LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Joint les pourvois n° M 06-21. 194, formé par MM. X..., Y..., Z... et A..., et n° E 06-21. 510, relevé par M. B..., qui attaquent le même arrêt ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Pau, 18 septembre 2006), que MM. X..., Y..., Z..., A... et B... étaient associés de la société civile immobilière Star 65 (la SCI), constituée par acte notarié établi en 1991 par M. E...; que la société Banque Courtois (la banque), ayant constaté que la SCI avait bénéficié des agissements irréguliers de l'un de ses préposés, M. F..., a, le 22 septembre 1993, mis en demeure la SCI de lui payer le montant du solde débiteur de son compte puis l'a fait assigner en paiement de cette somme ; que la SCI ayant été mise en redressement judiciaire, un jugement irrévocable du 11 septembre 1996 a constaté qu'il n'était pas contesté que la somme réclamée par la banque avait été mise à la disposition de la SCI et a fixé le montant de la créance de la banque à l'encontre de celle- ci ; qu'en 1999, la banque, n'ayant reçu aucun règlement au titre de la procédure collective de la SCI, a fait assigner en paiement les associés de celle- ci ; que ces derniers ont appelé en garantie M. E...et reconventionnellement demandé que la banque et son préposé soient condamnés à lui payer des dommages- intérêts ; que dans l'instance pénale parallèlement engagée sur constitution de partie civile de la banque, une cour d'appel a, par arrêt irrévocable du 2 avril 2003, confirmé le jugement ayant condamné M. F...pour abus de confiance et MM. X..., Y..., Z..., A... et B..., pour faux, recel, complicité d'abus de confiance et escroquerie, mais l'a infirmé en ce qu'il avait condamné M. E...;
Sur le premier moyen du pourvoi n° E 06-21. 510 :
Attendu que ce moyen ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Sur le premier moyen du pourvoi n° M 06-21. 194 et le deuxième moyen du pourvoi n° E 06-21. 510, réunis :
Attendu que MM. X..., Y..., Z..., A... et B... font grief à l'arrêt de les avoir condamnés à payer chacun une certaine somme à la banque, alors, selon le moyen :
1° / qu'aucune partie n'a soulevé le caractère fictif des cessions de parts, faute de libération totale du capital ; qu'en soulevant d'office ce moyen, sans provoquer la discussion des parties, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;
2° / que la libération totale du capital n'est pas une condition posée pour la cession des parts d'une SCI ; qu'en énonçant le contraire, la cour d'appel a violé l'article 1857 du code civil ;
3° / qu'en relevant que certaines cessions avaient été en partie fictives, faute de libération du capital, sans préciser lesquelles, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1857 du code civil ;
4° / que la Banque Courtois n'exerçait pas une action fondée sur l'existence d'une fraude de MM. X..., Y..., Z... et A... et l'inopposabilité des actes de cession de parts ; qu'en relevant qu'une cession était inopposable au créancier lorsqu'elle avait été faite en fraude à ses droits, la cour d'appel a méconnu les termes du litige, en violation de l'article 4 du code de procédure civile ;
5° / que l'action paulienne, qui permet à un créancier de se voir déclarer inopposable un acte réalisé en fraude à ses droits, suppose l'appauvrissement l'insolvabilité du débiteur au moment de l'acte attaqué et la conscience du dommage qu'il infligeait à ses créanciers ; qu'en ne caractérisant aucune de ces conditions, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1167 du code civil ;
6° / que la publicité des cessions de parts de SCI est effectuée par mention du registre du commerce et des sociétés, tenu par le greffier du tribunal de commerce ; que la cour d'appel a elle- même constaté que certaines cessions avaient été déposées au greffe du tribunal de commerce ; qu'en estimant qu'une publication régulière n'avait pas été effectuée, elle n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et violé les articles 1865 du code civil et 52 du décret du 3 juillet 1978 ;
7° / que les formalités requises pour qu'une cession de parts soit opposable aux tiers ne s'appliquent qu'aux sociétés civiles immatriculées ; qu'en l'espèce, la cour d'appel s'est bornée à retenir qu'à défaut de publication de la cession de parts litigieuse, la cession de M. B..., comme celles des autres associés, était inopposable, sans rechercher si la société avait été immatriculée et donc si la formalité de la publication était requise à la date de ladite cession ; qu'en se déterminant ainsi, le cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1865 du code civil, 4 de la loi du 4 janvier 1978 et 44 de la loi du 15 mai 2001 ;
8° / que le juge ne peut statuer sur des moyens soulevés d'office sans avoir mis, au préalable, les parties à même d'en débattre contradictoirement ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a soulevé d'office les moyens pris du caractère fictif des cessions opérées et de l'application de l'article 1857 du code civil sans que les parties, qui ne les avaient pas envisagées, aient été mises au préalable en mesure d'y répondre ; qu'en se déterminant ainsi, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;
9° / que les associés répondent indéfiniment des dettes sociales à proportion de leurs parts dans le capital social au jour de la cessation des paiements ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a considéré d'office, que les cessions de parts par les associés étaient inopposables à la Banque Courtois dès lors que la SCI avait été placée en redressement judiciaire et qu'en conséquence les associés restaient tenus de toutes les dettes contractées avant la date de la cessation des paiements ; qu'en se déterminant ainsi bien qu'il résulte des propres constatations de l'arrêt que le jugement d'ouverture de la procédure collective est intervenu le 25 septembre 1994 et que la cession des parts de M. B... était intervenue deux ans auparavant soit le 19 octobre 1992, ce dont il résultait que M. B... n'était plus associé de la SCI à la date de la cessation des paiements, la cour d'appel a violé l'article 1857 du code civil ;
Mais attendu qu'après avoir relevé, par les motifs que critique vainement le premier moyen du pourvoi n° E 06-21. 510, que la créance dont la banque réclame le paiement a pour origine non un prêt consenti par la banque mais des sommes que M. F...avait détournées pour les mettre à disposition de la SCI et de ses associés, à des dates échelonnées du 4 octobre 1991 au 31 janvier 1992, l'arrêt retient que si MM. X..., Y..., Z..., A... et B... ont cédé leurs parts de la SCI avant la mise en demeure adressée à celle- ci par la banque le 22 décembre 1993, lesdites cessions sont intervenues, les 19 octobre 1992, 1er décembre 1992 et 19 septembre 1993, à des dates auxquelles la totalité des sommes mises à la disposition de la SCI par M. F...avaient été portées au crédit du compte de la société ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations desquelles il résulte que la créance de restitution de la banque était exigible lors des cessions de parts, et abstraction faite des motifs surabondants critiqués par le moyen, la cour d'appel, qui n'a pas relevé d'office le moyen pris de l'application de l'article 1857 du code civil, a exactement retenu que les associés de la SCI devaient répondre de la dette de celle- ci à proportion de leur part dans le capital social ; que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses branches ;
Sur le deuxième moyen du pourvoi n° M 06-21. 194 :
Attendu que MM. X..., Y..., Z... et A... font grief à l'arrêt d'avoir rejeté leurs demandes de dommages- intérêts formées à l'encontre de M. E..., alors, selon le moyen, que la responsabilité d'un notaire peut être engagée par le fait de ses préposés ; que l'arrêt correctionnel du 2 avril 2003 avait relaxé M. E...en considérant qu'il n'avait pas commis de faute personnelle, mais avait réservé la question de sa responsabilité du fait de son préposé, M. G...; qu'en ne recherchant pas, comme elle y était invitée, si M. G...n'avait pas conseillé un montage fiscal illégal et ainsi commis une faute engageant la responsabilité de son commettant, M. E..., la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1384 du code civil ;
Mais attendu que MM. X..., Y..., Z... et A... s'étant bornés à soutenir devant la cour d'appel que M. E...avait engagé sa propre responsabilité en tant que mandataire, sur le fondement des articles 1991 et 1992 du code civil, le moyen, pris de la responsabilité qu'il aurait pu encourir du fait de son préposé, sur le fondement de l'article 1384 du même code, est nouveau ; qu'il est mélangé de fait et de droit et, partant, irrecevable ;
Sur le troisième moyen du pourvoi n° M 06-21. 194 et le troisième moyen du pourvoi n° E 06-21. 510, réunis :
Attendu que MM. X..., Y..., Z..., A... et B... font grief à l'arrêt de les avoir condamnés à payer des dommages- intérêts à M. E..., alors, selon le moyen :
1° / que l'action en justice est un droit qui ne peut dégénérer en abus qu'en cas d'erreur grossière ; que ne constitue pas une telle erreur le simple fait d'assigner une personne sur le fondement de l'article 1384 du code civil après qu'il a été jugé qu'elle n'avait pas commis de faute personnelle ; qu'en condamnant néanmoins les associés pour procédure abusive, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil ;
2° / que la cour d'appel qui n'a caractérisé aucun fait de nature à faire dégénérer en abus le droit d'appeler en garantie une partie, présente en première instance et sans que le premier juge qui avait débouté la demanderesse n'ait eu à se prononcer sur les appels en garantie, n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 1382 du code civil ;
Mais attendu, d'une part, que les associés n'ont pas soutenu devant la cour d'appel que M. E...aurait engagé sa responsabilité en tant que commettant sur le fondement de l'article 1384 du code civil ;
Et attendu, d'autre part, qu'après avoir relevé que les associés avaient été irrévocablement condamnés du chef d'infractions intentionnelles, l'arrêt retient qu'ils avaient maintenu leurs demandes tendant à être garantis par M. E..., sans démontrer de faute de celui- ci à l'occasion de la rédaction des statuts de la SCI et en dépit des motifs précis de l'arrêt du 2 avril 2003 retenant qu'aucun élément ne permettait de considérer que le notaire avait eu connaissance du mode de financement des PEP des associés et qu'il se soit rendu complice de l'abus de confiance commis par M. F...; qu'en l'état de ces constatations et appréciations faisant ressortir le caractère fautif de demandes qui ne pouvaient qu'être rejetées, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen, qui manque en fait en sa première branche, n'est pas fondé en sa seconde branche ;
Sur le quatrième moyen du pourvoi n° M 06-21. 194 :
Attendu que MM. X..., Y..., Z... et A... font encore grief à l'arrêt d'avoir rejeté leurs demandes de dommages- intérêts formées à l'encontre de la banque, alors, selon le moyen, que le préposé qui agit dans les limites de ses fonctions et à des fins correspondant à ses attributions engage la responsabilité de son commettant ; qu'il résulte des propres constatations de la cour d'appel que M. F..., sous- directeur de banque, a accordé un prêt sans autorisation, en détournant l'argent de clients de la banque qui l'employait ; qu'en estimant que ce seul fait excluait qu'il ait engagé la responsabilité de son employeur, la cour d'appel a violé l'article 1384 du code civil ;
Mais attendu qu'ayant relevé qu'il avait été jugé que les associés étaient soit coauteurs soit receleurs des détournements opérés par M. F..., ce dont il résulte qu'ils n'avaient pu légitimement croire que celui- ci agissait pour le compte de son commettant, la cour d'appel en a exactement déduit que leurs demandes formées contre la banque devaient être rejetées ; que le moyen n'est pas fondé ;
Et sur le cinquième moyen du pourvoi n° M 06-21. 194 :
Attendu que MM. X..., Y..., Z... et A... font enfin grief à l'arrêt d'avoir rejeté leurs demandes de dommages- intérêts formées à l'encontre de M. F..., alors, selon le moyen, que la victime d'un dommage peut se voir opposer sa faute si elle a concouru au dommage, dans une proportion qu'il appartient aux juges du fond d'apprécier ; qu'en se bornant à relever qu'ils avaient été coauteurs ou receleurs des détournements commis par M. F..., sans montrer quel rôle cette faute avait joué dans la production du dommage, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil ;
Mais attendu qu'ayant relevé qu'il avait été jugé que les associés étaient soit coauteurs soit receleurs des détournements opérés par M. F..., ce dont il résulte qu'ils n'en étaient pas les victimes et ne pouvaient à ce titre se prévaloir d'aucun préjudice réparable, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE les pourvois ;
Fait masse des dépens et les met pour moitié, d'une part, à la charge de MM. X..., Y..., Z... et A... et, d'autre part, à la charge de M. B... ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette leurs demandes ; condamne MM. X..., Y..., Z... et A... à payer à la société Banque Courtois la somme globale de 2 500 euros et à M. E...la somme globale de 2 500 euros ; condamne M. B... à payer à la société Banque Courtois la somme de 2 500 euros et à M. E...la somme de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du huit juillet deux mille huit.