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22/02/2007 | FRANCE | N°05-17965

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 22 février 2007, 05-17965


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, DEUXIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 23 février 2005), que les 16 et 17 septembre 1993, la société Soufflet négoce a chargé sur le port de Bordeaux du maïs à destination de la Libye sur le navire Hafnia appartenant à la société Five Star Marine ; que le connaissement établi par la société Soufflet négoce portant sur un poids total de 15108 tonnes, le capitaine du navire a refusé de le signer net de réserve, estimant n'avoir embarqué que 14850 tonnes ; que le

18 septembre 1993 un procès-verbal de saisie conservatoire était dressé et le ...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, DEUXIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 23 février 2005), que les 16 et 17 septembre 1993, la société Soufflet négoce a chargé sur le port de Bordeaux du maïs à destination de la Libye sur le navire Hafnia appartenant à la société Five Star Marine ; que le connaissement établi par la société Soufflet négoce portant sur un poids total de 15108 tonnes, le capitaine du navire a refusé de le signer net de réserve, estimant n'avoir embarqué que 14850 tonnes ; que le 18 septembre 1993 un procès-verbal de saisie conservatoire était dressé et le juge des référés, le 22 septembre suivant, ordonnait, d'une part, au capitaine de délivrer un connaissement sans réserves pour 15108 tonnes en contrepartie de la remise par le chargeur d'une lettre de garantie et, d'autre part, de la mainlevée de la saisie ; que la lettre de garantie était établie le lendemain et le bateau quittait le port de Bordeaux le 28 septembre ; qu'arrivé à Tripoli le 7 octobre, le navire n'a quitté le port de cette ville que le 30 octobre après avoir été immobilisé plusieurs jours en raison d'un manquant de 174 tonnes ; que le destinataire de la marchandise obtenait d'une juridiction libyenne un jugement

condamnant la Société générale de transport maritime nationale, représentant légal de la société Five Star Marine, à lui payer 9 641 dinars libyens ;que la société Five Star Marine a fait assigner devant le tribunal de

commerce la société Soufflet négoce en responsabilité et indemnisation de son préjudice pour saisie abusive ;

Sur le premier moyen :

Attendu que la société Five Star Marine fait grief à l'arrêt d'avoir déclaré irrecevable et mal fondée sa demande d'indemnisation, alors, selon le moyen :

1 / que tout jugement doit être motivé, à peine de nullité ;

que la contradiction entre les motifs et le dispositif équivaut à un défaut de motif ; qu' en énonçant néanmoins que la société Soufflet négoce n'avait commis aucune faute de nature à engager sa responsabilité, de sorte que la demande de la société Five Star Marine devait être rejetée au fond, tout en confirmant le dispositif du jugement ayant déclaré cette demande irrecevable, la cour d' appel a entaché sa décision d' une contradiction entre les motifs et le dispositif, en violation de l'article 455 du nouveau code de procédure civile ;

2 / qu'en se bornant à affirmer, pour décider que la saisie pratiquée par la société Soufflet négoce n' était pas abusive, qu' un capitaine ne peut refuser de signer les connaissements et rompre les amarres en commençant à naviguer avec la marchandise à son bord, sans rechercher, comme elle y était invitée, si le capitaine du navire avait accepté de signer les connaissements avec réserve et si ces réserves étaient justifiées, de sorte que la société Soufflet négoce avait commis une faute en refusant d'accepter ces réserves et en sollicitant la saisie du navire sur le fondement de ce refus, la cour d' appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil ;

3 / qu' en se bornant à affirmer que le capitaine du navire avait rompu les amarres et commencé à naviguer avec la marchandise à son bord, sans constater que le navire aurait quitté le port de Bordeaux, qui était le port de chargement, la cour d' appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil ;

Mais attendu que l'arrêt retient que la décision ordonnant la saisie du navire a été rendue sur requête par le président du tribunal de commerce aux motifs que le capitaine, contestant le poids de la marchandise embarquée, refusait de signer le connaissement et parce qu' il avait rompu les amarres ; que si un capitaine peut refuser dans certaines circonstances de signer un connaissement ou de signer un connaissement net de réserve, il ne peut en aucun cas, lorsqu' il refuse de signer, rompre

les amarres et commencer à naviguer avec la marchandise à son bord ;

que c'est donc à bon droit que devant cette navigation en absence de tout connaissement, la société Soufflet négoce a fait procéder à la saisie du navire ; que celle-ci n'a donc commis aucune faute en sollicitant et en obtenant une décision de justice ; qu'en conséquence, la demande présentée par la société Five Star Marine de ce chef doit être écartée ;

Que de ces constatations et énonciations procédant de son pouvoir souverain d'appréciation des éléments de preuve qui lui étaient soumis, la cour d'appel, par une décision motivée, a pu déduire qu'aucune faute n'était caractérisée à l'encontre de la société Soufflet négoce ;

D'où il suit que le moyen, inopérant en sa première branche, comme relevant d'une erreur matérielle, n'est pas fondé pour le surplus ;

Sur le deuxième moyen :

Attendu que la société Five Star Marine, fait aussi le même grief à l'arrêt, alors, selon le moyen, que l'action en responsabilité pour saisie abusive a un fondement quasi délictuel et se prescrit par dix ans ;

qu'en décidant néanmoins que l'action exercée par la société Five Star Marine à l'encontre de la société Soufflet négoce en raison de la saisie abusive dont elle avait été victime avait un fondement contractuel et résultait du contrat de transport maritime, pour en déduire qu' elle se prescrivait par un an, la cour d'appel a violé l'article 1382 et 2270-1 du code civil ;

Mais attendu que l'arrêt retient que, sur les conséquences de la saisie pratiquée à Tripoli, si la société Five Star Marine se fonde sur une responsabilité quasi délictuelle, il faut relever que la faute éventuellement commise par la société Soufflet négoce se situe dans le cadre des relations contractuelles, que le navire a été saisi arrivé à destination car la société Soufflet avait réussi à obtenir un connaissement net de réserve ; qu'en application des dispositions de la loi du 18 juin 1966, les actions résultant d'un transport maritime se prescrivent par un an ; que ne pouvant se placer que sur le fondement de la responsabilité contractuelle, la société Five Star Marine se devait d'agir pour solliciter l'indemnisation de ce préjudice, même à titre conservatoire, compte tenu du litige pendant devant les juridictions libyennes, dans l' année qui a suivi la mainlevée de la saisie pratiquée à Tripoli, soit avant le 30 octobre 1994 ; que cette demande d' indemnisation n' a été présentée que le 15 octobre 2001 ;

Qu'en l'état de ces constatations et énonciations, la cour d'appel a déduit à bon droit que la demande de la société Five Star Marine de ce chef devait être déclarée prescrite ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le troisième moyen :

Attendu que la société Five Star Marine fait encore le même grief à l'arrêt, alors, selon le moyen :

1 / que tout jugement doit être motivé, à peine de nullité ;

que la contradiction entre les motifs et le dispositif équivaut à un défaut de motif ; qu'en énonçant néanmoins que la société Soufflet négoce n'avait commis aucune faute de nature à engager sa responsabilité, de sorte que la demande de la société Five Star Marine devait être rejetée au fond, tout en confirmant le dispositif du jugement ayant déclaré cette demande irrecevable, la cour d' appel a entaché sa décision d' une contradiction entre les motifs et le dispositif, en violation de l'article 455 du nouveau code de procédure civile ;

2 / que le juge ne peut méconnaître les limites du litige, telles qu' elles résultent des conclusions respectives des parties ; que la société Soufflet négoce se bornait à soutenir, sur le fond, que la condamnation avait été prononcée par les juridictions libyennes, non à l' encontre de la société Five Star Marine, mais à l' encontre de l'agent de celle-ci, sans aucunement prétendre que la condamnation aurait pu être supportée en définitive par l'assureur de la société Five Star Marine ;

qu'en décidant néanmoins que, bien que la condamnation ait été effectivement prononcée à l' encontre de la société Five Star Marine, celle-ci ne pouvait prétendre voir mettre la garantie en oeuvre, au motif qu' elle ne démontrait pas que son assureur n'avait pas supporté la charge définitive de la condamnation, la cour d' appel a méconnu les limites du litige, en violation des articles 4 et 5 du nouveau code de procédure civile ;

3 / que la lettre de garantie du 23 septembre 1993 mentionnait que la société Soufflet garantissait la société Five Star Marine si le destinataire " obtenait la condamnation de la société Five Star Marine " ; qu'il en résultait que la garantie devait jouer dès que la condamnation était établie, sans que la société Five Star Marine ait eu à justifier de ce que son assureur n'avait pas en définitive supporté la condamnation ;

qu'en décidant néanmoins que, faute pour la société Five Star Marine de. rapporter la preuve de ce que son assureur n'avait pas supporté la condamnation prononcée par la juridiction libyenne, elle ne pouvait prétendre au bénéfice de la garantie, la cour d'appel, qui a méconnu la loi du contrat, a violé l'article 1134 du code civil ;

4 / que la société Five Star Marine soutenait que son assureur (" P. et I. Club ") avait uniquement accepté de garantir le paiement de la condamnation par les juridictions libyennes au profit des réceptionnaires de la marchandise, de sorte qu'une fois la condamnation intervenue, elle lui avait remboursé, le 23 mai 2000, le montant de la condamnation par l'intermédiaire de sa banque ; qu' elle produisait aux débats une télécopie de sa banque accusant réception de ce règlement ;

qu' en se bornant à affirmer que la société Five Star Marine ne démontrait pas que la condamnation n' avait pas été en définitive supportée par son assureur, sans répondre à ses conclusions par lesquelles elle faisait valoir qu'elle avait remboursé le montant de la condamnation à son assureur, la cour d' appel a privé sa décision de motif, en violation de l'article 455 du nouveau code de procédure civile ;

5 / que lorsque le créancier a rapporté la preuve de sa créance, il appartient au débiteur de rapporter la preuve de ce que le créancier aurait été d'ores et déjà désintéressé ; qu' en décidant néanmoins qu' il appartenait à la société Five Star Marine de rapporter la preuve de ce que la condamnation prononcée à son encontre n' avait pas été en définitive supportée par son assureur, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve, en violation de l'article 1315 du code civil" ;

Mais attendu que l'arrêt retient que, sur la lettre que la société Soufflet a établie le 23 septembre 1993, elle garantit la société Five Star Marine au cas où elle serait condamnée du fait d'une différence entre la marchandise livrée et celle figurant au connaissement ; que l'existence d'une telle différence résulte des décisions rendues par la justice libyenne ; que si la société Five Star Marine a été condamnée à payer une somme compte tenu du manquant constaté, condamnation au travers de son représentant en Libye, la National General Maritime Y...
X..., malgré une étude très attentive des pièces produites par la société Five Star Marine, il n' a pas été possible de découvrir un document établissant que ce soit l'appelante et non son assureur qui a en définitive supporté cette condamnation ;

Que de ces constatations et énonciations procédant de son pouvoir souverain d'appréciation des éléments de preuve qui lui étaient soumis, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, a pu déduire, par une décision motivée, sans méconnaître les termes du litige, ni inverser la charge de la preuve, ni dénaturer la lettre de garantie, que la demande de la société Five Star Marine tendant au remboursement de la condamnation prononcée par la justice libyenne n'était pas justifiée et devait être rejetée ;

D'où il suit que le moyen, inopérant en sa première branche, comme relevant d'une erreur matérielle, n'est pas fondé pour le surplus ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le pourvoi provoqué éventuel :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Five Star Marine aux dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau code de procédure civile, rejette la demande de la société Five Star Marine ; la condamne à payer à la société Soufflet négoce la somme de 2 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux février deux mille sept.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 05-17965
Date de la décision : 22/02/2007
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Bordeaux (2e chambre), 23 février 2005


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 22 fév. 2007, pourvoi n°05-17965


Composition du Tribunal
Président : Président : M. MAZARS conseiller

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2007:05.17965
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