La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

03/03/2009 | FRANCE | N°08-85357

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 03 mars 2009, 08-85357


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur les pourvois formés par :

-
-
LE X... Jacques,

Y... Claude,

contre l'arrêt de la cour d'appel de RENNES, 3e chambre, en date du 3 juillet 2008, qui, pour dénonciation calomnieuse, les a condamnés, chacun, à 12 000 euros d'amende et a prononcé sur les intérêts civils ;

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

Vu les mémoires produits ;

Sur le moyen unique de cassation proposé par la société civile professionnelle Bachellier-Potier

de La Varde pour Claude Y..., pris de la violation« des articles 121-1, 121-3, 226-10 du code pénal, 591 et 5...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur les pourvois formés par :

-
-
LE X... Jacques,

Y... Claude,

contre l'arrêt de la cour d'appel de RENNES, 3e chambre, en date du 3 juillet 2008, qui, pour dénonciation calomnieuse, les a condamnés, chacun, à 12 000 euros d'amende et a prononcé sur les intérêts civils ;

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

Vu les mémoires produits ;

Sur le moyen unique de cassation proposé par la société civile professionnelle Bachellier-Potier de La Varde pour Claude Y..., pris de la violation« des articles 121-1, 121-3, 226-10 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale, 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 9 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, atteinte aux droits de la défense, contradiction de motifs, défaut de base légale, insuffisance de motifs ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré le prévenu coupable du chef de dénonciation calomnieuse au préjudice de Christelle Z... et l'a, en conséquence, condamné à une amende délictuelle de 12 000 euros et à verser à cette dernière une somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts ;

"aux motifs que dans sa plainte déposée le 25 mars 2005, Claude Y... écrivait « Après vérification au travers des pièces de la procédure, il apparaît que contrairement à ce qui est indiqué sur ce bordereau, celle-ci n'a jamais été notifiée, ni à M. A..., ni à son conseil. La mention portée par le greffier d'instruction…constitue donc un faux en écriture publique ou authentique » ; que l'enquête a démontré que Claude Y... avait eu connaissance de l'avis d'ordonnance dès son arrivée à son cabinet le 1er juillet 2004 puisqu'il écrivait à son client M. A... : «Je viens d'être avisé que monsieur Desanettes, juge d'instruction, vient de rendre une ordonnance de renvoi» ; que la plainte déposée par chacun d'eux constitue donc un acte spontané qui ne saurait être considéré comme se rattachant étroitement à la défense légitime de leurs clients, alors qu'il avaient chacun été destinataires et eu connaissance de l'avis querellé et qu'une simple consultation du dossier d'instruction au greffe leur permettait de s'assurer tant de l'exactitude de la mention apposée sur l'ordonnance de renvoi que de sa conformité avec les prescriptions légales ; que si Claude Y... et Jacques B... étaient habilités en vertu du droit général de représentation et d'assistance de leurs clients devant la juridiction du premier degré dont son investis les avocats par la loi du 31 décembre 1971 à saisir le tribunal correctionnel de Nantes de conclusions d'incident aux fins de nullité et/ou de renvoi de la procédure, l'exercice de ce droit et de la défense de leurs clients, ne saurait en aucun cas légitimer, en l'absence de pouvoir spécial, la dénonciation au procureur de la République, de faits de nature criminelle et, en conséquence, les exonérer personnellement de la responsabilité de cet acte ; que la circonstance qu'ils aient préalablement, au dépôt de ces plaintes, informé leurs clients respectifs, est à cet égard, radicalement inopérante et ne saurait donc les décharger, personnellement de la responsabilité de l'acte de dénonciation ; que les poursuites pénales exercées à leur encontre ne sauraient davantage constituer une atteinte ou une restriction à l'exercice des droits fondamentaux de la défense et aux principes édictés par la Convention européenne des droits de l'homme ; que Claude Y... et Jacques B... avaient chacun eu connaissance étaient destinataires comme leurs clients depuis le 1er juillet 2004 de l'avis d'ordonnance tel que mentionné au bas de l'ordonnance de renvoi ; qu'en qualité de professionnels du droit, ils ne pouvaient donc ignorer, à la date de l'audience devant le tribunal correctionnel, le 10 février 2005, et a fortiori, à la date du dépôt de leurs plaintes, les 21 et 25 mars 2005, que la formalité mentionnée au bas de l'ordonnance par le greffier, et sur le sens de laquelle ils ne pouvaient légitimement se méprendre, avait été régulièrement accomplie dans le respect des prescriptions de l'article 183 du code de procédure pénale, et partant, l'inexactitude des faits dénoncés, constitutive de la mauvaise foi ; que la circonstance que le bordereau de dépôt des lettres recommandées n'ait pas été annexé au dossier d'instruction et ait été conservé au greffe de l'instruction est inopérante et n'était aucunement de nature à mettre en doute l'accomplissement par le greffier de la formalité mentionnée au bas de l'ordonnance alors qu'ils avaient été chacun, comme leurs clients, destinataires des avis en cause ;

"aux motifs adoptés que, lors de l'audience devant le tribunal correctionnel le 10 février 2005, les deux conseils des prévenus soulevaient in limine litis la nullité de l'ordonnance de renvoi, motif pris qu'il ne résultait pas du dossier que l'ordonnance avait été notifiée, et que manifestement le greffier avait fait un faux ;

"1°) alors que la responsabilité pénale de l'avocat qui, en sa qualité de mandataire ad litem, dépose une plainte au nom de son client et agit donc dans sa mission légale d'assistance et de défense des intérêts de ce dernier ne saurait être recherchée sur le fondement du délit de dénonciation calomnieuse ; que la cour qui, pour déclarer Claude Y... coupable de dénonciation calomnieuse, après avoir pourtant relevé que ce dernier avait déposé plainte au nom de son client et dans le cadre des poursuites dont celui-ci faisait l'objet, s'est fondée sur la circonstance inopérante que l'avocat aurait dû obtenir un pouvoir spécial avant de dénoncer les faits au procureur de la République, a méconnu le principe précité ensemble les droits essentiels de la défense ;

"2°) alors que la dénonciation n'est pas spontanée et est donc privée de son caractère calomnieux lorsque des faits, même faux et dommageables pour un tiers, sont dénoncés au procureur de la République par l'avocat d'un prévenu, dans le cadre des poursuites dont celui-ci fait l'objet ; que la cour qui, pour dire que la plainte déposée par le prévenu constituait un acte spontané et ne pouvait se rattacher à la défense de son client, s'est exclusivement fondée sur la circonstance inopérante que les faits dénoncés étaient faux et que leur exactitude aurait pu être vérifiée, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si le fait que cette plainte pour faux avait été précédée de conclusions soulevées in limine litis devant le tribunal correctionnel qui les avait rejetées n'impliquait pas qu'elle se rattachait étroitement à la défense de M. A..., n'a pas donné de base légale à sa décision ;

"3°) alors que, seule la violation en connaissance de cause d'une prescription légale ou réglementaire implique, de la part de son auteur, l'intention coupable ; qu'en se fondant sur la seule qualité de professionnel du droit du prévenu pour dire que ce dernier ne pouvait ignorer que la formalité de l'envoi de l'avis avait été régulièrement accomplie par le greffe ni se méprendre sur le sens de celle-ci et en déduire sa mauvaise foi, la cour d'appel a méconnu le principe de la présomption d'innocence" ;

Sur le moyen unique de cassation proposé par la société civile professionnelle Claire Le Bret-Desaché pour Jacques B..., pris de la violation des articles 6, 7, 8, 13 de la Convention européenne des droits de l'homme, 1er du Protocole additionnel n°1 à la Convention européenne des droits de l'homme, 226-10 du code pénal, 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, 2, 81 alinéa 2, 114, alinéa 3, 591, 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Jacques B... coupable de dénonciation calomnieuse et l'a condamné pénalement et civilement ;

"aux motifs que, contrairement aux assertions articulées au soutien de ces deux plaintes, l'enquête a démontré, d'une part, que Jacques B..., qui avait été rendu destinataire à son cabinet, de l'avis querellé, le 1er juillet 2004, avait eu dûment connaissance, le même jour, de la réception par son client, M. C..., de cet avis lequel, le lui avait transmis par fax pour qu'il en soit informé ...

" la plainte déposée ... constitue donc un acte spontané, qui ne saurait être considéré comme se rattachant étroitement à la défense légitime de leurs clients, alors qu'ils avaient chacun, été destinataires et eu connaissance de l'avis querellé et qu'une simple consultation du dossier d'instruction au greffe, leur permettait de s'assurer tant de l'exactitude de la mention apposée sur l'ordonnance de renvoi que de sa conformité avec les prescriptions légales ;

" si Claude Y... et Jacques B... étaient habilités, en vertu du droit général de représentation et d'assistance de leurs clients devant la juridiction du premier degré, dont sont investis les avocats par la loi 71-1130 du 31 décembre 1971, à saisir le tribunal correctionnel de Nantes, de conclusions d'incident aux fins de nullité et/ou de renvoi de la procédure, l'exercice de ce droit et de la défense de leurs clients, ne saurait, en aucun cas, légitimer, en l'absence de pouvoir spécial, la dénonciation au procureur de la République, de faits de nature criminelle et, en conséquence, les exonérer personnellement de la responsabilité de cet acte...

" la circonstance qu'ils aient préalablement, au dépôt de ces plaintes, informé leurs clients respectifs, est à cet égard, radicalement inopérante et ne saurait donc les décharger, personnellement de l'acte de dénonciation ;

" les poursuites pénales exercées à leur encontre, ne sauraient davantage constituer une atteinte ou une restriction à l'exercice des droits fondamentaux de la défense et aux principes édictés par la Convention européenne des droits de l'homme ...

" la circonstance que le bordereau de dépôt des lettres recommandées n'ait pas été annexé au dossier d'instruction et ait été conservé au greffe de l'instruction est inopérante et n'était aucunement de nature - alors que les règles de la procédure n'imposent nullement au greffier de l'instruction de faire figurer ce document au dossier - à mettre en doute, l'accomplissement par le greffier de la formalité mentionnée au bas de l'ordonnance alors qu'ils avaient été chacun, comme leurs clients, destinataires des avis en cause ;

" enfin, Claude Y... et Jacques B..., ne peuvent utilement prétendre que les avis de l'ordonnance qui avaient été réceptionnés le 1er juillet 2004 dans leurs cabinets respectifs, n'avaient pas rejoints courant mars 2005, leurs dossiers respectifs, en raison d'une omission ou d'une erreur de chacun de leurs clercs ; cette affirmation qui n'est au surplus, étayée par aucun élément de preuve, est en contradiction avec les déclarations souscrites par les deux prévenus, qui ont reconnu chacun, lors de l'enquête, qu'ils avaient bien reçu la notification le 1er juillet 2004, de l'avis de l'ordonnance ...

" eu égard aux circonstances et à la personnalité des prévenus, il y a lieu de sanctionner les faits par une amende dont le montant sera élevé à 12 000 euros ...

" sur l'action civile ... la somme de 5 000 euros qui ... a été allouée à titre de dommages-intérêts, mise à la charge des deux prévenus solidairement, est justifiée en sorte que le jugement sera confirmé en ses dispositions civiles ... ".

"alors que, d'une part, aux termes de l'article 121-1 du code pénal, nul n'est pénalement responsable que de son propre fait ; que la responsabilité pénale de l'avocat qui accomplit un acte de procédure et dépose une plainte pour faux, au nom et pour le compte de son client, ne saurait être recherchée, au motif qu'il aurait dû être en possession d'un pouvoir spécial ; qu'aucun texte n'exige que l'avocat qui reçoit mandat d'un client de déposer plainte devant le procureur de la République, du chef de faux, se fasse délivrer un pouvoir spécial de son client ; qu'en énonçant, pour retenir la responsabilité pénale de Jacques B... et Claude Y... que "l'exercice des droits de la défense de leur client, ne saurait en aucun cas, légitimer, en l'absence de pouvoir spécial, la dénonciation du procureur de la République, de faits de nature criminelle et, en conséquence, les exonérer personnellement de la responsabilité de cet acte ", la Cour d'appel, qui a subordonné le dépôt de la plainte par l'avocat à une condition non exigée par la loi, et en tout état de cause, sans préciser l'origine de cette exigence, a privé sa décision de base légale au regard des textes visés au moyen, et porté atteinte à l'exercice des droits de la défense et à l'indispensable indépendance de l'avocat, dans une société démocratique ;

"alors que, d'autre part, la dénonciation manque de spontanéité lorsqu'elle s'explique par la nécessité ou l'opportunité pour un avocat d'organiser la défense dans un sens favorable aux intérêts de son client ; que Jacques B... faisait valoir que la plainte pour faux déposée au nom et pour le compte de son client était la conséquence du rejet par la juridiction de jugement de l'exception de nullité de la procédure tirée de l'absence, au dossier du greffe mis à la disposition des avocats, du bordereau d'envoi de la lettre recommandée aux avocats ; qu'en effet, en application des articles 81 et 114 du code de procédure pénale, toutes les pièces du dossier doivent être contenues dans le dossier, sans aucune exception ; qu'il importe peu que le dossier mentionne l'avis de l'envoi de la lettre recommandée, s'il ne comporte pas le récépissé postal, lequel était tenu dans un autre endroit distinct du greffe, sans que l'avocat en eut été informé, en méconnaissance de l'exigence de clarté et d'accessibilité de la loi requise par la Convention européenne des droits de l'homme ; que la plainte a été retirée dès que l'avocat a eu conscience de sa méprise et a présenté des excuses présentées à la partie civile ; qu'il s'en déduit que dans ce contexte, la plainte n'avait aucun caractère spontané ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel n'a pas tiré de ses constatations les conséquences légales qui en découlaient au regard des textes visés au moyen ;

"alors que, de troisième part, en vertu de l'article 226-10 du code pénal pour qu'il y ait dénonciation calomnieuse, il faut que non seulement que le fait dénoncé soit "totalement ou partiellement inexact", mais encore qu'il ait été "de nature à entraîner des sanctions judiciaires, administratives ou disciplinaires" ; que cette dernière condition n'est pas remplie, lorsque, comme en l'espèce, le dénonciateur, retire spontanément sa plainte et reconnaît auprès de l'autorité qu'il s'est trompé, et présente ses excuses à la partie civile ; qu'il s'en déduit que celle-ci n'a été en réalité, exposée à aucune sanction ; que l'arrêt attaqué se trouve dès lors privé de base légale au regard du texte susvisé ;

"alors qu'enfin, le montant des sanctions pénales et civiles prononcées par l'arrêt est manifestement disproportionné en l'absence de tout préjudice effectif ; qu'en effet, compte tenu du contexte de l'affaire et du retrait de la plainte, bien avant qu'aucune sanction ait pu être prise à l'égard de la partie civile, la sévérité de la sanction ne peut en réalité s'expliquer que par la qualité de greffière de la partie civile, qu'en statuant comme l'a fait la cour d'appel a ainsi méconnu l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ; qu'ensemble l'article 1er du Protocole additionnel n° 1 à la Convention européenne des droits de l'homme" ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu que, pour déclarer les prévenus coupables de dénonciation calomnieuse, l'arrêt retient que ces avocats ont spontanément adressé au procureur de la République une plainte accusant faussement la greffière d'un cabinet d'instruction d'avoir apposé au pied d'une ordonnance renvoyant leur client devant le tribunal correctionnel une mention constitutive, selon eux, d'un faux en écriture publique ;

Attendu qu'en l'état de ces seules énonciations, les juges, qui, en outre, n'avaient pas à motiver mieux qu'ils ne l'ont fait le montant de l'amende et celui des réparations civiles, ont justifié leur décision ;

D'où il suit que les moyens doivent être écartés ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE les pourvois ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Joly conseiller doyen faisant fonction de président en remplacement du président empêché, M. Finidori conseiller rapporteur, Mme Anzani conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : M. Souchon ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 08-85357
Date de la décision : 03/03/2009
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Rennes, 03 juillet 2008


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 03 mar. 2009, pourvoi n°08-85357


Composition du Tribunal
Président : M. Joly (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Bachellier et Potier de La Varde, SCP Le Bret-Desaché, SCP Thouin-Palat et Boucard

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2009:08.85357
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award