AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-huit février deux mille sept, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de Mme le conseiller RACT-MADOUX, les observations de la société civile professionnelle GATINEAU, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général DAVENAS ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- X... Patrice,
contre l'arrêt de cour d'appel de CHAMBERY, chambre correctionnelle, en date du 11 mai 2006, qui, dans la procédure suivie contre lui du chef d'escroquerie, a prononcé sur les intérêts civils ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 313-1 du code pénal, 2, 3, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a condamné Patrice X... à payer à Me Y..., ès qualités de liquidateur judiciaire de la Sarl Etablissements Z..., la somme de 100 000 euros à titre de dommages-intérêts ;
"aux motifs qu'il résulte des documents produits aux débats et notamment de l'arrêt de la cour, en date du 4 juillet 2002, que les manoeuvres frauduleuses, effectuées antérieurement à la vente des parts sociales du 7 mars 1996, ont été déterminantes du consentement de la société Etablissements Z..., laquelle a été trompée sur la valeur réelle des parts de la société cédée et l'ont amenée à acquérir celles-ci à un prix excessif par rapport à leur valeur réelle ; qu'ainsi le préjudice de l'acquéreur a été constitué par une acquisition falsifiée quant à sa valeur effective, à l'usage et au bénéfice escomptés ; que le prix payé a été consenti en raison des manoeuvres frauduleuses ; que l'enrichissement corrélatif de Patrice X... a été directement lié à la tromperie organisée dans cet objectif ; qu'il y a donc lieu de considérer que le préjudice supporté par la société Etablissements Z... est directement constitué par le paiement indu relatif à l'acquisition des parts sociales de la société Annecy ambulances suivant l'acte du 4 avril 1996 ; que cependant, la société Etablissements Z... a acheté des éléments d'actifs non falsifiés ; qu'elle a exercé son activité sans difficulté justifiée jusqu'au 20 octobre 1998, soit pendant près de trois années ; qu'il y a donc lieu de considérer que Patrice Z... a tiré un certain profit de son acquisition pendant la période en question ;
que, nonobstant les profits obtenus et les éventuelles erreurs de gestion lui étant imputables, ce dernier a supporté un préjudice certain en relation avec les manoeuvres de Patrice X..., matérialisé par l'achat de parts sociales sur la base d'éléments objectifs faussés destinés à obtenir un consentement contractuel ;
que Patrice X... a ainsi engagé des fonds qui ont été perdus en partie au regard de la santé financière de l'entreprise nettement plus précaire que celle escomptée ; que l'investissement désiré n'a donc pas obtenu la finalité et l'objectif poursuivis en raison des faits délictueux établis à l'encontre de Patrice X... ;
"1 ) alors que l'action civile a pour objet la réparation d'un préjudice qui trouve directement sa source dans l'infraction poursuivie ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a fixé le montant des dommages-intérêts alloués à Me Y..., ès qualités, en considération du fait que l'investissement réalisé par Patrice Z... en 1996 ne lui avait pas permis, suite à la liquidation judiciaire prononcée en 1998, d'obtenir la finalité et l'objectif poursuivis en raison des faits délictueux établis à l'encontre de Patrice X..., imputant ainsi au demandeur la responsabilité de la perte financière résultant du dépôt de bilan de la société Etablissements Z... ; qu'en statuant de la sorte, sans constater que la liquidation judiciaire avait pour seule origine l'infraction reprochée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
"2 ) alors que l'appréciation des juges du fond sur l'importance du préjudice subi par la victime d'une infraction n'est souveraine qu'autant qu'elle n'est pas déduite de motifs insuffisants, contradictoires ou erronés ; qu'en l'espèce, le préjudice subi par la victime résulte de la seule différence entre la valeur supposée de la société cédée et sa valeur réelle ; qu'en condamnant Patrice X... à la somme forfaitaire de 100 000 euros, la cour d'appel a privé sa décision de base légale" ;
Attendu que, pour fixer le montant des dommages-intérêts dus au liquidateur de la société Z..., par Patrice X..., définitivement condamné pour escroquerie au préjudice de cette société, l'arrêt prononce par les motifs repris au moyen ;
Attendu qu'en statuant ainsi, la cour d'appel n'a fait qu'user de son pouvoir d'apprécier souverainement, dans les limites des conclusions des parties, l'indemnité propre à réparer le dommage né de l'infraction ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Dulin conseiller le plus ancien, faisant fonction de président en remplacement du président empêché, Mme Ract-Madoux conseiller rapporteur, Mme Thin conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Randouin ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;