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05/12/2006 | FRANCE | N°06-81968

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 05 décembre 2006, 06-81968


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le cinq décembre deux mille six, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller référendaire DELBANO, les observations de la société civile professionnelle GASCHIGNARD, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général DI GUARDIA ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- LA COMPAGNIE ASSURANCES DU CREDIT MUTUEL, partie intervenante,

contre l'arrêt de la cour d'appel de LYON, chambre spéciale des mi

neurs, en date du 14 février 2006, qui, dans la procédure suivie contre Rafik X..., du ch...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le cinq décembre deux mille six, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller référendaire DELBANO, les observations de la société civile professionnelle GASCHIGNARD, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général DI GUARDIA ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- LA COMPAGNIE ASSURANCES DU CREDIT MUTUEL, partie intervenante,

contre l'arrêt de la cour d'appel de LYON, chambre spéciale des mineurs, en date du 14 février 2006, qui, dans la procédure suivie contre Rafik X..., du chef de blessures involontaires, a prononcé sur les intérêts civils ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 1134 du code civil, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motif et manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a condamné la société Assurances du Crédit mutuel à relever et garantir Cherif et Farida X... des condamnations prononcées contre eux, ès qualités de civilement responsables des agissements de leur fils Rafik, à l'occasion de l'accident qu'il a provoqué le 27 novembre 2002 ;

"aux motifs qu'il résulte de l'article " 21.4 exclusions " des conditions générales de la police d'assurance produite que ne sont pas pris en charge par l'assurance, les dommages causés par les véhicules mais que " toutefois la garantie reste acquise : (en l'espèce aux parents assurés) en cas de dommages causés par un enfant mineur dont vous seriez reconnu civilement responsables et qui conduit à votre insu un véhicule terrestre à moteur dont vous n'êtes ni propriétaire, ni gardien, personnellement à vos enfants mineurs (et donc en l'espèce à Rafik) utilisant un véhicule terrestre à moteur dans les mêmes conditions qu'à l'alinéa précédent, mais sous réserve en outre que cette utilisation ait été faite à l'insu du propriétaire ou du gardien dudit véhicule " ; qu'il n'est pas discuté que Rafik X... était mineur au moment des faits, que ses parents en sont bien civilement responsables, qu'il conduisait bien un véhicule terrestre à moteur, que les parents assurés n'en étaient ni propriétaires ni gardiens ; qu'il résulte du simple constat de ces circonstances qu'au titre du premier paragraphe ci-dessus cité du texte de la police d'assurance, la garantie du Crédit mutuel est acquise aux parents assurés, ès qualités de civilement responsables ; qu'importe peu dès lors que la garantie puisse se trouvée exclue à l'égard de Rafik qui, mineur au moment des faits, était le seul utilisateur et gardien du véhicule terrestre non assuré, et ce à l'insu de ses parents ; qu'importe peu aussi dès lors que Rafik ait ou non été propriétaire du véhicule ;

"alors que le juge pénal ne peut, lorsque les termes du contrat d'assurance sont clairs et précis , dénaturer les obligations qui en résultent, ni modifier les stipulations qu'il renferme ; que l'article 21.4 du contrat d'assurance habitation intitulé " Exclusions " stipule certes que la garantie reste acquise en cas de dommages causés par un enfant mineur et qui conduit un véhicule à l'insu de l'assuré, civilement responsable, mais en précisant expressément, s'agissant aussi bien de la garantie due à l'assuré que de celle due à son enfant, que ce dernier " ne doit pas avoir la propriété ou la garde du véhicule" ; qu'en décidant que la garantie de la société Assurances du Crédit mutuel était acquise à Cherif et Farida X..., en leur qualité de civilement responsables de Rafik X... " peu important " que celui-ci ait eu la qualité de propriétaire du véhicule litigieux, qui n'était pas assuré, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis du contrat d'assurance et exposé sa décision à la censure de la Cour de cassation" ;

Vu les articles 1134 du code civil et 593 du code de procédure pénale ;

Attendu que le juge pénal, saisi d'une exception présentée par l'assureur en application de l'article 385-1 du code de procédure pénale, ne peut, lorsque les termes du contrat d'assurance sont clairs et précis, dénaturer les obligations qui en résultent, ni modifier les stipulations qu'il renferme ;

Attendu qu'il ressort de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que, le 27 novembre 2002, une automobile achetée deux jours auparavant par Rafik X..., âgé de 16 ans, et conduite par lui, a été impliquée dans un accident de la circulation au cours duquel Ahlem Y... a été blessée ;

Attendu que, dans la procédure suivie contre Rafik X..., reconnu coupable de blessures involontaires, la compagnie Assurances du Crédit mutuel (ACM), assureur de responsabilité civile des parents du premier, est intervenue pour dénier sa garantie, quant aux dommages corporels subis par la victime, en invoquant la clause d'exclusion de responsabilité prévue par l'article 21-4 du contrat d'assurance ;

Attendu que, pour rejeter cette exception, l'arrêt infirmatif prononce par les motifs repris au moyen ;

Mais attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'il résulte des termes mêmes de l'article 21-4, dernier paragraphe, du contrat d'assurance, régulièrement produit devant la Cour de cassation, que les garanties qui restent acquises au représentant légal, civilement responsable de l'enfant mineur qui conduit à l'insu de ses parents un véhicule terrestre à moteur dont ces derniers ne sont ni propriétaires ni gardiens, sont exclues si l'enfant a la propriété ou la garde du véhicule, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus rappelé ;

D'où il suit que la cassation est encourue ;

Par ces motifs :

CASSE et ANNULE, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Lyon, en date du 14 février 2006, en ses seules dispositions ayant condamné la compagnie Assurances du Crédit mutuel à relever et garantir les époux X... des condamnations prononcées contre eux, toutes autres dispositions étant expressément maintenues, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi,

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Grenoble, chambre spéciale des mineurs, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Lyon et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Farge conseiller le plus ancien, faisant fonctions de président en remplacement du président empêché, M. Delbano conseiller rapporteur, MM. Blondet, Palisse, Le Corroller, Castagnède, Mme Radenne conseillers de la chambre, Mme Guihal, M. Chaumont conseillers référendaires ;

Avocat général : M. Di Guardia ;

Greffier de chambre : Mme Daudé ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 06-81968
Date de la décision : 05/12/2006
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

ASSURANCE - Action civile - Intervention ou mise en cause de l'assureur - Juridictions pénales - Compétence - Contrat - Interprétation.

Le juge pénal, saisi d'une exception présentée en application de l'article 385-1 du code de procédure pénale, ne peut lorsque les termes du contrat d'assurance sont clairs et précis, dénaturer les obligations qui en résultent, ni modifier les stipulations qu'il renferme. Encourt, dès lors, la cassation l'arrêt qui condamne l'assureur du père d'un mineur, civilement responsable, à le garantir des condamnations prononcées contre son fils, déclaré coupable de blessures involontaires, alors qu'il résulte des termes mêmes dudit contrat que les garanties qui restent acquises au représentant légal, civilement responsable de l'enfant mineur qui conduit à l'insu de ses parents un véhicule terrestre à moteur dont ces derniers ne sont ni propriétaires ni gardiens, sont exclues si l'enfant a la propriété ou la garde du véhicule.


Références :

Code civil 1134
Code de procédure 385-1, 593

Décision attaquée : Cour d'appel de Lyon, 14 février 2006

A rapprocher : Chambre criminelle, 1997-09-24, Bulletin criminel 1997, n° 309, p. 1034 (cassation partielle)

arrêt cité


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 05 déc. 2006, pourvoi n°06-81968, Bull. crim. criminel 2006 N° 304 p. 1095
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 2006 N° 304 p. 1095

Composition du Tribunal
Président : M. Farge, conseiller le plus ancien faisant fonction.
Avocat général : M. Di Guardia.
Rapporteur ?: M. Delbano.
Avocat(s) : SCP Gaschignard.

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2006:06.81968
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