AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 13 avril 2004), que la société anglaise Dreamhouse Ltd (la société) a, acquis en 1996, sur le territoire français, une maison et un garage sous le bénéfice du taux réduit des droits d'enregistrement prévu aux articles 710 et 711 du code général des impôts en prenant les engagements d'affectation requis ; qu'à l'occasion d'une vérification de comptabilité de la société, l'administration fiscale a recueilli des renseignements qui l'ont conduite à considérer que la direction effective de la société était en Suisse, pays n'ayant pas, à l'époque concernée, conclu de convention d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l'évasion fiscale, et, en conséquence, à remettre en cause le taux réduit des droits d'enregistrement perçus lors de l'acquisition de la maison ainsi que l'exonération de la taxe sur la valeur vénale des immeubles possédés en France par des personnes morales ; qu'après avoir vainement contesté les redressements correspondants auprès de l'administration, la société a saisi le tribunal qui a accueilli sa demande en décharge des impositions en résultant ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la société fait grief à l'arrêt d'avoir réformé le jugement et rejeté sa demande, alors, selon le moyen, que les conditions d'octroi auxquelles étaient subordonnées les mutations pour bénéficier du taux réduit prévu aux articles 710 et 711 du code général des impôts sont réputées définitivement satisfaites à compter du 1er janvier 1999 aux termes de l'instruction 7-A-199 du 1er juin 1999 ; que la territorialité du siège social de la société bénéficiaire faisant partie des conditions d'octroi, par voie de conséquence la remise en question du bénéfice du taux réduit n'était plus possible ; qu'en estimant le contraire la cour d'appel a violé l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales et l'instruction précitée ;
Mais attendu que l'instruction invoquée, qui s'attache aux conditions d'octroi du régime de faveur, dont le non-respect était susceptible d'entraîner la déchéance de celui-ci, ne concerne pas les dispositions de l'article 711 A du code général des impôts, qui délimitent le champ d'application des dispositions des articles 710 et 711 du même code pour les personnes morales ; que le moyen n'est pas fondé ;
Et, sur le second moyen :
Attendu que la société fait le même grief à l'arrêt, alors, selon le moyen :
1 / que la taxe de 3 %, aux termes de l'article 990 E 2 n'est pas applicable aux personnes morales qui ont leur siège dans un pays ou territoire ayant conclu avec la France une convention d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l'évasion fiscales ; que ce texte faisant exclusivement référence au siège statutaire de la société, et non au siège de direction effectif, s'applique à la société dont le siège est situé au Royaume-Uni, pays qui a conclu avec la France une convention d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l'évasion fiscales ; que ce régime d'exonération est exclusif de celui prévu à l'article 990 E 3 ; qu'en affirmant le contraire la cour d'appel a violé les articles 990 E 2 et 3 du code général des impôts, l'instruction du 22 octobre 1993 (7-Q-3-93) et L. 80 A du livre des procédures fiscales ;
2 / que selon l'article 990 E 3 du code général des impôts, sont exonérées de la taxe de 3 % les personnes morales qui en vertu d'un traité international doivent bénéficier du même traitement que les personnes morales ayant leur siège en France ; que tel est le cas en l'espèce, dès lors que le Royaume-Uni et la France ont signé une convention en date du 22 mai 1968 prévoyant une clause d'égalité de traitement, et la France et la Suisse ont prévu une clause identique dans leur convention du 9 septembre 1966 ; que dès lors, étant constant que les obligations déclaratives ont été effectuées, et que lors d'un contrôle postérieur, l'administration a notifié une absence de redressement à la société, la cour d'appel n'a pu statuer comme elle l'a fait sans violer l'article 990 E 3 du code général des impôts ;
3 / qu'aux termes de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales, il ne peut être procédé à aucun rehaussement lorsque l'administration fiscale a formellement pris position sur l'appréciation d'une situation de fait au regard d'un texte fiscal ; qu'en l'espèce, il résulte des propres constatations de l'arrêt attaqué, que l'administration avait notifié le 12 septembre 2002 à la société un avis d'absence de redressement au titre de la taxe de 3 %, ce dont elle s'était prévalu en faisant valoir que par cette notification l'administration avait reconnu elle-même que la taxe de 3 % n'était pas due ; qu'en énonçant que l'absence de redressement après contrôle sur les années postérieures au redressement litigieux ne constitue pas au sens de l'article 80 du livre des procédures fiscales une "prise de position formelle de l'administration" qui lui soit opposable, a fortiori avec effet rétroactif, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Mais attendu, d'une part, que si les tiers peuvent se prévaloir du siège statutaire de la société, celui-ci ne leur est pas opposable par la société si son siège réel est situé en un autre lieu ; que dès lors en retenant souverainement que l'administration rapportait la preuve que le siège de direction effective de la société était situé en Suisse, pays, qui n'avait pas conclu avec la France une convention d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l'évasion fiscales, la cour d'appel a pu statuer comme elle a fait ;
Attendu, d'autre part, que la cour d'appel, qui a rappelé que la société Dreamhouse Limited était une société anglaise se présentant "comme immatriculée en Angleterre et ayant son siège social à Londres", mais a retenu que son siège de direction effective était en Suisse, ce dont il se déduit que cette société n'était pas résidente du pays dont elle avait la nationalité, n'a pas méconnu les dispositions de l'article 990 E 3 du code général des impôts dès lors que les conventions invoquées nécessitaient pour être applicables que la société ait la nationalité du pays dont elle était résidente ;
Attendu, enfin, que la cour d'appel a retenu, à bon droit, que l'absence de redressement après contrôle de la taxe sur la valeur vénale des immeubles possédés en France par des personnes morales sur les années postérieures au redressement litigieux ne constitue pas une prise de position formelle de l'administration qui lui soit opposable avec effet rétroactif pour faire obstacle à un redressement antérieur ;
Qu'il s'ensuit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Dreamhouse Ltd aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau code de procédure civile, rejette sa demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du douze décembre deux mille six.