LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Vu leur connexité, joint les pourvois n° H 07-42.331 et G 07-42.332 ;
Sur le moyen unique, commun aux pourvois :
Attendu, selon les arrêts attaqués (Colmar, 13 mars 2007), que MM. X... et Y..., cadres dirigeants au sein de la société Smat, ont été licenciés le 26 février 2003 pour faute lourde ;
Attendu que les salariés font grief aux arrêts de dire les licenciements justifiés par une faute grave et de les débouter de leur demandes en paiement d'indemnités, alors, selon le moyen :
1°/ que le juge doit apprécier les motifs de licenciement tels qu'ils sont énoncés dans la lettre de licenciement ; qu'ainsi en l'espèce ou la lettre de licenciement reprochait aux salariés « un dénigrement médiatisé » de la politique de l'entreprise, la cour d'appel, en retenant que constituait une faute grave la diffusion dans l'entreprise d'écrits alarmistes sur la situation de celle-ci, sans relever les manifestations d'une médiatisation de ces propos, a violé les articles L. 122-14-2 et L. 122-6 du code du travail ;
2°/ que la lettre de licenciement fixe les limites du débat ; qu'en considérant que le licenciement pour faute grave était justifié par les propos tenus dans deux documents des 11 novembre 2002 et 9 février 2003 qui n'étaient pas invoqués dans la lettre de licenciement, la cour d'appel a violé les articles L. 122-14-2 et L. 122-6 du code du travail ;
3°/ qu'en considérant, pour juger que les salariés avaient commis une faute grave en attirant l'attention des personnes intéressées sur la situation alarmante de la SAS Smat, que la SC Smat Partenaires, dont ils étaient associés et qui détenaient le capital de la SAS, était une société tierce par rapport à celle ci, la cour d'appel a violé l'article L. 122-6 du code du travail ;
Mais attendu qu'analysant les griefs énoncés dans la lettre de licenciement, laquelle n'avait pas à mentionner les éléments de preuve produits, la cour d'appel a constaté que les salariés avaient dénigré l'entreprise qui les employait tant auprès du personnel que des partenaires du groupe, et mis en cause son dirigeant dans un écrit diffusé au sein de l'entreprise, dans des termes injurieux ; qu'elle a pu décider que ces faits, que ne pouvait justifier leur qualité d'actionnaires, caractérisaient un manquement à l'obligation de loyauté et constituaient une faute grave ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne MM. X... et Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trois décembre deux mille huit.
Moyen annexé au présent arrêt
Moyen identique produit aux pourvois n° H 07-42.331 et G 07-42.332 par la SCP Bachellier et Potier de la Varde, avocat aux Conseils pour MM. X... et Y....
MOYEN DE CASSATION
Le moyen reproche à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit que le licenciement était justifié par une faute grave et d'avoir débouté le salarié de sa demande en paiement d'indemnités ;
AUX MOTIFS QU'il convient d'indiquer au préalable que le salarié est associé de la société civile des cadres SMAT Partenaires qui détient le capital de la SAS SMAT dont il est salarié ; que contrairement à ce qu'il a laissé entendre dans ses conclusions, il ne cumulait pas les qualités d'associé et de salarié au sein de la SAS SMAT ; que cette qualité d'associé d'une société tierce ni ne le libérait de ses obligations de salarié vis-à-vis de l'employeur ni ne les atténuait ; en particulier si le salarié dispose d'une liberté d'expression dans l'entreprise qui est plus large que le seul droit d'expression prévu à l'article L 461-1 du code du travail, c'est à la condition de ne pas abuser de cette liberté ; à cet égard que dans une lettre datée du 11 novembre 2002, dénommée « et diffusée dans l'entreprise mémorandum concernant la situation du groupe SMAT », et diffusée dans l'entreprise, MM. Y... et X... ont dénoncé la situation alarmante à leurs yeux du groupe dont fait partie la SAS SMAT et mis en cause son dirigeant en ce qu'il aurait commis des erreurs et irrégularités de gestion et notamment des faits susceptibles de recevoir une qualification pénale puisque ce dirigeant y est accusé de détournement à son profit d'une partie des « capitaux souscrits » dans le cadre d'une police d'assurance ; que dans une autre lettre datée du 2 février 2003 et adressée à trois partenaires du groupe SMAT, les mêmes les ont informés du conflit très marqué qui les oppose au dirigeant du groupe, ont fait état de sa situation « alarmante » et de manoeuvres de « déstabilisation » ; enfin dans une « note confidentielle aux associés de la SC SMAT Partenaires » en date du 9 février 2003 qui a fait l'objet d'une large diffusion au sein de l'entreprise, MM. Y... et X... relatent dans le détail le différend profond et aigu avec le dirigeant du groupe SMAT avec la communication de diverses pièces relatives à des projets de cession de leurs parts sociales dans la SC SMAT Partenaires ; que ces correspondances relèvent de l'abus de la liberté d'expression du salarié en ce que le dirigeant du groupe y est publiquement considéré comme incompétent, multipliant les erreurs de gestion et désigné comme une personne malhonnête ayant commis un abus de biens social ; que la liberté d'expression du salarié dans l'entreprise, qui implique un droit de critique, ne doit pas dégénérer en un dénigrement de l'employeur en des termes particulièrement péjoratifs et infamants exprimés sans mesure ni précaution ; que de plus la révélation publique d'un conflit aigu opposant un chef d'entreprise à deux des cadres dirigeants ne pouvait que semer le trouble dans le personnel et les partenaires de l'entreprise qui ne pouvaient que douter de sa pérennité compte tenu de l'intensité de ce conflit et des discordes profondes voire insurmontables mises à jour ; de surcroît que les lettres adressées à l'employeur selon diverses modalités par MM. Y... et X... et rendues publiques sont rédigées en des termes excessifs et traduisent une indifférence quant à leur impact sur l'entreprise et une absence de prise en compte des intérêts de cette dernière alors qu'occupant des postes de haut niveau, ils avaient nécessairement conscience que l'exposition publique de divergences aussi profondes ne pouvait que la déstabiliser ; enfin au nom de la liberté de l'expression, ils ne pouvaient joindre en annexe de ces correspondances des projets de cession de parts dans la SC SMAT Partenaires qui étaient des documents confidentiels insusceptibles d'être rendus publiques sans susciter une incertitude sur le futur de l'entreprise auprès du personnel et des partenaires de la SAS SMAT, dont la SC SMAT Partenaires est le principal actionnaire ; que les circonstances ci-dessus exposées révèlent un comportement fautif tenant en un abus de la liberté d'expression du salarié se traduisant par les griefs de dénigrement, de déstabilisation de l'entreprise et d'exécution de mauvaise foi du contrat de travail exposés dans la lettre de licenciement qui, au vu de ce qui précède, ont un caractère réel ; que ces fautes ne peuvent être qualifiées de fautes lourdes dans la mesure où la SAS SMAT n'apporte pas la preuve que le salarié ait cherché à nuire à l'entreprise ; en effet son comportement peut tout aussi bien s'expliquer par une volonté de défendre ses intérêts d'associé de la SC SMAT Partenaires et non de porter délibérément préjudice à son employeur ; en tout état de cause elles constituent des fautes graves en ce que l'expression sans retenue et sans mesure de critiques virulentes et infamantes à l'égard de l'employeur rendait impossible le maintien du contrat de travail même pendant le préavis ;
ALORS QUE d'une part le juge doit apprécier les motifs de licenciement tels qu'ils sont énoncés dans la lettre de licenciement ; qu'ainsi en l'espèce où la lettre de licenciement reprochait au salarié un « dénigrement médiatisé » de la politique de l'entreprise, la cour d'appel, en retenant que constituait une faute grave la diffusion dans l'entreprise d'écrits alarmistes sur la situation de celle-ci, sans relever les manifestations d'une médiatisation de ces propos, a violé les articles L 122-14-2 et L 122-6 du code du travail ;
ALORS QUE d'autre part la lettre de licenciement fixe les limites du débat ; qu'en considérant que le licenciement pour faute grave était justifié par les propos tenus dans deux documents des 11 novembre 2002 et 9 février 2003 qui n'étaient pas invoqués dans la lettre de licenciement, la cour d'appel a violé les articles L 122-14-2 et L 122-6 du code du travail ;
ALORS QU'enfin en considérant, pour juger que le salarié avait commis une faute grave en attirant l'attention des personnes intéressées sur la situation alarmante de la SAS SMAT, que la SC SMAT Partenaires, dont il était associé et qui détenait le capital de la SAS, était une société tierce par rapport à celle-ci, la cour d'appel a violé l'article L 122-6 du code du travail.