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16/01/2007 | FRANCE | N°04-16943

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 16 janvier 2007, 04-16943


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant tant sur le pourvoi principal formé par Mme X... que sur le pourvoi provoqué relevé par la société Sutip ;

Attendu, selon l'arrêt déféré, que la société Sutip a été mise en redressement judiciaire le 25 mai 1998, Mme X... étant désignée administrateur ; que la société Elsevier a offert de reprendre des actifs de la société en précisant qu'elle reprenait quatre des cinq contrats de travail dans le cadre de l'article L. 122-1

2 du code du travail, mais en excluant la reprise du contrat de travail de M. Y... ; qu...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant tant sur le pourvoi principal formé par Mme X... que sur le pourvoi provoqué relevé par la société Sutip ;

Attendu, selon l'arrêt déféré, que la société Sutip a été mise en redressement judiciaire le 25 mai 1998, Mme X... étant désignée administrateur ; que la société Elsevier a offert de reprendre des actifs de la société en précisant qu'elle reprenait quatre des cinq contrats de travail dans le cadre de l'article L. 122-12 du code du travail, mais en excluant la reprise du contrat de travail de M. Y... ; que, par jugement du 4 août 1998, le tribunal de commerce a arrêté la cession au profit de la société Elsevier ; que la cession a été réalisée par acte sous seing privé intitulé "cession partielle d'entreprise" du 15 septembre 1998, précisant à nouveau que quatre contrats de travail étaient repris et excluant expressément celui de M. Y...; que Mme X... a licencié pour motif économique M. Y... le 29 septembre 1998 ; que M. Y... a alors mis en cause la société Elsevier dans l'instance prud'homale qu'il avait initialement engagée contre la société Sutip aux fins de voir résilier son contrat de travail aux torts de l'employeur en demandant sa réintégration dans l'entreprise en application de l'article L. 122-12 du code du travail et le paiement de diverses indemnités ; que, par arrêt du 21 septembre 2001, la cour d'appel de Paris a jugé que le licenciement de M. Y... était dépourvu de cause réelle et sérieuse et a condamné la société Elsevier à lui payer diverses sommes à titre de salaires, indemnités de licenciement, de préavis et congés payés et de dommages-intérêts pour rupture abusive ; qu'ultérieurement, la société Elsevier a assigné Mme X..., à titre personnel, et la société Sutip en recherchant leur responsabilité ;

Sur le premier moyen du pourvoi principal de Mme X..., pris en ses deux branches, et sur le deuxième moyen du pourvoi incident de la société Sutip, pris en ses deux premières branches, qui sont formulés en termes identiques, réunis :

Attendu que Mme X... et la société Sutip font grief à l'arrêt de les avoir condamnées in solidum à payer à la société Elsevier la somme de 188 171,72 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter du 12 novembre 2001 à titre de dommages-intérêts et une indemnité de 30 000 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, alors, selon le moyen :

1 / que seuls les licenciements pour motif économique, prévus par le candidat à la cession dans son offre de reprise, doivent être mentionnés dans le rapport et le projet de plan de cession établis par l'administrateur judiciaire ; qu'il résulte des propres motifs de l'arrêt que l'offre de reprise de la société Eselvier ne prévoyait aucun licenciement pour motif économique dès lors, d'une part, que cette société, tout en se bornant à indiquer qu'elle proposait de reprendre l'ensemble des contrats de travail à l'exception de celui de M. Y..., précisait qu'elle admettait néanmoins la reprise de ce contrat, en la subordonnant au retrait par l'intéressé de sa déclaration de créance au passif du redressement judiciaire et à son désistement de l'instance prud'homale engagée et, d'autre part, que le licenciement de ce salarié n'était pas motivé par une suppression de poste, mais par la volonté d'écarter un salarié considéré comme responsable de la

cessation des paiements de la société reprise ; qu'en affirmant que l'administrateur judiciaire aurait dû demander au tribunal l'autorisation de procéder au licenciement de ce salarié préalablement à l'arrêt du plan, comme le lui aurait imposé l'article L. 621-64 du code de commerce, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé ce texte, ensemble l'article 1147 du code civil, pour la société Sutip, et l'article 1382 du code civil pour Mme X... ;

2 / que seuls les licenciements pour motif économique autorisés par le plan de cession doivent être notifiés dans le délai d'un mois suivant le jugement qui arrête le plan ; qu'en reprochant à l'administrateur judiciaire de ne pas avoir notifié son licenciement à M. Y... dans le délai d'un mois suivant le jugement arrêtant le plan, quand il résultait de ses propres constatations que ce plan n'avait pas prévu de licenciement pour motif économique, la cour d'appel a violé l'article L. 621-64 du code de commerce ensemble l'article 1147 du code civil, pour la société Sutip, et l'article 1382 du code civil pour Mme X... ;

Mais attendu qu'après avoir constaté que l'offre initiale de reprise de la société Elsevier comportait la reprise de quatre des cinq contrats de travail et subordonnait celle du contrat de M. Y... au retrait par ce dernier de sa déclaration de créance et à son désistement de l'instance prud'homale qu'il avait engagée, puis que, par lettre du 22 juillet 1998, la société Elsevier avait finalement exclu expressément la reprise du contrat de travail de M. Y..., et relevé que, par le jugement arrêtant le plan, le tribunal avait choisi l'offre de la société Elsevier qui contenait l'engagement de reprendre quatre des cinq contrats de travail de personnes nommément désignées, le contrat de M. Y... étant exclu, l'arrêt retient que Mme X... a adopté un comportement contraire au refus clairement exprimé par le repreneur de reprendre le contrat de travail de M. Y... et peut se voir reprocher l'omission du projet de licenciement dans le plan soumis au tribunal, que l'arrêt relève encore que Mme X... a notifié ce licenciement au-delà du délai d'un mois suivant le jugement arrêtant le plan ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations dont il résulte que Mme X... a notifié à M. Y... son licenciement en dehors des pouvoirs qui lui étaient conférés par l'article L. 621-64 du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à la loi du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le premier moyen du pourvoi incident :

Attendu que la société Sutip fait grief à l'arrêt de l'avoir condamnée, in solidum avec Mme X..., à payer à la société Elsevier la somme de 188 171,72 euros à titre de dommages-intérêts, alors, selon le moyen, qu'en retenant que la société Sutip avait, en ne procédant pas, préalablement à la cession, au licenciement de M. Y..., engagé sa responsabilité contractuelle envers la société Elsevier, sans constater que la société cédée avait, dans le cadre du plan de cession ou l'acte de cession partielle d'entreprise subséquent, contracté l'obligation de procéder audit licenciement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 du code civil et L. 621-63 du code de commerce ;

Mais attendu que l'arrêt, procédant à la recherche prétendument omise, a constaté que le jugement arrêtant le plan avait choisi l'offre de la société Elsevier qui excluait la reprise du contrat de travail de M. Y..., puis que l'acte de cession partielle signé le 15 septembre 1998 entre Mme X..., ès qualités, et la société Elsevier précisait de nouveau que le contrat de M. Y... n'était pas repris ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le deuxième moyen du pourvoi principal, pris en ses trois branches et le deuxième moyen du pourvoi incident, pris en ses deux dernières branches qui sont identiques aux deux premières branches du deuxième moyen du pourvoi principal, réunis :

Attendu que Mme X... et la société Sutip font encore le même grief à l'arrêt, alors, selon le moyen :

1 / que l'auteur d'une faute ne peut être condamné à réparation que si elle a été la cause directe du préjudice dont il est demandé réparation ; que seuls les licenciements pour motif économique peuvent être prévus par le plan de cession arrêté par le tribunal, après que le comité d'entreprise ou, à défaut, les délégués du personnel ainsi que l'autorité administrative compétente, ont été informés et consultés ;

qu'il résulte des propres constatations de l'arrêt que le licenciement de M. Y... ne pouvait être autorisé, dès lors qu'il n'était pas fondé sur un motif économique, ce qui excluait nécessairement tout lien de causalité entre l'absence de mention de ce licenciement dans le projet de plan de cession et la reprise du contrat de travail de ce salarié par le seul effet de l'article L. 122-12 du code du travail ; qu'en condamnant néanmoins l'administrateur judiciaire à réparer le préjudice qui serait résulté pour le repreneur des conséquences de la reprise de plein droit de ce contrat de travail, la cour d'appel a violé l'article L. 621-64 du code de commerce ensemble l'article 1147 du code civil , pour la société Sutip, et l'article 1382 du code civil pour Mme X... ;

2 / qu'en toute hypothèse, le licenciement prévu par le plan de cession arrêté par le tribunal est obtenu par fraude et dépourvu de cause réelle et sérieuse, dès lors que l'emploi occupé par le salarié licencié n'est pas supprimé ; qu'il résulte des faits constatés par la cour d'appel que le refus opposé par la société Elsevier à la reprise du contrat de travail de M Y... n'était pas fondé sur une suppression de poste, mais motivé par des considérations inhérentes à la personne du salarié ;

que le licenciement de ce salarié aurait donc été dépourvu de cause réelle et sérieuse, même s'il avait été autorisé par le plan arrêté par le tribunal, de sorte que l'absence d'indication d'un licenciement dans le jugement arrêtant le plan de cession ne présentait aucun lien de causalité direct avec les condamnations prononcées par le juge prud'homal au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse de ce salarié ; qu'en condamnant néanmoins l'administrateur judiciaire à réparer le préjudice qui serait résulté de ces condamnations, la cour d'appel a violé l'article L. 621-64 du code de commerce ensemble l'article 1147 du code civil, pour la société Sutip, et l'article 1382 du code civil pour Mme X... ;

3 / que seuls les licenciements pour motif économique autorisés par le plan de cession peuvent être notifiés dans le délai d'un mois suivant le jugement qui arrête le plan ; qu'en statuant ainsi au motif inopérant que l'administrateur judiciaire n'avait pas notifié son licenciement à M. Y... dans le délai d'un mois suivant le jugement arrêtant le plan, quand il résultait de ses propres constatations que le plan n'avait pas prévu de licenciement pour motif économique, la cour d'appel a violé les articles L. 621-64 du code de commerce et l'article 1382 du code civil ;

Mais attendu qu'en vertu de l'article L. 122-12, alinéa 2, du code du travail, la cession de l'entreprise en redressement judiciaire arrêtée par le tribunal de la procédure collective entraîne de plein droit le transfert d'une entité économique autonome conservant son identité et, par voie de conséquence, la poursuite par le cessionnaire des contrats de travail des salariés attachés à l'entreprise cédée ; qu'il ne peut être dérogé à ces dispositions que lorsqu'en application des articles L. 621-62 et L. 621-83 du code de commerce, dans leur rédaction antérieure à la loi du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises, le plan de redressement prévoit des licenciements pour motif économique ; que, dans cette hypothèse, conformément aux articles L. 621-64 du code de commerce dans la rédaction précitée et 64 du décret du 27 décembre 1985, le plan prévoit notamment les licenciements qui doivent intervenir dans le délai d'un mois après le jugement ; que dès lors que le cadre fixé par le jugement arrêtant le plan est respecté, le contrat de travail concerné est valablement rompu, sauf à ce que le salarié ne prouve que l'autorisation de licencier a été obtenue par fraude ;

Attendu qu'après avoir relevé les manquements de l'administrateur tenant à l'absence de demande de l'autorisation de licenciement au tribunal lors de l'adoption du plan et à la notification du licenciement de M. Y... au-delà du délai d'un mois prévu par l'article L. 621-64 précité, l'arrêt retient que ces manquements ont conduit la chambre sociale de la cour d'appel de Paris, par son arrêt du 21 septembre 2001, qui a écarté le grief de collusion frauduleuse entre les sociétés cédée et cessionnaire, à mettre à la charge du repreneur des obligations à l'égard de M. Y... qu'il avait exclues de son projet de plan et qui se sont concrétisées par des condamnations pécuniaires ;

qu'en l'état de ces constatations et appréciations, la cour d'appel a caractérisé le lien de causalité entre les fautes constatées et le préjudice subi par la société Elsevier ; que le moyen n'est pas fondé ;

Et sur le troisième moyen du pourvoi principal :

Attendu que Mme X... fait toujours le même grief à l'arrêt, alors, selon le moyen, que seuls les contrats de travail en cours au jour de la cession de l'entreprise subsistent entre le cessionnaire et les salariés non licenciés, en application de l'article L. 122-12, alinéa 2, du code du travail ; que l'administrateur judiciaire soutenait devant la cour d'appel qu'avant le dépôt de l'offre de reprise, M. Y... avait pris l'initiative de rompre son contrat de travail mettant en oeuvre une clause de résiliation unilatérale prévue par l'article 8 de ce contrat, qui ne pouvait donc avoir subsisté de plein droit à l'égard de la société Elsevier; qu'il en déduisait que cette dernière, qui avait omis de faire valoir ce moyen devant le juge prud'homal, n'avait été condamnée pour licenciement sans cause réelle et sérieuse qu'en conséquence de sa propre carence dans la défense opposée aux demandes de M. Y... ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen décisif, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau code de procédure civile ;

Mais attendu qu'il résulte de l'arrêt que, dès le 13 octobre 1998, M. Y... abandonnant sa demande initiale tendant à la résolution de son contrat de travail, a sollicité le prononcé de la nullité du licenciement notifié par Mme X... le 29 septembre 1998 et la poursuite de son contrat de travail; qu'en conséquence, la cour d'appel n'avait pas à répondre aux conclusions, inopérantes sur ce point, de Mme X... ; que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le troisième moyen du pourvoi incident, pris en sa première branche :

Vu l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;

Attendu que ce texte n'est applicable qu'aux sommes exposées au cours de l'instance et non comprises dans les dépens ;

Attendu que pour condamner la société Sutip in solidum avec Mme X... à payer à la société Elsevier une indemnité de 30 000 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, l'arrêt retient, pour justifier l'allocation de la moitié de cette somme, qu'à défaut de production du décompte des dépens mis à sa charge et des frais de procédure qu'elle dit avoir exposés devant les juridictions sociales, la société Elsevier ne peut voir prospérer sa demande en paiement de l'intégralité de la somme de 48 698,74 euros et qu'elle recevra en équité à ce titre une somme de 15 000 euros ;

Attendu qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du troisième moyen du pourvoi incident :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a condamné la société Sutip, in solidum avec Mme X..., à payer à la société Elsevier une indemnité de 30 000 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, l'arrêt rendu le 11 mai 2004, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

Condamne la Société des éditions scientifiques et médicales Elsevier aux dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du seize janvier deux mille sept.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 04-16943
Date de la décision : 16/01/2007
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris (3e chambre, section A), 11 mai 2004


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 16 jan. 2007, pourvoi n°04-16943


Composition du Tribunal
Président : Président : M. TRICOT

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2007:04.16943
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