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17/02/2009 | FRANCE | N°08-85073

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 17 février 2009, 08-85073


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Bernard,

contre l'arrêt de la cour d'appel de DIJON, chambre correctionnelle, en date du 26 juin 2008, qui, pour blessures involontaires, l'a condamné à six mois d'emprisonnement avec sursis et 3 000 euros d'amende, a ordonné une mesure de publication et d'affichage, et a prononcé sur les intérêts civils ;

Vu le mémoire et les observations en défense produits ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 121-3,

222-19, 222-44, 222-46 du code pénal, des articles L. 263-2-1, L. 263-2, alinéas 2 et 3,...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Bernard,

contre l'arrêt de la cour d'appel de DIJON, chambre correctionnelle, en date du 26 juin 2008, qui, pour blessures involontaires, l'a condamné à six mois d'emprisonnement avec sursis et 3 000 euros d'amende, a ordonné une mesure de publication et d'affichage, et a prononcé sur les intérêts civils ;

Vu le mémoire et les observations en défense produits ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 121-3, 222-19, 222-44, 222-46 du code pénal, des articles L. 263-2-1, L. 263-2, alinéas 2 et 3, du code du travail, des articles 567 et 591 du code de procédure pénale, manque de base légale, défaut et contradiction de motifs ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Bernard X... coupable de l'infraction de blessures involontaires et l'a condamné à une peine de six mois d'emprisonnement avec sursis et à une amende délictuelle de 3 000 euros ;

"au motif qu'il ressort du dossier et des débats qu'au moment de l'accident, Stéphane Y..., intérimaire embauché depuis une semaine sur le chantier en qualité de bancheur, était monté au sommet d'une banche située au troisième étage de la construction ; que les deux élingues qui reliaient ladite banche à la grue qu'il avait mise en place venaient d'être décrochées ; que la banche a basculé en avant et a projeté Stéphane Y... qui a fait une chute de 10,50 mètres pour s'écraser sur la dalle du rez-de-chaussée ; que, victime de plusieurs fractures des membres supérieurs et inférieurs, son incapacité totale de travail a été fixée à quinze mois, l'expert prévoyant des séquelles importantes ; que l'enquête, réalisée tant par les services de l'inspection du travail, que par le juge d'instruction, a démontré que le jour des faits, la banche n'était arrimée que par un seul étai, et par un procédé inadapté, à un bloc de béton notoirement insuffisant au regard des normes fixées par le fabricant des banches ; que Bernard X... ne conteste pas ces constatations, mais soutient que la chute de la banche n'est pas due à ces manquements, mais plus vraisemblablement à un accrochage des élingues à une aspérité de la banche par le grutier, et estime qu'en tout état de cause la banche n'aurait pu que basculer même si l'arrimage avait respecté les normes ; que la thèse soutenue par Bernard X... tant lors de l'instruction qu'à l'audience selon laquelle les banches seraient autostables et nécessiteraient l'intervention d'une force relativement importante pour basculer est contredite par le témoignage de Gérard Z..., ingénieur de prévention, cité par le prévenu, qui a déclaré devant la cour que la stabilité des banches n'était que précaire et qu'il était obligatoire d'étayer pour pallier tout risque de déséquilibre, et ce quelle qu'en soit la cause ; que les seuls témoins directs de l'accident sont la partie civile elle-même et le grutier avec lequel elle faisait équipe, Salah A... ; que, si les souvenirs de Stéphane Y... ont évolué avec le temps, il a à deux reprises indiqué que les élingues étaient déjà détachées lorsque la banche a basculé ; que ces déclarations confirment celles de Salah A... selon lesquelles Stéphane Y... avait les quatre élingues en main au moment de la chute ; que la thèse émise par Bernard X... n'est donc confirmée par aucun élément du dossier ; qu'il est établi que le jour des faits le vent était très faible et n'a pas pu être la cause du basculement ; qu'il a toutefois été impossible de déterminer quel élément extérieur a pu survenir (choc, pression, positionnement de la banche en déséquilibre…) pour entraîner ce basculement ; qu'il est par contre suffisamment établi par le dossier que l'étayage conçu par le fabricant de la banche pour la maintenir en position verticale n'avait pas été mis en place ; que ce manquement n'a pu qu'avoir un rôle causal dans la chute de la banche dont l'équilibre précaire permettait qu'elle bascule au moindre incident ; que l'ensemble des intervenants sur le chantier, y compris Stéphane Y..., s'accordent à dire que les ouvriers disposaient du matériel nécessaire ; que, contrairement à ce qui est retenu par la prévention, il ne peut donc pas être reproché à Bernard X... d'avoir mis à la disposition de la partie civile du matériel en mauvais état, instable ou non approprié aux travaux à effectuer et aux risques auxquels elle était exposée ; que le jugement doit être infirmé sur ce point ; que, par contre, il incombe au chef d'entreprise, non seulement de fournir à son personnel le matériel nécessaire pour assurer sa sécurité, mais également de prendre toutes mesures utiles pour diffuser et faire respecter les consignes de sécurité ; que, si les déclarations de Stéphane Y..., de Salah A... (grutier), de Manchour Bankreira (maçon) et de M. B... (chef de chantier) sont divergentes quant aux conditions dans lesquelles les normes d'étayage n'ont pas été respectées, il ressort de la confrontation de leurs déclarations qu'aucun de ceux qui ont constaté que les instructions n'étaient pas suivies d'effet n'a réagi pour faire en sorte qu'elles le soient réellement, ce qui démontre qu'aucun d'eux n'avait pris conscience de leur caractère impératif et des risques encourus ; que cette situation établit l'insuffisance des mesures prises par Bernard X..., étant au surplus relevé qu'il n'est pas établi que Stéphane Y... a effectivement reçu à son arrivée dans l'entreprise le livret destiné à tout nouvel arrivant ; que l'application de l'article 222-19 du code pénal n'exige pas que la faute du prévenu ait été la cause exclusive, directe et immédiate de l'accident ; qu'en ne prenant pas les mesures suffisantes de formation de son personnel pour que les consignes de sécurité soient ponctuellement respectées, Bernard X... a commis une faute à l'origine de l'étayage insuffisant de la banche dont le basculement n'a ainsi pas été évité et a entraîné la chute de Stéphane Y... ;

"1°) alors que, selon l'article 121-3 du code pénal, la personne physique, qui n'a pas directement causé de dommage à la victime, mais qui a contribué à créer la situation qui a permis la réalisation de ce dommage ou qui n'a pas pris les mesures permettant de l'éviter, ne peut voir sa responsabilité pénale engagée qu'à la condition qu'elle ait commis soit une violation manifestement délibérée d'une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, soit une faute caractérisée et qui exposait autrui à un risque d'une particulière gravité qu'elle ne pouvait ignorer ; que l'arrêt attaqué, pour retenir la culpabilité de Bernard X..., s'est contenté d'énoncer que ses ouvriers n'avaient pas respecté les instructions de sécurité qu'il leur avait données, ce qui suffisait à démontrer qu'il ne les avait pas assez sensibilisés quant à leur caractère impératif et quant aux risques encourus ; que, par ces motifs, l'arrêt attaqué n'a relevé aucune des fautes qui étaient pourtant exigées par la loi pour retenir la culpabilité du prévenu, et a privé sa décision de base légale" ;

"2°) alors que, selon le même texte, les juges, pour imputer à une personne une infraction d'imprudence, sont tenus de caractériser avec certitude l'existence d'un lien de causalité direct ou indirect entre le comportement du prévenu et le préjudice causé à la victime ; qu'en l'espèce, les juges du fond ont expressément reconnu, d'une part, que le vent très faible au jour des faits ne pouvait être la cause du basculement et, d'autre part, qu'il avait été impossible de déterminer quel élément extérieur avait pu survenir pour entraîner ce basculement ; que, dans ces conditions, alors que le lestage avait justement pour fonction d'empêcher que certains éléments extérieurs ne fassent basculer la banche, les juges ne pouvaient juger que les insuffisances du lestage étaient à l'origine de l'accident, et imputer en conséquence à Stéphane X... l'infraction de blessures par imprudence sans violer les articles 121-3 et 222-19 du code pénal" ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure qu'un ouvrier intérimaire, mis à la disposition de la société "l'Entreprise Dijonnaise" dont Bernard X... est le président, a été blessé à la suite d'une chute d'une hauteur de plus de dix mètres survenue alors que la banche sur laquelle il se trouvait au niveau du troisième étage d'un immeuble en construction a basculé après qu'il eut décroché les élingues la reliant à la grue utilisée pour la mettre en place ; que l'enquête a démontré que la banche avait basculé pour n'avoir pas été suffisamment et solidement stabilisée en position verticale en raison d'un lestage insuffisant, d'un point d'accrochage de l'étai à la banche incorrect et de l'utilisation d'un seul étai ; qu'à la suite de cet accident, Bernard X... a été renvoyé devant le tribunal correctionnel, notamment, pour blessures involontaires ;

Attendu que, pour déclarer Bernard X... coupable de ce chef, l'arrêt retient que l'étayage conçu par le fabricant pour maintenir la banche en position verticale n'a pas été mis en place ; que les juges ajoutent qu'en ne prenant pas les mesures de formation de son personnel qui s'imposaient pour que soient respectées les spécifications et les normes de sécurité fixées par le fabricant, le prévenu a commis une faute à l'origine de l'insuffisance d'étayage de la banche dont le basculement n'a pu être évité, entraînant ainsi la chute de l'ouvrier ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations, d'où il résulte que le prévenu, qui a contribué à créer la situation ayant permis la réalisation du dommage et n'a pas pris les mesures permettant de l'éviter, a commis une faute caractérisée et qui exposait autrui à un risque d'une particulière gravité qu'il ne pouvait ignorer, au sens de l'article 121-3, alinéa 4, du code pénal, la cour d'appel a justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen doit être écarté ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Joly conseiller doyen faisant fonction de président en remplacement du président empêché, M. Beauvais conseiller rapporteur, Mme Anzani conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Krawiec ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 08-85073
Date de la décision : 17/02/2009
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Dijon, 26 juin 2008


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 17 fév. 2009, pourvoi n°08-85073


Composition du Tribunal
Président : M. Joly (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Bachellier et Potier de La Varde, SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2009:08.85073
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