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14/03/2007 | FRANCE | N°05-20595

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 14 mars 2007, 05-20595


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, DEUXIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué et les productions, qu'Ali X..., salarié de la société Berliet, puis par la société Renault véhicules industriels, aux droits de laquelle vient la société Renault Trucks, du 15 avril 1949 au 30 septembre 1982, en qualité d'ouvrier spécialisé affecté notamment à la réfection des poches de fonderies est décédé le 2 août 2000 des suites d'un cancer bronco-pulmonaire ; que la caisse primaire d'assurance maladie ayant, le 20 juillet 200

1, reconnu le caractère professionnel de cette maladie (tableau n° 30 bis), sa v...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, DEUXIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué et les productions, qu'Ali X..., salarié de la société Berliet, puis par la société Renault véhicules industriels, aux droits de laquelle vient la société Renault Trucks, du 15 avril 1949 au 30 septembre 1982, en qualité d'ouvrier spécialisé affecté notamment à la réfection des poches de fonderies est décédé le 2 août 2000 des suites d'un cancer bronco-pulmonaire ; que la caisse primaire d'assurance maladie ayant, le 20 juillet 2001, reconnu le caractère professionnel de cette maladie (tableau n° 30 bis), sa veuve et sa fille ont saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale en vue de faire reconnaître la faute inexcusable de son employeur ; que la cour d'appel a dit que la maladie professionnelle dont Ali X... était atteint était due à la faute inexcusable de son employeur, fixé au maximum la majoration de la rente et alloué aux ayants droit de la victime une certaine somme en réparation de leurs préjudices, dit la décision de prise en charge de la maladie professionnelle d'Ali X... opposable à la société Renault Trucks et dit bien fondée l'action récursoire de la caisse à son encontre ;

Sur le premier moyen :

Attendu que la société Renault Trucks fait grief à l'arrêt de dire que l'employeur a commis une faute inexcusable, alors, selon le moyen :

1 / que le manquement de l'employeur à son obligation de sécurité de résultat en ce qui concerne les maladies professionnelles contractées par le salarié du fait des produits fabriqués ou utilisés par l'entreprise, n'a le caractère d'une faute inexcusable, au sens de l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale, que lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié ; que la conscience, par l'employeur, du danger auquel était exposé le salarié est appréciée, dans le secteur d'activité concerné, compte tenu de la réglementation d'hygiène et de sécurité applicable dans l'entreprise et de l'état des connaissances scientifiques et techniques relatives à ce danger au cours de la période pendant laquelle le salarié a été exposé ; qu'ainsi, en décidant, au regard de travaux scientifiques et de réglementations n'envisageant ni l'activité exercée par l'employeur, ni les fonctions auxquelles était affecté le salarié, que la société Renault véhicules industriels, ne pouvait ignorer l'exposition aux poussières d'amiante de la victime, sans constater précisément que, dans le domaine d'activité en cause, la réglementation sur l'hygiène et la sécurité du travail et l'état des connaissances scientifiques relatives aux risques de l'amiante permettaient à l'employeur, avant 1977, d'avoir conscience du danger auquel était spécialement exposé M. X..., la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale ;

2 / que le manquement de l'employeur à son obligation de sécurité de résultat en ce qui concerne les maladies professionnelles contractées par le salarié du fait des produits fabriqués ou utilisés par l'entreprise, n'a le caractère d'une faute inexcusable, au sens de l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale, que lorsque l'employeur n'a pas pris les mesures nécessaires pour préserver le salarié du danger auquel il était exposé ; que la diligence de l'employeur, quant aux mesures de prévention adoptées, s'apprécie au regard des règles d'hygiène et de sécurité applicables dans l'entreprise et de l'état des connaissances scientifiques et techniques au cours de la période pendant laquelle le salarié a été exposé au danger de maladie professionnelle ;

que la société Renault véhicules industriels faisait valoir dans ses conclusions d'appel qu'en 1978, le médecin du travail n'avait recensé que trente travailleurs exposés au risque de l'amiante contre 1 400 au risque de silicose et 800 au benzolisme, que des actions s'étaient multipliées pour réduire la projection de poussières, que des masques avaient été mis à la disposition des salariés et que lors du contrôle de l'empoussièrement effectué le 24 novembre 1982, il a été établi par l'ALPAVE, association reconnue d'utilité publique et habilitée à pratiquer les mesures d'empoussièrement, que le résultat était inférieur au seuil réglementaire fixé par le décret du 17 août 1977, ce dont il résultait qu'à l'époque, les dispositifs de prévention adoptés par la société Renault véhicules industriels étaient satisfaisants ; qu'en affirmant que la société Renault véhicules industriels se contentait de considérations générales sans donner aucune explication sur les mesures qu'elle aurait prises pour préserver M. X... des effets de l'exposition à l'amiante, sans avoir pris en considération ces éléments constants, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale ;

3 / que c'est au salarié qu'il incombe de prouver que son employeur n'a pas pris les mesures nécessaires pour le préserver du danger auquel il était exposé ; qu'en retenant la faute inexcusable de la société Renault véhicules industriels, motif pris de ce qu'elle se contentait de considérations générales sans donner aucune explication sur les mesures qu'elle aurait prises pour préserver M. X... des effets de l'exposition à l'amiante, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et violé l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale, ensemble l'article L. 230-2 du code du travail et l'article 1315 du code civil ;

Mais attendu qu'en vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l'employeur est tenu envers celui-ci d'une obligation de sécurité de résultat, notamment en ce qui concerne les maladies professionnelles contractées par ce salarié du fait des produits fabriqués ou utilisés dans l'entreprise ; que le manquement à cette obligation a le caractère d'une faute inexcusable, au sens de l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale, lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié, et qu'il n'a pas pris les mesures pour l'en préserver ;

Et attendu que les énonciations de l'arrêt caractérisent le fait, d'une part, que la société avait ou aurait dû avoir conscience du danger lié à l'amiante, d'autre part, qu'elle n'avait pas pris les mesures nécessaires pour en préserver son salarié ; que la cour d'appel, qui n'encourt aucun des griefs invoqués, a pu en déduire, sans inverser la charge de la preuve, que l'employeur avait commis une faute inexcusable ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le second moyen, pris en sa première branche :

Vu les articles L. 442-1 et L. 442-2 alors en vigueur du code de la sécurité sociale ;

Attendu que pour rejeter la demande de la société tendant à voir déclarer inopposable à son encontre la décision de la caisse de prendre en charge la maladie à titre professionnel, la cour d'appel retient qu'au regard des conditions de déroulement de l'enquête, la société Renault véhicules industriels a pu valablement faire valoir ses observations avant la clôture de l'instruction ;

Attendu qu'en statuant ainsi, par des motifs inopérants alors qu'il résultait des pièces versées aux débats par les parties que la caisse a communiqué à la société le procès-verbal de l'enquête légale en lui proposant de venir prendre connaissance des autres pièces du dossier dans un délai de cinq jours, le jour même où elle prenait sa décision de prise en charge au titre de la législation professionnelle de la maladie dont Ali X... était décédé, ce dont il résultait que cette décision prise par l'organisme social était inopposable à l'employeur, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

Vu l'article 627 du nouveau code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du second moyen :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce que la cour d'appel a débouté la société Renault Trucks, venant aux droits de la société Renault véhicules industriels, de sa demande tendant à se voir déclarer inopposable la décision de prise en charge au titre de la législation professionnelle de la maladie d'Ali X... prise par la CPAM de Lyon, l'arrêt rendu le 27 septembre 2005, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon et en ce que la cour d'appel a dit que la CPAM de Lyon pourra recouvrer les sommes allouées à Mmes X... auprès de la société Renault Trucks ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Dit que la décision de prise en charge au titre de la législation professionnelle de la maladie d'Ali X... prise par la caisse primaire d'assurance maladie de Lyon est inopposable à la société Renault Trucks, venant aux droits de la société Renault véhicules industriels ;

Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau code de procédure civile, condamne la société Renault Trucks à payer à Mmes Y... et Linda X... la somme globale de 2 000 euros ; condamne la CPAM de Lyon à payer à la société Renault Trucks la somme de 2 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze mars deux mille sept.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 05-20595
Date de la décision : 14/03/2007
Sens de l'arrêt : Cassation partielle sans renvoi
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Lyon (chambre sociale), 27 septembre 2005


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 14 mar. 2007, pourvoi n°05-20595


Composition du Tribunal
Président : Président : Mme FAVRE

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2007:05.20595
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