société BELFOR FRANCE à payer au salarié une indemnité de requalification, des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, une indemnité de licenciement, une indemnité de préavis et les congés payés afférents, une indemnité compensatrice de salaire, et une indemnité au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, et d'AVOIR condamné la société BELFOR FRANCE à payer des dommages et intérêts à l'Union locale CGT de Bonneuil-sur-Marne,
AUX MOTIFS QUE conformément aux articles L. 124-2 et suivants du code du travail, le contrat de travail temporaire ne peut avoir ni pour objet, ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise utilisatrice celle-ci ne pouvant y recourir que dans les cas limitativement prévus par les articles précités et, en particulier, pour le remplacement d'un salarié en cas d'absence, un accroissement temporaire d'activité, un emploi à caractère saisonnier ou pour lequel, dans certains secteurs définis par décret, convention, ou accord collectif étendu, il est d'usage constant de ne pas recourir au contrat à durée indéterminée ; qu'or, en l'espèce, la SAS BELFOR FRANCE recourait de manière permanente à de nombreux contrats de travail temporaires, au point qu'à l'époque considérée la quasi-totalité des emplois de chantiers étaient assurée par des contrats à durée déterminée ; qu'il ressort ainsi des éléments du dossier, et en particulier du procès-verbal de l'inspection du travail, que, par exemple, pour l'année 1998/99, la SAS BELFOR FRANCE, société spécialisée dans l'assistance technique en matière de décontamination, assainissement, assèchement et réhabilitation de sites après incendie ou dégâts des eaux, intervenant, donc, le plus souvent en urgence, justifiait d'une moyenne de 55 chantiers par mois correspondant à un niveau moyen d'emploi de 113 salariés intérimaires pour seulement 5 contrats à durée indéterminée ; que ce n'est qu'à partir de la fin de l'année 2002 que la SAS BELFOR FRANCE a commencé d'augmenter quelque peu la proportion des contrats à durée indéterminée ; que dans ces conditions, les emplois occupés par les salariés intérimaires, maintenus dans les mêmes tâches, étaient manifestement liés à l'activité normale et permanente de l'entreprise ; que par ailleurs, le secteur d'activité de la SAS BELFOR FRANCE ne figure pas parmi les cas énumérés à l'article D. 124-2 du code du travail où il est possible de recourir au travail temporaire pour pourvoir des emplois pour lesquels il est d'usage constant de ne pas conclure de contrat à durée indéterminée en raison de la nature de l'activité et du caractère temporaire de ces emplois ; que d'autre part, si l'article L.221-12 du même code prévoit une faculté de suspension du repos hebdomadaire pour des travaux urgents dont l'exécution immédiate est nécessaire, et si l'article L. 124-7 exclue le respect du délai de carence entre deux contrats de travail temporaire pour l'exécution de travaux urgents nécessités par des mesures de sécurité, ces dispositions ne sauraient avoir pour effet de créer un nouveau cas de recours aux missions d'intérim ; qu'au surplus, les dispositions de ce dernier article ne visent que les travaux urgents exécutés dans l'entreprise qui fait appel au travail temporaire pour assurer sa propre sécurité et ne vise aucunement le cas, où comme en l'espèce, de tels travaux relèvent de l'activité commerciale, normale et permanente de la SAS BELFOR FRANCE et sont effectués au profit d'une clientèle ; que la cour constate que, hormis les quelques contrats "pour travaux urgents de sécurité", tous les contrats litigieux comportent le même motif de recours « accroissement temporaire d'activité » dont il n'est pas justifié ; qu'elle constate également que si, pour les années 1996 et 1999, Monsieur X... n'a travaillé que quelques semaines pour BELFOR FRANCE, en revanche les autres années il a travaillé davantage, en particulier en 1998 où il a accompli 24 semaines de travail chez BELFOR France soit environ la moitié de l'année ; qu'il en ressort dès lors, compte tenu du recours massif de la SAS BELFOR aux contrats d'intérim comme mode d'organisation général, du nombre de ceux-ci conclus avec le salarié soit 154 contrats, qui se sont succédé sur une période de plus de 5 ans, que les contrats de travail temporaires, conclus entre les parties, avaient en fait pour objet et pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de la société BELFOR FRANCE ; que conformément à l'article L. 124-7 du code du travail, lorsqu'un utilisateur a recours à un salarié d'une entreprise de travail temporaire en violation caractérisée des dispositions des articles L. 124-2 et suivants, ce salarié peut faire valoir auprès de l'utilisateur les droits afférents à un contrat à durée indéterminée prenant effet au premier jour de sa première mission ; que dès lors, le contrat étant requalifié eu égard au motif de recours au travail temporaire, il n'y a pas lieu d'examiner les autres motifs invoqués pour la requalification ; qu'il convient en conséquence d'infirmer le jugement déféré pour faire droit à la demande du salarié de requalification des contrats de mission en un contrat à durée indéterminée (...) ; qu'il résulte de cette requalification en contrat à durée indéterminée que la SAS BELFOR FRANCE devait, pour mettre fin à ses relations de travail avec le salarié, respecter les règles légales relatives au licenciement des salariés bénéficiant d'un tel contrat ; qu'en conséquence la SA BELFOR FRANCE n'ayant respecté ni les conditions ni les modalités permettant un tel licenciement, celui-ci s'analyse en un licenciement nécessairement irrégulier et dépourvu de cause réelle et sérieuse ; qu'il ouvre donc droit à indemnisation pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (...) ; que, sur l'indemnité compensatrice de salaires, la requalification des contrats d'intérim en un contrat à durée indéterminée implique la fourniture d'un travail et le versement d'un salaire par l'employeur durant toute la durée du contrat ; qu'en cas de non-fourniture de travail, le salarié, ne saurait être tenu responsable des périodes d'intermissions ni en subir les conséquences pécuniaires ; qu'il convient, au vu des éléments versés au dossier, concernant notamment les périodes pendant lesquelles il n'a pas été fourni de travail à l'intéressé, d'accorder au salarié une somme de 7.000 Euros à titre d'indemnité compensatrice des salaires dont il a été ainsi indûment privé, conformément à ses demandes formulées dans le corps de ses écritures, indemnité n'ouvrant pas droit à congés payés ; (...) que l'intervention de l'Union locale CGT de Bonneuil S/ Marne est donc recevable pour défendre les intérêts des salariés de la société BELFOR FRANCE ; qu'en effet, la cour relève que, notamment, les problèmes relatifs au recours abusif au travail temporaire, au défaut de formation et d'information sur les produits dangereux, et aux infractions concernant la durée légale du temps de travail, touchent aux intérêts collectifs de la profession et justifient la condamnation de la SAS BELFOR FRANCE à verser au syndicat intervenant la somme de 500 Euros par salarié ;
1. ALORS QU'un utilisateur peut faire appel à des salariés intérimaires pour l'exécution d'une tâche précise et temporaire dénommée "mission", dans les cas énumérés à l'article L. 124-2-1, et notamment en cas d'accroissement temporaire d'activité ; qu'il en résulte que, dans ce dernier cas, le recours à des salariés intérimaires est autorisé pour les besoins d'une ou plusieurs tâches résultant de l'accroissement temporaire de l'activité de l'entreprise, notamment en cas de variations cycliques de production, sans qu'il soit nécessaire que cet accroissement présente un caractère exceptionnel ; qu'en l'espèce, il est constant que la société BELFOR, spécialisée dans le sauvetage après sinistre et dégâts des eaux, intervient toujours dans un cadre d'urgence caractérisé par la survenance de sinistres, lesquels sont par définition imprévisibles, de même que le savoir-faire qui sera requis des intervenants, de sorte qu'elle est en droit de recourir à l'intérim pour faire face à l'accroissement temporaire d'activité généré par ces sinistres ; qu'en se fondant, pour prononcer la requalification des missions d'intérim, sur un motif inopérant pris du nombre moyen de chantiers par mois et le niveau moyen d'emploi d'intérimaires, quand seul importait, pour déterminer si la société connaissait des surcroîts temporaires d'activité, le nombre minimum de chantiers que la société devait réaliser chaque mois, la cour d'appel a violé les articles L. 124-2 et L. 124-2-1 du Code du travail ;
2. ALORS en tout état de cause QU'il résulte de l'arrêt que le salarié n'avait effectué de missions d'intérim au sein de la société BELFOR FRANCE que quelques semaines en 1996 et en 1999 et, qu'au maximum, dans une même année, il avait travaillé 24 semaines (en 1998) (arrêt, p. 5, § 5), de sorte que ces missions avaient été entrecoupées de plusieurs longues périodes d'interruption; qu'en considérant cependant que les contrats de travail temporaire avaient eu pour objet et pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de la société BELFOR France, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et violé les articles L. 124-2 et L. 124-2-1 du Code du travail ;
3. ALORS par ailleurs QUE la prescription quinquennale instituée par l'article L. 143-14 du code du travail s'applique à toute action engagée à raison des sommes afférentes aux salaires dus au titre du contrat de travail, y compris donc aux indemnités compensatrices de salaire ; qu'en l'espèce, la société opposait la prescription quinquennale à la demande du salarié ; que la cour d'appel, qui a accordé au salarié une indemnité compensatrice des salaires dont il aurait été indûment privé, sans s'expliquer sur la prescription quinquennale, n'a pas permis à la Cour de cassation d'exercer son contrôle et a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 143-14 du Code du travail et 2277 Code civil.

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DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la société BELFOR FRANCE à payer au salarié la somme de 1.500 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect de la durée légale du travail et du repos dominical, et une indemnité au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, et d'AVOIR condamné la société BELFOR FRANCE à payer des dommages et intérêts à l'Union locale CGT de Bonneuil-sur-Marne,
AUX MOTIFS PROPRES QUE le temps de travail maximum autorisé, y inclus le quota de 130 heures supplémentaires est pour la SAS BELFOR FRANCE de 1989 heures par an ; qu'au vu des relevés individuels versés aux débats par l'employeur lui-même, il est constaté un dépassement, important, des durées légales de travail et, exceptionnellement, un non respect du repos dominical, qui n'a pas donné lieu à repos compensateur, ce qui n'est pas utilement contesté par la SAS BELFOR FRANCE ; qu'il est donc accordé au salarié, en raison de la violation par la SAS BELFOR FRANCE des dispositions des articles L.212-1, L.212-7 et L. 221-12 du code du travail, la somme globale de 1.500 Euros à titre de dommages et intérêts ; (...) que l'intervention de l'Union locale CGT de Bonneuil S/ Marne est donc recevable pour défendre les intérêts des salariés de la société BELFOR FRANCE ; qu'en effet, la cour relève que, notamment, les problèmes relatifs au recours abusif au travail temporaire, au défaut de formation et d'information sur les produits dangereux, et aux infractions concernant la durée légale du temps de travail, touchent aux intérêts collectifs de la profession et justifient la condamnation de la SAS BELFOR FRANCE à verser au syndicat intervenant la somme de 500 Euros par salarié ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QU'il résulte suffisamment des propres relevés horaires émanant de la société Belfor que le demandeur au cours de l'année 1998 a dépassé (à deux reprises) les durées maximales du travail tant journalières qu'hebdomadaires ;
1. ALORS QUE le temps de pause et de restauration n'est considéré comme du temps de travail effectif que lorsque le salarié est, pendant cette période, à la disposition de son employeur et doit se conformer à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles ; que le temps habituel du trajet entre le domicile et le lieu du travail ne constitue pas en soi un temps de travail effectif ; qu'en l'espèce, l'exposante faisait valoir que les quelques dépassements apparaissant sur les relevés individuels correspondaient aux pauses déjeuner et aux temps de trajet, lesquels ne constituaient pas un temps de travail effectif de sorte qu'ils ne pouvaient être pris en compte pour fonder une demande de dommages et intérêts pour dépassement de la durée légale du travail ; qu'en s'abstenant de s'expliquer sur ce point, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 212-4, L.212-1 et L. 212-7 du Code du travail ;
2. ALORS QUE seul le préjudice effectivement et individuellement subi peut être indemnisé, de sorte que le juge saisi de demandes d'indemnisations émanant de différents salariés doit procéder à une appréciation au cas par cas du préjudice subi ; qu'en allouant la même somme à titre de dommages et intérêts pour non-respect de la durée légale du travail et du repos dominical à chacun des vingt-deux salariés, quand leurs situations respectives en matière de repos dominical et de durée de travail étaient différentes, la cour d'appel a violé l'article 1147 du Code civil.

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TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR condamné la société BELFOR FRANCE à payer au salarié des dommages et intérêts pour non-respect des règles relatives à l'utilisation de produits dangereux, et une indemnité au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, et d'AVOIR condamné la société BELFOR FRANCE à payer des dommages et intérêts à l'Union locale CGT de Bonneuil-sur-Marne,
AUX MOTIFS QU'il résulte des pièces versées aux débats (gammes de produits COUTHEILLAS, fiches de données sécurité, notices de sécurité...) que la SAS BELFOR FRANCE a recours à des produits corrosifs, irritants et nocifs qui peuvent, sans protection, être dangereux pour les salariés qui sont amenés à les utiliser, lors de leurs interventions à la suite de sinistres ; qu'or, il n'est aucunement justifié par la SAS BELFOR FRANCE d'une information et d'une formation, pratiques appropriées et suffisantes données au salarié, sur les risques encourus pour l'utilisation de ces produits et sur la façon de s'en protéger, en dépit des obligations qui pèsent sur l'employeur, en application des dispositions de l'article L.231-3-1 du code du travail ; que ce déficit d'information et de formation du salarié lui créé nécessairement un préjudice en ne le mettant pas en situation de prendre toutes précautions utiles pour la protection de sa santé ; que la SAS BELFOR FRANCE sera donc condamnée à payer au salarié une somme de 1500 Euros à titre de dommages et intérêts pour non respect des règles relatives à l'utilisation de produits dangereux ; (..) que l'intervention de l'Union locale CGT de Bonneuil S/ Marne est donc recevable pour défendre les intérêts des salariés de la société BELFOR FRANCE ; qu'en effet, la cour relève que, notamment, les problèmes relatifs au recours abusif au travail temporaire, au défaut de formation et d'information sur les produits dangereux, et aux infractions concernant la durée légale du temps de travail, touchent aux intérêts collectifs de la profession et justifient la condamnation de la SAS BELFOR FRANCE à verser au syndicat intervenant la somme de 500 Euros par salarié ;
ALORS QUE les juges ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner et analyser tous les éléments de preuve qui leur sont fournis par les parties au soutien de leurs prétentions ; qu'en l'espèce, l'exposante invoquait et produisait les différents outils de formation et d'information mis à la disposition du personnel y compris aux intérimaires : la procédure Hygiène et Sécurité, regroupant l'ensemble des dispositions applicables en la matière, remise à jour chaque année et diffusée à l'ensemble du personnel notamment intérimaire, le règlement intérieur mentionnant les principales obligations en matière de sécurité, le passeport individuel remis à chaque technicien ou chef de chantier et rappelant notamment les formations internes suivies par le titulaire du passeport, et le carnet hygiène et sécurité devant être renseigné au début du chantier par le chef de chantier et remis avec le dossier chantier, comprenant la fiche SOS, le plan de prévention simplifié à renseigner et à signer avec le responsable commercial, la fiche EPI (équipement de protection individuelle) à renseigner et à faire signer par les techniciens et la fiche Kit Sécurité pour les premiers soins ; qu'en se bornant à affirmer qu'il n'était pas justifié par la société BELFOR FRANCE d'une information et d'une formation pratiques appropriées et suffisantes données au salarié sur les risques encourus pour l'utilisation de ces produits et sur la façon de s'en protéger, sans viser ni analyser même sommairement les pièces produites par l'employeur, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile.

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QUATRIEME MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR mis hors de cause la société MANPOWER et débouté la société BELFOR FRANCE de ses demandes à l'encontre de la société MANPOWER,

AUX MOTIFS QUE les dispositions de l'article L.124-7 du code du travail sanctionnant l'inobservation par l'entreprise utilisatrice des dispositions des articles L. 124-2 à L. 124-2-4 du même code, n'excluent pas la possibilité, pour le salarié, d'agir contre l'entreprise de travail temporaire lorsque les conditions, à défaut desquelles toute opération de main d'oeuvre est interdite, n'ont pas été respectées et par conséquent si cette dernière a manqué à l'une ou l'autre des obligations mises à sa charge ; que les indications portées au contrat de mise à disposition et notamment le motif du recours sont données sous la responsabilité de l'utilisateur qui en détient seul les éléments ; qu'il ressort, en outre, des débats que les salariés affectés chez BELFOR FRANCE l'étaient le plus souvent sur demande nominative de cette société ; que la responsabilité de la société Manpower ne saurait donc être recherchée à ce titre ; que le salarié, ne fonde et ne motive pas précisément sa demande de condamnation solidaire de la société MANPOWER ; que pour l'étayer, il n'évoque précisément que le non respect de la règle du tiers temps par la société utilisatrice, tout en soulignant que la société BELFOR FRANCE communiquait chaque jour à la société Manpower, des instructions très précises quant aux salariés qu'elle désirait voir mis à disposition ; qu'il ne caractérise donc pas, dans ces conditions, de manquements directement imputables à la société Manpower ; que l'entreprise de travail temporaire n'a, d'autre part, pas d'obligation de contrôle et de surveillance à l'égard de l'entreprise utilisatrice et il n'est aucunement justifié d'un mandat particulier conféré par la SAS BELFOR FRANCE à la société MANPOWER et mettant à la charge de cette dernière une obligation de renseignement et de conseil ; qu'il convient en conséquence de rejeter la demande du salarié en condamnation solidaire de la société MANPOWER et celle formée à titre subsidiaire par la SAS BELFOR FRANCE tendant à voir ordonner une telle solidarité ;
1. ALORS QUE l'entreprise de travail temporaire est tenue d'une obligation d'information et de conseil à l'égard de l'entreprise utilisatrice concernant la réglementation relative au travail temporaire ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé les articles 1135 et 1147 du Code civil ;
2. ALORS en tout état de cause QUE l'exposante faisait valoir qu'elle ne pouvait supporter seule la charge des condamnations dès lors que l'entreprise de travail temporaire avait manqué à l'obligation mise à sa charge par l'article L. 124-4 du Code du travail d'établir des contrats de mission écrits signés par le salarié ; qu'en s'abstenant de se prononcer sur ce point, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du Code civil.

*****

CINQUIEME MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la société BELFOR FRANCE à payer au salarié des dommages et intérêts en application de l'article 1147 du Code civil et une indemnité au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,
AUX MOTIFS QUE Monsieur X... dit avoir souffert de brûlures à l'avant-bras sur le chantier Eurotunnel où il travaillait, en décembre 1996, pour le compte de BELFOR FRANCE ; qu'il en demande réparation à M. Z..., conducteur de travaux intérimaire et à ce titre en charge de la sécurité « pour le compte de la société (appelée à l'époque) BELFOR COUTHEILLAS », sur ce site, pour inexécution de l'obligation contractuelle de sécurité, sur le fondement de l'article 1147 du Code civil, mais aussi au plan délictuel pour son attitude personnelle et son comportement après les accidents survenus ; qu'il ressort des éléments produits qu'un plan de gestion sécurité avait été élaboré entre Eurotunnel et les différentes entreprises intervenant sur ce chantier, pour lequel étaient désignés un responsable Eurotunnel et un responsable pour chaque sous-traitant, celui-ci étant M. Z..., pour BELFOR FRANCE ; que ce plan prévoyait notamment que « toute personne victime ou témoin d'un incident ou d'un accident sur le site s'engage à informer Eurotunnel au plus tôt » ; qu'or il ressort d'un procès-verbal dressé par l'inspection du travail des transports et communiqué au parquet de Boulogne sur Mer le 20 janvier 1998 que le 13 décembre 1996, l'inspection du travail avait été avisée, par le directeur des ressources humaines de Eurotunnel que salariés du chantier, intérimaires relevant de BELFOR FRANCE, avaient été brûlés aux avant bras aux deuxième et même troisième degrés, blessures qui « avaient été découvertes par un personnel du membre d'encadrement d'Eurotunnel », qui avait immédiatement arrêté le chantier de décontamination de wagons concerné, qui avait débuté le 23 novembre ; qu'il était constaté que « la solution utilisée pour nettoyer au contact prolongé de la peau a provoqué des blessures » ; que l'inspecteur du travail relève : « les salariés pour procéder au nettoyage sont munis de gants. Toutefois ceux-ci ne correspondent pas au type de travail effectué car trop fragiles. Ils sont vêtus d'une combinaison de travail en tissu. Toutefois, ils ne disposent pas de combinaisons en nombre suffisant pour permettre de se changer lorsque le vêtement est humide. Les salariés n'ont pas de ciré protecteur.. Ces produits chimiques sont corrosifs. Ils nécessitent pour être utilisés une protection de la peau et des yeux et une protection respiratoire » ; que le même rapport affirmait : « de plus, le personnel d'encadrement COUTHEILLAS a exercé des pressions fortes sur les salariés afin de cacher les incidents. Ces pressions étaient d'autant plus faciles que les salariés étaient sous contrat précaire. Le 12 décembre au soir, le chef d'équipe, M. Z..., a réuni l'ensemble des salariés .. afin de les enjoindre à se soigner par eux-mêmes, sans se rendre à l'infirmerie et de ne pas divulguer leur blessure », « lors de l'enquête devant les membres du CHSCT, M. Z... n'a pas nié avoir tenu cette réunion » ; que M. X... établit qu'il a travaillé sur ce chantier à partir du novembre 1996 ; qu'il produit en outre une attestation du docteur A... rédigée le 7 octobre 2002, qui certifie avoir donné des soins le 9 décembre 1996 à M. X... qui souffrait d'une « brûlure de la face dorsale de la main et de l'avant-bras droit, secondaire, semble-t-il, à une brûlure par produit caustique qui datait du 3 décembre 1996 » ; qu'il avait revu le patient le 16/1/1997 en raison « d'une nouvelle petite brûlure sur l'avant bras droit » ; qu'il atteste avoir procédé à une détersion, excision de zones escarrifiées et pansement de tulle gras et de cortico tulle ; que M. X... établit donc avoir souffert de brûlures à l'occasion de ce chantier et il ressort du procès-verbal que ces blessures étaient dues au fait que les employés ne disposaient pas de toutes les protections appropriées, en nombre suffisant pour les changer régulièrement ; que dès lors l'employeur qui a une obligation contractuelle d'assurer la sécurité des salariés apparaît avoir failli à celle-ci, mais il ressort également des débats et du dossier qu'il n'a pas procédé immédiatement aux déclarations d'accidents du travail qui s'imposaient ; que s'il est exact qu'aucun contrat ne liait directement M. Z... et M. X..., il est évident que c'est la responsabilité contractuelle de BELFOR FRANCE qui est recherchée par M. X... à travers son salarié, M. Z..., mandataire de BELFOR FRANCE sur ce chantier ; que la condamnation sur le fondement de l'article 1147 du Code civil est donc prononcée contre BELFOR France ; qu'au regard du préjudice subi, il est accordé une somme de 3.000 euros à M. X... de ce fait ;
1. ALORS QUE les juges du fond ne peuvent modifier l'objet du litige ; qu'en l'espèce, Monsieur X... sollicitait exclusivement la condamnation de Monsieur Z... pour l'indemnisation des blessures qu'il alléguait avoir subies sur le chantier EUROTUNNEL en raison des agissements de celui-ci (cf. conclusions d'appel du salarié, p. 18 et 30 et arrêt, p. 3, § 3) ; qu'en condamnant la société BELFOR FRANCE, et en retenant que « c'est la responsabilité contractuelle de BELFOR FRANCE qui est recherchée par M. X... à travers son salarié, M. Z... », la cour d'appel a modifié l'objet du litige et violé les articles 4 et 5 du nouveau Code de procédure civile ;
2. ALORS en tout état de cause QUE l'entreprise de travail temporaire est, en vertu de l'article L. 124-1 du Code du travail, le seul employeur du salarié qu'elle a mis à la disposition de l'entreprise utilisatrice ; qu'en l'espèce, il résulte de l'arrêt (cf. notamment p. 7, § 6) qu'au moment du chantier EUROTUNNEL, Monsieur Z... n'était pas salarié de la société BELFOR FRANCE, mais seulement mis à sa disposition par une entreprise de travail temporaire dans le cadre de missions d'intérim ; que la cour d'appel, pour condamner la société BELFOR FRANCE à indemniser Monsieur X... pour les blessures qu'il alléguait avoir subies sur le chantier EUROTUNNEL en raison des agissements de Monsieur Z..., s'est fondée sur la circonstance que ce dernier aurait été salarié de la société BELFOR FRANCE ; qu'en statuant ainsi, elle a violé le texte susvisé, ensemble l'article 1147 du Code civil.

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SIXIEME MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné Monsieur Z... à payer au salarié la somme de 100 euros en raison de son attitude personnelle fautive,
AUX MOTIFS QUE Monsieur X... dit avoir souffert de brûlures à l'avant-bras sur le chantier Eurotunnel où il travaillait, en décembre 1996, pour le compte de BELFOR FRANCE ; qu'il en demande réparation à M. Z..., conducteur de travaux intérimaire et à ce titre en charge de la sécurité « pour le compte de la société (appelée à l'époque) BELFOR COUTHEILLAS », sur ce site, pour inexécution de l'obligation contractuelle de sécurité, sur le fondement de l'article 1147 du Code civil, mais aussi au plan délictuel pour son attitude personnelle et son comportement après les accidents survenus ; qu'il ressort des éléments produits qu'un plan de gestion sécurité avait été élaboré entre Eurotunnel et les différentes entreprises intervenant sur ce chantier, pour lequel étaient désignés un responsable Eurotunnel et un responsable pour chaque sous-traitant, celui-ci étant M. Z..., pour BELFOR FRANCE ; que ce plan prévoyait notamment que « toute personne victime ou témoin d'un incident ou d'un accident sur le site s'engage à informer Eurotunnel au plus tôt » ; qu'or il ressort d'un procès-verbal dressé par l'inspection du travail des transports et communiqué au parquet de Boulogne sur Mer le 20 janvier 1998 que le 13 décembre 1996, l'inspection du travail avait été avisée, par le directeur des ressources humaines de Eurotunnel que salariés du chantier, intérimaires relevant de BELFOR FRANCE, avaient été brûlés aux avant bras aux deuxième et même troisième degrés, blessures qui « avaient été découvertes par un personnel du membre d'encadrement d'Eurotunnel », qui avait immédiatement arrêté le chantier de décontamination de wagons concerné, qui avait débuté le 23 novembre ; qu'il était constaté que « la solution utilisée pour nettoyer au contact prolongé de la peau a provoqué des blessures » ; que l'inspecteur du travail relève : « les salariés pour procéder au nettoyage sont munis de gants. Toutefois ceux-ci ne correspondent pas au type de travail effectué car trop fragiles. Ils sont vêtus d'une combinaison de travail en tissu. Toutefois, ils ne disposent pas de combinaisons en nombre suffisant pour permettre de se changer lorsque le vêtement est humide. Les salariés n'ont pas de ciré protecteur. Ces produits chimiques sont corrosifs. Ils nécessitent pour être utilisés une protection de la peau et des yeux et une protection respiratoire » ; que le même rapport affirmait : « de plus, le personnel d'encadrement COUTHEILLAS a exercé des pressions fortes sur les salariés afin de cacher les incidents. Ces pressions étaient d'autant plus faciles que les salariés étaient sous contrat précaire. Le 12 décembre au soir, le chef d'équipe, M. Z..., a réuni l'ensemble des salariés .. afin de les enjoindre à se soigner par eux-mêmes, sans se rendre à l'infirmerie et de ne pas divulguer leur blessure », « lors de l'enquête devant les membres du CHSCT, M. Z... n'a pas nié avoir tenu cette réunion » ; que M. X... établit qu'il a travaillé sur ce chantier à partir du novembre 1996 ; qu'il produit en outre une attestation du docteur A... rédigée le 7 octobre 2002, qui certifie avoir donné des soins le 9 décembre 1996 à M. X... qui souffrait d'une « brûlure de la face dorsale de la main et de l'avant-bras droit, secondaire, semble-t-il, à une brûlure par produit caustique qui datait du 3 décembre 1996 » ; qu'il avait revu le patient le 16/1/1997 en raison « d'une nouvelle petite brûlure sur l'avant bras droit » ; qu'il atteste avoir procédé à une détersion, excision de zones escarrifiées et pansement de tulle gras et de cortico tulle ; que M. X... établit donc avoir souffert de brûlures à l'occasion de ce chantier et il ressort du procès-verbal que ces blessures étaient dues au fait que les employés ne disposaient pas de toutes les protections appropriées, en nombre suffisant pour les changer régulièrement ; que dès lors l'employeur qui a une obligation contractuelle d'assurer la sécurité des salariés apparaît avoir failli à celle-ci, mais il ressort également des débat et du dossier qu'il n'a pas procédé immédiatement aux déclarations d'accidents du travail qui s'imposaient ; que s'il est exact qu'aucun contrat ne liait directement M. Z... et M. X..., il est évident que c'est la responsabilité contractuelle de BELFOR FRANCE qui est recherchée par M. X... à travers son salarié, M. Z..., mandataire de BELFOR FRANCE sur ce chantier ; (..) que s'agissant de M. Z..., sa responsabilité délictuelle apparaît également engagée dans la mesure où il est établi qu'il a tenté de dissimuler les accidents, au détriment des salariés blessés ; que la somme fixée tient compte à la fois de ce que simple intérimaire à l'époque, son statut précaire peut expliquer, sinon excuser ces manoeuvres, la société BELFOR France rapportant elle-même la preuve de ce que dans ses « NEWS » Eurotunnel elle tentait de renforcer son image, en affirmant de manière erronée : « la qualité et le professionnalisme des équipes intervenantes menées par les conducteurs de travaux. Y. Z... et G. B... ont permis de parfaitement tenir cet objectif, dans le respect total de la sécurité (zéro accident) qu'imposent de tels travaux » mais aussi de ce qu'il ressort d'une attestation régulière rédigée par M. Hamidou C... que M. Z... était coutumier du fait de faire prendre des risques à ses ouvriers sur divers chantiers ; que M. Z... sera donc condamné à verser personnellement la somme de 100 euros à M. X..., en raison de son attitude personnelle fautive ;
ALORS QUE le salarié qui agit sans excéder les limites de sa mission n'engage pas sa responsabilité personnelle à l'égard des tiers ; qu'en condamnant Monsieur Z..., alors salarié d'une entreprise de travail temporaire, à indemniser Monsieur X... pour des faits commis à l'occasion de sa mission d'intérim, sans caractériser en quoi il aurait excédé les limites de sa mission, la cour d'appel a violé les articles l'article 1382 du Code civil et 1384, alinéa 5 du Code civil.

*****

Moyen annexé au présent arrêt.
Moyen produit au pourvoi incident par la SCP Masse-Dessen et Thouvenin, avocat aux Conseils pour M. X... et l'UL-CGT de Bonneuil-sur-Marne.

POURVOI INCIDENT
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que la Société Manpower ne pouvait être mise en cause solidairement avec la Société BELFOR.
AUX MOTIFS QUE les dispositions de l'article L.124-7 du code du travail sanctionnant l'inobservation par l'entreprise utilisatrice des dispositions des articles L. 124-2 à L. 124-2-4 du même code, n'excluent pas la possibilité, pour le salarié, d'agir contre l'entreprise de travail temporaire lorsque les conditions, à défaut desquelles toute opération de main d'oeuvre est interdite, n'ont pas été respectées et par conséquent si cette dernière a manqué à l'une ou l'autre des obligations mises à sa charge ; les indications portées au contrat de mise à disposition et notamment le motif du recours sont données sous la responsabilité de l'utilisateur qui en détient seul les éléments ; il ressort, en outre, des débats que les salariés affectés chez BF l'étaient le plus souvent sur demande nominative de cette société ; la responsabilité de la société Manpower ne saurait donc être recherchée à ce titre ; le salarié, ne fonde et ne motive pas précisément sa demande de condamnation solidaire de la société MANPOWER ; pour l'étayer, il n'évoque précisément que le non-respect de la règle du tiers temps par la société utilisatrice, tout en soulignant que la société BELFOR FRANCE communiquait chaque jour à la société Manpower, des instructions très précises quant aux salariés qu'elle désirait voir mis à disposition ; il ne caractérise donc pas, dans ces conditions, de manquements directement imputables à la société Manpower ; l'entreprise de travail temporaire n'a, d'autre part, pas d'obligation de contrôle et de surveillance à l'égard de l'entreprise utilisatrice et il n'est aucunement justifié d'un mandat particulier conféré par la SAS BELFOR FRANCE à la société MANPOWER et mettant à la charge de cette dernière une obligation de renseignement et de conseil ; il convient en conséquence de rejeter la demande du salarié en condamnation solidaire de la société MANPOWER et celle formée à titre subsidiaire par la SAS BELFOR FRANCE tendant à voir ordonner une telle solidarité.
ALORS QUE, lorsqu'une entreprise de travail temporaire met des salariés à la disposition d'une entreprise qui utilise des produits particulièrement nocifs, elle a l'obligation de s'assurer que toutes les conditions d'hygiène et de sécurité ont été prises par la société utilisatrice. qu'en constatant d'une part que la Société BELFOR utilisait des « produits corrosifs, irritants et nocifs, qui pouvaient, sans protection, être dangereux pour les salariés » et d'autre part que cette société avait manqué à son obligation de formation pratique et appropriée, sans pour autant relever que la Société MANPOWER était solidairement responsable de ce manquement, motif pris qu'elle n'avait pas, à l'égard de la société utilisatrice, « d'obligation de contrôle et de surveillance », la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, violant ainsi les articles L. 230-1 et 231-3-1 du Code du travail ainsi que l'article 1147 du Code civil.
ALORS D'AUTRE PART QUE, subsidiairement, lorsqu'une entreprise de travail temporaire met des salariés à la disposition d'une entreprise utilisatrice, elle a l'obligation, d'une part, de respecter les prescriptions imposées par l'article L. 124-4 du Code du travail, mais également, d'autre part, celles de l'article L. 124-2 du Code du travail qui disposent que le contrat de travail temporaire ne peut avoir pour objet ou pour effet de pourvoir à un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise utilisatrice ; qu'en affirmant que la société de travail temporaire n'avait aucune obligation de contrôle et de surveillance pour dire que sa responsabilité solidaire ne pouvait être engagée, alors qu'elle constatait dans le même temps que tous les salariés exposants avaient été affectés à un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise utilisatrice et qu'au regard de l'étendue des missions confiées aux salariés, elle ne pouvait pas ne pas avoir eu connaissance de cette situation, la cour d'appel n'a pas tiré de ses constatations les conséquences qui s'en déduiraient au regard des articles L. 124-2 et L. 124-7 du Code du travail et 1147 du Code civil, ainsi violés.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 07-42609
Date de la décision : 11/03/2009
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 15 mars 2007


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 11 mar. 2009, pourvoi n°07-42609


Composition du Tribunal
Président : M. Blatman (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Masse-Dessen et Thouvenin, SCP Rocheteau et Uzan-Sarano

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2009:07.42609
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