AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, DEUXIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Joint les pourvois n° A 05-11.819 et n° M 05-11.921 ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. Da X..., salarié de la société Y... industries, a été victime le 30 septembre 1997 d'un accident du travail dû à la faute inexcusable de son employeur ; que la cour d'appel a fixé, après expertise, le préjudice personnel de M. Da X..., a dit que la caisse primaire d'assurance maladie sera tenue de verser directement les sommes fixées, sauf celle relative au préjudice sexuel, à M. Da X... à charge pour elle de les récupérer auprès de M. Jean-Marie Y... à titre personnel et auprès de M. Z..., liquidateur amiable de la société Y... industries, a débouté M. Da X... du surplus de ses demandes et a déclaré la décision opposable à la SMABTP assureur de la société Y... industries ;
Sur le pourvoi de M. Da X..., en ce qu'il est dirigé contre l'arrêt de la cour d'appel de Douai, en date du 31 octobre 2002 :
Attendu que M. Da X... s'est pourvu en cassation contre l'arrêt de la cour d'appel de Douai en date du 31 octobre 2002, en même temps qu'il s'est pourvu contre l'arrêt de la même cour d'appel du 17 décembre 2004 ;
Mais attendu qu'aucun des moyens contenus dans le mémoire n'étant dirigé contre l'arrêt du 31 octobre 2002, il y a lieu de constater la déchéance du pourvoi en ce qu'il est formé contre cette décision ;
Sur le premier moyen du pourvoi de M. Da X... :
Attendu que M. Da X... fait grief à l'arrêt de l'avoir débouté de sa demande en réparation de son préjudice moral, alors, selon le moyen, qu'il résulte des propres constatations de l'arrêt que le pretium doloris a été fixé en considération "des lésions initiales, des nombreux traitements chirurgicaux subis entre 1997 et 1998, des soins de rééducation en centres spécialisés et en ville" ; qu'il en ressort que les juges du fond n'ont tenu compte, dans l'appréciation du pretium doloris, que de la souffrance morale liée aux souffrances physiques ressenties par la victime ; qu'en déboutant alors ensuite la victime de sa demande au titre du préjudice moral lié à sa perte d'identité et aux dépressions en résultant d'une part, aux sentiments de pitié ou d'incompréhension désormais manifestés à son égard par son entourage familial et social d'autre part, la cour d'appel a violé l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale ;
Mais attendu que par l'indemnisation du prix de la douleur, sont réparées non seulement les souffrances physiques mais aussi les souffrances morales endurées par la victime par suite de l'atteinte à son intégrité physique ;
Et attendu qu'après avoir fixé à une certaine somme l'indemnité due à M. Da X... au titre du pretium doloris, la cour d'appel a exactement décidé que le préjudice moral ne constituait pas un préjudice distinct et rejeté sa demande de ce chef ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Et sur le premier moyen du pourvoi de la SMABTP :
Attendu que la SMABTP fait grief à l'arrêt d'avoir fixé le préjudice personnel de M. Da X... au titre de la perte de promotion professionnelle à une certaine somme alors, selon le moyen, que la diminution des possibilités de promotion professionnelle de la victime d'un accident du travail doit être concrètement caractérisée ; que tout en retenant que M. Da X... ne justifiait ni de sa qualification, ni de son savoir-faire et ne versait aux débats aucun élément démontrant qu'avant l'accident il avait de réelles possibilités d'une promotion sociale (formation professionnelle, diplôme...) autre que la promotion interne annuelle dont il bénéficiait, la cour d'appel, qui a cependant accordé la somme substantielle de 30 000 euros au titre de la perte de promotion professionnelle, sans préciser concrètement en quoi M. Da X... justifiait avoir eu des chances sérieuses de promotion avant l'accident, a privé son arrêt de base légale au regard de l'article L. 452-3, alinéa 1er du code de la sécurité sociale ;
Mais attendu que la cour d'appel relève que M. Da X..., qui ne peut reprendre son activité, était menuisier en usine, qu'il avait une promotion interne annuelle et qu'il exposait que sa qualification professionnelle et son savoir faire lui permettait d'espérer bénéficier d'une promotion sociale ; qu'appréciant les éléments de fait et de preuve soumis à son examen, la cour d'appel a ainsi caractérisé la perte des possibilités de promotion professionnelle subie par l'intéressé, distincte du préjudice résultant du déclassement professionnel déjà compensé par l'attribution d'une rente majorée ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le second moyen pris en sa troisième branche du pourvoi de la SMABTP :
Vu les articles L. 451-1 et L. 452-3 du code de la sécurité sociale ;
Attendu qu'il résulte du premier de ces textes qu'aucune action en réparation des accidents du travail ou maladies professionnelles ne peut être exercée conformément au droit commun par la victime ou ses ayants droit ;
Attendu que pour condamner in solidum M. Y... à titre personnel et M. Z..., ès qualité de liquidateur amiable de la société Y... industries, à indemniser M. Da X... de son préjudice sexuel, l'arrêt attaqué relève que ce préjudice doit être réparé sur le fondement des dispositions de l'article 1382 du code civil ;
Qu'en statuant ainsi alors qu'aucune action en réparation sur le fondement du droit commun ne peut être exercée contre son employeur par la victime d'un accident du travail, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Et sur le second moyen du pourvoi de M. Da X... :
Vu l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale :
Attendu qu'en vertu de ce texte, la victime a le droit de demander à l'employeur devant la juridiction de sécurité sociale la réparation du préjudice causé par les souffrances physiques et morales par elle endurées, de ses préjudices esthétiques et d'agrément ainsi que celle du préjudice résultant de la perte ou de la diminution de ses possibilités de promotion professionnelle ;
Attendu que pour condamner in solidum M. Y... à titre personnel et M. Z... ès qualité de liquidateur amiable de la société Y... industries à indemniser M. Da X... de son préjudice sexuel, l'arrêt attaqué relève que ce préjudice est distinct de celui découlant de l'incapacité permanente et doit être réparé sur le fondement des dispositions de l'article 1382 du code civil ;
Qu'en statuant ainsi alors que le préjudice sexuel fait partie du préjudice d'agrément qui est le préjudice subjectif de caractère personnel résultant des troubles ressentis par la victime dans les conditions d'existence et dont la réparation avait été à juste titre demandée devant la juridiction de sécurité sociale en application de l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les première, deuxième et quatrième branche du second moyen du pourvoi n° M 05-11.921 :
Constate la déchéance du pourvoi de M. Da X... en ce qu'il est dirigé contre l'arrêt de la cour d'appel de Douai du 31 octobre 2002 ;
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a condamné in solidum M. Jean-Marie Y... et M. Z..., ès qualité, à verser à M. Da X... la somme de 50 000 euros au titre de son préjudice sexuel, l'arrêt rendu le 17 décembre 2004, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant lesdits arrêts et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens ;
Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze février deux mille sept.