Attendu que la société Easydis, filiale du groupe Casino, exploite divers établissements sur le territoire national, dont un à Fenouillet (31), régis par la convention collective nationale des entrepôts d'alimentation du 29 mai 1969 et les accords d'entreprise successifs du groupe ; que par ordonnance de référé du 24 août 2001, confirmée en appel le 13 décembre 2001, la société a été condamnée à payer à certains salariés des sommes provisionnelles à titre de rappel de salaires pour des heures de travail de nuit effectuées entre 21 heures et 22 heures et entre 5 heures et 6 heures pour la période du 10 mai au 30 juin 2001 par application immédiate de la loi du 9 mai 2001 sur le travail de nuit ; que le pourvoi formé contre l'arrêt du 13 décembre 2001 a été rejeté le 1er octobre 2003 ; que, le 28 février 2002, la société a saisi la juridiction prud'homale statuant au fond en vue d'obtenir la restitution des sommes versées en exécution de l'ordonnance de référé ;
Sur le moyen unique du pourvoi principal formé par la société Easydis, pris en sa première branche :
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt attaqué (Toulouse,19 mai 2004) d'avoir dit que les salariés avaient droit à la majoration salariale pour les heures effectuées entre 21 heures et 6 heures pour la période comprise entre le 10 mai et le 31 mai 2001 et de l'avoir, en conséquence, débouté de sa demande de remboursement des sommes perçues à ce titre, alors, selon le moyen, qu'en vertu de l'annexe 3 de l'accord d'entreprise Casino conclu le 26 février 1993, puis de l'accord d'entreprise Casino du 19 décembre 1996, " les employés et les agents de maîtrise bénéficient d'une majoration pour travail de nuit de 30 % ; que cette disposition introduite le 26 février 1993 vise nécessairement le travail de nuit tel qu'il était défini par la loi et (ou la convention collective nationale applicable à cette date, soit par l'article L. 213-2 du code du travail et l'article 24 de la convention collective nationale des magasins de vente d'alimentation et d'approvisionnement général du 29 mai 1969, lesquels définissaient le travail de nuit comme étant celui effectué entre 22 heures et 5 heures du matin ; qu'en décidant que les majorations de 30 % prévues par l'annexe 3 de l'accord d'entreprise avaient lieu de s'appliquer pour toute heure travaillée entre 21 heures et 6 heures du matin depuis l'entrée en vigueur de la loi du 9 mai 2000 définissant ainsi le travail de nuit, lorsque les parties à l'accord d'entreprise n'avaient nullement manifesté la volonté d'étendre le champ d'application des majorations pour travail de nuit à la totalité de la durée du travail de nuit issue de la loi nouvelle, la cour d'appel a violé l'annexe 3 de l'accord d'entreprise Casino par fausse application ;
Mais attendu que si la définition du travail de nuit prévue par l'article L. 213-1-1 du code du travail tel qu'il résulte de la loi du 9 mai 2001, n'a, en principe, pas pour effet de modifier les conditions d'attribution de la compensation salariale fixées par une convention collective pour le travail de nuit, c'est à la condition que ladite convention fixe la plage horaire couverte par le travail de nuit ;
Et attendu que la cour d'appel, qui a relevé que l'accord d'entreprise Casino du 19 décembre 1996 ne définissait pas la plage horaire à laquelle s'appliquait la majoration salariale pour travail de nuit, en a exactement déduit qu'il convenait de retenir la définition légale en vigueur ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ; Sur le moyen unique du pourvoi principal, pris en sa seconde branche : Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ce moyen, qui ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Mais sur le moyen unique du pourvoi incident formé par M. X...et les quatre autres salariés :
Vu l'article 2 du code civil et l'article L. 132-10 du code du travail ;
Attendu que, pour dire que les salariés n'avaient pas droit aux majorations pour travail de nuit pour les heures effectuées de 21 heures à 22 heures et de 5 heures à 6 heures pour la période postérieure au 1er juin et les condamner à rembourser les sommes perçues à ce titre, l'arrêt retient que l'accord général de substitution Easydis du 11 septembre 2001, conclu entre partenaires sociaux, qui a précisé que les majorations de nuit étaient dues pour les heures travaillées entre 22 heures et 5 heures, a stipulé qu'il prenait effet au 1er juin 2001 ;
Attendu, cependant, qu'une convention ou un accord collectif, même dérogatoire, ne peut priver un salarié des droits qu'il tient de la loi pour la période antérieure à la signature de l'accord ; Qu'en statuant comme elle l'a fait, alors que l'accord d'entreprise du 19 décembre 1996 ne contenant pas de définition du travail de nuit, c'est la définition légale issue de l'article L. 213-1-1 du code du travail, plus favorable que celle retenue par l'accord d'entreprise du 11 septembre 2001, qui devait s'appliquer jusqu'au lendemain de la date de dépôt dudit accord, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a dit que MM. Y..., Z..., A..., X...et B... n'avaient pas droit à la majoration pour travail de nuit des heures effectuées de 21 heures à 22 heures et de 5 heures à 6 heures pour la période postérieure au 1er juin 2001 et les a condamnés à rembourser à la SNC Easydis des sommes à ce titre, l'arrêt rendu le 19 mai 2004, entre les parties, par la cour d'appel de Toulouse ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
Confirme le jugement du conseil de prud'hommes de Toulouse en date du 1er juillet 2003 ;
Condamne la société Easydis aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau code de procédure civile, condamne la société Easydis à payer MM. Y..., Z..., A..., X...et B... la somme globale de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par M. Texier, conseiller le plus ancien en ayant délibéré, conformément à l'article 452 du nouveau code de procédure civile, en l'audience publique du vingt-quatre janvier deux mille sept.