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06/11/2008 | FRANCE | N°06-45749

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 06 novembre 2008, 06-45749


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué(Amiens, 27 septembre 2006), que M. X..., engagé en juillet 1998 comme monteur par la société Fischbazch et repris par la société Euromaster en application de l'article L. 122-12 du code du travail, a été licencié pour faute lourde le 24 mai 1994 ; que, saisi de diverses demandes par M. X..., le conseil de prud'hommes a, par jugement du 4 septembre 1996, sursis à statuer dans l'attente de la décision pénale à intervenir après le dépôt d'une plainte avec constitution de part

ie civile par l'employeur ; qu'une ordonnance de non-lieu ayant été ren...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué(Amiens, 27 septembre 2006), que M. X..., engagé en juillet 1998 comme monteur par la société Fischbazch et repris par la société Euromaster en application de l'article L. 122-12 du code du travail, a été licencié pour faute lourde le 24 mai 1994 ; que, saisi de diverses demandes par M. X..., le conseil de prud'hommes a, par jugement du 4 septembre 1996, sursis à statuer dans l'attente de la décision pénale à intervenir après le dépôt d'une plainte avec constitution de partie civile par l'employeur ; qu'une ordonnance de non-lieu ayant été rendue le 27 février 1998, le salarié a saisi le conseil de prud'hommes le 13 juin 2002 ; que par jugement du 11 juin 2003, le conseil de prud'hommes a rejeté les moyens de procédure soulevés par la société ; que celle-ci a interjeté appel de ce jugement ; qu'un arrêt du 8 avril 2004 a constaté que la société s'était désistée sans réserve de l'appel formé contre le jugement du 11 juin 2003 ; que statuant au fond le 24 janvier 2005, le conseil de prud'hommes a dit que le licenciement de M. X... était dépourvu de cause réelle et sérieuse et a condamné la société à lui payer diverses sommes ;

Sur le premier moyen, après avis envoyé aux parties :

Attendu que la société fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté les moyens tirés de péremption de l'instance et de l'unicité de l'instance, alors, selon le moyen :

1°/ que les jugements qui ne tranchent pas dans leur dispositif une partie du principal et ne mettent pas fin à l'instance en statuant sur une exception de procédure, une fin de non-recevoir ou un incident, n'ont pas autorité de la chose jugée ; que la cour d'appel a constaté que par jugement avant dire droit du 11 juin 2003, le conseil de prud'hommes d'Amiens a rejeté l'exception d'unicité d'instance soulevée par l'employeur, ordonné la jonction des deux demandes sous le même numéro de répertoire général et ordonné la poursuite de l'instance ; que la cour d'appel aurait du déduire de ses propres constatations que le jugement du 11 juin 2003, qui n'a pas mis fin à l'instance et qui n'a pas tranché une partie du principal, n'avait pas autorité de la chose jugée ; qu'en rejetant les exceptions de péremption et d'unicité de l'instance soulevées par l'employeur au motif que le jugement du 11 juin 2003 était devenu définitif, la cour d'appel a violé l'article 480 du code de procédure civile et l'article 1351 du code civil ;

2°/ que, sauf dans les cas spécifiés par la loi, les jugements qui ne mettent pas fin à l'instance ne peuvent être frappés d'appel indépendamment des jugements sur le fond que s'ils tranchent dans leur dispositif tout ou partie du principal ; que le jugement, qui statue sur la recevabilité de la demande, ne tranche pas une partie du principal ; que la cour d'appel a relevé que par jugement avant dire droit du 11 juin 2003, le conseil de prud'hommes d'Amiens a rejeté l'exception d'unicité d'instance soulevée par l'employeur, ordonné la jonction des deux demandes sous le même numéro de répertoire général et ordonné la poursuite de l'instance ; qu'il s'évinçait de ces énonciations que le jugement du 11 juin 2003, qui n'a pas mis fin à l'instance et n'a pas tranché une partie du principal ne pouvait être frappé d'appel indépendamment du jugement sur le fond ; qu'en rejetant les exceptions de péremption et d'unicité de l'instance soulevées par l'employeur au motif que la société Euromaster France s'était désistée de son appel à l'encontre du jugement du 11 juin 2003, lequel n'était pas recevable, la cour d'appel a violé les articles 544 et 545 du code de procédure civile ;

Mais attendu que les jugements, qui statuent sur une exception de procédure ou une fin de non-recevoir sans mettre fin à l'instance, ne peuvent être frappés d'appel indépendamment des jugements sur le fond, et que l'article 545 du code de procédure civile impose d'interjeter l'appel du jugement avant dire droit et du jugement sur le fond de manière concomitante, ce qui s'entend du même acte ou de deux actes du même jour ; qu'il résulte de l'arrêt et des pièces de la procédure, que l'acte d'appel ne visait que le jugement du 24 janvier 2005, et non le jugement avant dire droit du 11 juin 2003, d'où il suit que ce dernier est irrévocable et que les demandes tendant à voir dire que l'instance était périmée et à opposer le principe tiré de l'unicité de l'instance étaient irrecevables ;

Que par ce moyen de pur droit, substitué à ceux critiqués, la décision se trouve légalement justifiée ; que le moyen ne peut être accueilli ;

Sur le second moyen :

Attendu qu'il est encore fait grief à l'arrêt d'avoir dit que les demandes formulées par le salarié n'étaient pas prescrites, alors, selon le moyen, que l'action en paiement du salaire se prescrit par cinq ans ; que l'effet interruptif de la prescription résultant d'une action portée en justice ne s'étend pas à une seconde demande différente de la première par son objet ; que pour rejeter l'exception de prescription soulevée par l'employeur, la cour d'appel a relevé que les demandes formulées par le salarié le 13 juin 2002 ne faisaient que reprendre celles du 30 juin 1995 ; que la cour d'appel n'a pas vérifié, ainsi qu'elle y était pourtant expressément invitée par l'employeur dans ses conclusions d'appel, si ce n'était que par voie de conclusions transmises le 30 octobre 2002 que M. X... avait formulé une demande de rappel de salaire au titre de sa mise à pied conservatoire, de telle sorte que cette demande, qui n'avait pas le même objet que celles dont le juge était saisi en 1995, par lesquelles le salarié réclamait des dommages-intérêts pour licenciement abusif et différentes sommes à titre d'indemnités de rupture, était prescrite ; qu'en s'abstenant de procéder à cette vérification indispensable, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article L. 143-14 du code du travail et des articles 2277 et 2244 du code civil ;

Mais attendu que la cour d'appel, relevant que le salarié avait, dans sa seconde instance de juin 2002, repris en les chiffrant des demandes déjà exprimées dès la première instance, a procédé à la vérification litigieuse ; que le moyen manque en fait ;

Sur le troisième moyen :

Attendu qu'il est encore fait grief à l'arrêt d'avoir jugé le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, alors, selon le moyen :

1°/ que le juge a l'obligation d'examiner l'ensemble des griefs invoqués par l'employeur dans la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige ; que dans la lettre de licenciement du 24 mai 1995, la société Euromaster France a expressément fait grief au salarié d'avoir réalisé le montage des pneumatiques sur les jantes sans observer la procédure en vigueur dans l'entreprise, à savoir rédiger la fiche diagnostic et procéder à la facturation de la prestation ; que pour dire que le licenciement du salarié était abusif, la cour d'appel a estimé qu'il n'avait pas participé à un trafic de pneus ni à l'exécution d'un travail clandestin ; que la cour d'appel, qui n'a pas examiné le grief tiré d'une violation par le salarié des procédures de facturation et d'établissement obligatoire de fiches diagnostic en vigueur dans l'entreprise, a violé l'article L. 122-14-2 du code du travail ;

2°/ que le licenciement pour faute lourde présente un caractère disciplinaire qu'un fait fautif peut justifier ; que les juges du fond, qui écartent la faute lourde, doivent rechercher si le fait imputé au salarié dans la lettre de licenciement, est constitutif d'une faute grave ou à tout le moins et d'une faute simple ; que le manquement du salarié à son obligation de loyauté et de probité envers son employeur est constitutif d'une faute grave ; que la cour d'appel, qui a relevé que le salarié, monteur, avait effectué un montage de pneus gratuit sur son lieu de travail aurait du en déduire que M. X... en manquant à son obligation de loyauté et de probité envers son employeur avait commis une faute grave ou à tout le moins une faute simple ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les articles L. 122-6, L. 122-8, L. 122-9 et L. 122-14-3 du code du travail ;

3°/ que les juges du fond qui écartent la faute lourde doivent à tout le moins vérifier si les griefs allégués par l'employeur dans la lettre de licenciement présentent ou non un caractère fautif ; que constitue une faute, le fait pour un salarié de manquer à ses obligations à l'égard de l'employeur ; que dans la lettre de licenciement du 24 mai 1995, la société Euromaster France a reproché au salarié d'avoir réalisé le montage des pneumatiques sur les jantes sans observer la procédure en vigueur dans l'entreprise, à savoir rédiger la fiche diagnostic et procéder à la facturation de la prestation ; que la cour d'appel, qui n'a pas vérifié si le salarié avait ou non commis une faute en ne respectant pas les procédures en vigueur dans l'entreprise auxquelles il était tenu en sa qualité de monteur, n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L. 122-14-3 du code du travail ;

Mais attendu que la cour d'appel, qui, examinant les faits reprochés au salarié et les moyens de preuve qui lui étaient soumis, a retenu, d'une part, que la preuve des griefs résultant du rapport d'un détective privé dont le salarié n'avait pas été averti de la présence, était illicite, et d'autre part, qu'en procédant, sans rétribution, à des montages gratuits de pneus pour un coureur automobile, le salarié n'avait fait que se conformer à une pratique commerciale mise en place par son précédent employeur et que le nouveau n'avait ni dénoncée ni interdite, a pu décider qu'aucune faute ne pouvait être retenue à l'encontre de l'intéressé ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Euromaster France aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à M. X... la somme de 2 500 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du six novembre deux mille huit.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 06-45749
Date de la décision : 06/11/2008
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Amiens, 27 septembre 2006


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 06 nov. 2008, pourvoi n°06-45749


Composition du Tribunal
Président : Mme Perony (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Le Prado, SCP Thouin-Palat et Boucard

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2008:06.45749
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