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17/12/2008 | FRANCE | N°07-42065

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 17 décembre 2008, 07-42065


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M.
X...
a été engagé le 1er novembre 1978 en qualité de livreur préparateur par la société Farpal, aux droits de laquelle se trouve la société Pomona Episaveurs ; qu'il a été licencié le 15 mars 2004 pour motif économique ; que le salarié a saisi la juridiction prud'homale aux fins de se voir reconnaître la qualification de cadre et d'obtenir la condamnation de l'employeur au paiement de diverses sommes à titre de rappel de salaire, d'heures supplémentaires,

de repos compensateur et de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réel...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M.
X...
a été engagé le 1er novembre 1978 en qualité de livreur préparateur par la société Farpal, aux droits de laquelle se trouve la société Pomona Episaveurs ; qu'il a été licencié le 15 mars 2004 pour motif économique ; que le salarié a saisi la juridiction prud'homale aux fins de se voir reconnaître la qualification de cadre et d'obtenir la condamnation de l'employeur au paiement de diverses sommes à titre de rappel de salaire, d'heures supplémentaires, de repos compensateur et de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Sur le premier moyen :

Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt d'avoir dit le licenciement fondé sur un motif économique, alors selon le moyen :

1° / que le licenciement prononcé en vue de la sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise n'est justifié que si les difficultés financières invoquées par l'employeur compromettent durablement ses résultats ; que dans ses conclusions d'appel, il faisait valoir que, pour l'exercice 2003-2004, la société Pomona Epivaseurs s'était félicitée de ses bons résultats en indiquant qu'« au titre de l'exercice 2003-2004, le montant de la participation que percevront près de 8 000 personnes s'élève à une somme globale de 10 600 000 euros » ; qu'en s'abstenant dès lors de rechercher si les difficultés financières invoquées par la société Pomona Epivaseurs au titre des exercices 2001-2002 et 2002-2003 n'avaient pas un caractère simplement passager, de sorte qu'elles ne justifiaient pas son licenciement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 321-1 du Code du travail ;

2° / que la restructuration de la société ne suffit pas à elle seule à justifier un licenciement pour motif économique ; qu'en retenant en définitive, pour justifier son licenciement, qu'il « apparaît judicieux, pour améliorer l'offre commerciale sur Cannes de transformer le site de Cannes La Boca en plate-forme d'éclatement et en antenne commerciale avec une centralisation des stocks sur le site de Loriol du Contat et que « le motif économique est donc avéré, cependant que l'amélioration de l'offre commerciale de la société Pomona Epivaseurs ne pouvait constituer un motif économique de nature à justifier son licenciement, la cour d'appel a violé l'article L. 321-1 du code du travail ;

Mais attendu que la cour d'appel, qui a retenu que l'employeur justifiait de difficultés financières pour les exercices 2001-2002 et 2002-2003 et qu'il avait ainsi envisagé une restructuration de l'entreprise en vue d'en sauvegarder la compétitivité, en a exactement déduit que le licenciement du salarié était justifié par un motif économique ; que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le second moyen pris en sa première branche :

Vu l'article 1er, 3° de l'annexe IV de la convention collective des entrepôts d'alimentation modifié par l'avenant n° 16 du 3 octobre 1974 ;

Attendu que pour débouter le salarié de sa demande tendant à ce que lui soit reconnu la qualité de cadre avec toutes conséquences sur le rappel de salaire, la cour d'appel a retenu que devaient être considérés comme cadres les salariés, qui, outre la technicité de leur fonction, exerçaient sous la responsabilité personnelle, le commandement ou la direction sur un personnel d'exécution, bénéficiant ainsi d'une autorité permanente leur permettant d'assumer des décisions engageant l'entreprise et que tel n'était pas le cas de M.
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lequel se bornait à assurer les commandes, suivre le tonnage des fournisseurs et veiller au respect des règles d'hygiène sans personnel sous ses ordres ;

Attendu cependant qu'aux termes de l'article 1er, 3° de l'annexe IV de la convention collective des entrepôts d'alimentation, sont généralement considérés comme cadres les salariés remplissant au moins l'une des trois conditions suivantes : exercer effectivement, sous leur responsabilité personnelle, des fonctions de commandement ou de direction sur un personnel d'exécution, exercer des fonctions techniques, administratives, commerciales ou financières ou de questions sociales en raison de leurs diplômes ou de connaissances équivalentes qui leur ont été reconnues, bénéficier d'une autorisation permanente, dans les limites de la compétence qui leur a été reconnue, leur permettant de prendre sous leur responsabilité personnelle les décisions engageant l'entreprise ;

Qu'en se déterminant comme elle a fait, sans rechercher si le salarié ne pouvait remplir les conditions alternatives exigées par le texte, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du second moyen :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a débouté le salarié de sa demande tendant à se voir reconnaître la qualité de cadre et des demandes en rappel de salaire afférentes, l'arrêt rendu le 12 février 2007, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ;

Condamne la société Pomona Episaveurs aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Pomona Episaveurs à payer la somme de 2 500 euros à M.
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;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept décembre deux mille huit.

Le conseiller referendaire rapporteur le president

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par Me Balat, avocat aux Conseils pour M.
X...
.

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir dit que le licenciement de Monsieur Didier
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reposait sur un motif économique dû à la suppression de son poste ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE la lettre de licenciement du 15 mars 2004 fait état, et de façon précise, des difficultés économiques de la société puisqu'elle mentionne le montant exact des pertes pour les exercices 2001-2002 et 2002-2003 ; que d'autre part, elle explique clairement que c'est pour « redresser cette situation délicate », autrement dit sauvegarder la compétitivité de l'entreprise, qu'elle a décidé de la réorganiser (la forme de la restructuration étant précisément explicitée) ; qu'il est d'ailleurs évident qu'une situation gravement déficitaire pendant plusieurs années met en cause la pérennité de l'entreprise ; que donc cette lettre, qui énonce aussi la conséquence de la réorganisation sur l'emploi du salarié, satisfait aux exigences légales de motivation ; que de surcroît, elle est étayée par de nombreuses pièces comptables : bilans, comptes de résultats, rapport du commissaire aux comptes qui attestent la véracité des dires de l'employeur ; que c'est à lui qu'incombe le choix du plan de restructuration pour sauvegarder la compétitivité ; qu'en l'occurrence, il apparaît judicieux, pour améliorer l'offre commerciale sur CANNES, de transformer le site de CANNES LA BOCA en plate-forme d'éclatement et en antenne commerciale avec une centralisation des stocks sur le site de LORIOL DU COMTAT ; que le motif économique est donc avéré et le licenciement justifié dès lors que l'employeur a satisfait à son obligation de reclassement ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE la lettre de licenciement précisait de manière détaillée les raisons pour lesquelles la Société SAS POMONA EPISAVEURS avait été amenée à prendre une telle mesure ; qu'en effet, dans le cadre de la réorganisation de ses services administratifs, de gestion et de stockage, celle-ci a décidé de les centraliser en regroupant LORIOL DU COMTAT et VILLENEUVE D'ASCQ au sein d'une même direction, et ainsi supprimer notamment le poste occupé par Monsieur
X...
à CANNES LA BOCCA ; que la SAS POMONA EPISAVEURS considérait que la mutation imposée à Monsieur
X...
était indispensable à la bonne gestion de l'entreprise, en constatant qu'elle était consécutive à une réorganisation de l'entreprise nécessaire à la sauvegarde ou à la compétitivité de celleci ; que par décision du 12 mai 2005, la Direction départementale du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle, a donné son autorisation pour le licenciement économique de Messieurs
Z...
et
Y...
, deux salariés protégés aussi concernés pour la même procédure de licenciement que Monsieur
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; que les décisions stratégiques de centralisation de la Société SAS POMONA EPISAVEURS correspondent bien à un impératif de compétitivité ;

ALORS, D'UNE PART, QUE le licenciement prononcé en vue de la sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise n'est justifié que si les difficultés financières invoquées par l'employeur compromettent durablement ses résultats ; que dans ses conclusions d'appel (déposées le 28 décembre 2006, p. 5 § 4 et p. 6), Monsieur
X...
faisait valoir que, pour l'exercice 2003-2004, la Société POMONA EPISAVEURS s'était félicitée de ses bons résultats en indiquant qu'« au titre de l'exercice 2003-2004, le montant de la participation que percevront près de 8. 000 personnes s'élève à une somme globale de 10. 600. 000 » ; qu'en s'abstenant dès lors de rechercher si les difficultés financières invoquées par la Société POMONA EPISAVEURS au titre des exercices 2001-2002 et 2002-2003 n'avaient pas un caractère simplement passager, de sorte qu'elles ne justifiaient pas le licenciement de Monsieur
X...
, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 321-1 du Code du travail ;

ALORS, D'AUTRE PART, QUE la restructuration de la société ne suffit pas à elle seule à justifier un licenciement pour motif économique ; qu'en retenant en définitive, pour justifier le licenciement de Monsieur
X...
, qu'il « apparaît judicieux, pour améliorer l'offre commerciale sur CANNES, de transformer le site de CANNES LA BOCA en plate-forme d'éclatement et en antenne commerciale avec une centralisation des stocks sur le site de LORIOL DU COMTAT » et que « le motif économique est donc avéré (…) » (arrêt attaqué, p. 5 § 2 et 3), cependant que l'amélioration de l'offre commerciale de la Société POMONA EPISAVEURS ne pouvait constituer un motif économique de nature à justifier le licenciement de Monsieur
X...
, la cour d'appel a violé l'article L. 321-1 du Code du travail.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Monsieur Didier
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de sa demande tendant à ce que lui reconnu le statut de cadre, avec toutes conséquences en matière d'arriérés de salaire ;

AUX MOTIFS QUE le juge départiteur, dans le litige opposant Monsieur
X...
à la Société FARPAL, a pertinemment souligné qu'aucune conséquence ne peut être tirée de la mention « statut de cadre selon l'article 36 » figurant sur l'avenant du 1er août 1994 au contrat de travail, lequel n'avait pour objet que de faire bénéficier le salarié du régime de retraite des cadres, qui pouvait s'appliquer dès lors qu'il était classé au coefficient 200 en qualité d'agent de maîtrise ; qu'en ce qui concerne les fonctions d'autorité que Monsieur
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se targue d'avoir exercées, cette assertion n'est étayée par aucun élément probant ; que le seul fait qu'un cadre responsable des produits frais, Monsieur
A...
, n'ait jamais eu, suivant diverses attestations produites, du personnel sous ses ordres, ne saurait impliquer ipso facto que Monsieur
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aurait lui aussi bénéficié nécessairement du statut de cadre ;

ALORS, D'UNE PART, QUE la qualité de cadre s'apprécie surtout au regard des termes de la convention collective applicable au salarié concerné ; qu'en refusant à Monsieur
X...
la qualité de cadre, au vu d'une définition abstraite de ce statut, sans référence aux critères posés par l'annexe IV, article 1er, 3°, de la Convention collective des Entrepôts d'alimentation applicable en l'espèce, qui définit la qualité de cadre au regard de trois critères alternatifs (fonctions de commandements, technicité de la tâche, autonomie autorisant la prise de décisions engageant l'entreprise), la cour d'appel a violé ce texte ;

ALORS, D'AUTRE PART, QUE la qualité de cadre n'est pas réservée au salarié qui exerce des fonctions de commandement ; qu'en privilégiant à tort la notion de commandement et en relevant, pour refuser à Monsieur
X...
le statut de cadre, le fait qu'il n'avait aucun personnel sous ses ordres, sans rechercher s'il ne disposait pas d'une certaine autonomie dans l'accomplissement de sa mission, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'annexe IV, article 1er, 3°, de la Convention collective des Entrepôts d'Alimentation ;

ALORS, ENFIN, QUE la convention légalement formée fait la loi des parties ; qu'en estimant que la mention de l'avenant du 1er août 1994 reconnaissant à Monsieur
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la qualité de cadre n'avait aucune incidence, cependant que cette convention signée par l'employeur et le salarié faisait la loi des parties, la cour d'appel a violé l'article 1134 du Code civil.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 07-42065
Date de la décision : 17/12/2008
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 12 février 2007


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 17 déc. 2008, pourvoi n°07-42065


Composition du Tribunal
Président : M. Texier (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Balat, Me Luc-Thaler

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2008:07.42065
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