AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Donne acte au directeur général des impôts de sa renonciation au droit supplémentaire notifié en application des dispositions de l'article 1840 G quater du code général des impôts abrogé ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 9 octobre 2003), que M. X... de Y... a acquis le 30 octobre 1989 un appartement situé à Boulogne-Billancourt pour lequel il a opté pour le paiement de droits d'enregistrement au taux réduit, après avoir pris "l'engagement de ne pas affecter à un usage autre que l'habitation pendant une durée minimale de trois ans à compter de ce jour, le bien acquis", conformément à l'article 710 du code général des impôts ; qu'ayant constaté que M. X... de Y... exerçait une activité commerciale de loueur en meublé, un redressement prononçant la déchéance du régime de faveur de l'article 710 du code général des impôts lui a été notifié le 25 août 1997 ; qu'il a ainsi été rappelé les droits d'enregistrement au taux de droit commun (15,40 %), ainsi qu'un droit supplémentaire de 6 % au titre de l'article 1840 G quater du code général des impôts ; que ces compléments d'imposition ont fait l'objet d'un avis de mise en recouvrement de 31 janvier 2000 ; qu'après le rejet d'une réclamation contentieuse, M. X... de Y... a assigné le directeur général des impôts afin que soit annulé l'avis de mise en recouvrement ;
Sur le moyen unique pris en ses deuxième, troisième, quatrième et cinquième branches :
Attendu que M. X... de Y... fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté ses demandes, alors selon le moyen :
1 / que l'article 39 4 de la loi n 98-1266 du 30 décembre 1998, loi de finances pour 1999, s'est borné à énoncer que "les articles 694, 697, 701 à 704, 709 à 711 A, 713, 1584 bis, 1594 C, 1594 F bis, 1599 sexies, 1599 septies, 1599 septies A et 1840 G quater sont abrogés" ; que pour sa part, l'article 1840 G quater énonçait "Lorsque l'engagement prévu soit à l'article 710, soit à l'article 711 n'est pas respecté, l'acquéreur est tenu d'acquitter, à première réquisition, le complément d'imposition dont il avait été dispensé et, en outre, un droit supplémentaire de 6 p.100" ; qu'enfin l'instruction n° 7A-1-99 du 9 juin 1999 prise pour l'application de la loi de finances précitée, doctrine expressément invoquée, prévoit que "les conditions d'octroi auxquelles ont été subordonnées les mutations constatées avant le 1er janvier 1999 pour bénéficier du droit réduit prévu aux articles 703, 710, 711 et 1594 F-I du code général des impôts sont réputées définitivement satisfaites à compter du 1er janvier 1999" ; qu'en se référant, pour statuer comme elle l'a fait, à "la présomption posée relativement à l'abrogation de l'article 710 " qui, selon l'arrêt attaqué, ne pourrait "concerner que des situations non établies au 1er janvier 1999", la cour d'appel a donc ajouté une condition d'application nouvelle aux textes précités quelle a donc violés, avec l'article 2 du code civil ;
2 / que le principe d'application immédiate des textes de procédure contentieuse, notamment en matière fiscale, cesse de s'appliquer lorsque les règles de droit nouvelles touchent en réalité au fond du droit, à l'instar des règles relatives à la charge de la preuve ;
qu'en faisant présumer la satisfaction définitive des conditions d'octroi auxquelles ont été subordonnées les mutations constatées avant le 1er janvier 1999 pour bénéficier du régime de faveur prévu à l'article 710 du code général des impôts, l'instruction n° 7A-1-99 du 9 juin 1999 prise pour l'application de la loi n° 98-1266 du 30 décembre 1998, loi de finances pour 1999, a eu pour effet de décharger le contribuable concerné de rapporter la preuve de ce que la condition suspensive tenant à l'engagement d'affectation de l'immeuble en cause prévu à l'article 710 du code général des impôts était réalisée et, le cas échéant, comme en l'espèce, que l'exigibilité des droits correspondants a été suffisamment révélée par l'acte présenté à la formalité au sens de l'article L. 180 du Livre des procédures fiscales ; que la suppression par la loi de finances précitée, tant de l'impôt institué par l'article 710 du code général des impôts que de celui prévu par l'article 1840 G quater du même code, qui ne peut donc être d'application immédiate, interdit nécessairement la reprise après le 1er janvier 1999 des impôts ayant leur fait générateur dans la rupture de l'engagement antérieure au 1er janvier 1999, comme en l'espèce ; qu'en décidant néanmoins du contraire et en statuant comme elle l'a fait,
confondant en outre et à tort les faits générateurs pourtant distincts des impôts institués par les articles 710 et 1840 G quater du code général des impôts, la cour d'appel a entaché sa décision d'une erreur de droit au regard de l'ensemble des textes précités, qu'elle a violés avec l'article 2 du code civil ;
3 / qu'en application du principe de l'autorisation annuelle de la perception des impôts, issu de l'article 4 de la loi organique du 2 janvier 1959, l'administration fiscale ne saurait disposer d'un quelconque droit acquis au paiement de la créance fiscale qu'elle invoque en l'absence de l'autorisation annuelle, donnée par la loi de finances, de percevoir l'impôt correspondant ; qu'en l'espèce, l'autorisation de percevoir l'impôt litigieux, savoir l'impôt de l'article 1840 G quater du code général des impôts instituant le complément d'imposition augmenté du droit supplémentaire de 6 %, seul en litige, a disparu le 1er janvier 1999 par l'effet de l'article 39 4 de la loi n° 98-1266 du 30 décembre 1998, loi de finances pour 1999, qui a abrogé purement et simplement, non seulement l'article 710 du code général des impôts, mais encore l'article 1840 G quater du code général des impôts ; qu'en se référant, pour statuer comme elle l'a fait, au prétendu "droit acquis" de l'administration fiscale sur la créance litigieuse alors même que l'autorisation de percevoir l'impôt correspondant était supprimé depuis le 1er janvier 1999, la cour d'appel a violé l'ensemble des textes précités, outre l'article 2 du code civil
4 / qu'en tout état de cause, l'administration fiscale ne saurait se prévaloir d'un quelconque droit acquis sur la créance fiscale qu'elle invoque dont le fait générateur, contesté comme en l'espèce aussi bien dans son existence que dans sa date, fait l'objet d'un litige non encore tranché par une décision juridictionnelle définitive ; qu'en décidant du contraire et en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a méconnu le principe de l'autorité de la chose jugée, violant ainsi l'article 1351 du nouveau code de procédure civile, et L. 256 du livre des procédures fiscales ;
Mais attendu que l'arrêt relève que l'abrogation de l'article 710 du code général des impôts ne concerne que des situations non établies au 1er janvier 1999 ; qu'il retient qu'en l'espèce, le fait générateur de la dette d'impôt est née au moment de l'acquisition du bien et qu'ainsi, la créance du Trésor résultant de l'acte de vente du 30 octobre 1989 emporte un droit acquis dont l'existence est certaine, la notification du redressement étant au surplus antérieure au 1er janvier 1999 ; que la cour d'appel a justement décidé, en application des textes alors en vigueur qui régissaient la situation de M. X... de Y... que ce dernier n'était dès lors pas fondé à réclamer le bénéfice de dispositions applicables postérieurement au 1er janvier 1999, l'article 1er de la loi du 30 décembre 1998 ne pouvant pas faire obstacle au recouvrement d'impositions établies antérieurement à la loi du 30 décembre 1998 lequel ne régit que les situations postérieures ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Et sur la première branche du moyen unique :
Attendu que M. X... de Y... fait le même grief à l'arrêt, alors, selon le moyen, que l'article 710 du code général des impôts disposait, avant son abrogation par l'article 39 4 de la loi n 98-1266 du 30 décembre 1998 que "sous réserve des dispositions de l'article 692 et de celles de l'article 1594 D, le taux de la taxe de publicité foncière ou du droit d'enregistrement est réduit à 2,60 % pour les acquisitions d'immeubles ou de fractions d'immeubles destinés à être affectés à l'habitation à la condition que l'acquéreur prenne l'engagement de ne pas les affecter à un autre usage pendant une durée minimale de trois ans à compter de la date de l'acte d'acquisition" et qu'à cet égard, les immeubles ou fractions d'immeubles destinés à une exploitation à caractère commercial ou professionnel ne sont pas considérés comme affectés à l'habitation" ; que dans cette perspective, il avait fait valoir dans ses conclusions d'appel, à juste titre, que la location en meublé étant un contrat civil, n'emportait pas par elle-même " exploitation à caractère commercial ou professionnel" de l'immeuble en cause, à l'instar de l'appartement situé ... à Boulogne-Billancourt ; qu'en énonçant que le redressement notifié le 25 août 1997 et à l'origine des impositions litigieuses serait fondé sur la "location en meublé du bien", la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations au regard des articles 710 et 1840 G quater du code général des impôts, ainsi que des articles 1714 à 1762 du code civil et 2 de la loi n 89-462 du 6 juillet 1989, qu'elle a violés ;
Mais attendu que le deuxième alinéa de l'article 710 du code général des impôts exclut du bénéfice résultant de l'alinéa précédent comme ne remplissant pas la condition d'affection à l'habitation, les immeubles ou fractions d'immeubles destinés à une exploitation à caractère commercial ou professionnel ; qu'en relevant que, dans sa réponse à l'administration fiscale, M. X... de Y... indiquait qu'il louait plusieurs locaux meublés dont celui de Boulogne, immeuble placé lors de l'acquisition sous le régime de faveur de l'article 710 du même code, la cour d'appel en a justement déduit que M. X... qui exerçait une activité commerciale de loueur en meublé, ne pouvait bénéficier des dispositions de cet article ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... de Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau code de procédure civile, condamne M. X... de Y... à payer à au directeur général des impôts la somme de 2 000 euros et rejette sa demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du trente et un octobre deux mille six.
LE CONSEILLER RAPPORTEUR LE PRESIDENT
LE GREFFIER DE CHAMBRE