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20/06/2007 | FRANCE | N°06-87470

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 20 juin 2007, 06-87470


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt juin deux mille sept, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller ROGNON, les observations de Me X..., de la société civile professionnelle CHOUCROY, GADIOU et CHEVALLIER, de la société civile professionnelle PIWNICA et MOLINIE, de Me BLANC et de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général BOCCON-GIBOD ;

Statuant sur les pourvois formé

s par :

- Y... Hubert,

- de Z...
A... Roland,

- B... Philippe,

- C... Ro...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt juin deux mille sept, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller ROGNON, les observations de Me X..., de la société civile professionnelle CHOUCROY, GADIOU et CHEVALLIER, de la société civile professionnelle PIWNICA et MOLINIE, de Me BLANC et de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général BOCCON-GIBOD ;

Statuant sur les pourvois formés par :

- Y... Hubert,

- de Z...
A... Roland,

- B... Philippe,

- C... Robert, contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, 9e chambre, en date du 20 septembre 2006, qui, dans la procédure suivie contre eux des chefs de gestion illégale de portefeuille, complicité et recel, a condamné le premier à six mois d'emprisonnement avec sursis, 20 000 euros d'amende, et a prononcé sur les intérêts civils ;

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

I - Sur le pourvoi de Robert C... :

Attendu qu'aucun moyen n'est produit ;

II - Sur les autres pourvois :

Vu les mémoires produits en demande et en défense ;

Sur le premier moyen de cassation, proposé par la société civile professionnelle Choucroy, Gadiou et Chevallier pour Hubert Y..., pris de la violation des articles 23 de la loi n° 89-531 du 2 août 1989, 4, 11, 21 et 82 de la loi n° 96-597 du 2 juillet 1996 devenus articles L. 321-1, L. 532-1, L. 531-10 et L. 573-1 du code monétaire et financier, des articles 121-6 et 121-7 du code pénal en ce qui concerne la complicité, et 321, 321-3, 321-4, 321-9 et 321-10 du code pénal en ce qui concerne le recel, ensemble l'article 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, défaut de réponse aux conclusions et manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Hubert Y... coupable des délits de complicité de gestion illégale de portefeuille et de recel de gestion illégale de portefeuille ;

"aux motifs qu'à titre préliminaire, la cour observe que les relations instaurées entre la société de bourse Y... SA et la société BGC étaient peu claires puisque, alors que seule existait une convention d'apporteur d'affaires entre BGC et la société de gestion de portefeuilles Y... Gestion et que les clients de BGC avaient signé des contrats de transmission d'ordres avec la société Y... Gestion, tous les ordres sur le Monep avaient été transmis, dès l'origine, directement par la société BGC à la société de bourse Y... SA ; que les premiers juges ont justement relevé que de graves dysfonctionnements affectaient les comptes des clients de la société BGC ; qu'en particulier, depuis le deuxième trimestre 1996, les ordres des clients de BGC transmis sur le Monep ne faisaient pas l'objet de confirmation systématique de la part des clients et qu'à partir du troisième trimestre de l'année 1996, la plupart des comptes des clients de BGC étaient en dépassement de couverture ; que ces dysfonctionnements importants, conjugués au fait que l'ensemble des clients de BGC suivaient la même stratégie "baissière" et que les ordres étaient groupés, constituaient, ainsi que l'a relevé la Commission des opérations de bourse, des présomptions d'une gestion de fait par la société BGC des comptes de ses clients ;

qu'Hubert Y... et Roland de Z...
A... ont admis avoir pris conscience du caractère illégal de l'activité de la société BGC au début du mois de janvier 1997 pour le premier et dès le mois de décembre 1996 pour le second ; que, toutefois, si, certes, aucune nouvelle position n'a été ouverte sur le Monep à partir du mois de janvier 1997, les positions des clients de la société BGC n'ont été clôturées qu'au mois de mars 1997 et ont enregistré pendant les premiers mois de l'année 1997 de nouvelles pertes ; qu'il résulte de ces éléments et des motifs circonstanciés des premiers juges qu'Hubert Y..., qui ne peut prétendre avoir été étranger à l'instauration de relations avec la société BGC, dès lors qu'il était le directeur général de la société Y... Gestion à la date de la signature de la convention d'apporteur d'affaires, a accepté pendant plusieurs mois de recevoir et d'exécuter des ordres transmis par BGC alors qu'en sa qualité de professionnel avisé, il ne pouvait ignorer que cette société n'avait pas d'agrément de la Commission des opérations de bourse pour exercer l'activité de gestionnaire de portefeuilles ; que le prévenu ne peut utilement soutenir que les mesures prises par lui en janvier 1997 pour tenter de régulariser le fonctionnement des comptes des clients de BGC étaient de nature à l'exonérer de sa responsabilité, dès lors qu'elles ont été tardives et qu'encore aux mois de janvier et de février 1997, la société Y... SA a exécuté les instructions données par la société BGC de répartir entre les comptes de ses clients les sommes tirées sur ses propres comptes bancaires, qu'elle lui adressait afin de régulariser les couvertures manquantes ; qu'enfin, Hubert Y... ne peut utilement prétendre qu'il ne se serait pas

intéressé aux clients apportés par BGC, alors qu'il est établi et non contesté que ceux-ci représentaient 40 % de l'activité de Y... SA sur le Monep, et que, selon les déclarations de Roland de Z...
A..., Hubert Y... s'occupait personnellement du marché dérivé ; que, sur l'élément légal de l'infraction, les premiers juges ont justement rappelé que l'activité de gestion de portefeuilles pour le compte de tiers distincte de celle de transmetteur d'ordre, était déjà réglementée avant la loi du 2 juillet 1996 par les dispositions de la loi n° 89-531 du 2 août 1989 ; qu'en effet, l'article 23 de ce texte interdisait à toute personne de "gérer à titre de profession habituelle des portefeuilles de valeur mobilière de contrats à terme négociable ou de produits financiers pour le compte de ses clients sans avoir obtenu l'agrément de la Commission des opérations de bourse", et que la violation de cette interdiction était punie des peines de l'escroquerie par l'article 25 de la loi ; qu'à l'heure actuelle, la gestion à titre habituel de portefeuilles sans autorisation ni agrément est incriminée et sanctionnée par les articles L. 321, L. 532-1, L. 532-10 et L. 573-1 du code monétaire et financier ; que, sur le délit de recel, il est constant que la société Y... SA dont Hubert Y... était le président et le principal actionnaire, a perçu au titre des commissions de courtage sur les opérations initiées par la société BGC sur le Monep une somme de 1 234 384 francs dont elle a reversé la moitié à la société BGC ;

"alors que, dans le cadre de l'application de la loi n° 89-531 du 2 août 1989, l'activité de transmission d'ordres pour le compte d'un tiers n'était pas réglementée, et ne supposait aucun agrément ; qu'il en résultait que, durant la période de prévention, l'activité de la société BGC développée avec les sociétés Y... Gestion et SA Y... en exécution de la convention de transmission d'ordres du 12 janvier 1996, qui avait débuté sous l'empire de la loi du 2 août 1989 et qui s'était achevée alors que les mesures d'application de la loi du 2 juillet 1996 venaient d'être prises, ne pouvait être considérée comme illégale qu'en ce que, contrairement aux termes de la convention, elle se serait inscrite dans une gestion de fait des portefeuilles de ses clients et non simplement dans la transmission d'ordres ; qu'en conséquence, l'élément intentionnel de la prétendue complicité d'Hubert Y..., qui n'avait pas conclu la convention du 12 janvier 1996, et qui avait été nommé aux fonctions de directeur général de la société Y... Gestion seulement le 18 avril 1996, et de président-directeur général de la SA Y... seulement le 4 septembre 1996, ne pouvait être considéré comme caractérisé qu'à compter de la

connaissance certaine par celui-ci de l'existence de manière habituelle d'une gestion de fait par la société BGC des portefeuilles de ses clients ; qu'en se bornant à cet égard à faire état de présomptions d'une gestion de fait ayant permis à Hubert Y... de prendre conscience du caractère illégal de l'activité de la société BGC au début du mois de janvier 1997, sans justifier en quoi les mesures prises dès cette époque par Hubert Y..., qui devait alors subir les conséquences d'un lourd traitement médical, auraient été insuffisantes et fautives, alors qu'elles visaient d'abord à

faire cesser les irrégularités, puis ensuite à cesser toutes nouvelles opérations en liquidant les positions ouvertes, l'arrêt attaqué n'a pas caractérisé légalement la complicité de gestion illégale de portefeuille, et partant le recel" ;

Sur le deuxième moyen de cassation, proposé par la société civile professionnelle Choucroy, Gadiou et Chevallier pour Hubert Y..., pris de la violation des articles 23 de la loi n° 89-531 du 2 août 1989, 4, 11, 21 et 82 de la loi n° 96-597 du 2 juillet 1996 devenus articles L. 321-1, L. 532-1 et L. 531-10 du code monétaire et financier, l'article 1382 du code civil, ensemble l'article 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, défaut de réponse aux conclusions et manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a condamné Hubert Y... à payer :

- solidairement avec Bernard D..., Philippe B..., Patrick E..., Robert C..., Jean F... et Roland de Z...
A... :

* à Henriette G..., épouse H..., la somme de 116 146 euros ;

* à Jeanne I... la somme de 11 816 euros ;

* à Nathalie G..., épouse J..., et à Bertrand J... la somme de 50 287 euros ;

[* à Raymond K... et Jacqueline L..., épouse K..., la somme de 114 895 euros ;

*] à André M... la somme de 130 673 euros ;

outre, chacun, les frais irrépétibles de l'instance à hauteur de la somme de 200 euros ;

"au titre de leur préjudice financier :

- solidairement avec Bernard D..., Robert C... et Roland de Z...
A... :

[* à Maurice N... et à Thérèse O..., épouse N..., la somme de 586 247 euros ;

*] à Annick N... la somme de 45 664 euros ;

outre les frais irrépétibles de l'instance ;

enfin, à Francis P... la somme de 12 195 euros à titre de dommages et intérêts, outre celle de 500 euros au titre des frais irrépétibles de l'instance ;

"aux motifs que, dans la mesure où elles avaient signé, d'une part, avec la société Y... SA un contrat d'ouverture de compte, d'autre part, avec la société Y... SA un contrat de transmission d'ordres, et où la société BGC se présentait comme correspondant de Y... Gestion, ces parties civiles ne pouvaient soupçonner que la société BGC n'était pas habilitée à initier leur compte des ordres sur le marché boursier ; que le défaut d'agrément de la société BGC, qui s'est comportée à leur égard comme un véritable mandataire gestionnaire de portefeuilles, a privé ces parties civiles des garanties afférentes à l'agrément, notamment en matière d'information, de conseil, de compétence et de moralité des intervenants ; qu'il existe donc un lien de causalité direct entre les pertes subies par les parties civiles et le délit de gestion illégale de portefeuilles ; que, dès lors, la cour réformera le jugement et allouera aux parties civiles susmentionnées, dans la limite des demandes formées par elles en première instance, le montant des investissements qu'elles ont perdu ;

"alors qu'Hubert Y... ne pouvait être condamné in solidum au paiement de l'intégralité du préjudice financier subi par les parties civiles, que dans la seule mesure où était caractérisée à son égard une faute ayant concouru à l'entier dommage ; que, dans le cadre de l'application de la loi n° 89-531 du 2 août 1989, l'activité de transmission d'ordres pour le compte d'un tiers n'était pas réglementée, et ne supposait aucun agrément ; qu'il en résultait que, durant la période de prévention, l'activité de la société BGC développée avec les sociétés Y... Gestion et SA Y... en exécution de la convention de transmission d'ordres du 12 janvier 1996, qui avait débuté sous l'empire de la loi du 2 août 1989 et qui s'était achevée alors que les mesures d'application de la loi du 2 juillet 1996 venaient d'être prises, ne pouvait être considérée comme illégale qu'en ce que, contrairement aux termes de la convention, elle se serait inscrite dans une gestion de fait des portefeuilles de ses clients et non simplement dans une transmission d'ordres ;

qu'en conséquence, l'élément intentionnel de la prétendue complicité d'Hubert Y..., qui n'avait pas conclu la convention du 12 janvier 1996, et qui avait été nommé aux fonctions de directeur général de la société Y... Gestion seulement le 18 avril 1996, et de président-directeur général de la SA Y... seulement le 4 septembre 1996, ne pouvait être considéré comme caractérisé qu'à compter de la connaissance certaine par celui-ci de l'existence d'une gestion de fait par la société BGC des portefeuilles de ses clients ; qu'ainsi, la cour d'appel, qui, tout en relevant (arrêt page 65 4) que les parties civiles avaient commencé de perdre leurs investissements dès le mois de juin 1996, n'a procédé à aucune constatation de nature à établir qu'Hubert Y... avait une conscience certaine de l'activité de gestion de fait de la Société BGC des portefeuilles de ses clients dès le mois de juin 1996, et de nature à fixer la date à laquelle les éléments intentionnel et matériel de la complicité pouvaient être considérés comme caractérisés à l'égard d'Hubert Y..., ne pouvait condamner le demandeur à réparer l'entier préjudice des parties civiles, sans priver sa décision de toute base légale" ;

Sur le premier moyen de cassation, proposé par Me X... pour Roland de Z...
A..., pris de la violation des articles 6 3 de la Convention européenne des droits de l'homme, L. 321-1, L. 532-1, L. 531-10 et L. 573-1 du code monétaire et financier, 121-1 et 121-7 du code pénal, 2, 3, 388, 480-1, 515, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a condamné Roland de Z...
A..., solidairement avec d'autres prévenus, à verser aux parties civiles diverses sommes à titre de dommages-intérêts ;

"aux motifs que Roland de Z...
A... s'est rendu coupable, à l'instar d'Hubert Y..., du délit de complicité de gestion de portefeuilles ; qu'en effet, Roland de Z...
A... a été l'instigateur de la collaboration entre la société BGC et la société de bourse ; qu'il a signé au nom de la société Y... Gestion le contrat du 12 janvier 1996 ; qu'il a également signé avec les clients de BGC des contrats de transmission d'ordre destinés à donner une apparence de régularité aux opérations boursières menées par BGC pour le compte de ses clients, alors qu'il est établi que les ordres sur le Monep ont été passés directement par la société BGC à la société Y... SA ; qu'en outre, la société Y... Gestion, sous la présidence de Roland de Z...
A..., a fait délivrer, le 8 mars 1996, une carte de démarchage financier à Robert C..., ancien cadre de la banque Colbert, devenu directeur général de la société luxembourgeoise BGC et représentant de la société française BGC, et a autorisé la société BGC à se prévaloir d'un titre de "correspondant de la société Y... gestion" et à apposer une plaque faisant mention de cette qualité sur les bureaux de la société BGC à Nice, ce qui était de nature à susciter la confiance des épargnants ; qu'enfin, Roland de Z...
A... a été le principal interlocuteur de la société BGC, intervenant auprès d'elle pour l'inciter à adresser des

confirmations d'ordres et à constituer les couvertures réglementaires, alors même qu'il savait, en sa qualité de professionnel avisé, que la société BGC n'était pas agréée en tant qu'entreprise d'investissements et ne pouvait exercer l'activité de gestionnaire de portefeuilles pour le compte de tiers ; qu'en l'état de ces constatations, il est établi que Roland de Z...
A... a, en connaissance de cause, apporté à la société BGC son aide et son assistance pour exercer une activité irrégulière ;

"alors qu'en premier lieu, les juridictions correctionnelles sont saisies "in rem" et ne peuvent statuer sur des faits qui n'ont pas été compris dans la poursuite, sauf acceptation formelle de la personne poursuivie ; qu'il ressort de la prévention que Roland de Z...
A... a été poursuivi pour avoir accepté "de recevoir et d'exécuter des ordres de négociations ou de cessions portant sur des instruments financiers admis aux négociations sur un marché réglementé, en l'occurrence le Monep, initiés par la société BGC non agréée à cet effet" (arrêt, page 17) ;

que, dès lors, la cour d'appel ne pouvait pas se fonder, pour retenir la complicité de Roland de Z...
A..., sur des faits différents, sans constater que le prévenu avait accepté une telle extension de la saisine de la juridiction correctionnelle ;

"alors qu'en deuxième lieu, Roland de Z...
A... a été poursuivi pour avoir accepté de recevoir et d'exécuter des ordres de négociations ou de cessions portant sur des instruments financiers admis aux négociations sur un marché réglementé, en l'occurrence le Modep, initiés par la société BGC non agréée à cet effet ; qu'en déclarant Roland de Z...
A... coupable et responsable de ces faits de complicité, cependant qu'elle constatait expressément que "les ordres sur le Monep ont été passés directement par la société BGC à la société Y... SA", la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, s'est contredite ;

"alors qu'en troisième lieu, la complicité suppose que les actes d'aide et d'assistance aient été sciemment accomplis par le complice ; qu'avant l'entrée en vigueur de la Ioi n° 96-597 du 2 juillet 1996 et de son décret d'application, la seule transmission d'ordres pour le compte de tiers n'était pas soumise à un agrément de la Cob ; qu'en ne recherchant pas si, durant toute ou partie de la période visée par la prévention, la société BGC n'avait pas été en droit, même sans agrément particulier, de transmettre les ordres donnés par ses clients, et, le cas échéant, si Roland de Z...
A... disposait d'éléments d'information suffisants lui permettant de savoir que la société BGC, contrairement à ce qui avait été stipulé dans la convention du 12 janvier 1996, avait méconnu l'interdiction qui lui avait été faite de gérer les comptes de ses clients, le seul fait de rappeler à la société BGC que les ordres devaient être confirmés par les clients révélant seulement que cette société avait une activité de transmission d'ordres pour le compte de tiers et pas nécessairement une activité de gestion de portefeuilles, la cour d'appel n'a pas caractérisé l'élément intentionnel de la complicité" ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que la société Y... Gestion, société de gestion de portefeuille agréée par la Commission des opérations de bourse, dirigée par Roland de Z...
A..., détenue par la société de bourse Y... SA, présidée par Hubert Y..., a conclu, le 12 janvier 1996, avec la société BGC, gérée par Philippe B..., filiale de la société luxembourgeoise BGE, une convention d'apport d'affaires stipulant des rétrocessions de commissions ; que la société BGC a fait ouvrir des comptes dans les livres de la société Y... Gestion pour vingt-trois de ses clients dont les fonds ont été investis et perdus sur le Monep, entre les mois de juin 1996 et mars 1997 ; que Philippe B... et Robert C..., directeur général de la société BGC, ont été définitivement condamnés pour avoir fourni à leurs clients, sous le couvert des sociétés BGE et BGC, qui n'étaient pas agréées en qualité d'entreprise d'investissement, des prestations de gestion de portefeuille ;

Attendu qu'il est reproché à Hubert Y... et Roland de Z...
A... d'avoir, en connaissance de cause, d'une part, accepté de recevoir et d'exécuter des ordres de négociation ou de cession portant sur des instruments financiers admis aux négociations sur le Monep, marché à options réglementé, par l'intermédiaire de la société BGC alors qu'ils savaient que cette dernière n'était pas agréée d'investissement et ne pouvait donc gérer des comptes de tiers, d'autre part, perçu des commissions de courtage générées par ces opérations illicites ;

Attendu que, pour déclarer Hubert Y... coupable des délits de complicité et de recel de gestion illégale de portefeuille, et, sur l'appel des parties civiles, dire établis les faits de complicité reprochés à Roland de Z...
A..., l'arrêt prononce par les motifs repris aux moyens ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations, caractérisant sans insuffisance ni contradiction les éléments, tant légaux que matériels et intentionnel, des infractions ci-dessus visées, la cour d'appel, qui a répondu comme elle le devait aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie, a justifié sa décision sans excéder sa saisine ;

D'où il suit que les moyens, qui se bornent à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne sauraient être admis ;

Sur le troisième moyen de cassation, proposé par la société civile professionnelle Choucroy, Gadiou et Chevallier pour Hubert Y..., pris de la violation des articles 23 de la loi n° 89-531 du 2 août 1989, 4, 11, 21 et 82 de la loi n° 96-597 du 2 juillet 1996 devenus articles L. 321-1, L. 532-1 et L. 531-10 du code monétaire et financier, l'article 1382 du code civil, ensemble l'article 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, défaut de réponse aux conclusions et manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a condamné Hubert Y... à payer :

- solidairement avec Bernard D..., Philippe B..., Patrick E..., Robert C..., Jean F... et Roland de Z...
A... :

* à Henriette G..., épouse H..., la somme de 116 146 euros ;

* à Jeanne I... la somme de 11 816 euros ;

* à Nathalie G..., épouse J..., et à Bertrand J... la somme de 50 287 euros ;

* à Raymond K... et Jacqueline L..., épouse K..., la somme de 114 895 euros ;

* à André M... la somme de 130 673 euros ;

outre, chacun, les frais irrépétibles de l'instance à hauteur de la somme de 200 euros ;

"au titre de leur préjudice financier :

- solidairement avec Bernard D..., Robert C..., et Roland de Z...
A... :

[* à Maurice N... et à Thérèse O..., épouse N..., la somme de 586 247 euros ;

*] à Annick N... la somme de 45 664 euros ;

outre les frais irrépétibles de l'instance ;

enfin, à Francis P... la somme de 12 195 euros à titre de dommages et intérêts, outre celle de 500 euros au titre des frais irrépétibles de l'instance ;

"aux motifs que, dans la mesure où elles avaient signé, d'une part, avec la société Y... SA un contrat d'ouverture de compte, d'autre part, avec la société Y... SA un contrat de transmission d'ordres, et où la société BGC se présentait comme correspondant de Y... Gestion, ces parties civiles ne pouvaient soupçonner que la société BGC n'était pas habilitée à initier leur compte des ordres sur le marché boursier ; que le défaut d'agrément de la société BGC, qui s'est comportée à leur égard comme un véritable mandataire gestionnaire de portefeuilles, a privé ces parties civiles des garanties afférentes à l'agrément, notamment en matière d'information, de conseil, de compétence et de moralité des intervenants ; qu'il existe donc un lien de causalité direct entre les pertes subies par les parties civiles et le délit de gestion illégale de portefeuilles ; que, dès lors, la cour réformera le jugement et allouera aux parties civiles susmentionnées, dans la limite des demandes formées par elles en première instance, le montant des investissements qu'elles ont perdu ;

"alors que le préjudice en lien de causalité avec le défaut d'agrément était seulement constitué par la perte d'une chance pour les parties civiles de bénéficier des garanties afférentes à l'agrément, notamment en matière d'information, de conseil, de compétence et de moralité de l'intervenant en bourse (arrêt page 72 6), si bien qu'en faisant supporter in solidum à Hubert Y... l'intégralité du montant allégué des investissements perdus par les clients dans la période retenue par la prévention, et donc la totalité du préjudice financier subi par ceux-ci en raison d'opérations faites sur le marché spéculatif, ce qui revient à transférer le risque inhérent aux aléas boursiers pris en pleine connaissance de cause par des investisseurs, qui n'avaient jamais manifesté de désaccord à la réception des avis opérés, sur le fournisseur du service d'investissement, la cour d'appel n'a pas justifié légalement sa décision" ;

Sur le deuxième moyen de cassation, proposé par Me X... pour Roland de Z...
A..., pris de la violation des articles L. 321-1, L. 532-1, L. 531-10 et L. 573-1 du code monétaire et financier, 121-7 du code pénal, 2, 3, 480-1, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a condamné Roland de Z...
A..., solidairement avec d'autres prévenus, à verser aux parties civiles diverses sommes à titre de dommages-intérêts ;

"aux motifs que, dans la mesure où elles avaient signé, d'une part, avec la société Y... SA un contrat d'ouverture de compte, d'autre part, avec la société Y... Gestion, un contrat de transmission d'ordres, et où la société BGC se présentait comme correspondant de la société Y... Gestion, ces parties civiles ne pouvaient soupçonner que la société BGC n'était pas habilitée à initier pour leur compte des ordres sur le marché boursier ; que le défaut d'agrément de la société BGC, qui s'est comportée à leur égard comme un véritable mandataire gestionnaire de portefeuilles, a privé ces parties civiles des garanties afférentes à l'agrément, notamment en matière d'information, de conseil de compétence et de moralité des intervenants ; qu'il existe donc un lien de causalité directe entre les pertes subies par les parties et le délit de gestion illégale de portefeuille ; que, dès lors, le préjudice subi par les parties civiles correspond au montant des investissements qu'elles ont perdus ; que les montants réclamés par elles au titre du préjudice financier ne sont, au demeurant, pas contestés par les prévenus et les condamnés intimés ;

"alors qu'en premier lieu, la partie civile ne peut demander réparation que du préjudice directement causé par l'infraction ; qu'en condamnant Roland de Z...
A..., solidairement avec les autres prévenus, à indemniser les partie civiles des pertes qu'elles avaient subies sur le Monep, sans rechercher, comme elle y était pourtant invitée, si les parties civiles n'avaient pas été régulièrement avisées des risques encourus sur le Monep, et tenues informées en temps réel des opérations effectuées pour leur compte par la réception d'avis quotidiens, de sorte que leurs pertes résultaient non d'un défaut de compétence ou d'un défaut d'information mais des aléas inhérents à tout placement spéculatif et à la décision des parties civiles de placer leurs fonds sur un tel marché, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision" ;

" alors qu'en deuxième lieu et subsidiairement, le prévenu peut seulement être tenu de réparer le préjudice découlant directement des faits qu'il a personnellement commis ; que, par suite, la cour d'appel ne pouvait pas condamner Roland de Z...
A... à l'intégralité des pertes subies par les parties civiles entre janvier 1996 et septembre 1997, cependant qu'elle avait constaté, d'une part, que le prévenu n'avait pris conscience du caractère illicite de l'activité de la société BGC qu'au mois de décembre de sorte que l'infraction n'était constituée qu'à partir de cette date et, d'autre part, les parties civiles avaient connu de nouvelles pertes durant les trois premiers mois de 1997, qui étaient les seules dont Roland de Z...
A... pouvait être tenu ;

"alors qu'en troisième lieu et en tout état de cause, le défaut d'agrément de la société BGC n'a pu que faire perdre aux parties civiles une chance de disposer de garanties en matière d'information, de conseil, de compétence et de moralité des intervenants ; que, dès lors, la cour d'appel ne pouvait pas condamner Roland de Z...
A... à réparer I'intégralité des pertes subies par les parties civiles quand seule une perte de chance d'éviter ces pertes pouvait être indemnisée" ;

Sur le troisième moyen de cassation, proposé par Me X... pour Roland de Z...
A..., pris de la violation des articles L. 321-1, L. 532-1, L. 531-10 et L. 573-1 du code monétaire et financier, 121-7 du code pénal, 2, 3, 480-1, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a condamné Roland de Z...
A..., solidairement avec d'autres prévenus, à verser aux époux N... une somme de 586 247 euros à titre de dommages et intérêts ;

"aux motifs qu'il sera alloué aux époux N..., dans la limite de leurs demandes de première instance, le montant des investissements qu'ils ont perdus ; que les montants réclamés par eux au titre du préjudice financier ne sont, au demeurant, pas contestés ;

"alors que, dans ses conclusions d'appel, Roland de Z...
A... faisait valoir, pour s'opposer à la demande indemnitaire des époux N..., que celle-ci était fondée sur de prétendues fautes, d'une part, sans rapport avec les infractions poursuivies et qui, d'autre part, auraient été commises, dans le courant du mois de février 1998, postérieurement à la cessation de ses fonctions au sein de la société Y... Gestion en septembre 1997 (page 12, in fine et page 13, in limine) ; qu'en allouant à ces parties civiles le plein de leurs demandes de première instance en réparation de "leurs investissements perdus", sans répondre à cette argumentation décisive, la cour d'appel a insuffisamment motivé sa décision" ;

Sur le moyen unique de cassation, proposé par la société civile professionnelle Piwnica et Molinié pour Philippe B..., pris de la violation des articles 1382 du code civil, 2, 3, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a condamné Philippe B..., solidairement avec les autres prévenus, à payer 116 146 euros à Henriette G..., 11 816 euros à Jeanne I..., 50 287 euros à Bertrand et Nathalie J..., 114 895 euros à Raymond et Jacqueline K..., 130 673 euros à André M... au titre de leur préjudice financier, et, à chacune de ces parties civiles, la somme de 300 euros au titre de l'article 475-1 du code de procédure pénale ;

"aux motifs que les jugements des 17 septembre 2004 et 30 septembre 2005 ont fait une inexacte appréciation du préjudice direct subi par Henriette G..., épouse H..., Jeanne I..., Bertrand J... et Nathalie G..., épouse J..., Raymond K... et Jacqueline L..., épouse K..., André M..., Maurice N... et son épouse Thérèse O..., Annick N... du fait des agissements délictueux de Philippe B..., Bernard D..., Jean F..., Patrick E..., Robert C..., Hubert C..., Hubert Y... et Roland de Z...
A... ; que, dans la mesure où elles avaient signé, d'une part, avec la société Y... SA, un contrat d'ouverture de compte, d'autre part, avec la société Y... Gestion, un contrat de transmission d'ordre, et où la société BGC se présentait comme correspondant de Y... Gestion, ces parties civiles ne pouvaient soupçonner que la société BGC n'était pas habilitée à initier leur compte des ordres sur le marché boursier ;

que le défaut d'agrément de la société BGC, qui s'est comportée à leur égard comme un véritable mandataire gestionnaire de portefeuilles, a privé ces parties civiles des garanties afférentes à l'agrément, notamment en matière d'information, de conseil, de compétence et de moralité des intervenants ; qu'il existe donc un lien de causalité direct entre les pertes subies par les parties civiles et le délit de gestion illégale de portefeuilles ; que, dès lors, la cour réformera le jugement et allouera aux parties civiles susmentionnées, dans la limite des demandes formées par elles en première instance, le montant des investissements qu'elles ont perdues ; que les montants réclamés par elles au titre du préjudice financier ne sont, au demeurant, pas contestés par les prévenus et les condamnés intimés ;

"alors que le préjudice subi par la partie civile est celui résultant directement du délit poursuivi ; que le délit de gestion illicite de portefeuilles incrimine le fait de gérer, à titre de profession habituelle, des portefeuilles sans y avoir été autorisé ; que les pertes financières, conséquence directe des aléas du marché boursier, ne constituent qu'un préjudice indirect du défaut d'agrément ne pouvant donner lieu à indemnisation ; qu'en se bornant à affirmer que le défaut des garanties afférentes à l'agrément se trouvait à l'origine direct du préjudice financier subi par les parties civiles, la cour d'appel a violé les textes susvisés" ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu que, pour condamner solidairement Philippe B..., Hubert Y... et Roland de Z...
A... à réparer l'intégralité du préjudice subi par les parties civiles, l'arrêt énonce, notamment, que celles-ci ont été privées des garanties afférentes à l'agrément en matière d'information, de conseil, de compétence et de moralité des intervenants ;

que les juges ajoutent que leur préjudice équivaut au montant des investissements perdus ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations, et dès lors que, d'une part, l'exercice illégal de sa profession par le mandataire constitue une faute qui cause à ses clients un préjudice personnel et direct, la réception sans protestation ni réserve des avis d'opéré n'emportant pas renonciation au droit d'invoquer cette faute, d'autre part, les personnes condamnées pour un même délit, en qualité d'auteur, de complice ou de receleur, sont tenues solidairement des dommages-intérêts, la cour d'appel, qui n'a fait qu'user de son pouvoir d'apprécier souverainement, dans la limite des conclusions des parties, l'indemnité propre à réparer le dommage né de l'infraction, a justifié sa décision ;

D'où il suit que les moyens ne peuvent être accueillis ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE les pourvois ;

FIXE à 1 500 euros la somme qu'Hubert Y... devra payer à Francis P... et au même montant celles qu'Hubert Y... et Roland de Z...
A... devront, chacun, payer aux consorts N..., par application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Dulin conseiller le plus ancien faisant fonction de président en remplacement du président empêché, M. Rognon conseiller rapporteur, Mmes Thin, Desgrange, M. Chanut, Mmes Nocquet, Ract-Madoux, M. Bayet conseillers de la chambre, MM. Soulard, Lemoine, Mmes Degorce, Labrousse conseillers référendaires ;

Avocat général : M. Boccon-Gibod ;

Greffier de chambre : Mme Daudé ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 06-87470
Date de la décision : 20/06/2007
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 9e chambre, 20 septembre 2006


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 20 jui. 2007, pourvoi n°06-87470


Composition du Tribunal
Président : Président : M. DULIN conseiller

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2007:06.87470
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