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28/02/2007 | FRANCE | N°06-80200

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 28 février 2007, 06-80200


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-huit février deux mille sept, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller RACT-MADOUX, les observations de Me BOUTHORS, de Me BLONDEL, de la société civile professionnelle PEIGNOT et GARREAU et de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général DAVENAS ;

Statuant sur les pourvois formés par :

- X... Armand,

- Y... Anne, épou

se X...,

contre l'arrêt de cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE, 5e chambre, en date du 30 no...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-huit février deux mille sept, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller RACT-MADOUX, les observations de Me BOUTHORS, de Me BLONDEL, de la société civile professionnelle PEIGNOT et GARREAU et de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général DAVENAS ;

Statuant sur les pourvois formés par :

- X... Armand,

- Y... Anne, épouse X...,

contre l'arrêt de cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE, 5e chambre, en date du 30 novembre 2005, qui a condamné le premier, pour infraction à une interdiction de gérer, abus de biens sociaux et organisation frauduleuse d'insolvabilité, à 5 ans d'emprisonnement dont 4 ans avec sursis et mise à l'épreuve, la seconde, pour recel d'abus de biens sociaux et organisation frauduleuse d'insolvabilité, à 3 ans d'emprisonnement avec sursis et mise à l'épreuve, et a prononcé sur les intérêts civils ;

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

Vu le mémoire, commun aux demandeurs, le mémoire en défense et les observations complémentaires produits ;

Sur le moyen additionnel, pris de la violation des articles 6 et 7 de la Convention européenne des droits de l'homme, 485, 486, 510 et 592 du code de procédure pénale ;

"en ce que les mentions de l'arrêt ne permettent pas de connaître la composition de la cour d'appel l'ayant rendu ;

"alors qu'à défaut d'indiquer l'identité des assesseurs lors de l'audience des débats (arrêt pages 3 et 23), l'arrêt n'établit pas que les deux assesseurs présents lors du prononcé eussent également participé aux débats et au délibéré avec le président" ;

Attendu que les mentions de l'arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que les mêmes magistrats ont participé aux débats et au délibéré et que l'arrêt a été lu par l'un d'eux, en application de l'article 485 du code de procédure pénale ;

Que, dès lors, le moyen manque en fait ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 et 7 de la Convention européenne des droits de l'homme, L. 625-1, L. 625-2 du code de commerce, 485, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

"en ce que la cour a reconnu Armand X... coupable de violation d'une interdiction de gérer ;

"aux motifs que sur la violation de l'interdiction de gérer, les premiers juges, pour entrer en voie de condamnation à l'encontre de Armand X..., ont retenu que celui-ci a fait l'objet d'une décision de la chambre commerciale de la cour d'appel de Paris du 9 novembre 1990 ayant prononcé sa faillite personnelle, qui par application de l'article 652-2 du code de commerce emporte interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler, directement ou indirectement toute personne morale ayant une activité économique ; qu'il a eu connaissance de cette décision qui était contradictoire et contre laquelle il a formé un pourvoi en cassation et en a compris la portée ; qu'il a ensuite, après analyse des déclarations des différentes personnes intervenues dans le fonctionnement de la société Eros et des personnes ayant été en relation avec cette société, conclu qu'Armand X... avait eu le contrôle et la direction réelle de cette société et l'a, par voie de conséquence, déclaré coupable de violation de l'interdiction de gérer découlant de sa faillite personnelle ; qu'Armand X... conteste cette décision en faisant valoir que tant Jean-François de Z..., gérant statutaire de la société Eros, que Me A..., liquidateur de cette société, étaient des professionnels du droit et du chiffre et avaient pleinement exercé leurs fonctions, et que par voie de conséquence, il ne pouvait être considéré comme son dirigeant, même s'il a pu avoir un rôle actif dans des négociations ; qu'il résulte de la procédure, et notamment de son interrogatoire devant le juge d'instruction le 21 mai 2001, qu'Armand X... avait bien eu connaissance de l'interdiction de gérer qui le frappait et de sa portée puisque cela l'avait conduit à avoir recours à un gérant professionnel pour la société Eros ; que comme l'ont démontré les premiers juges, dans leur analyse des déclarations de Jean-François de Z..., de Me A... et de Robert B..., comptable de la société Eros, ou même d'Anne Y..., épouse X..., c'est Armand X... qui a élaboré, préparé et négocié toutes les décisions importantes concernant la société Eros, notamment la vente de son patrimoine immobilier, ne se contentant pas de faire des propositions au gérant de la société, et a effectivement exercé la gestion de fait de la société Eros ; que le conflit qui l'a opposé à Me A... prouve bien qu'il entendait imposer ses décisions aux dirigeants officiels de la société ;

"1 ) alors que, d'une part, la gérance de fait suppose l'accomplissement d'actes de gestion sociale impliquant un contrôle effectif et constant de la conduite de l'entreprise ; qu'en l'absence de constatations par l'arrêt d'actes précis susceptibles de caractériser l'exercice en toute indépendance, par le demandeur, des pouvoirs de direction, de gestion et d'administration de l'entreprise, la cour d'appel n'a pu légalement prêter au prévenu la qualité de gérant de fait ;

"2 ) alors que, d'autre part, la cour d'appel ne pouvait se borner à affirmer que le demandeur était mis en cause en sa qualité de gérant de fait par le liquidateur et le gérant statutaire sans s'expliquer sur les éléments de la procédure invoqués dans les écritures de la défense, dont il résultait que le gérant de droit s'était servi d'une fausse accusation pour mieux asseoir sa déclaration concernant la prétendue gestion de fait et que le liquidateur avait expressément soumis sa conduite de la liquidation à la pleine maîtrise de l'ensemble des prérogatives y attachées ; qu'elle a ainsi privé sa décision de toute base légale ;

"3 ) alors que, enfin, l'existence d'un simple conflit entre le liquidateur et le demandeur ne saurait caractériser un acte de direction, gestion, administration ou de contrôle entrant dans les fonctions d'un gérant, fût-il de fait ; qu'en retenant de tels faits pour caractériser une gérance de fait de la société Eros par Armand X..., la cour d'appel a statué par un motif inopérant et a derechef privé son arrêt de base légale" ;

Attendu que, pour déclarer Armand X... coupable d'infraction à une interdiction de gérer, l'arrêt, par motifs propres et adoptés, énonce qu'il ressort des déclarations du gérant de droit, du comptable et de l'épouse du prévenu que celui-ci a élaboré, préparé et négocié toutes les décisions importantes concernant la société Eros, et notamment la vente de son patrimoine immobilier ;

Attendu qu'en prononçant ainsi, la cour d'appel, qui a caractérisé la gérance de fait par le prévenu de la société Eros, a justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen doit être écarté ;

Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 et 7 de la Convention européenne des droits de l'homme, 314-8 du code pénal, 6, 8, 202, 203, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

"en ce que en ce que l'arrêt attaqué a rejeté l'exception de prescription concernant le délit d'organisation frauduleuse de l'insolvabilité ;

"aux motifs que statuant sur l'exception de nullité de l'ordonnance de renvoi, il convient de faire droit à la demande des prévenus et d'annuler la dite ordonnance en ce qu'elle a renvoyé les prévenus de ce chef pour les années 1999, 2000 et 2001 puisqu'ils n'ont été mis en examen que pour la période de 1993 à 1998 lors de leur seconde mise en examen pour ces faits le 17 décembre 2003 ;

que cette ordonnance demeure valide pour la période de 1993 à 1998 dont la cour est valablement saisie ; que, sur les autres griefs formés à l'encontre de cette ordonnance, l'omission par l'ordonnance de renvoi de la décision de la cour de cassation rejetant le pourvoi formé contre la décision de la cour d'appel du 27 janvier 1998 est sans incidence sur la saisine de la cour, la décision de la Cour de cassation ne prononçant pas la condamnation à laquelle il est reproché aux prévenus de tenter de se soustraire ; que la mention par l'ordonnance de renvoi de la décision du tribunal correctionnel du 15 juillet 1993, non précisée lors de la mise en examen, est également sans incidence sur la saisine de la cour, cette décision n'emportant pas de condamnation des prévenus et ayant fait droit à leur demande de mainlevée de l'arrêté d'interruption des travaux ; que les prévenus ont été mis en examen au titre des jugements du tribunal correctionnel de Nice, en date des 3 décembre 1993 et 2 décembre 1994, et que la mention dans l'ordonnance de renvoi des 3 décembre 1993 et du 2 décembre "1993" - au lieu de 1994 - relève d'une simple erreur matérielle ; qu'il convient de rejeter le surplus des griefs formés contre l'ordonnance de renvoi ; qu'ainsi, la cour est valablement saisie de la soustraction à l'exécution des jugements du tribunal correctionnel de Nice, en date des 3 décembre 1993 et 2 décembre 1994, et de l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence du 27 janvier 1998 ; qu'au terme de ces décisions, les époux X... ont été déclaré coupables de construction sans permis de construire et non déclaration de travaux non soumis à l'obtention d'un permis de construire, condamnés chacun à 500 000 francs d'amende, condamnés à la mise en conformité des travaux avec les autorisations administratives sous astreinte de 500 francs par jour de retard au delà d'un délai de 8 mois et à verser la somme de 60 000 francs aux consorts C... et celle de 40 000 francs aux consorts D... à titre de dommages-intérêts, ainsi qu'une somme totale de 40 000 francs au titre de l'article 475-1 du code de procédure pénale aux parties civiles ; qu'indépendamment de ce contentieux pénal, un contentieux civil opposait les époux X... à la SCI les Néréides, que dans ce cadre, la 4e chambre civile de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, par arrêt du 15 mars 1994, a suspendu les travaux de construction entrepris par les époux

X... en l'absence d'un bornage préalable et que ce litige s'est terminé par arrêt de la cour d'appel de Montpellier, en date du 2 décembre, donnant tort aux époux X... pour avoir empiété sur la propriété de leurs voisins et condamnant la société Atlantic Chempharm, venant aux droits des époux X..., à verser la somme de 46 000 euros de dommages-intérêts aux demandeurs ; qu'ainsi, dès la fin de l'année 1993, les époux étaient engagés dans une opération immobilière dont l'issue se présentait mal : déclaration de culpabilité pour construction sans permis de construire, obligation de mise en conformité des travaux ; qu'en 1994, le tribunal a prononcé à leur encontre deux peines d'amendes de 500 000 francs, alloué aux parties civiles une somme totale de 140 000 francs ; que la mise en conformité des travaux, ordonnée sous astreinte, ne pouvait qu'être coûteuse, compte tenu de l'importance des violations du permis de construire constatée et de l'importance des travaux engagés ; que c'est à l'ensemble des conséquences de ces décisions pénales que les époux X... ont cherché à échapper en faisant sortir tous les avoirs personnels de leur patrimoine, grâce à une opération dont le premier terme a été l'acquisition par la société Atlantic Chempharm d'une créance de 70 046 894 francs pour un franc suisse et la caution donnée par Anne Y..., épouse X..., au paiement de cette créance, puis par l'apport par celle-ci de ses biens personnels à la société Eros et enfin par la vente de ces biens à la société Atlantic Chempharm dans les conditions exposées plus haut ;

qu'ainsi, les abus de biens sociaux retenus à l'encontre des prévenus n'ont été commis que pour permettre aux époux X... d'organiser leur insolvabilité et échapper aux conséquences pécuniaires des poursuites pénales dont ils faisaient l'objet ; que ces faits sont donc connexes, au sens de l'article 203 du code de procédure pénale, des abus de biens sociaux dénoncés qui ont fait l'objet de poursuites pénales dès le 17 novembre 1997, puisque les abus de biens sociaux ont été commis par les prévenus pour se donner les moyens d'organiser frauduleusement leur insolvabilité ;

que, par voie de conséquence, les actes interruptifs de la prescription à l'égard des abus de biens sociaux - comme la constitution de partie civile de la caisse de Crédit agricole mutuel d'Ille-et-Vilaine du 17 novembre 1997 et les actes de poursuite subséquents - ont également interrompu la prescription à l'égard de l'infraction d'organisation frauduleuse de l'insolvabilité ; qu'il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a constaté la prescription de ces faits ; que la disparition des biens des époux X... a été organisée grâce au stratagème consistant en premier lieu en la caution personnelle donnée par Anne Y..., épouse X..., à une créance acquise pour un franc suisse par des "tiers", au terme de négociations menées par son mari Armand X..., en l'apport de tous ses biens personnels sans aucune nécessité à la société Eros, puis à faire assigner Anne Y..., épouse X..., actionnaire majoritaire de la société Eros, en paiement du compte courant créditeur d'un montant nominal de 70 046 894 francs, acquis pour un franc suisse, circonstance connue d'Armand X..., en la signature d'un protocole d'accord passé entre Anne Y..., épouse X..., et la société Atlantic Chempharm le 26 novembre 1995 au terme duquel cette société accepte d'acquérir les biens de la société Eros pour apurer la dette d'Anne Y..., épouse X..., et prévoyant leur paiement par un billet à ordre, puis la tenue d'une assemblée générale extraordinaire de la société Eros autorisant la distribution de ce billet à ordre à Anne Y..., épouse X..., et la restitution immédiate de ce billet à la société Atlantic Chempharm pour éteindre la dette ; que ce schéma s'est réalisé notamment grâce aux assemblées générales extraordinaires de la société Eros des 7 et 15 décembre 1995 après laquelle les billets à ordre émis par la société Atlantic Chempharm pour l'acquisition des biens ont été restitués le jour même à cette société ; qu'ainsi Anne Y... s'est rendue insolvable en se dessaisissant de ses biens personnels au profit de la société Eros ; qu'Armand X..., qui a admis être devenu insolvable lorsqu'il a expliqué au juge d'instruction lors de son interrogatoire du 17 décembre 2003 qu'il n'avait pu payer la peine d'amende, ni les sommes allouées aux parties civiles par l'arrêt de la cour d'appel car il n'en avait plus les moyens, s'est également sciemment appauvri ; qu'il convient de rappeler qu'il était le seul actionnaire de la société Eros qui était propriétaire des immeubles situés au Cap Nérée, sur la commune de Saint-Raphaël, jusqu'à l'entrée de son épouse dans le capital de cette société par l'apport de ses immeubles et que, par la suite, la société Eros a acquis des immeubles situés à Fouesnant ;

qu'à la suite de la cession des immeubles situés à Fouesnant et de la plupart des immeubles situés au Cap Nérée ainsi que des immeubles apportés par son épouse, ses parts sociales de la société Eros ont perdu l'essentiel de leur valeur du fait de la disparition de ces actifs, la société ayant fait l'objet d'une dissolution anticipée après réduction de son capital ;

que cette opération a été réalisée à l'initiative d'Armand X... qui apparaît à tous les stades, que ce soit pour la négociation du rachat de la société IGR Château et des comptes

créditeurs de IGR Holding, pour la mise en place de la vente des biens de la société Eros et pour la distribution du prix à son épouse ; qu'il convient de rappeler que la société Atlantic Chempharm est une société irlandaise, qui avait pour représentant fiscal en France Robert B..., qui était également l'expert-comptable de la société Eros et de la société Mirabeau ; que selon les dires de celui-ci, la cession des biens de la société Eros à la société Atlantic Chempharm a été conçue par Armand X... et que, selon les déclarations de Me E..., notaire (D 33), les terrains de Fouesnant acquis par la société Atlantic Chempharm, le 15 décembre 1995 grâce aux billets à ordre, ont été cédés à des tiers en juillet 1998, au terme d'une négociation entièrement menée du côté de la société Atlantic Chempharm par Armand X... qui était en relation avec Me F..., notaire intervenant pour le vendeur ;

qu'ainsi Armand X... apparaît bien comme l'organisateur de toute cette opération ; qu'Anne Y..., épouse X..., est coauteur de ces faits, celle-ci ayant personnellement participé à l'exécution de cette opération en signant les actes de caution personnelle au profit de la société Atlantic Chempharm et la société Mirabeau, apporté ses biens à la société Eros et remis les billets à ordre à la société Atlantic Chempharm ;

"1 ) alors que, en considérant qu'après annulation partielle de l'ordonnance de renvoi, elle demeurait valablement saisie de la soustraction des demandeurs, courant 1993 et 1998, à l'exécution de décisions de justice rendues en 1993, 1994 et 1998, par voie d'interprétation et de rectification de l'ordonnance de règlement, la cour a laissé les demandeurs incertains sur le champ exact de la prévention, violant les contraintes du procès équitable et les droits de la défense ;

"2 ) alors que, d'autre part, en l'état de la période limitée de la prévention afférant à l'organisation d'insolvabilité reprochée aux prévenus, courant 1993 à 1998, la cour ne pouvait légalement déduire la culpabilité des demandeurs d'éléments postérieurs à la période précitée, sans méconnaître l'étendue de sa saisine et violer de ce chef encore les droits de la défense ;

"3 ) alors que, de troisième part, en considérant que les demandeurs avaient entendu se soustraire à l'exécution de décisions correctionnelles rendues en 1993, 1994 et 1998 sans tenir compte du caractère suspensif de leur pourvoi sur l'action publique, la cour a encore privé son arrêt de toute base légale ;

"4 ) alors, en tout état de cause, que l'organisation d'insolvabilité est un délit intentionnel ; que la cour ne pouvait dans ces conditions légalement déduire pareil élément de la déclaration de culpabilité qu'elle a prononcée par ailleurs sur les abus de biens sociaux distinctement reprochés aux demandeurs" ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué qu'Armand et Anne X... ont été renvoyés devant le tribunal correctionnel, notamment pour avoir, de 1994 à 2001, en vue de se soustraire à l'exécution de condamnations de nature patrimoniale prononcées par des juridictions répressives, organisé leur insolvabilité en diminuant l'actif de leur patrimoine, en l'espèce par des apports de terrains à la société Eros puis par des cessions aux sociétés Atlantic Chempharm, Mirabeau et DHF Industries des actifs de la première société ; que les juges n'ont retenu leur saisine que pour les faits commis de 1993 à 1998, au motif que les prévenus n'avaient pas été mis en examen au titre des années 1999 à 2001 ;

Attendu que, pour dire ceux-ci coupables d'organisation frauduleuse d'insolvabilité, la cour d'appel prononce par les motifs repris au moyen ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations, d'où il ressort que les prévenus ont eu connaissance des limites de la saisine de la cour d'appel, celle-ci, qui ne s'est pas fondée sur des éléments postérieurs à l'année 1998, et peu important que la décision visée à la prévention ait été l'objet d'un pourvoi en cassation, a, sans insuffisance, caractérisé le délit d'organisation frauduleusse d'insolvabilité dont elle a déclaré les prévenus coupables ;

Que, dès lors, le moyen ne saurait être accueilli ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 et 7 de la Convention européenne des droits de l'homme, article L. 241-3 du code de commerce, 6, 8, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

"en ce que la cour a reconnu Armand X... coupable d'abus de biens sociaux et Anne Y..., épouse X..., coupable de recel d'abus de biens sociaux ;

"aux motifs qu'il est reproché à Armand X... d'avoir commis un abus de biens sociaux en acceptant que la Sarl Eros cautionne un prêt de 16 000 000 de francs consenti à titre personnel par le CRACM d'Ille-et-Vilaine à Anne Y..., épouse X..., alors que la société Eros n'avait aucun intérêt à donner un tel cautionnement, et à Anne Y..., épouse X..., d'avoir recelé ce cautionnement obtenu par un abus de biens sociaux commis par son mari ; que les prévenus font valoir que ces faits d'abus de biens sociaux ne sont pas constitués dans la mesure où rien n'interdit à une société de cautionner un emprunt contracté par un associé si l'opération présente un intérêt social qui, en l'espèce, était l'exploitation hôtelière des biens acquis par ses associés, et qu'en tout état de cause ils sont prescrits ; que cependant, il convient de souligner que, comme cela ressort du procès-verbal d'assemblée générale extraordinaire de la société Eros du 13 juillet 1993 annexé à l'acte de prêt consenti à Anne Y..., épouse X..., celle-ci n'avait pas à cette date la qualité d'associée de la société Eros, son mari étant l'actionnaire unique ; qu'en donnant ainsi sa caution à Anne Y..., épouse X..., personne étrangère à la société, au prétexte que celle-ci aurait accepté la candidature de la société Eros pour gérer les biens de la Sarl Château de l'Arc dont elle était propriétaire, Armand X..., gérant de fait de la société Eros, a commis un abus de biens sociaux, en faisant courir un risque important à la société qui a donné des garanties hypothécaires au Crédit agricole, sans aucune contrepartie réelle ; que l'intérêt supposé de l'opération pour la société Eros - l'exploitation hôtelière du Château de l'Arc - est d'autant plus fictif que, dès le 7 juin 1994, la société IGR Château de l'Arc, dont Anne Y..., épouse X..., est la seule actionnaire, a cédé pour 30 millions de francs ses actifs immobiliers et mobiliers à la Sarl Mirabeau qui va exploiter le Château de l'Arc et qu'ainsi la société Eros est restée caution de ce prêt qui ne présentait aucun intérêt pour elle jusqu'au remboursement total intervenu en novembre 1995 ; que le fait que le prêt a été remboursé intégralement ne fait pas disparaître l'infraction ; que comme l'ont relevé les premiers juges, cet acte de cautionnement qui a permis à Anne Y..., épouse X..., d'acquérir pour 16 millions de francs les parts sociales de la société IGR Château de l'Arc et une partie de son compte courant créditeur de la société IGR Holding à hauteur de 15 950 000 francs, était le premier acte d'une série d'actes permettant d'aboutir à la distribution du prix de vente du patrimoine immobilier de la société Eros et à l'endossement des billets à ordre au profit d'Atlantic Chempharm Limited ; que Kurt G..., liquidateur de la société IGR Holding, dans ses déclarations

recueillies sur commission rogatoire internationale, et dont Armand X... a eu connaissance comme cela ressort des notes d'audience devant le tribunal, a révélé que le compte courant créditeur de cette société dans les comptes d'IGR Château de l'Arc, d'un montant nominal de 70 046 894 francs, a été cédé à la société Atlantic Chempharm Limited, pour un franc suisse symbolique et que les négociations pour le rachat effectué par la société Atlantic Chempharm ont été menées par Armand X... ; que le rachat d'une partie d'un compte courant à son prix nominal par Anne Y..., épouse X..., pour 16 millions de francs grâce à un prêt du Crédit agricole et le rachat de l'autre partie de ce compte courant effectué pour un franc suisse symbolique effectué par la société Atlantic Chempharm, ces deux rachats ayant été négociés par la même personne, Armand X..., caractérisent bien la série d'actes relevés par le tribunal qui leur permettra d'obtenir la cession des avoirs immobiliers de la société Eros en se fondant sur une créance acquise un franc symbolique ; qu'il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a écarté la prescription et a considéré l'abus de biens sociaux constitué ; que le recel est également constitué, l'ensemble de ces opérations ayant été faites avec l'accord d'Anne Y..., épouse X..., ce recel ne cessant d'ailleurs qu'en novembre 1995, après remboursement du prêt au Crédit agricole ;

que les prévenus contestent les faits d'abus de biens sociaux qui leur sont reprochés consistant, d'une part, en la création par Armand X... de comptes courants débiteurs dans les comptes de la société Eros à son profit et à celui de son épouse et, d'autre part, en la remise par Armand X... à son épouse des quatre billets à ordre émis par la société Atlantic Chempharm et le recel des billets à ordre par Anne Y..., épouse X... ; que cependant, la société Eros qui disposait primitivement d'un capital de 50 000 francs divisé en 50 parts détenues en totalité par Armand X..., a vu son capital augmenter à deux reprises à la suite de deux apports en nature effectués par son épouse, Anne Y... : le 29 mars 1994 par apport en nature de l'immeuble situé à Nice (immeuble qui a donné lieu à la condamnation par arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence du 27 janvier 1998) pour une valeur de 9 934 400 francs, puis le 12 mai 1995 par apport en nature d'un immeuble à Villefranche-sur-Mer pour une valeur de 14 000 000 francs, le capital s'élevant alors à 23 984 400 francs, divisé en 239 844 parts de 100 francs détenues à hauteur de 50 parts par Armand X... et à hauteur de 239 644 parts par Anne Y..., épouse X..., comme cela ressort du rapport de Gérard H..., expert-comptable, et des déclarations d'Armand X... ; que cette société était également propriétaire d'appartement au cap Nérée et de terrains acquis à Fouesnant en 1994 ; qu'il ressort des différents documents de la procédure, notamment des procès-verbaux d'assemblée générale et des actes notariés auxquels elle est partie, que la société Eros est une Sarl dès 1990 ; que le fait qu'elle a opté pour le régime fiscal des sociétés de personnes prévu à l'article 239 bis AA du code général des impôts, eu égard au fait qu'elle était composée de membres d'une même famille, en l'espèce des conjoints, est sans influence sur le

fait qu'au regard du droit des sociétés, la société Eros est une entité distincte de celles de ses membres ; que si la vente d'actifs n'est pas en soi irrégulière, son prix devait demeurer dans les avoirs de la société ; que la distribution sans contrepartie de son prix à Anne Y..., épouse X..., pour éteindre une dette personnelle, alors qu'elle ne dispose d'aucune créance envers la société Eros, est constitutive d'un abus de biens sociaux ; que le fait que le compte courant aurait été apuré par la suite est sans influence sur l'existence de l'infraction ; que, par ailleurs, Armand X... a admis que son compte courant à la société Eros était débiteur depuis des années bien avant 1993 ; que les époux X... excipent de leur bonne foi en affirmant avoir cru que l'option pour le régime des sociétés de personnes les faisaient échapper à l'interdiction de détenir un compte courant débiteur ; qu'il convient de rappeler qu'Armand X... est un ancien notaire, étant à même de connaître les items fondamentales régissant le droit des sociétés ; que sa bonne foi et celle de son épouse doit s'apprécier au regard de l'ensemble de l'opération qui a consisté à apporter l'essentiel de leur patrimoine personnel à une société, mêlant ainsi leurs activités immobilières et leur domaine privé, puis à faire disparaître ces biens au profit d'une société étrangère se prévalant d'une créance acquise pour un franc suisse au terme de négociations menées par Armand X..., qui sera également le négociateur de la vente des avoirs de la société Eros ; que, comme l'ont relevé les premiers juges, les époux n'ont pu donner aucune justification plausible aux apports en nature effectués à la société Eros ; qu'il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré les prévenus coupables respectivement d'abus de biens sociaux et de recel d'abus de biens sociaux ;

"1 ) alors que, d'une part, la cour d'appel qui relevait que les prétendus abus de biens sociaux avaient pu être constatés dans des conditions permettant l'exercice de l'action publique dès le 26 octobre 1993, date à laquelle est intervenue la publication au bureau des hypothèques de la caution hypothécaire litigieuse, et au plus tard le jour de la rectification de celle-ci le 29 octobre 1993, ne pouvait, sans se contredire et ce faisant, méconnaître les dispositions de l'article 8 du code de procédure pénale, omettre de constater la prescription des abus de biens sociaux allégués antérieurs à cette date et d'en tirer toutes conséquences de droit ;

"2 ) alors que, d'autre part, la simple position débitrice d'un compte courant d'associé ne saurait à elle seule caractériser un abus de biens sociaux et qu'il appartient aux juges du fond de relever le maintien délibéré de ladite position pendant une durée pertinente ; qu'en se bornant à dire que le compte courant de la demanderesse avait présenté une position débitrice sans égard pour la durée et la mesure de cette position dont la défense démontrait qu'elles ne pouvaient entrer dans les prévisions du délit d'abus, la cour a privé sa décision de base légale" ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et du jugement qu'il confirme qu'Armand X... a été poursuivi des chefs d'abus de biens sociaux, pour avoir, notamment, des années 1993 à 1997, en sa qualité de gérant de fait de la société Eros, accepté que celle-ci cautionne un prêt de 16 000 000 de francs, consenti à titre personnel, par le Crédit agricole, à son épouse, Anne X..., et pour avoir accepté la création de comptes courants associés débiteurs dans les comptes de la société Eros ; qu'Anne X... a été poursuivie pour recel d'abus de biens sociaux relatif au cautionnement ;

Sur le moyen, pris en sa seconde branche :

Attendu que, pour déclarer Armand X... coupable d'abus de biens sociaux, pour avoir accepté, en sa qualité de gérant de fait de la société Eros, la création de comptes courants associés débiteurs, à son nom ainsi qu'à celui de son épouse, les juges du fond énoncent que ces comptes ont en permanence été débiteurs tout au long de l'existence de la société Eros et que selon le comptable, le compte d'Anne X... était encore débiteur de 2 291 631 francs à la fin de l'exercice 1998 ; qu'ils ajoutent que le fait qu'il aurait été ensuite apuré est sans influence sur l'existence de l'infraction ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations, la cour d'appel a, sans insuffisance, caractérisé le délit dont elle a déclaré le prévenu coupable ;

Que, dès lors, le grief allégué n'est pas fondé ;

Sur le moyen, pris en sa première branche en ce qu'il concerne Anne X... :

Attendu que, pour déclarer Anne X... coupable de recel d'abus de biens sociaux et écarter la prescription soulevée par la prévenue, la cour d'appel énonce que l'acte de caution a été fait avec l'accord de celle-ci et que le recel n'a cessé qu'en novembre 1995, après remboursement du prêt au Crédit agricole ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations, d'où il ressort que le délit de recel, infraction continue, n'était pas prescrit le 19 novembre 1997, date de la plainte avec constitution de partie civile du Crédit agricole, la cour d'appel a justifié sa décision ;

Qu'ainsi, le grief ne peut être admis ;

Mais, sur le moyen, pris en sa première branche en ce qu'il concerne Armand X... :

Vu les articles L. 241-3 du code de commerce, 6 et 8 du code de procédure pénale ;

Attendu que le délit d'abus de biens sociaux d'une société résultant d'un cautionnement est une infraction instantanée consommée au jour de l'acte ;

Attendu que, pour écarter la prescription des faits reprochés à Armand X..., relatifs au cautionnement donné le 26 juillet 1993 par la société Eros à Anne X..., les juges relèvent que cet acte était le premier d'une série d'opérations frauduleuses permettant d'aboutir au transfert du patrimoine immobilier de la société Eros à une société étrangère, par des ventes intervenues le 15 décembre 1995 ; qu'ils en déduisent que le point de départ de la prescription doit être fixé à cette dernière date et que les faits n'étaient pas prescrits le 19 novembre 1997, lors de la plainte avec constitution de partie civile du Crédit agricole ;

Mais attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'elle constatait par ailleurs que le cautionnement avait fait l'objet d'une mesure de publication en octobre 1993, la cour d'appel a méconnu le principe ci-dessus rappelé ;

D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;

qu'elle aura lieu par voie de retranchement, la peine et les condamnations civiles étant justifiées par les déclarations de culpabilité prononcées pour les autres délits ;

Par ces motifs :

I - Sur le pourvoi d'Anne X... :

Le REJETTE ;

II - Sur le pourvoi d'Armand X... :

CASSE et ANNULE, par voie de retranchement, l'arrêt susvisé de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, en date du 30 novembre 2005, mais en ses seules dispositions l'ayant déclaré coupable du délit d'abus de biens sociaux résultant du cautionnement donné le 26 juillet 1993 par la société Eros, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;

DECLARE l'action publique éteinte par la prescription, en ce qui concerne ces faits ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

FIXE à 300 euros la somme que chacun des demandeurs au pourvoi devra payer à chacune des parties civiles, Alexandra D..., épouse I..., Stéphane D..., Monique D..., Maurice J..., Michel K..., Andrée L..., Agnès C... et Rémy C..., au titre de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;

FIXE à 1 000 euros la somme que chacun des demandeurs au pourvoi devra payer à la société Eros, représentée par son liquidateur et son mandataire ad hoc ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel d'Aix-en-Provence et sa mention en marge où à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Dulin conseiller le plus ancien, faisant fonction de président en remplacement du président empêché, Mme Ract-Madoux conseiller rapporteur, Mme Thin, MM. Rognon, Chanut, Guérin, Bayet conseillers de la chambre, MM. Soulard, Lemoine, Mmes Degorce, Labrousse conseillers référendaires ;

Avocat général : M. Davenas ;

Greffier de chambre : Mme Randouin ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 06-80200
Date de la décision : 28/02/2007
Sens de l'arrêt : Cassation rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence 5e chambre, 30 novembre 2005


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 28 fév. 2007, pourvoi n°06-80200


Composition du Tribunal
Président : Président : M. DULIN conseiller

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2007:06.80200
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