AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 27 novembre 2003), que, le 25 février 1998, la société Havas voyages (la société Havas) a consenti à la société JP Luce (la société Luce), qui exploite trois agences, un contrat de concession d'une durée d'un an renouvelable par tacite reconduction lui conférant dans le secteur concerné une exclusivité ; que la société Luce, ayant manifesté ultérieurement le projet d'acquérir quatre autres agences en dehors de ce secteur, a demandé à la société Havas d'étudier la possibilité de franchiser ces nouveaux points de vente ; que par courrier du 13 avril 2001, la société Havas a informé la société Luce qu'elle estimait ce projet contraire à l'engagement de non concurrence souscrit par cette dernière et considérait le contrat de concession rompu de son fait, sauf renonciation de sa part au rachat des nouvelles agences dans un délai de huit jours ; que, le 3 mai 2001, la société Havas a résilié le contrat de concession avec effet au 26 avril 2001 ; qu'invoquant la nullité de la clause de non-concurrence et le caractère abusif de la résiliation, la société Luce a assigné la société Havas en paiement de dommages-intérêts ; que cette dernière a demandé reconventionnellement le règlement de la clause pénale prévue au contrat ainsi que la restitution sous astreinte des documents publicitaires et commerciaux mis à disposition de la société Luce ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la société Luce fait grief à l'arrêt d'avoir décidé que la résiliation du contrat de concession exclusif du 25 février 1998, par la société Havas, est régulièrement intervenue et, en conséquence, d'avoir rejeté sa demande indemnitaire et de l'avoir condamnée à payer à la société Havas une somme de 18 293,88 euros à titre de clause pénale, alors selon le moyen :
1 / que c'est à la date à laquelle le contrat est résilié, en application ou non d'une clause résolutoire, qu'il convient de constater le manquement du débiteur à ses obligations ; qu'après avoir relevé, d'une part, qu'en application de l'article 10-2 du contrat de concession du 25 février 1998, le concessionnaire s'était uniquement interdit "de commercialiser, directement ou indirectement comme exploitant d'un fonds de commerce, gérant libre ou salarié, concessionnaire, associé, même comme associé commanditaire, dirigeant de société, directeur, gérant ou représentant, etc, toute autre marque, ou généralement participer directement ou indirectement à l'exploitation d'une entreprise, commercialisant les mêmes produits et services que ceux du concédant, ou des produits et services concurrents" et, d'autre part, que la résiliation avait été notifiée le 3 mai 2001 avec effet au 26 avril 2001 pour non-respect par le concessionnaire de cet engagement de fidélité et de non-concurrence résultant du rachat de quatre agences de voyages implantées hors de son territoire, la cour d'appel, qui a estimé que la société Havas était fondée à se prévaloir du manquement de la société Luce à cette obligation sans pourtant constater qu'à la date à laquelle le contrat avait été résilié, la société Luce avait effectivement acquis les quatre agences de voyages, n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 1134 et 1184 du code civil ;
2 / qu'en se bornant à relever que la société Luce ne pouvait soutenir n'avoir pas procédé au rachat des agences à la date de la résiliation dès lors que dans un courrier du 9 avril 2001, elle avait indiqué à la société Havas que "mes discussions avec le vendeur viennent d'aboutir à la signature d'un accord portant sur le rachat des agences de Saint-Lo, Granville, Coutances et Avranches", ce dont il ne résulte pas que la cession de ces agences au profit de la société Luce était effective à la date du 26 avril 2001, la cour d'appel s'est prononcée par voie de motifs inopérants au regard des dispositions des articles 1134 et 1184 du code civil ;
3 / qu'en relevant, d'une part, que la société Luce n'avait pas fait part à la société Havas, après avoir été informée de l'intention de celle-ci de résilier le contrat du 13 avril 2001, de la non-réalisation de l'achat des quatre agences et, d'autre part, que par courrier du 28 mai 2001, soit postérieurement à la résiliation, les matériaux mis à sa disposition dans le cadre de l'exécution du contrat de concession étaient récupérables, ce dont il ne résultait pas que la société Luce avait acquis les agences à la date de la résiliation, la cour d'appel, qui s'est prononcée par voie de motifs inopérants, n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 1134 et 1184 du code civil ;
Mais attendu que c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain que la cour d'appel a retenu d'abord que la société Luce avait indiqué par lettre du 9 avril 2001 avoir racheté les quatre agences en cause, ce dont il résultait qu'elle avait ainsi violé son obligation de non concurrence, et considéré ensuite que l'effectivité de cette acquisition à cette date était corroborée par les éléments qu'elle a relevés ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Et sur le second moyen :
Attendu que la société Luce fait encore grief à l'arrêt de l'avoir condamnée à payer à la société Havas une somme de 5 776 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant d'infraction à l'article 13 du contrat de concession, alors, selon le moyen :
1 / que la mise en demeure ne résulte que d'une interpellation suffisante du débiteur ; que dans son courrier du 3 mai 2001, valant notification de la rupture du contrat de concession à compter du 26 avril 2001, la société Havas avait simplement indiqué à la société Luce "comme suite à cette résiliation, nous vous rappelons vos obligations telles que celles-ci sont prévues par l'article 13 du contrat résilié" ; qu'en estimant que ce courrier du 3 mai 2001 valait mise en demeure de restituer le panonceau, le matériel publicitaire ou autres et les documents remis par le concédant, conformément à l'article 13 du contrat de concession du 25 février 1998, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de ce courrier, en violation de l'article 1134 du code civil ;
2 / que dans ses conclusions régulièrement déposées et signifiées le 11 juin 2003, la société Luce avait expressément fait valoir qu'elle ne pouvait être condamnée à payer des dommages et intérêts à la société Havas pour non-respect des stipulations de l'article 13 du contrat de concession dès lors que cette société lui avait indiqué, dans un courrier du 1er juin 2001, qu'elle se rapprocherait d'elle pour convenir des modalités de restitution et qu'elle attendait toujours que M. Bernard X... se rapproche effectivement d'elle pour convenir desdites modalités ; qu'en s'abstenant de répondre à ces écritures, desquelles il ressortait pourtant qu'aucun manquement aux obligations résultant de l'article 13 du contrat de concession n'était imputable à la société Luce, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article 455 du nouveau code de procédure civile ;
Mais attendu, d'une part, que, sous couvert d'un grief de dénaturation, le moyen ne tend dans sa première branche qu'à remettre en cause devant la Cour de cassation l'appréciation souveraine des juges du fond ;
Attendu, d'autre part, que la cour d'appel, qui a condamné la société Luce à des dommages-intérêts pour n'avoir pas déposé immédiatement les enseignes, n'avait pas à répondre à des conclusions, comme telles inopérantes, visant une lettre relative aux seules modalités de restitution desdites enseignes ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société JP Luce aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau code de procédure civile, la condamne à payer à la société Havas voyages la somme de 2 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du seize janvier deux mille sept.