LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Vu leur connexité, joint les pourvois n°s M 06-41.687 et J 06-41.685 ;
Attendu, selon les arrêts attaqués, que MM. X... et Y... ont été mis à la disposition de la société Bouillot Menuiserie Agencement (BMA) par diverses entreprises de travail temporaire pour effectuer différentes missions, d'abord entre le mois de janvier et les mois de février-mars 2002, puis entre le 22 juillet et le 19 décembre 2003, en raison d'un accroissement temporaire de l'activité de l'entreprise utilisatrice ; que la société BMA les a ensuite engagés du 5 janvier au 4 mars 2004, par contrats à durée déterminée conclus pour surcroît d'activité qui ont été rompus le 13 février 2004, avant l'échéance du terme, par le mandataire liquidateur de la société mise en liquidation judiciaire par un jugement du 4 février 2004 ; qu'estimant avoir été mis à la disposition de la société BMA afin de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise, les salariés ont saisi la juridiction prud'homale pour obtenir la requalification de ces contrats de travail temporaire en contrats à durée indéterminée, ainsi que le paiement de diverses sommes ;
Sur les premiers moyens :
Vu les articles L. 124-2 et L. 124-2-1 du code du travail ;
Attendu que pour rejeter la demande de requalification des contrats de travail temporaire en contrat à durée indéterminée, les arrêts énoncent que les longs mois écoulés entre les deux groupes de mission de chaque salarié, le faible nombre de contrats dont la régularité intrinsèque n'est pas contestée et la brièveté de la deuxième période d'intérim continu (5 mois en 2003) démontrent que MM. X... et Y... n'occupaient pas un emploi durable même s'il était lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise ;
Attendu, cependant, qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 124-2 du code du travail, le contrat de travail temporaire ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise utilisatrice ; que selon le second alinéa de ce texte, un utilisateur ne peut faire appel à des salariés intérimaires que pour l'exécution d'une tâche précise et temporaire dénommée "mission", et seulement dans les cas énumérés à l'article L. 124-2-1, et notamment en cas d' accroissement temporaire d'activité ; qu'il en résulte que, dans ce dernier cas, le recours à des salariés intérimaires ne peut être autorisé que pour les besoins d'une ou plusieurs tâches résultant du seul accroissement temporaire de l'activité de l'entreprise, notamment en cas de variations cycliques de production, sans qu'il soit nécessaire ni que cet accroissement présente un caractère exceptionnel, ni que le salarié recruté soit affecté à la réalisation même de ces tâches ;
Qu'en statuant comme elle a fait, alors que les salariés faisaient valoir que la société BMA avait bénéficié, entre 2002 et 2004, d'une augmentation constante de son activité exclusivement consacrée à la sous-traitance des Chantiers de l'Atlantique, de sorte que leurs différents contrats de mission qui s'inscrivaient dans cet accroissement, avaient pour effet de pourvoir durablement des emplois liés à l'activité normale et permanente de l'entreprise, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, sans qu'il y ait lieu de statuer sur les second moyens qui sont subsidiaires :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, les arrêts rendus le 9 février 2006, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant lesdits arrêts et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Angers ;
Condamne M. Z..., ès qualités, aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, le condamne à payer à M. Y... et M. X... la somme globale de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite des arrêts cassés ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du onze mars deux mille huit.