AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique pris en ses trois branches :
Attendu que la société Deher frères a chargé la société allemande Regine Hans und Kaus Heinrich KG du transport d'une vedette à passagers de Toulon à Pointe-à-Pitre selon contrat de réservation ou "booking note" du 31 mars 1999 et connaissement du 21 avril 1999 ; que des dommages ayant été causés à la coque de la vedette pendant les opérations d'embarquement, la société Groupama transports, subrogée dans les droits du destinataire, a attrait devant le tribunal de commerce le transporteur qui a invoqué une clause donnant compétence à la chambre arbitrale de Hambourg ;
Attendu que la société Groupama Transports fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué (Basse-Terre, 18 avril 2005) d'avoir déclaré la juridiction étatique incompétente et d'avoir renvoyé les parties à mieux se pourvoir, alors, selon le moyen :
1 / que la cour d'appel retient qu'il résulterait de la télécopie transmise le 31 mars 1999 par la société Setaf Saget (courtier) à la société Chantiers navals de Rovère (constructeur de la vedette Miss Guadeloupe endommagée lors du chargement) que la société Deher frères, propriétaire de la vedette, aurait eu connaissance dès le 31 mars 1999 de la "booking note" et en particulier de la clause de juridiction (sic) numéro 35 litigieuse alors même que ladite télécopie ne fait référence ni aux conditions particulières, ni ne mentionne expressément la clause 35 des conditions particulières qui stipulait la clause litigieuse ;
qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a dénaturé ledit courrier et violé l'article 1134 du code civil ;
2 / que la clause compromissoire par référence écrite à un document qui la contient, comme des conditions générales ou particulières et à un défaut de mention dans le document principal, n'est opposable au cocontractant ou à l'assureur qui lui est subrogé que si ce cocontractant subrogeant a pu avoir connaissance de la teneur de ce document au moment de la conclusion du contrat et en a accepté l'incorporation ; qu'en n'établissant pas la connaissance par la société Deher frères, à laquelle Groupama transports est subrogée, des conditions particulières dans lesquelles se trouvait la clause compromissoire, la cour d'appel a violé ensemble l'article 2 de la Convention de New York du 10 juin 1958, l'article 1492 du nouveau code de procédure civile et l'article 1134 du code civil ;
3 / que la clause compromissoire par référence écrite à un document qui la contient, comme des conditions générales ou particulières et à défaut de mention dans le document principal, n'est opposable au cocontractant ou à l'assureur qui lui est subrogé que si ce cocontractant subrogeant a pu avoir connaissance de la teneur de ce document au moment de la conclusion du contrat et en a accepté l'incorporation ; qu'en décidant que la société Deher frères aux droits de laquelle vient la société Groupama transports, subrogée, avait nécessairement eu connaissance des conditions particulières dans lesquelles figuraient la clause compromissoire aux motifs qu'il serait inconcevable qu'en l'absence de toute autre convention que la booking note la vedette ait pu être chargée à bord du navire du transport, la cour d'appel s'est prononcée par motifs hypothétiques et a manqué de base légale au regard ensemble de l'article 2 de la Convention de New York du 10 juin 1958, de l'article 1492 du nouveau code de procédure civile et de l'article 1134 du code civil ;
Mais attendu que la Convention de New York du 10 juin 1958 réserve l'application d'un droit interne plus favorable pour la reconnaissance de la validité de la convention d'arbitrage, ce qui est le cas du droit français ; que, selon ce droit, la combinaison des principes de validité de la clause d'arbitrage international et de compétence- compétence interdit au juge étatique de statuer sur l'existence, la validité et l'étendue de la clause d'arbitrage avant que l'arbitre ne se soit prononcé sur ce point, sauf nullité ou inapplicabilité manifeste de la clause ; que l'arrêt retient, par motifs propres et adoptés, contrairement aux prétentions de l'assureur selon lequel le contrat contenant la clause compromissoire n'avait été communiqué au destinataire que le 26 avril 1999, d'abord, que, selon les pièces produites, la vedette a été présentée par le chargeur le 21 avril 1999 en application d'une note de réservation établie dès le 31 mars 1999 à Amsterdam, soit vingt jours avant le transport, et dont les termes ont été confirmés le 2 avril 1999 au destinataire, ensuite, que le chargement a été opéré sur la base de cette note, constituant l'accord de volonté des parties, sans que la moindre réserve ait été émise entre le 31 mars et le 21 avril 1999 ; que la cour d'appel a pu en déduire que le destinataire avait eu connaissance de la convention d'arbitrage et qu'elle n'était pas compétente pour connaître du litige ;
D'où il suit que le moyen, qui s'attaque à des motifs surabondants dans ses première et troisième branches, n'est pas fondé dans la deuxième ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Groupama transports aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau code de procédure civile, condamne la société Groupama transports à payer à la société MS Regine Hans und Klaus Heinrich KG la somme de 2 000 euros ; rejette la demande de la société Groupama transport ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un novembre deux mille six.