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28/02/2007 | FRANCE | N°06-83465

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 28 février 2007, 06-83465


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-huit février deux mille sept, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller ROGNON, les observations de Me FOUSSARD et de Me BLANC, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général DAVENAS ;

Statuant sur les pourvois formés par :

- LE PROCUREUR GENERAL PRES LA COUR D'APPEL D'AGEN,

- X... DES IMPOTS, partie civile,

contre l'arrêt de ladite cour d'appel, chambre correctionnelle, en da

te du 23 février 2006, qui a relaxé Erick Y... des chefs de fraude fiscale et d'omission d...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-huit février deux mille sept, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller ROGNON, les observations de Me FOUSSARD et de Me BLANC, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général DAVENAS ;

Statuant sur les pourvois formés par :

- LE PROCUREUR GENERAL PRES LA COUR D'APPEL D'AGEN,

- X... DES IMPOTS, partie civile,

contre l'arrêt de ladite cour d'appel, chambre correctionnelle, en date du 23 février 2006, qui a relaxé Erick Y... des chefs de fraude fiscale et d'omission d'écritures en comptabilité, et a débouté la partie civile de ses demandes ;

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;

Sur le premier moyen de cassation, proposé par le procureur général, pris de la violation des règles de la charge de la preuve, des articles 1741 du code général des impôts, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

Sur le premier moyen de cassation, proposé pour l'administration des impôts, pris de la violation des règles de la charge de la preuve, des articles 1741 du code général des impôts, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs ;

"en ce que l'arrêt attaqué a relaxé Erick Y... du chef de fraude fiscale ;

"aux motifs qu'il appartient à la partie poursuivante de faire la preuve que les éléments constitutifs des infractions visées à la prévention sont réunis dans tous leurs éléments ; qu'il résulte des pièces du dossier ainsi que des documents remis à la cour par les parties : - que dans un rapport intermédiaire du 22 mai 2000, l'administration des finances de Belgique indiquait qu'elle avait réussi à identifier 13 particuliers et 4 sociétés ayant acheté des biens sur la commune de Loubressac (46), - que c'est bien par erreur que le compte n° 36 seul en cause était dénommé compte joint alors que la procuration que Mme Z... avait envisagé de donner à son fils n'a jamais été régularisée (attestation du 17 mai 2004 de la banque Fortis) ; - que Erick Y... n'a jamais effectué d'opérations sur ce compte (attestation du 3 novembre 2002) ; - que la direction des services fiscaux du Lot ne démontre pas le caractère erroné de ces attestations ; - que des attestations de l'administration fiscale belge, bureau de Malines des 16 et 17 avril et 4 juin 2000 indiquent que Mme Z... exerce régulièrement en Belgique une activité de location de meublée en France pour le compte de divers propriétaires et que si ces attestations sont contredites par la lettre de M. A...
B...
C... du 8 novembre 2002, ce personnage est, selon des coupures de presse, poursuivi lui-même en Belgique pour divers délits (fraude fiscale, escroquerie, etc...) ; - que divers documents émanant des autorités belges et écrits en langue flamande, fondant la poursuite, font l'objet d'une traduction

contestée ; - que sur les relevés bancaires originaux du compte n 36, 139 débits ont été biffés et sont donc illisibles (lettre de la direction des services fiscaux du Lot du 14 septembre 2004) ; - que l'administration a procédé à un dégrèvement de 455 604 francs au titre des revenus de 1998 (lettre du 23 juin 2004) ; qu'il s'évince de ces éléments indiscutables qu'il existe un doute sur la matérialité des infractions poursuivies et que ce doute devant profiter au prévenu, la cour se doit d'entrer en voie de relaxe à son bénéfice" ;

"alors que, premièrement, le contribuable est présumé avoir disposé des sommes inscrites au crédit de ses comptes bancaires, sauf à prouver, et dans ce cas il a la charge de la preuve, que les sommes en cause, eu égard à leur objet ou à leur nature, n'entrent pas dans le champ de l'impôt sur le revenu ; qu'ayant constaté que Erick Y... avait disposé de sommes au cours de l'année 1998 sur ses comptes qui n'avaient pas été reportées sur sa déclaration (arrêt p. 9, 1 er et 4), les juges du fond ne pouvaient opposer aux parties poursuivantes les règles de la charge de la preuve, dès lors qu'il appartenait au contribuable d'établir que les sommes en cause n'entraient pas dans le champ de l'impôt sur le revenu ; qu'à cet égard, l'arrêt procède d'une violation des règles de la charge de la preuve ;

"alors que, deuxièmement, faute de s'être expliqués sur les circonstances leur permettant de considérer que le prévenu n'avait pas à porter sur sa déclaration les sommes inscrites au crédit de ses comtes bancaires, les juges du fond ont entaché leur décision d'un défaut de base légale ;

"alors que, troisièmement, ayant constaté précisément que l'administration fiscale faisait état d'encaissements effectués sur deux comptes, l'un ouvert en France auprès de la Banque Populaire du Quercy et de l'Agenais, l'autre ouvert en Belgique auprès de la société Fortis Bank tant au nom de Erick Y... qu'au nom de sa mère (arrêt p. 10, 1 er), les juges du fond se devaient de vérifier si les comptes en cause avaient bien été ouverts au nom de Erick Y... et si des sommes avaient bien été inscrites au crédit de ces comptes, qui n'avaient pas été reportées sur la déclaration fiscale ;

qu'en s'abstenant de se prononcer sur ce point, les juges du fond ont de nouveau entaché leur décision d'un défaut de base légale ;

"alors que, quatrièmement, en se contentant d'observer que certains documents émanant des autorités belges et écrits en langue flamande, fondant la poursuite, avaient fait l'objet d'une traduction contestée, ou bien que des relevés de comptes bancaires comportaient des écritures biffées et donc illisibles, ou bien encore qu'un dégrèvement avait été opéré, sans mettre en oeuvre les mesures d'instruction qui s'imposaient pour obtenir une traduction fiable, ou disposer de relevés non biffés ou bien encore connaître les motifs du dégrèvement, les juges du fond ont violé la règle suivant laquelle le juge correctionnel ne peut entrer en voie de relaxe fût-ce au bénéfice du doute, sans avoir préalablement mis en oeuvre les mesures d'instruction mises à sa disposition pour faire la lumière sur les faits qui lui sont déférés" ;

Les moyens étant réunis ;

Vu l'article 593 du code de procédure pénale ;

Attendu que, d'une part, tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision ; que l'insuffisance des motifs équivaut à leur absence ;

Attendu que, d'autre part, il appartient aux juges correctionnels d'ordonner les mesures d'instruction qu'ils constatent avoir été omises et qui leur apparaissent utiles à la manifestation de la vérité ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure qu'Erick Y... est poursuivi pour s'être, en 1999, frauduleusement soustrait à l'établissement et au paiement de l'impôt sur le revenu dû au titre de l'année 1998, en souscrivant une déclaration de l'ensemble de ses revenus minorée ; qu'il lui est reproché d'avoir omis de déclarer les revenus d'une activité de loueur en meublés exercée en France mais dont les recettes étaient encaissées en Belgique sur un compte bancaire ouvert par sa mère et sur lequel il avait pouvoir ;

Attendu que, pour relaxer le prévenu du chef de fraude fiscale, l'arrêt retient, notamment, que les documents fondant les poursuites, délivrés par les autorités fiscales belges, dans le cadre de la procédure administrative d'entraide, sont rédigés en langue flamande et font l'objet d'une traduction contestée ; que les juges ajoutent que cent-trente-neuf écritures en débit sont biffées sur les relevés du compte bancaire litigieux et sont donc illisibles ; qu'ils relèvent, enfin, que l'administration a procédé à un dégrèvement au titre des revenus de l'année 1998 ;

Mais attendu qu'en se déterminant ainsi, sans ordonner les mesures d'instruction dont elle reconnaissait qu'elles étaient utiles à la manifestation de la vérité, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision ;

D'où il suit que la cassation est encourue ;

Et sur le second moyen de cassation, proposé par le procureur général, pris de la violation des articles 1743 du code général des impôts, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

Et sur le second moyen de cassation, proposé pour l'administration des impôts, pris de la violation des articles 1743 du code général des impôts, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs ;

"en ce que l'arrêt attaqué a relaxé le prévenu du chef d'irrégularités comptables ;

"aux motifs qu'il appartient à la partie poursuivante de faire la preuve que les éléments constitutifs des infractions visées à la prévention sont réunis dans tous leurs éléments ; qu'il résulte des pièces du dossier ainsi que des documents remis à la cour par les parties : - que dans un rapport intermédiaire du 22 mai 2000, l'administration des finances de Belgique indiquait qu'elle avait réussi à identifier 13 particuliers et 4 sociétés ayant acheté des biens sur la commune de Loubressac (46), - que c'est bien par erreur que le compte n° 36 seul en cause était dénommé compte joint alors que la procuration que Mme Z... avait envisagé de donner à son fils n'a jamais été régularisée (attestation du 17 mai 2004 de la banque Fortis) ; - que Erick Y... n'a jamais effectué d'opérations sur ce compte (attestation du 3 novembre 2002) ; - que la direction des services fiscaux du Lot ne démontre pas le caractère erroné de ces attestations ; - que des attestations de l'administration fiscale belge, bureau de Malines des 16 et 17 avril et 4 juin 2000 indiquent que Mme Z... exerce régulièrement en Belgique une activité de location de meublée en France pour le compte de divers propriétaires et que si ces attestations sont contredites par la lettre de M. A...
B...
C... du 8 novembre 2002, ce personnage est, selon des coupures de presse, poursuivi lui-même en Belgique pour divers délits (fraude fiscale, escroquerie, etc...), - que divers documents émanant des autorités belges et écrits en langue flamande, fondant la poursuite, font l'objet d'une traduction contestée , - que sur les relevés bancaires originaux du compte n 36, 139 débits ont été biffés et sont donc illisibles (lettre de la direction des services fiscaux du Lot du 14 septembre 2004) ; - que l'administration a procédé à un dégrèvement de 455 604

francs au titre des revenus de 1998 (lettre du 23 juin 2004) ; qu'il s'évince de ces éléments indiscutables qu'il existe un doute sur la matérialité des infractions poursuivies et que ce doute devant profiter au prévenu, la cour se doit d'entrer en voie de relaxe à son bénéfice" ;

"alors que, premièrement, le délit prévu et réprimé à l'article 1743 du code général des impôts est constitué dès lors que le contribuable n'a pas satisfait quant à la tenue de sa comptabilité aux obligations qui s'imposaient à lui ; qu'il se distingue, quant à ses éléments constitutifs, du délit de fraude fiscale tel que prévu et réprimé à l'article 1741 du code général des impôts ; qu'en relaxant le prévenu des fins de la poursuite et donc du chef d'irrégularités comptables, sur la base de considérations intéressant exclusivement la fraude fiscale sans évoquer le point de savoir si le prévenu avait satisfait ou non à ses obligations comptables, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard des textes susvisés ;

"et alors que, deuxièmement, et en tout cas, à supposer que les motifs de l'arrêt, relatifs à la fraude fiscale, puissent justifier la relaxe du chef des irrégularités comptables, de toute façon, comme il a été dit au premier moyen, l'arrêt attaqué doit être considéré comme dépourvu de base légale dès lors que les juges du fond n'ont pas mis en oeuvre tous les moyens dont ils disposaient pour faire la lumière sur les faits qui leur étaient déférés avant d'entrer en voie de relaxe" ;

Les moyens étant réunis ;

Vu l'article 593 du code de procédure pénale ;

Attendu que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision ; que l'insuffisance des motifs équivaut à leur absence ;

Attendu qu'il ressort de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure qu'Erick Y..., exerçant des activités de marchand de biens et loueur en meublés, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité dont il est résulté que celle présentée n'était ni régulière ni probante ; qu'il est poursuivi pour avoir omis de passer ou faire passer des écritures dans les documents comptables obligatoires, au titre de l'exercice clôturé le 31 décembre 1998 ;

Attendu que, pour le relaxer de ce chef, l'arrêt prononce par les motifs repris au moyen ci-dessus reproduit ;

Mais attendu qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher si le prévenu avait satisfait aux obligations comptables lui incombant, alors que l'infraction prévue et punie par l'article 1743 du code général des impôts est distincte du délit de fraude fiscale, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision ;

D'où il suit que la cassation est de nouveau encourue ;

Par ces motifs :

CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel d'Agen, en date du 23 février 2006, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi,

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Bordeaux, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel d'Agen et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Dulin conseiller le plus ancien, faisant fonction de président en remplacement du président empêché, M. Rognon conseiller rapporteur, Mme Thin conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Randouin ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 06-83465
Date de la décision : 28/02/2007
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Agen, chambre correctionnelle, 23 février 2006


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 28 fév. 2007, pourvoi n°06-83465


Composition du Tribunal
Président : Président : M. DULIN conseiller

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2007:06.83465
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