AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Donne acte à M. X... de Y..., agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société Perf4net, de sa reprise de l'instance ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. Z..., propriétaire de 15 % des actions de la société holding Jean-Paul Despins et associés (la société JPDA), société détenant 85 % du capital de la société Performance technologie, a assigné la société JPDA, devenue, après absorption avec sa société filiale Performance technologie, la société Perf4net, en paiement de dommages-intérêts, alléguant, d'une part, que des facturations à la société JPDA de prestations de services payées à la société Michel Tiberini et associés (la société MITA) et à la société Performance technologie, l'avaient contraint, pour maintenir sa participation dans le capital, à souscrire à une augmentation de capital intervenue après réduction du capital à zéro et, d'autre part, que son droit à l'information n'avait pas été respecté lors des assemblées générales tenues en 1998, 1999 et 2000 ;
Sur le second moyen :
Attendu que la société Perf4net fait grief à l'arrêt de l'avoir condamnée à payer à M. Z... des dommages-intérêts au titre du non-respect de ses obligations d'information de l'actionnaire lors des assemblées générales du 30 juin 1998 et du 29 juin 2000, alors, selon le moyen :
1 / que la charge de la preuve pèse sur le demandeur ; qu'il appartient en conséquence à l'actionnaire qui prétend ne pas avoir pu prendre connaissance, quinze jours avant l'assemblée générale, des documents visés à l'article 135 du décret du 23 mars 1967, d'en rapporter la preuve ; qu'en retenant cependant, pour décider que la société JPDA aurait manqué à ses obligations d'information de l'actionnaire minoritaire s'agissant de l'assemblée générale du 30 juin 1998, que cette société ne produisait pas le procès-verbal de l'assemblée signé par M. Z..., et faisait état de deux attestations d'avocats inopérantes pour démontrer le respect du droit de communication de l'actionnaire minoritaire, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et violé l'article 1315 du code civil ;
2 / que nul ne peut se constituer de preuve à soi-même ;
qu'en se fondant exclusivement, pour décider que la société JPDA n'aurait pas respecté le droit de communication de l'actionnaire minoritaire, sur deux courriers des 29 juin et 28 juillet 1998 émanant de M. Z..., au motif inopérant que ces lettres seraient restées sans réponse et n'auraient pas suscité de protestations de la part de la société JPDA, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1315 du code civil ;
3 / qu'en se bornant à énoncer, par motifs adoptés, qu'il " y a lieu de s'interroger sur la validité du procès-verbal de l'assemblée du 29 juin 2000 statuant sur les comptes de 1999 ", la cour d'appel a statué par un motif dubitatif en violation de l'article 455 du nouveau code de procédure civile ;
Mais attendu que l'arrêt retient que, par lettre du 28 juillet 1998, M. Z... a protesté auprès du conseil de la société JPDA en expliquant qu'il n'avait pu prendre connaissance des comptes qu'une demi-heure avant le début de la réunion de l'assemblée du 30 juin 1998 et contestant ainsi la mention, au procès-verbal, d'un exercice normal par les actionnaires de leur droit d'information, que la société Perf4net ne produit pas le procès-verbal signé, notamment par M. Z... qui y exerçait les fonctions de scrutateur, qu'elle n'a pas protesté à la réception de la lettre du 28 juillet 1998, que par courrier recommandé du 29 juin 1998, resté sans réponse ni protestation de la part de la société JPDA, M. Z... a indiqué avoir reçu par courrier recommandé avec accusé de réception une feuille blanche ; qu'il relève encore que, s'agissant de la convocation pour une assemblée générale tenue le 29 juin 1999, il est établi, par une lettre recommandée adressée par M. Z... le 24 juin 1999, que deux courriers des 10 et 17 du même mois, réclamant communication des documents, étaient restés sans réponse et qu'un constat d'huissier démontre que le 28 juin 1999, M. Z... s'est présenté au siège de la société JPDA sans parvenir à obtenir copie des documents réclamés ; qu'il retient enfin que M. Z... présent sur place avec son conseil à l'heure et à la date prévue pour la convocation de l'assemblée générale du 29 juin 2000, a constaté l'absence des autres actionnaires ; qu'en l'état de ces constatations, appréciant souverainement les éléments de preuve qui lui étaient soumis, la cour d'appel a, sans inverser la charge de la preuve et abstraction faite du motif surabondant critiqué par la troisième branche, légalement justifié sa décision ; que le moyen, qui ne peut être accueilli en sa troisième branche, n'est pas fondé pour le surplus ;
Mais sur le moyen relevé d'office, après avertissement délivré aux parties :
Vu l'article 1382 du code civil ;
Attendu que pour accueillir la demande en réparation du préjudice personnel invoqué par M. Z... du fait de la facturation de prestations par les sociétés MITA et Performance technologie à la société JPDA et de l'augmentation de capital à laquelle il a souscrit, l'arrêt retient que les frais supportés par la société JPDA ont entraîné des pertes comptables qui ont justifié une augmentation de capital pour les résorber et que cette opération ayant pour cause originaire des factures de prestations dépourvues de toute justification et irrégulières en la forme, a été imposée à l'actionnaire ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que M. Z..., qui en raison de ses droits et devoirs sociaux a été appelé à supporter les pertes sociales, invoquait un préjudice qui, représenté par la perte de la valeur du capital qu'il avait subie du fait d'une opération de réduction du capital à zéro suivie d'une augmentation de capital, n'étant que le corollaire de celui causé à la société, n'avait aucun caractère personnel, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a condamné la société Perf4net à réparer le préjudice invoqué par M. Z... du fait de la facturation de prestations à la société JPDA et de l'opération de réduction du capital à zéro suivie d'une augmentation de capital, l'arrêt rendu le 6 novembre 2003, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée ;
Condamne M. Z... aux dépens ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du neuf octobre deux mille sept.