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05/12/2006 | FRANCE | N°05-44369

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 05 décembre 2006, 05-44369


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Vu leur connexité, joint les pourvois n° F 05-44.369 et Y 05-44.707 ;

Attendu qu'en application d'accords conclus les 23 octobre et 13 décembre 1990 avec des syndicats de pilotes représentatifs, la société Air France a mis en place une formation "ab initio" au métier de pilote d'une durée de 24 mois, assurée à ses frais sous la forme de contrats de qualification ou de contrat équivalents ; que MM. X... et Y... ont conclu à cette fin avec la société Air France des contr

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AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Vu leur connexité, joint les pourvois n° F 05-44.369 et Y 05-44.707 ;

Attendu qu'en application d'accords conclus les 23 octobre et 13 décembre 1990 avec des syndicats de pilotes représentatifs, la société Air France a mis en place une formation "ab initio" au métier de pilote d'une durée de 24 mois, assurée à ses frais sous la forme de contrats de qualification ou de contrat équivalents ; que MM. X... et Y... ont conclu à cette fin avec la société Air France des contrats de formation par lesquels ils prenaient l'engagement de servir celle-ci pendant cinq années après l'obtention de leur diplôme de pilote ; qu'à compter du 1er décembre 1992, la société Air France a décidé d'interrompre provisoirement cette formation ; qu'elle a ensuite conclu avec M. X..., le 23 juin 1993, et avec M. Y..., le 17 août 1993, des transactions par lesquelles elle s'engageait notamment à les inscrire sur une liste d'attente et à leur verser diverses indemnités, en contrepartie d'une renonciation à toutes actions ou indemnités en rapport avec la suspension des effets de la convention de formation ; que la formation des intéressés a été reprise le 17 février 1997 pour M. X... et le 12 janvier 1998 pour M. Y..., lesquels, à l'issue de cette formation, ont été intégrés en tant que pilotes au personnel naviguant technique, respectivement le 1er avril 1998 et le 9 mars 1999 ; que MM. X... et Y... ont saisi le juge prud'homal de demandes tendant au paiement de dommages-intérêts et de primes ;

Sur le premier moyen du pourvoi de la société Air France :

Attendu que la société Air France fait grief à l'arrêt attaqué (Paris, 30 juin 2005) d'avoir déclaré MM. X... et Y... recevables en leurs demandes en paiement de dommages-intérêts au titre de l'inobservation de l'accord du 13 décembre 1990 alors, selon le moyen :

1 / que la renonciation à un droit est valable même sans contrepartie ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé par fausse application l'article 1131 du code civil ;

2 / que pour dénier toute portée à la renonciation des deux anciens stagiaires, la cour d'appel s'est bornée à affirmer, sans en justifier, que celle-ci avait constitué une menace sur leur recrutement affectant leur consentement ; qu'en se déterminant ainsi par une pure affirmation qui ne met pas la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard tant des articles 1109 et 1134 que de l'article 122 du nouveau code de procédure civile ;

Mais attendu qu'abstraction faite du motif surabondant critiqué par la première branche du moyen, la cour d'appel a estimé, par une décision motivée, que, compte tenu des circonstances dans lesquelles les contrats d'engagement avaient été conclus et du risque de restitution des frais de formation qui pesait sur les salariés en cas de refus des conditions d'engagement définies par l'employeur, leur consentement à la clause emportant renonciation à tous droits et actions n'avait pas été libre ; qu'elle en a exactement déduit que cette clause ne pouvait leur être opposée ;

Que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le second moyen du pourvoi de la société Air France :

Attendu que la société Air France fait encore grief à l'arrêt de l'avoir condamnée au paiement de dommages-intérêts, en réparation d'un préjudice causé par le non respect de l'accord du 13 décembre 1990, alors, selon le moyen :

1 / que les principes d'action de la formation "ab initio" étaient précisés aux points 5.1 et 5.8 du protocole d'accord du 23 octobre 1990 ; que le point 5.8, dans lequel il était indiqué que "la direction a entamé dès maintenant une réflexion sur les structures de formation ab initio" figurait en page 3 de ce document ; que dès lors, en affirmant qu'il n'était question de la formation ab initio qu'en page 2 du protocole du 23 octobre 1990, pour considérer que ne relevait pas de celle-ci le protocole d'accord du 13 décembre 1990, en tête duquel il était mentionné qu'il était conclu "conformément aux termes de la page 3 du protocole d'accord en date du 23 octobre 1990", la cour d'appel a dénaturé les termes de l'accord du 23 octobre 1990 et par voie de conséquence la portée de celui du 13 décembre 1990 ;

2 / qu'il est constant que la formation des pilotes de la société Air France comprend successivement une formation aéronautique "de base" jusqu'à l'obtention de la licence de pilote professionnelle qui peut être acquise en dehors de l'entreprise, puis une formation dite "initiale", spécifique au pilotage des avions de cette société et à ses règles internes de vol ; que la formation "ab initio" correspond donc à un cursus qui, assuré depuis le commencement par la société Air France, inclut la formation aéronautique "de base" mais ne se réduit pas à elle et comprend également la formation "ab initio" visée par l'accord du 23 octobre 1990 ; que cependant, pour opposer la formation "ab initio" visée dans l'accord du 23 octobre 1990 à l'engagement sur les contrats de qualification visés dans celui du 13 décembre suivant, et en déduire que ce dernier n'avait pas été conclu pour un objet précis, à savoir l'opération "ab initio", la cour d'appel a implicitement mais nécessairement considéré que la qualification ne relevait pas de la formation "ab initio", autrement dit, que celle-ci était limitée à une première phase de formation ; qu'en se déterminant de la sorte, elle a dénaturé les termes du litige et violé derechef l'article 1134 du code civil, ensemble l'article 4 du nouveau code de procédure civile ;

3 / qu'à tout le moins, en retenant que l'accord du 13 décembre 1990, parce qu'il portait sur les contrats de qualification, ne concernait pas la formation "ab initio", en la considération ambigüe que celle-ci "menait d'une phase théorique et pratique à la pré-qualification, la qualification, l'adaptation en ligne puis au lâcher en ligne constituant le point de départ de l'ancienneté acquise en qualité de PNT", sans avoir déterminé précisément lesquelles de ces phases de formation faisaient partie intégrante de la formation "ab initio", la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 du code civil et L. 132-6 du code du travail ;

4 / que, la durée d'un accord d'entreprise pouvant être définie par son objet, l'accord du 23 octobre 1990 et celui du 13 décembre 1990 ont eu la même durée dès lors qu'il résulte des énonciations du premier que cet accord ne s'est pas borné à mentionner l'effort de formation "ab initio" mais en a défini les principes et renvoyé en son point 5.8 à une réflexion sur les structures de cette formation avec les organisations professionnelles début décembre 1990, et que tel a précisément été l'objet du second ; qu'en décidant au contraire que l'accord d'entreprise du 13 décembre 1990 était à durée indéterminée et était demeuré applicable au-delà de la cessation de la formation "ab initio" intervenue en 1992, la cour d'appel a violé les articles 1134 du code civil et L. 132-6 du code du travail ;

5 / qu'en l'absence de clause contraire, les accords collectifs relatifs à la formation des salariés sont présumés conformes aux projets soumis l'année précédente au comité d'entreprise en application des articles L. 432-3, L. 435-2 et L. 934-4 du code du travail ; qu'en l'espèce, l'article 6 de l'accord du 13 décembre 1990 précise que les parties "admettent que le comité d'établissement de Vilgenis ayant donné son accord sur l'engagement du processus des contrats de qualification, en sa séance du 30 novembre 1989, il ne s'avère pas indispensable de le saisir à nouveau d'un tel projet de délibération" ; qu'il en résultait que l'accord du 13 décembre 1990 avait eu pour objet de définir les conditions dans lesquelles la société Air France pourrait avoir recours à des contrats de qualification dans le cadre de son plan de recrutement et de formation "ab initio" pour la période 1989-1993, tel qu'il avait été soumis au comité d'établissement ; qu'en affirmant au contraire que la durée de cet accord ne pouvait être déduite de la consultation de cet organisme, sans expliquer pourquoi, ni davantage préciser en quoi le dossier transmis à celui-ci aurait été incomplet, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau code de procédure civile ;

Mais attendu que la cour d'appel, qui a exactement relevé que l'accord du 13 décembre 1990 n'avait pas été conclu pour une durée déterminée et que la formation qu'il organisait, dispensée à MM. X... et Y..., avait été suspendue par décision de la société Air France, à partir du 1er décembre 1992, pour être ensuite poursuivie en 1997 et 1998, a par ces seuls motifs légalement justifié sa décision, en retenant que les conditions de rémunération prévues dans cet accord s'appliquaient pendant toute la période de formation de ces deux stagiaires ;

Sur le premier moyen du pourvoi de M. Y... :

Attendu que M. Y... fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande tendant à faire remonter son ancienneté administrative au mois de janvier 1994 et à obtenir à ce titre paiement de dommages-intérêts, pour des motifs qui sont pris de la violation des articles 1134, 1147 et 2044 du code civil et d'un défaut de base légale au regard des articles 1134 et 2204 de ce code ;

Mais attendu que la cour d'appel, appréciant souverainement les éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, a retenu que M. Y... n'avait subi aucun retard dans sa formation, au regard des délais prévus par l'article 3 de la transaction ; qu'elle a, par ce seul motif, légalement justifié sa décision ;

Sur le second moyen du pourvoi de M. Y... :

Attendu que M. Y... fait également grief à l'arrêt de l'avoir débouté d'une demande en paiement de primes dues au titre d'un stage de qualification, pour des motifs qui sont pris d'une violation du règlement n° 3 du personnel navigant technique et de l'article 1134 du code civil ;

Mais attendu, d'abord, que, d'une part, selon les points 3.1.1 et 3.2 du titre "rémunération" du règlement du personnel navigant technique de la société Air France, les primes de vol sont versées aux officiers navigants en position d'activité, c'est-à-dire, selon l'annexe 1 du titre "conditions de travail" de ce règlement, à ceux qui assurent une tâche à la demande de la compagnie ; que, d'autre part, aux termes du point 4.1.1 du titre "rémunération", il y a immobilisation sur ordre, ne donnant droit, en vertu du point 4.1.2, qu'au versement d'une prime d'immobilisation sur ordre, en cas de stage de qualification ou de perfectionnement ; que, dès lors, la cour d'appel, qui a constaté que le salarié s'était trouvé en stage de qualification pendant la totalité de la durée constatée, en sorte qu'il n'assurait aucune tâche au sens du règlement, a pu décider qu'il ne pouvait prétendre, quelle que soit la phase de ce stage, au paiement d'une prime correspondant à une position qui n'était pas la sienne ;

Attendu ensuite, qu'aux termes du point 4.1.2 du titre "rémunération" du règlement précité, la prime d'immobilisation sur ordre est calculée mensuellement sur la base de la prime de vol effective de l'officier navigant ; que, dès lors qu'il résultait de ses constatations que le salarié, qui se trouvait, pour la période considérée, en position d'immobilisation sur ordre, n'avait auparavant accompli aucune tâche effective de commandant de bord sur un appareil A 340, la cour d'appel a pu décider qu'il ne pouvait prétendre au paiement d'une prime liée au vol sur ce type d'appareil ;

Que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois ;

Condamne la société Air France aux dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau code de procédure civile, condamne la société Air France à payer à MM. Y... et X... la somme globale de 2 500 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du cinq décembre deux mille six.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 05-44369
Date de la décision : 05/12/2006
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris (18e chambre, section C), 30 juin 2005


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 05 déc. 2006, pourvoi n°05-44369


Composition du Tribunal
Président : Président : M. SARGOS

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2006:05.44369
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