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13/01/2009 | FRANCE | N°07-19961

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 13 janvier 2009, 07-19961


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 27 juin 2007), que la commune d'Hyères a constitué un lotissement dont le cahier des charges, en date du 20 mai 1930, prévoit dans son article 16 que sur chaque lot devra être construit une maison d'habitation, mais qu'il ne pourra en être construit qu'une seule ; que les consorts X..., colotis, ayant, en 2003, assigné la société civile immobilière Le Levant (la SCI), autre coloti, afin qu'il soit jugé, notamment, que les obligations personnelles ré

sultant du cahier des charges qui n'emportaient création d'aucune se...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 27 juin 2007), que la commune d'Hyères a constitué un lotissement dont le cahier des charges, en date du 20 mai 1930, prévoit dans son article 16 que sur chaque lot devra être construit une maison d'habitation, mais qu'il ne pourra en être construit qu'une seule ; que les consorts X..., colotis, ayant, en 2003, assigné la société civile immobilière Le Levant (la SCI), autre coloti, afin qu'il soit jugé, notamment, que les obligations personnelles résultant du cahier des charges qui n'emportaient création d'aucune servitude réelle affectant leur lot étaient caduques, la SCI, soutenant que la construction édifiée sur leur lot par les consorts X... n'était pas conforme au cahier des charges ayant valeur contractuelle en a demandé reconventionnellement la démolition ;

Sur le premier moyen :

Vu l'article L. 315-2-1 du code de l'urbanisme, applicable à la cause, ensemble les articles 1134 et 1143 du code civil ;

Attendu que lorsqu'un plan local d'urbanisme ou un document d'urbanisme en tenant lieu a été approuvé, les règles d'urbanisme contenues dans les documents approuvés d'un lotissement cessent de s'appliquer au terme de dix années à compter de la délivrance de l'autorisation de bâtir ; que les dispositions du premier de ces textes ne remettent pas en cause les droits et obligations régissant les rapports des colotis entre eux contenus dans le cahier des charges du lotissement, ni le mode de gestion des parties communes en vigueur ;

Attendu que pour rejeter la demande de la SCI, l'arrêt retient que les dispositions qui réglementaient les constructions susceptibles d'être édifiées dans le lotissement, en ce qu'elles sont relatives à la nature, aux conditions et à la densité de l'occupation des sols, constituent des règles d'urbanisme susceptibles d'être atteintes par la caducité prévue par l'article L. 315-21-1 du code de l'urbanisme, sauf à ce qu'il leur ait été conféré un caractère contractuel, qu'en application de l'article L. 111-5 du code de l'urbanisme, la seule reproduction d'un règlement de lotissement dans un cahier des charges, un acte ou une promesse de vente ne confère pas à ce document un caractère contractuel, sauf volonté expresse des colotis ou des lotisseurs qui n'est pas caractérisé en l'espèce ; que l'arrêt en déduit qu'en l'absence de toute contractualisation, l'article 16 du cahier des charges est caduc et ne peut fonder la demande de démolition formée par la SCI ;

Qu'en statuant ainsi alors que les dispositions de l'article L. 315-2-1 du code de l'urbanisme ne remettent pas en cause les droits et obligations régissant les rapports des colotis entre eux contenus dans le cahier des charges, que ce document, quelle que soit sa date, approuvé ou non, revêtant un caractère contractuel, ses clauses engagent les colotis entre eux pour toutes les stipulations qui y sont contenues et que les dispositions de l'article 11 du cahier des charges ne constituant pas un règlement de lotissement préexistant susceptible d'être reproduit dans le cahier des charges, l'article L. 111-5 du code de l'urbanisme n'est pas applicable, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il a déclaré l'appel recevable, l'arrêt rendu le 27 juin 2007, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, sauf sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ;

Condamne les consorts X... et M. Y..., ensemble, aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande des consorts X... et de M. Y..., les condamne à payer à la SCI Le Levant la somme de 2 500 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du treize janvier deux mille neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, avocat aux Conseils pour la SCI Le Levant.

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit que le lot n°303 appartenant aux consorts X... n'était grevé d'aucune servitude réelle, dit que les dispositions de l'article 16 du cahier des charges en date du 20 mai 1930 étaient caduques en application de l'article L 315-2-1 du Code de l'urbanisme, et débouté en conséquence la SCI Le Levant de sa demande de démolition,

AUX MOTIFS QU'il résulte de l'article L 315-2-1 du Code de l'urbanisme que lorsqu'un plan local d'urbanisme ou un document d'urbanisme en tenant lieu a été approuvé, les règles d'urbanisme contenues dans les documents approuvés d'un lotissement cessent de s'appliquer au terme de 10 années à compter de la délivrance de l'autorisation de lotir, mais que lorsqu'une majorité de colotis a demandé le maintien de ces règles, elles ne cessent de s'appliquer qu'après décision expresse de l'autorité compétente prise après enquête publique, et que ces dispositions ne remettent pas en cause les droits et obligations régissant les rapports des colotis entre eux contenus dans le cahier des charges du lotissement, ni le mode de gestion des parties communes en vigueur ; qu'il convient de distinguer deux ordres de réglementation, la première contractuelle constituée par le cahier des charges, et la seconde réglementaire constituée par le règlement ; qu'en l'espèce, seul un document intitulé cahier des charges a été établi, comprenant l'ensemble des règles relatives au lotissement, quelle que soit leur nature ; que l'article 16 du cahier des charges en date du 20 mai 1930 prévoit notamment que « Sur chaque lot, il devra être construit une maison d'habitation mais il ne pourra en être construit qu'une seule. La superficie occupée ne pourra en aucun cas excéder : a) le quart de la contenance totale du lot pour une seule maison d'habitation – b) le tiers de ladite contenance pour l'ensemble des constructions » ; que ces dispositions qui réglementent les constructions susceptibles d'être édifiées dans le lotissement, en ce qu'elles sont relatives à la nature, aux conditions, et à la densité de l'occupation des sols, constituent des règles d'urbanisme susceptibles d'être atteintes parla caducité prévue par l'article L 315-2-1 du Code de l'urbanisme, sauf à ce qu'il leur ait été conféré un caractère contractuel ; qu'en outre, dans la mesure où les règles relatives aux constructions constituent des règles d'urbanisme, elles ne peuvent être considérées comme des servitudes grevant à titre réel le lot appartenant aux consorts X... ; qu'en application de l'article L 111-5 du Code de l'urbanisme, la seule reproduction d'un règlement de lotissement dans un cahier des charges, un acte ou une promesse de vente ne confère pas à ce document un caractère contractuel sauf volonté expressément exprimée de lui conférer ce caractère ; que la contractualisation d'un règlement de lotissement ou d'une règle d'urbanisme doit donc résulter d'une prise de position claire des colotis ou du lotisseur ; qu'en l'espèce, il n'est fourni aucun élément de nature à démontrer la volonté des colotis ou de la commune de Hyères de s'imposer contractuellement entre eux les règles d'urbanisme particulières au lotissement, la seule mention du cahier des charges dans le titre de propriété étant insuffisante à caractériser cette volonté ; qu'en l'absence de contractualisation, l'article 16 du cahier des charges est donc caduc et ne peut fonder la demande de démolition formée par la SCI Le Levant ;

1°) ALORS QUE seules les mentions ou reproductions des documents d'urbanisme préexistants définis par l'autorité administrative ou du règlement de lotissement échappent au caractère contractuel d'un cahier des charges, document contractuel, dans la mesure où les colotis n'ont pas clairement entendu les intégrer au titre des clauses contractuelles ; qu'en retenant cependant, pour déclarer caduc l'article 16 du cahier des charges, que les « dispositions » de cet article réglementant les constructions susceptibles d'être édifiées dans le lotissement constituaient des règles d'urbanisme, et en excluant ainsi leur caractère contractuel, la cour d'appel a violé les article L 315-2-1 et L 111-5 du Code de l'urbanisme ;

2°) ALORS, SUBSIDIAIREMENT, QU'il appartient au juge de rechercher, pour se prononcer sur son caractère contractuel ou réglementaire, si la clause par laquelle le cahier des charges prévoit que chaque lot ne pourra recevoir qu'une seule maison d'habitation et fixant des seuils d'occupation ne constitue pas, au-delà d' une simple règle d'urbanisme, une stipulation contractuelle du cahier des charges régissant les rapports des colotis entre eux et définissant la nature du lotissement, la vue dont ils pouvaient bénéficier, le cadre de vie, la densité ou le caractère architectural qu'ils ont voulu s'imposer ; qu'en se bornant à retenir, pour affirmer que l'article 16 du cahier des charges constituait une règle d'urbanisme, qu'il réglementait les constructions susceptibles d'être édifiées dans le lotissement en ce qu'il est relatif à la nature, aux conditions et à la densité de l'occupation des sols, sans rechercher, comme elle y était pourtant invitée, si ces règles régissant les rapports des colotis entre eux et visant à préserver leur environnement notamment visuel, l'unité architecturale du lotissement, l'aspect des constructions, le caractère sensible du site sur la presqu'île de Giens et sa densité de construction, manifestant la volonté des colotis de définir l'aspect d'ensemble du lotissement et de s'imposer des restrictions à cet égard, ne caractérisait pas sa nature contractuelle, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L 315-2-1 et L 111-5 du Code de l'urbanisme ;

3°) ALORS, PLUS SUBSIDIAIREMENT, QUE lorsqu'un plan local d'urbanisme ou un document d'urbanisme en tenant lieu a été approuvé, les règles d'urbanisme contenues dans les documents approuvés d'un lotissement cessent de s'appliquer au terme de dix années à compter de la délivrance de l'autorisation de lotir ; qu'en se bornant à retenir que les stipulations de l'article 16 du cahier des charges constituaient des règles d'urbanisme susceptibles d'être atteintes par la caducité prévue par l'article L 315-2-1, puis qu'en l'absence de contractualisation, cet article était donc caduc, sans constater, ainsi qu'elle y était légalement tenue, qu'un plan local d'urbanisme ou un document d'urbanisme en tenant lieu aurait été approuvé, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L 315-2-1 du Code de l'urbanisme ;

4°) ALORS, EGALEMENT SUBSIDIAIREMENT, QUE le juge ne peut retenir la caducité des règles d'urbanisme contenues dans les documents approuvés d'un lotissement sans rechercher, au besoin d'office, s'il a été procédé aux formalités d'affichage prévues aux fins d'information des colotis ; qu'en affirmant cependant que l'article 16 du cahier des charges était caduc en application de l'article L 315-2-1 sans rechercher, ainsi qu'elle y était légalement tenue, si les formalités d'affichage avaient bien été effectuées, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L 315-2-1 et R 315-44-1 du Code de l'urbanisme.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit que le lot n° 303 appartenant aux consorts X... n'était grevé d'aucune servitude réelle, et débouté la SCI Le Levant de sa demande de démolition,

AUX MOTIFS QUE dans la mesure où les règles relatives aux constructions constituent des règles d'urbanisme, elles ne peuvent être considérées comme des servitudes grevant à titre réel le lot appartenant aux consorts X... ;

1°) ALORS QUE le juge ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; qu'en affirmant pourtant de son propre mouvement, pour juger que le lot n°303 appartenant aux consorts X... n'était grevé d'aucune servitude réelle, que dans la mesure où les règles relatives aux constructions constituent des règles d'urbanisme, elles ne peuvent être considérées comme des servitudes grevant à titre réel le lot appartenant aux consorts X..., sans avoir invité les parties à s'expliquer à cet égard, la cour d'appel a violé l'article 16 du Code de procédure civile ;

2°) ALORS QUE les restrictions aux droits de propriété des colotis relatives aux possibilités de construction constituent des servitudes réelles grevant les lots quand bien même elles résulteraient de règles d'urbanisme ; qu'en affirmant cependant que dans la mesure où les règles relatives aux constructions constituent des règles d'urbanisme, elles ne peuvent être considérées comme des servitudes grevant à titre réel le lot appartenant aux consorts X..., la cour d'appel a violé les articles 637 du Code civil et R 315-5 et R 315-6 du Code de l'urbanisme;

3°) ALORS, SUBSIDIAIREMENT, QUE la violation d'une règle d'urbanisme d'un lotissement peut fonder la demande en démolition d'un coloti ;qu'en se bornant à affirmer, pour débouter la SCI Le Levant de sa demande tendant à la condamnation des consorts X... à « démolir la construction implantée sur leur lot en raison de son absence de conformité à l'article 16 du cahier des charges », que les « dispositions » de cet article constituant des règles d'urbanisme, elles ne pouvaient être considérées comme des servitudes grevant à titre réel le lot des consorts X..., la cour d'appel a statué par un motif inopérant puisqu'impropre à exclure la demande de démolition formée par la SCI Le Levant, et a ainsi privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 07-19961
Date de la décision : 13/01/2009
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 27 juin 2007


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 13 jan. 2009, pourvoi n°07-19961


Composition du Tribunal
Président : M. Weber (président)
Avocat(s) : Me Odent, SCP Nicolaý, de Lanouvelle, Hannotin

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2009:07.19961
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