AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur les premier et second moyens, réunis :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Chambéry, 10 janvier 2006), que M. X... (M. X...) et son épouse ont constitué en 1995 la société civile immobilière Tigama (la SCI) ; qu'en 1997, M. et Mme X... ont fait donation-partage de la nue-propriété de leurs parts à leurs trois enfants, Marie-Laure, Y... et Timothée X... ; que ceux-ci ont demandé l'inscription de la révocation du gérant à l'ordre du jour de l'assemblée générale qui s'est tenue le 12 mai 2000 ; que lors de l'assemblée générale, convoquée pour le 20 avril 2001 par un mandataire ad hoc désigné par une ordonnance de référé, à la demande de Mme X... et des trois enfants (les consorts X...), la révocation de M. X... de ses fonctions de gérant a été décidée ; que celui-ci, soutenant que cette révocation était intervenue sans juste motif, a demandé que la SCI soit condamnée à lui payer des dommages-intérêts ;
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté la demande, alors, selon le moyen :
1 / que le gérant d'une société civile est révocable par une décision des associés ; que si la révocation est décidée sans juste motif, elle peut donner lieu à des dommages-intérêts ; qu'il résulte des propres constatations du jugement que la révocation de M. X..., le 21 avril 2000 comme le 12 mai 2000, pouvait apparaître sans juste motif ;
qu'en énonçant dès lors qu'en refusant d'inscrire à l'ordre du jour du 12 mai 2000 la question de la révocation, M. X... avait commis une faute compromettant le fonctionnement de la SCI, tout en constatant qu'à la date à laquelle elle avait été demandée elle pouvait apparaître sans juste motif, la cour d'appel a, en adoptant ces motifs, statué par une affirmation d'ordre général, impropre à établir en quoi M. X... avait commis une faute ou en quoi son comportement était de nature à compromettre le fonctionnement de la SCI, et a ainsi privé sa décision de base légale au regard de l'article 1851 du code civil ;
2 / que le juge ne peut fonder sa décision sur des moyens qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; qu'à aucun moment les consorts X... n'ont reproché à M. X... d'avoir modifié les modalités de gestion du patrimoine de la SCI en décidant de le donner en location dans son intégralité avec pour conséquence de les priver de l'utilisation directe de ces biens ; qu'en relevant d'office un tel moyen, sans avoir invité les parties à en discuter contradictoirement, pour en déduire que la révocation de M. X... n'avait pas été décidée sans juste motif, la cour d'appel a méconnu le respect du contradictoire et a violé l'article 16 du nouveau code de procédure civile ;
3 / que le gérant d'une société civile peut être révoqué pour toute faute de gestion de nature à compromettre le fonctionnement de la société ; que pour considérer que la révocation de M. X... n'avait pas été décidée sans juste motif, la cour d'appel a retenu que la modification des modalités de gestion du patrimoine de la SCI a eu pour conséquence de priver son épouse et ses enfants de l'utilisation directe de ces biens ;
qu'en statuant par de tels motifs inopérants, sans constater que cette modification des modalité de gestion du patrimoine de la SCI était de nature à compromettre le fonctionnement de celle-ci, la cour d'appel a violé l'article 1851 du code civil ;
4 / que le comportement du gérant ne peut constituer un juste motif de révocation que s'il constitue une faute dans sa fonction de gérant de nature à causer un dommage à la société ; que pour dire que la révocation de M. X... n'avait pas été décidée sans juste motif, la cour d'appel a relevé l'existence d'une famille naturelle constituée par lui et sa décision de la rejoindre et en a déduit que les associés pouvaient exiger un changement de gérant, prélude à une dissolution inéluctable de la SCI puisqu'il ne pouvait plus y avoir communauté de vue entre les consorts X... et M. X... sur l'appréciation de l'intérêt social ; qu'en se déterminant par de tels motifs impropres à caractériser une faute de M. X... dans ses fonctions de gérant de nature à causer un préjudice à la SCI, la cour d'appel a encore privé sa décision de base légale au regard de l'article 1851 du code civil ;
Mais attendu, en premier lieu, que d'un côté, M. X... faisait valoir dans ses conclusions avoir eu pour objectif de désendetter la SCI et avoir ainsi mis en location des biens immobiliers, que parmi les questions soumises à l'assemblée générale figurait la situation locative de l'ensemble des biens de la SCI, et que, de l'autre, les consorts X... alléguaient dans leurs conclusions une perte de confiance dans la gestion ; que le moyen tiré des modalités de gestion du gérant était dans le débat ;
Attendu, en second lieu, qu'après avoir relevé que le changement des modalités de gestion du patrimoine social dont la mise en location, dans son intégralité, avait eu pour conséquence de priver son épouse et ses enfants de l'utilisation directe de ces biens, était concomitant à la connaissance par la famille légitime de M. X... de l'existence parallèle d'une famille naturelle constituée par celui-ci et de sa décision de rejoindre cette seconde famille, l'arrêt retient que dans un tel contexte, les associés pouvaient légitimement contester cette nouvelle gestion et exiger un changement de gérant, prélude à une dissolution inéluctable de la SCI dès lors qu'il ne pouvait plus y avoir communauté de vue entre les consorts X... et M. X..., sur l'appréciation de l'intérêt social ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, desquelles il résulte que la révocation de M. X... trouvait un juste motif dans l'existence, au sein de cette SCI familiale, entre le gérant et les associés, d'une mésentente de nature à compromettre l'intérêt social, la cour d'appel, a, par ces seuls motifs, abstraction faite de ceux critiqués par la première branche, légalement justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. Didier X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau code de procédure civile, le condamne à payer à la SCI Tigama, à Mmes X... et à MM. Y... et Timothée X... la somme globale de 2 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par Mme Garnier, conseiller doyen qui en a délibéré, en remplacement du président, en l'audience publique du vingt-cinq septembre deux mille sept.