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25/02/2008 | FRANCE | N°7C-RD076

France | France, Cour de cassation, Commission reparation detention, 25 février 2008, 7C-RD076


COUR DE CASSATION
07 CRD 076
Audience publique du 21 janvier 2008 Prononcé au 25 février 2008
La commission nationale de réparation des détentions instituée par l’article 149-3 du code de procédure pénale, composée lors des débats de M. Breillat, président, Mme Gorce, M. Chaumont, conseillers référendaires, en présence de M. Charpenel, avocat général et avec l’assistance de Mme Bureau, greffier, a rendu la décision suivante :
Statuant sur le recours formé par :
- Monsieur Jean-Pierre Y...,
contre la décision du premier président de la cour d'appel

de Fort-de-France en date du 12 juin 2007 qui lui a alloué une indemnité de 22 043,10 e...

COUR DE CASSATION
07 CRD 076
Audience publique du 21 janvier 2008 Prononcé au 25 février 2008
La commission nationale de réparation des détentions instituée par l’article 149-3 du code de procédure pénale, composée lors des débats de M. Breillat, président, Mme Gorce, M. Chaumont, conseillers référendaires, en présence de M. Charpenel, avocat général et avec l’assistance de Mme Bureau, greffier, a rendu la décision suivante :
Statuant sur le recours formé par :
- Monsieur Jean-Pierre Y...,
contre la décision du premier président de la cour d'appel de Fort-de-France en date du 12 juin 2007 qui lui a alloué une indemnité de 22 043,10 euros sur le fondement de l’article 149 du code précité ainsi qu'une somme de 800 euros en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Les débats ayant eu lieu en audience publique le 21 janvier 2008 en l’absence de l’intéressé et de son avocat ;
Vu les dossiers de la procédure de réparation et de la procédure pénale ;
Vu les conclusions de Me Gay, avocat au Barreau de la Guyane, représentant M. Y... ;
Vu les conclusions de l’agent judiciaire du Trésor ;
Vu les conclusions de M. le procureur général près la Cour de cassation ;
Vu les conclusions en réponse de Me Gay ;
Vu la notification de la date de l’audience, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, au demandeur, à son avocat, à l’agent judiciaire du Trésor et à son avocat, un mois avant l’audience ;
Sur le rapport de M. le conseiller Chaumont, les observations de Me Couturier-Heller, avocat représentant l’agent judiciaire du Trésor, les conclusions de M. l’avocat général Charpenel ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi, la décision étant rendue en audience publique ;
LA COMMISSION,
Attendu que, par décision du 12 juin 2007, le premier président de la cour d'appel de Fort-de-France a alloué à M. Y... les sommes de 15 543 euros et de 6 500 euros en réparation du préjudice matériel et moral à raison d’une détention provisoire effectuée du 24 novembre 2004 au 25 avril 2005 pour des faits ayant conduit à une décision de non-lieu devenue définitive ;
Attendu que M. Y... a formé un recours régulier contre cette décision pour obtenir, aux termes de son mémoire personnel en réponse :
. 1 554,31 euros au titre de la perte des congés payés ;
.13 572 euros en réparation de la perte des pensions de retraites ;
. 4 000 euros en compensation des frais de défense ;
. 150 000 euros au titre du préjudice moral ;
. 800 euros sur le fondement de 700 du nouveau code de procédure civile ;
Attendu que l’agent judiciaire du Trésor conclut à la confirmation de la décision déférée et l’avocat général à l’élévation de l’indemnité réparatrice du préjudice moral ;
Vu les articles 149 à 150 du code de procédure pénale ;
Attendu qu’une indemnité est accordée, à sa demande, à la personne ayant fait l’objet d’une détention provisoire terminée à son égard par une décision de non-lieu, de relaxe ou d’acquittement devenue définitive; que cette indemnité est allouée en vue de réparer intégralement le préjudice personnel, matériel et moral directement causé par la privation de liberté ;
Sur la réparation du préjudice matériel :
Attendu que le premier président a alloué à M. Y... la somme de 15 543 euros en compensation de la perte du traitement qu’il a subie, calculée sur la base mensuelle de 3 108, 62 euros net; qu’il a rejeté la demande présentée au titre des frais de défense à défaut de facture d’avocat suffisamment précise ;
Attendu que l’agent judiciaire du Trésor soutient que la demande relative aux congés payés n’est pas étayée et fait valoir, en se référant à une lecture a contrario de l’article L.9 du code des pensions civiles et militaires et d’une jurisprudence du Conseil d’Etat, que le temps passé en détention provisoire par un fonctionnaire définitivement reconnu innocent, doit être pris en compte dans la constitution de son droit à pension de retraite ;
Sur les congés payés :
Attendu que M. Y..., qui ne produit aucune fiche de paye, ne prouve pas que la somme qui lui a été accordée en première instance exclut les congés payés dont il sollicite le paiement ;
Sur la perte des points de retraite :
Attendu que M. Y... expose qu’il a été placé en disponibilité le lendemain de son incarcération et fait valoir que la période de détention n’a pas été prise en compte dans le calcul de sa retraite, à défaut de service effectif, comme le démontre le titre délivré par le service des pensions qui fait état de l’absence de service effectué à compter du 24 novembre 2004 jusqu’au 7 mars 2006; qu’il sollicite l’allocation de la somme de 13 572 euros qui, selon lui, correspond à la perte des pensions de retraite, évaluée sur la base d’une espérance de vie de 80 ans et d’un départ à la retraite à 57 ans ;
Attendu, cependant, que seule doit être réparée la perte de chance d’obtenir les points de retraite que le demandeur était en droit d’escompter si, n’étant pas incarcéré, il avait pu verser ses cotisations à la caisse de retraite, et non la perte des pensions de retraite qu’il aurait pu percevoir ;
Que les documents versés aux débats ne permettant pas de déterminer le montant des cotisations de retraite que M. Y... aurait versées s’il n’avait pas été incarcéré, sa demande ne peut qu’être rejetée sans qu’il soit besoin de répondre à l’argumentation de l’agent judiciaire du Trésor ;
Sur les frais de défense :
Attendu qu’au vu de la facture de Me Tshefu du 7 mai 2007, qui mentionne certaines prestations directement liées à la détention telles que des visites au centre pénitentiaire et la rédaction d’un mémoire en vue d’obtenir la remise en liberté de M. Y..., il convient d’évaluer l’indemnité due au titre des frais d’avocat à 2 000 euros ;
Sur le préjudice moral :
Attendu que M. Y... fait valoir que sa fonction de douanier a rendu particulièrement pénibles les conditions de sa détention, puisqu’il a été en butte aux délinquants à l’arrestation desquels il avait participé; qu’il a également souffert de la rupture des liens familiaux avec ses deux filles, âgées de 4 et 9 ans au moment des faits dont l’une, diabétique, a été hospitalisée pendant qu’il était détenu, ainsi que de l’absence de relations intimes avec son épouse; qu’il ajoute que sa respectabilité a été gravement atteinte en raison du traitement médiatique de l’affaire ;
Attendu que l’agent judiciaire du Trésor relève que l’épouse de M. Y... est à l’origine des accusations qui ont provoqué sa mise en examen et son incarcération, et que celui-ci ne peut utilement imputer à la détention provisoire la souffrance provoquée par leur séparation ;
Attendu que n’entrent pas dans le champ d’application des dispositions de l’article 149 du code de procédure pénale l’atteinte à la réputation alléguée par M. Y... , pas plus que les dommages résultant de la publication d’articles de presse relatifs à l’affaire le mettant en cause, en l’absence de preuve d’un lien de causalité direct et exclusif avec la détention; que la séparation de M. Y... d’avec son épouse ne peut être retenue comme facteur aggravant, en l’état de leurs relations au moment des faits ;
Attendu, cependant, que compte tenu de l’âge du demandeur lors de son incarcération (55 ans), de la durée de celle-ci (cinq mois et un jour), de l’absence de passé carcéral, de l’éloignement de ses deux jeunes enfants, de la pénibilité des conditions de détention liée à sa fonction de douanier, qui était exercée localement, et à la nature de l’infraction reprochée et enfin eu égard au choc psychologique ressenti, il convient de fixer à 16 000 euros l’indemnité réparatrice de l’intégralité du préjudice moral ;
Sur l’article 700 du nouveau code de procédure civile :
Attendu que l’équité commande d’allouer à M. Y... la somme de 800 euros au titre des frais irrépétibles ;
PAR CES MOTIFS :
ACCUEILLE le recours de M. Jean-Pierre Y..., et statuant à nouveau ;
Lui ALLOUE les sommes de :
. 2 000 EUROS (DEUX MILLE EUROS) en réparation de son préjudice matériel ;
. 16 000 EUROS (SEIZE MILLE EUROS) en réparation de son préjudice moral ;
. 800 EUROS (HUIT CENTS EUROS) sur le fondement de l’article 700 du nouveau code de procédure civile ;
LAISSE les dépens à la charge du Trésor public ;
Ainsi fait, jugé et prononcé en audience publique le 25 février 2008 par le président de la commission nationale de réparation des détentions ;
En foi de quoi la présente décision a été signée par le président, le rapporteur et le greffier présent lors des débats et du prononcé.
Le président Le rapporteur M. Breillat M. Chaumont Le greffier Mme Bureau


Synthèse
Formation : Commission reparation detention
Numéro d'arrêt : 7C-RD076
Date de la décision : 25/02/2008
Sens de l'arrêt : Accueil du recours

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Fort-de-France, 12 juin 2007


Publications
Proposition de citation : Cass. Commission reparation detention, 25 fév. 2008, pourvoi n°7C-RD076


Composition du Tribunal
Président : M. Breillat

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2008:7C.RD076
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